LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : réaliser une première évaluation du protocole social 2023-2027 dès 2026 puis une évaluation indépendante, complète et approfondie à l'issue de sa période d'application, en 2028.

Recommandation n° 2 : instaurer un contrat d'objectifs et de performances pluriannuel de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans lequel elle s'engagerait sur des objectifs de performance de long terme.

Recommandation n °3 : créer immédiatement une commission élargie à toutes les composantes de l'État intéressées, au Parlement, aux organisations syndicales ainsi qu'à l'ensemble des acteurs du transport aérien qui aurait pour mission de se prononcer d'ici à la fin de l'année 2025 sur l'opportunité d'une réforme profonde de la gouvernance de l'aviation civile en France qui viserait à rendre, d'ici à la fin de la décennie, la DSNA structurellement et juridiquement indépendante de l'actuelle DGAC.

PREMIÈRE PARTIE
LES PROTOCOLES SOCIAUX À LA DGAC : UNE PRATIQUE COÛTEUSE POUR UN BILAN DISCUTABLE

I. UNE POLITIQUE TRÈS ANCRÉE DANS LA CULTURE DE LA DGAC

A. UN MODÈLE ATYPIQUE NÉ À LA FIN DES ANNÉES 1980

1. Une pratique révélatrice de la forte autonomie dont dispose la DGAC

Depuis la fin des années 1980, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) se livre de façon régulière à un exercice de dialogue social atypique au sein de la fonction publique : la négociation, avec les organisations syndicales représentatives de ses personnels, de conventions pluriannuelles qualifiées de « protocoles sociaux ».

Ces protocoles conduisent principalement à accroître les rémunérations des agents de la DGAC en leur accordant de nouveaux avantages catégoriels. À ce titre, le rapporteur note que la DGAC bénéficie d'une autonomie toute particulière en la matière au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Cette direction dispose en effet de son propre secrétariat général qui, en matière de ressources humaines et de règles statutaires ou indemnitaires, interagit de manière indépendante du ministère avec le guichet unique formé par la direction du budget et direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

En audition, la DGAFP a d'ailleurs indiqué au rapporteur que la pratique des protocoles sociaux pluriannuels était fortement corrélée et même conditionnée à l'autonomie des administrations concernées. La DGAFP explique ainsi le fait qu'outre la DGAC, seule la police nationale, qui dispose elle aussi d'une large autonomie au sein du ministère de l'intérieur, conduit de façon régulière une pratique comparable aussi développée.

2. Des accords sans valeur juridique mais au poids réel renforcé par des arbitrages politiques de haut niveau

La période de négociation des protocoles donne lieu à des discussions régulières entre la direction et les syndicats représentatifs des personnels de la DGAC. Ces discussions prennent plusieurs formes. Certaines réunions plénières, réunissant l'ensemble des organisations syndicales, sont dirigées par le directeur général en personne, d'autres, plus techniques sont pilotées par ses représentants. Enfin, des réunions bilatérales se tiennent également entre la direction et chacune des organisations syndicales. À travers cette organisation, la DGAC a indiqué au rapporteur « essayer de maintenir un niveau de dialogue constant » tout au long de la procédure de négociation.

En marge de ses discussions avec les syndicats, la DGAC échange également avec les services de la DGAFP et de la direction du budget. Les mesures catégorielles que la DGAC entend octroyer à ses agents dans le cadre des protocoles sont notamment soumises au guichet unique composé de la DGAFP et de la direction du budget. Les mesures qui composent les protocoles et leur coût font ainsi l'objet de discussions en réunions interministérielles entre le ministère en charge des comptes publics, le ministère chargé de la fonction publique et la DGAC. Enfin, à différents moments de la procédure, systématiquement avant la validation de l'accord final et principalement pour entériner le montant de l'enveloppe budgétaire qui lui sera allouée, l'arbitrage du cabinet du Premier ministre est requis.

Jusqu'au dernier accord finalisé en mai dernier, les protocoles sociaux de la DGAC n'avaient pas de valeur juridique. Ils n'étaient pas équivalents à un contrat susceptible d'être opposable devant une juridiction. Malgré tout, le portage politique dont ils faisaient l'objet, couronné par une validation du Premier ministre, et le spectre tant redouté par les décideurs de grèves des contrôleurs aériens renforçaient considérablement la valeur de ces accords et assuraient leur application stricte. Dans un rapport de 2021 consacré à la politique des ressources humaines de la DGAC1(*), la Cour des comptes notait à ce propos que ces caractéristiques conféraient aux protocoles « une force de fait supérieure à bien des engagements juridiques ».

Dépourvus de toute valeur contraignante, les protocoles sociaux ne sont ainsi pas juridiquement « autoportants » et nécessitent, pour pouvoir s'appliquer, de s'appuyer sur des textes réglementaires existants voire d'en produire de nouveaux. « En essayant d'utiliser le stock existant des règles indemnitaires des personnels techniques de la fonction publique », la DGAC a cependant indiqué en audition au rapporteur chercher à éviter au maximum d'avoir à produire de nouveaux textes réglementaires d'application spécifiques pour mettre en oeuvre des mesures prévues par des protocoles. De cette pratique pragmatique peut cependant résulter le dévoiement de la vocation de certains régimes indemnitaires (voir infra).

La mise en oeuvre des protocoles fait ensuite l'objet d'une procédure de suivi au sein d'un comité de suivi du protocole (CSP) qui associe la direction et les organisations syndicales signataires dudit accord. Cette instance se réunit au moins deux fois par an.

3. Une pratique qui fait figure d'exception au sein du paysage administratif français

La DGAFP a confirmé au rapporteur que l'exercice pratiqué par la DGAC était très atypique au sein de la fonction publique française. Des accords ponctuels, en réaction à des évènements et des situations exceptionnelles peuvent avoir un contenu assimilable aux protocoles sociaux. Cependant, ils n'ont pas la récurrence de ces derniers ni l'enracinement profond au sein de la culture de l'institution qui caractérise la pratique en vigueur au sein de la DGAC. Le meilleur exemple de ces accords ponctuels est probablement le « Ségur de la santé » qui a été négocié dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire due à la COVID-19.

Le modèle le plus proche de ce qui se pratique à la DGAC est probablement à rechercher au sein de la police nationale. À intervalles plus ou moins réguliers mais sans atteindre cependant la récurrence et le systématisme des protocoles de la DGAC, et là encore généralement en réaction à des évènements particuliers, la police nationale conclue, en concertation avec les organisations syndicales représentatives, des accords dont le contenu est assimilable à ce qui se pratique à la DGAC. De tels accords ont notamment été conclus en 2004, en 20162(*) puis en 20223(*).


* 1 La politique des ressources humaines de la DGAC, Cour des comptes, avril 2021.

* 2 Le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale du 11 avril 2016.

* 3 Le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale 2022-2027, conclu à la suite de la concertation connue sous le nom du « Beauvau de la sécurité » et adossé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI).

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