PREMIÈRE
PARTIE
S'ILS NE DOIVENT PAS MASQUER LES SUCCÈS
DU
MODÈLE DE LA CONCESSION AUTOROUTIÈRE,
LES CONTRATS DES
CONCESSIONS HISTORIQUES
PRÉSENTENT DES DÉFAUTS MAJEURS
I. NON RÉVISÉS LORS DE LA PRIVATISATION DE 2006, LES CONTRATS DES CONCESSIONS HISTORIQUES SOUFFRENT DE PROFONDES LACUNES
A. DES CONTRATS FRAGILES QUI N'ÉTAIENT PAS PRÉVUS POUR RÉGIR DES RELATIONS JURIDIQUES ENTRE L'ÉTAT ET DES SOCIÉTÉS PRIVÉES
Les contrats de concession régissent l'environnement juridique qui préside à la vie des concessions et encadrent les relations entre l'État concédant et les sociétés concessionnaires. Aussi, leur contenu, leurs clauses, la façon dont ils sont rédigés, leur précision, le caractère plus ou moins équivoque de la formulation de leurs différents articles constituent-ils des éléments absolument déterminant s'agissant des rapports et de l'équilibre entre les parties à ces contrats. Leur importance se trouve même exacerbée par la durée extrêmement longue des concessions autoroutières.
Or, comme mentionné dans les développements supra, les contrats des concessions historiques sont très anciens. Conclus entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, ils n'ont pas été révisés au moment de l'ouverture du capital puis de la privatisation des sociétés d'autoroutes. Ce paramètre semble être la principale origine du déséquilibre souvent dénoncé entre l'État concédant et les sociétés concessionnaires.
Il s'explique par le fait que ces contrats avaient été rédigés dans un environnement très différent de celui qui a émergé depuis la privatisation de 2006. Destinés à rester exclusivement cantonnés au sein de la sphère publique, ils avaient vocation à formaliser les rapports entre l'État concédant et des sociétés concessionnaires à capitaux publics17(*). Leurs clauses et la façon dont ils avaient été rédigés n'avaient en aucun cas été envisagées à l'origine dans la perspective de régir de façon précise et équilibrée les relations juridiques entre d'un côté l'État, garant du patrimoine public que constitue le réseau autoroutier, et de l'autre des entités privées dont la vocation est de réaliser du profit.
Lors de leur audition par le rapporteur, les auteurs d'un rapport cosigné en 2021 par l'inspection générale des finances (IGF) et l'ancien conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)18(*) ont souligné le caractère « asymétrique » de ces contrats qui ont contribué à « désarmer » l'État face aux sociétés concessionnaires. À ce sujet, la commission d'enquête du Sénat précitée considérait quant à elle que « le concédant reste prisonnier de contrats très anciens, qui n'ont été aménagés tardivement qu'à la marge ». Il précisait que cette situation avait placé l'État dans une situation de faiblesse structurelle à l'endroit des sociétés concessionnaires dans la mesure où « l'arrivée d'actionnaires privés allait modifier le positionnement de l'État vis-à-vis des sociétés concessionnaires ». Devant cette même commission, M. Dominique de Villepin, premier ministre au moment de la privatisation, avait reconnu que « peut-être aurait-il fallu revoir alors le cahier des charges et les contrats eux-mêmes ».
* 17 Les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA).
* 18 Le modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes, IGF et CGEDD, février 2021.