B. POUR UNE APPROCHE MIEUX HIÉRARCHISÉE, TRANSPARENTE ET COLLÉGIALE

L'adaptation des ABF aux défis de demain passe en deuxième lieu par la rationalisation de l'exercice des missions et des compétences qui leur sont dévolues. Les contraintes pesant sur les moyens humains des UDAP, dont on peut raisonnablement penser qu'elles perdureront sur le court et le moyen terme, appellent en effet à repenser les modalités de l'accomplissement de leurs missions, qui doivent être mises en oeuvre avec davantage de pertinence et d'efficience.

Trois orientations se sont à ce titre dégagées des travaux conduits par la mission d'information : la mise en adéquation des missions exercées par les ABF avec l'évolution de leurs effectifs ; une plus grande transparence de leur démarche et de leurs travaux, qui permettra d'améliorer la prévisibilité de leurs avis et ainsi de limiter les allers-retours, voire les conflits chronophages avec les pétitionnaires ; la diffusion d'une approche collégiale.

1. Adapter les missions des ABF à l'évolution de leurs effectifs

Un consensus s'est dégagé au cours des auditions sur le fait que les ressources aujourd'hui très limitées en temps et en effectifs des UDAP devaient être allouées en priorité aux champs d'action dans lesquels elles sont les plus pertinentes. Deux pistes paraissent particulièrement intéressantes à ce titre : la hiérarchisation des missions confiées aux ABF et aux UDAP, qui doit être définie dans le cadre d'une stratégie tenant compte des priorités nationales comme des enjeux locaux ; le retrait de la sécurisation des cathédrales du champ de compétences des ABF.

Il est cependant probable que ces évolutions ne suffiront pas à compenser le décalage croissant entre les effectifs des UDAP et l'alourdissement de leurs tâches, et qu'elles devront donc être accompagnées de mesures visant à renforcer leurs effectifs.

a) Vers une meilleure hiérarchisation des missions confiées aux UDAP

La nécessité de mieux hiérarchiser les missions confiées aux UDAP a été évoquée par la plupart des acteurs entendus par la mission d'information, qui ont notamment regretté que l'extension progressive des tâches confiées aux ABF et l'accroissement concomitant du nombre des dossiers d'urbanisme qui leur parviennent se fassent au détriment de leurs missions de conservation et de conseil. Ce constat est partagé par le ministère, et plusieurs démarches engagées par la DGPA du ministère de la culture au cours des dernières années témoignent d'une volonté de redéfinition stratégique des missions confiées aux ABF.

(1) Un gain de temps administratif grâce au déploiement de l'outil Patronum

La généralisation dans les UDAP de l'application Patronum101(*), qui permet l'instruction dématérialisée des demandes d'autorisation d'urbanisme, en est une première illustration. Outre qu'il contribue à la modernisation du traitement des dossiers d'urbanisme au bénéfice des pétitionnaires, notamment par le renforcement de l'accessibilité des services et de la traçabilité des demandes déposées tout au long de la procédure, son déploiement permet en effet aux ABF de réduire le temps passé au traitement matériel et administratif des dossiers, notamment grâce à la simplification des opérations de transmission et de suivi qui en résulte.

Après des « débuts difficiles », selon les termes employés par la DGPA, ce déploiement est aujourd'hui en voie d'achèvement : 92 % des instructions de demandes d'autorisation de travaux sont effectuées en UDAP via Patronum, et 73 % des dossiers sont traités de manière dématérialisée de bout en bout par les UDAP - l'écart entre ces deux données s'expliquant par le fait que certaines collectivités ne se sont pas engagées dans la dématérialisation des démarches d'urbanisme.

Lors de son déplacement à Lyon, la mission d'information a pu constater que l'utilisation de Patronum y était généralisée à l'ensemble des dossiers traités, à la grande satisfaction des différents personnels de l'UDAP.

Nonobstant ces bénéfices, la mise en oeuvre du traitement dématérialisé n'aurait cependant que de faibles conséquences directes sur la charge de travail des ABF102(*), et ne saurait donc constituer une réponse au niveau des enjeux.

(2) Un coeur de métier à redéfinir

• À la demande de la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, qui avait souhaité engager une réflexion sur les moyens permettant d'optimiser et de conforter le travail des ABF en tenant compte des nouveaux défis sociétaux et des attentes parfois contradictoires des agents, des acteurs locaux et des usagers, la DGPA a mis en place à l'été 2023 un groupe de travail relatif aux missions des UDAP, évoqué à plusieurs reprises supra.

Ce groupe de travail, qui a réuni une trentaine de personnes (parmi lesquelles des représentants de la DGPA, de l'Inspection générale des affaires culturelles - IGAC -, des DRAC, de l'ANABF et du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires), était en particulier chargé d'élaborer un plan d'action identifiant des « pistes de hiérarchisation de leurs missions ». Ses premières conclusions, qui comprenaient un état des lieux partagé de la situation des UDAP assorti d'un plan d'action déclinant 65 propositions d'évolution, ont été présentées en décembre 2023 à Rima Abdul-Malak ; ces échanges ont permis d'identifier neuf actions prioritaires à mettre en oeuvre pour remédier aux difficultés rencontrées par les UDAP dans l'accomplissement de leurs missions.

• Deux de ces actions prioritaires visent à permettre aux ABF et aux UDAP de « se recentrer sur [leur] coeur de métier » : il s'agit d'établir un « cadre national stratégique des conditions d'exercice des missions des UDAP », puis de le décliner au sein de chaque DRAC au travers d'une stratégie régionale. L'établissement de ce cadre stratégique suppose l'identification des enjeux prioritaires de la politique architecturale nationale ainsi que des pratiques associées. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture, a ainsi relevé au cours de son audition qu' « un énorme travail de revue des missions des ABF doit être réalisé. Cela a été remarquablement fait en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, où chaque DRAC a réuni les ABF pour hiérarchiser leurs missions ».

Ces grandes orientations se traduiraient par un « renforcement du coeur de métier des UDAP », qui doivent « recentrer leur action vers un meilleur accompagnement des politiques publiques en matière de transition écologique, de revitalisation des centres-villes, de restauration des quartiers anciens dégradés et de mise en valeur des sites patrimoniaux ». Leur mise en oeuvre se traduirait par un rééquilibrage et une priorisation de leurs modalités d'exercice. Le groupe de travail relève à cet égard que si l'instruction des dossiers d'urbanisme est la mission la plus attendue et la plus visible des UDAP, celles-ci doivent développer à cet égard une « démarche sélective » leur permettant de se concentrer sur les dossiers à fort enjeu - l'importance des enjeux étant évaluée au regard de la nature des travaux envisagés, de la sensibilité des secteurs concernés et du lien avec les politiques publiques. Il s'agirait en pratique de réduire le temps consacré à l'instruction des autorisations d'urbanisme par un allègement du traitement des dossiers courants ou de moindre impact, notamment par le biais d'une extension de la pratique de la délégation de signature.

• Cette évolution suppose également l'achèvement des textes réglementaires encadrant les compétences des UDAP. La fusion des UDAP au sein des DRAC en 2010 s'est en effet traduite, sur le plan juridique, par une fusion des dispositions du décret n° 79-180 du 6 mars 1979 instituant les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDA) dans le nouveau décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l'organisation et aux missions des DRAC. La signature de ce décret avait été précédée par une instruction n° 5399/SG du 1er juillet 2009 relative à l'organisation des nouvelles DRAC, qui renvoyait à une future « annexe spécifique » sur la précision des missions des UDAP dans ce nouveau contexte.

Cette annexe spécifique n'a cependant toujours pas été adoptée, ce qu'exprime la DGPA en ces termes : « Ce travail reste à faire, pour clarifier et réaffirmer l'étendue des missions des UDAP [...]. Il s'agit de repréciser leurs compétences propres ou partagées, ainsi que le cadre d'exercice de ces missions en lien avec les autres services des DRAC. Ce cadre à reformuler, presque 15 ans après la fusion avec les DRAC, devra également affirmer les grandes priorités d'actions des services ».

• Il apparaît donc urgent de procéder enfin à cette précision du champ de compétences et des missions des UDAP par voie réglementaire, et de définir dans le même temps une stratégie nationale permettant de guider le rééquilibrage et la priorisation de leurs modalités d'exercice au regard des nouveaux enjeux de politique publique.

Recommandation n° 9 : Définir et hiérarchiser les missions des UDAP en annexe au décret n° 2010-633 du 8 juin 2010, conformément aux orientations prises dans l'instruction n° 5399/SG du 1er juillet 2009.

Recommandation n° 10 : Identifier les priorités d'action des UDAP dans le cadre d'une stratégie nationale déclinée au niveau local par chaque DRAC.

b) Détacher la sécurisation des cathédrales de la mission de conservation assurée par les ABF

On l'a vu, un consensus a été dégagé au cours des auditions sur le fait que l'intervention des ABF était rendue sinon « impossible », selon le terme employé par Albéric de Montgolfier, du moins très difficile par l'ajout régulier, par voie législative comme par voie réglementaire, de nouvelles responsabilités dans le périmètre de leurs missions. Il en a en effet résulté un alourdissement progressif, aujourd'hui difficilement soutenable, des tâches qui leur sont confiées. Parmi les responsabilités qui leur ont récemment été attribuées, celle de la sécurisation des cathédrales apparaît comme celle qui fait le moins partie du coeur de métier des ABF, et qui en est dès lors la plus détachable.

Si le rapport de la Cour des comptes précité a pointé le risque d'« [accaparement] » des ABF par cette mission de cette sécurisation, au détriment de leurs autres tâches et notamment de leur fonction de conseil, l'enjeu n'est ici pas seulement de libérer du temps à allouer à ces autres missions. Il s'agit également de garantir que cette mission de sécurisation essentielle, et sur laquelle on ne peut transiger puisqu'il s'agit d'assurer la sécurité du public en même temps que l'intégrité des monuments, soit remplie avec les moyens adaptés et parvienne effectivement à son objectif. Or, son accomplissement suppose la mobilisation de compétences techniques très spécifiques, qui relèvent davantage d'ingénieurs ou de spécialistes de la sécurité que des ABF. La Cour des comptes a indiqué en ce sens que les ABF, qui ne sont pas formés à ces problématiques ciblées, se trouvent « démunis » pour répondre à leurs nouvelles obligations réglementaires, tandis que Laurent Roturier a évoqué des « compétences qui les dépassent ». Le rapport de la Cour précité relevait plus précisément que « la compétence sur les sujets de sécurité, alarme, circuits électriques, incendie ne fait pas toujours l'objet de formations appropriées » et que « les ABF peuvent être domiciliés très loin des édifices religieux dont ils sont les RUS, ce qui rend leur astreinte peu opérante ».

Plusieurs des acteurs auditionnés ont en conséquence plaidé pour une dissociation, en matière de gestion patrimoniale des cathédrales, des fonctions de conservation et de sécurisation, cette dernière fonction devant être exercée par un responsable unique de sécurité (RUS) spécifiquement compétent et ayant une connaissance exhaustive des règles, des techniques et des procédures applicables.

Les solutions mises en oeuvre en application du plan « sécurité cathédrales » vont d'ailleurs dans le sens d'une adjonction de compétences spécialisées aux UDAP pour assurer cette mission de sécurité et de sûreté. La huitième proposition du groupe de travail relatif aux missions des UDAP, qui porte sur le « [rééquilibrage de leurs] missions administratives, scientifiques et techniques », vise également à « déployer l'appui et les moyens nécessaires au renforcement de l'expertise technique en matière [...] de sécurité des cathédrales ».

Ce renforcement passe aujourd'hui par le recrutement par les DRAC d'assistants à maîtrise d'ouvrage (AMO) venant en soutien des ABF pour deux jours et demi par mois et par cathédrale. Cette solution a cependant ses limites : au-delà du problème de la continuité de la mission de sécurisation posé par ce mode de fonctionnement, qui ne permet pas de régler la question des astreintes indispensables à l'exercice de la mission de RUS, le rapporteur relève que depuis la fin de l'année 2023, cinq AMO seulement ont ainsi pu être recrutés, ce qui ne permet de couvrir à ce jour que 25 des 87 cathédrales du territoire français.

La mission d'information estime en conséquence que la mission de sécurisation des cathédrales, qui s'insère mal dans le champ des compétences des ABF et dont l'exercice dans le cadre des UDAP n'apporte pas de bénéfice particulier, doit en être retirée pour être exercée par un RUS expert. Albéric de Montgolfier a évoqué à ce propos la possibilité de la mutualiser avec d'autres missions de sécurisations effectuées par le centre des monuments nationaux (CMN) ou d'autres services de l'État ou des collectivités.

Recommandation n° 11 : Retirer la mission de sécurisation des cathédrales du champ de compétences des ABF.

c) Renforcer l'attractivité du métier d'ABF afin de préserver une expertise de haut niveau sur le long terme

Cette rationalisation du cadre d'exercice des missions des ABF, pour indispensable qu'elle soit, ne permettra pas de compenser entièrement l'effet de ciseaux observé depuis plusieurs années entre l'évolution de leurs effectifs et celle des missions qui leur sont affectées103(*), notamment en ce qui concerne le traitement des dossiers d'urbanisme qui leur parviennent en nombre croissant.

Comme on l'a vu, cet écart grandissant pourrait être aggravé au cours des prochaines années sous l'effet du déficit d'attractivité de la fonction, laquelle, du fait de ses conditions statutaires et financières et du mode actuel de fonctionnement des UDAP, peine désormais à recruter. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les deux phénomènes tendent à s'alimenter mutuellement : le manque d'attractivité résultant de la dégradation des conditions de travail des ABF, contraints de délaisser leurs fonctions de conseil et projets de long terme pour faire face à la masse des dossiers d'urbanisme, renforce les difficultés d'un recrutement pourtant indispensable pour pallier ces difficultés, ce qui expose en retour certains ABF à un réel risque de surmenage.

L'inadéquation des effectifs des UDAP aux missions qui leur incombent n'est pas sans effet sur les projets menés dans les territoires. Stéphane Bern a ainsi souligné lors de son audition que les délais parfois très longs constatés pour l'instruction des demandes d'autorisation entraînaient des retards dans les démarrages de chantiers, voire des abandons de projets de la part de propriétaires privés de biens patrimoniaux.

Face à cette situation, la mission d'information estime indispensable de renforcer l'attractivité du métier d'ABF afin de préserver sur le long terme leur expertise indispensable à la protection du patrimoine architectural des territoires. Ce renforcement doit passer à la fois par un relèvement de leurs effectifs et par une meilleure information sur la fonction auprès des étudiants en architecture.

(1) Recruter au moins un ABF supplémentaire par département

• Face à cette situation, la DGPA a déjà pris plusieurs initiatives : outre la résorption progressive des emplois vacants dans les UDAP déjà évoquée plus haut, les préconisations du groupe de travail relatif aux missions des UDAP comportent plusieurs pistes visant à améliorer les modes de collaboration au sein des services, telles que l'extension de la subdélégation de signature des ABF aux agents de catégorie A et la mise en place d'outils de partage des connaissances techniques et administratives. En cas de vacance d'un poste de titulaire, la DGPA autorise par ailleurs les UDAP à recruter des contractuels pour une durée de trois ans.

La Cour des comptes a dans le même sens souhaité le développement de la signature des avis par les adjoints des ABF ayant la qualité d'architecte, soulignant que « de tels ajustements ne nécessitent pas d'effectifs supplémentaires, mais uniquement que l'on nomme la bonne personne pour que le travail soit équilibré ».

• Si ces différents éléments offrent de premières pistes de réponse à prendre en compte, la mission d'information estime cependant aujourd'hui indispensable d'aller plus loin en relevant le plafond d'emploi du programme 224 au bénéfice des UDAP.

Cette évolution a été considérée comme nécessaire par une large majorité des personnes entendues par la mission. Gilles Alglave, président de l'association des Maisons paysannes de France (MPF), a à cet égard estimé qu'une telle augmentation des effectifs devrait être regardée non comme une dépense de fonctionnement supplémentaire, mais comme un investissement au regard de l'action des ABF sur la préservation à long terme des patrimoines architecturaux des territoires. La DGPA elle-même s'est clairement prononcée pour le relèvement du plafond d'emplois des UDAP : Jean-François Hébert a ainsi considéré lors de son audition que sa direction générale est « en voie de résorber les emplois vacants, à savoir ceux qui sont inclus dans le plafond d'emplois, qu'il faut distinguer du niveau idéal des effectifs nécessaires à l'accomplissement des missions », et a indiqué demander chaque année des emplois supplémentaires en faveur des UDAP dans le cadre de la préparation du budget de l'État, « avec un succès modeste ».

La « demande forte » de relèvement du plafond d'emplois adressée par la DGPA au ministère du budget dans le cadre du projet de loi de finances 2025 est ainsi soutenue par la mission d'information, qui veillera à ce qu'elle soit prise en compte lors de son examen par le Sénat. Jean-François Hébert fixe à cet égard un objectif de quinze emplois supplémentaires en 2025 et en 2026, assorti de la définition d'un plan pluriannuel de renforcement des effectifs des UDAP. La mission d'information estime quant à elle que cet effort devra permettre de recruter à terme au moins un ABF supplémentaire par département.

Recommandation n° 12 : Recruter au moins un ABF supplémentaire par département en relevant le plafond d'emplois applicable aux UDAP dans les lois de finances pour 2025 et 2026 et en définissant un plan pluriannuel de renforcement des effectifs des UDAP.

(2) Promouvoir la fonction d'ABF auprès des étudiants en architecture

Si la question des conditions d'exercice et de la rémunération joue un rôle de premier plan dans les difficultés du recrutement des ABF, il semble que l'absence d'information suffisante des étudiants en architecture non seulement quant aux contours du métier d'AUE, mais aussi plus généralement aux questions patrimoniales, soit également en cause. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont ainsi plaidé pour que les enjeux de la protection et surtout de la réhabilitation du bâti patrimonial soient intégrés au parcours de formation de l'ensemble des architectes et pour que les étudiants en architecture bénéficient d'une présentation approfondie du métier d'ABF.

Selon Hugo Franck, président du Syndicat de l'architecture, cette évolution ne pourrait toutefois offrir un remède miracle à la situation actuelle, dans la mesure où la désaffection des étudiants en architecture pour le métier d'ABF résulte fondamentalement du décalage entre les aspirations des étudiants et les contours de la fonction d'ABF. La plupart des étudiants en architecture, formés au premier chef à la conception de projets architecturaux et d'aménagement, souhaitent en effet pouvoir développer et mener leurs propres projets, plutôt qu'examiner ceux des autres. Ceux qui se dirigent vers la fonction d'ABF le font en conséquence soit par vocation dès le début de leur vie professionnelle, soit après plusieurs années d'exercice, dans une démarche d'évolution professionnelle.

Si cette initiative ne peut donc constituer que l'un des outils permettant de renforcer l'attractivité du métier d'ABF, la mission estime indispensable de développer l'information autour des différents enjeux et métiers du patrimoine tout au long du cursus de formation des architectes ; un tel développement permettra en effet non seulement de susciter et de détecter des vocations, mais également et plus largement de sensibiliser les futurs acteurs de terrain à ces questions.

Hilaire Multon, DRAC des Hauts-de-France, a en ce sens plaidé pour la construction de liens pérennes entre les acteurs publics de la protection patrimoniale et les écoles d'architecture, ce qui pourrait notamment passer par l'organisation d'interventions sur l'architecture patrimoniale au cours de journées dédiées.

Recommandation n° 13 : Améliorer l'information sur les métiers du patrimoine dans les écoles d'architecture.

(3) Développer la formation continue destinée aux ABF et aux personnels des UDAP

L'amélioration des conditions d'exercice des ABF suppose également qu'ils puissent bénéficier tout au long de leur carrière d'une formation continue leur permettant de s'adapter aux évolutions rapides des techniques de construction et de rénovation, notamment en matière énergétique.

Albéric de Montgolfier a ainsi estimé, lors de son audition par la mission d'information, que « la question de la formation continue doit aussi être traitée, car les techniques et les normes du bâtiment applicables par les architectes, les artisans et les constructeurs évoluent » - cet enjeu est d'ailleurs selon lui applicable à l'ensemble des corps de métier du secteur de la rénovation et de la construction, compte tenu des montants financiers et des aides publiques en jeu.

Ce constat, partagé par la mission d'information, l'est également par la DGPA du ministère de la culture. Lors de son audition, Jean-François Hébert a ainsi fait part aux membres de la mission du souhait de sa direction « que la formation délivrée à l'École de Chaillot et à l'École des Ponts ParisTech soit mieux adaptée au métier et que la formation continue des AUE soit renforcée ».

Cette déclaration s'appuie sur les conclusions du groupe de travail relatif aux missions des UDAP précité, dont le quatrième axe comporte une orientation (4.4) relative au renouvellement de l'offre de formation destinée aux ABF, et plus généralement aux personnels des UDAP. Le document pointe ainsi la nécessité d'engager une « réflexion stratégique globale » sur leur formation, afin de « [clarifier] les acquisitions fondamentales nécessaires à la prise de poste et les mises à niveau complémentaires, adaptées aux transformations des postes et des situations ». Il est en conséquence prévu que soit formalisée une « instance de pilotage » dont la mission porterait notamment sur « [le] rééquilibrage et [la] complémentarité des formations, selon un tronc commun post-concours et des modules thématisés d'application accessibles en formation continue ».

Ces orientations générales se traduisent de manière opérationnelle dans les propositions n°s 62 et 63 du plan d'action, qui couvrent à la fois la nécessaire adaptation des ABF aux évolutions scientifiques et techniques ainsi que leur formation aux tâches d'encadrement qui leur incombent. La proposition n° 22 évoque également la nécessité de développer la formation continue des ABF en matière juridique, afin notamment de renforcer la sécurité juridique de leurs avis.

Propositions du groupe de travail sur les missions des UDAP
relatives à la formation continue des ABF et de leurs agents

Proposition 22 - Monter le niveau des compétences juridiques [...] :

- renforcer les formations, initiale et continue, sur la rédaction, la motivation, la portée juridique des avis.

Proposition 62 - Renforcer la formation des agents des Udap au regard des évolutions scientifiques, techniques et administratives :

- proposer un plan de formation continue pour l'ensemble des agents, en lien avec les priorités nationales : transition écologique, sécurité des cathédrales, transformation numérique, droit et réglementation ;

- développer des programmes de formation des Udap afin qu'elles puissent pleinement intégrer la prise en compte des enjeux climatiques dans les missions de conseil et de gestion du patrimoine et des centres anciens (rénovation énergétique, biodiversité, création architecturale...) ;

- renforcer les coopérations avec les ENSA pour développer des modules de sensibilisation à la culture architecturale et paysagère à destination des agents des Udap et des services instructeurs des collectivités locales.

Proposition 63 - Mettre en oeuvre la stratégie de formation initiale et continue pour les cadres supérieurs et dirigeants :

- donner aux cadres des outils et méthodes pour un management et une communication optimisés en lien avec l'institut national du service public (INSP) ;

- compléter cette formation généraliste par des modules correspondant aux spécificités des Udap : gestion de petites équipes, fonctionnement transversal et horizontal, adaptation aux évolutions fonctionnelles (dématérialisation, télétravail, judiciarisation) et sociétales (adaptation aux enjeux, accueil du public, gestion des conflits).

Au cours de son déplacement à la Cité de l'architecture et du patrimoine, la mission d'information a pu constater la grande qualité des modules de formation continue dispensée par l'École de Chaillot, notamment sur le thème de l'amélioration énergétique et environnementale du bâti patrimonial. Elle estime que l'indispensable développement de la formation continue des AUE, qui ne peut être conduite qu'en lien avec les acteurs experts des différentes thématiques qui devront être approfondies dans ce cadre (le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement - CEREMA - en ce qui concerne l'adaptation à la transition écologique, par exemple), devra être organisé autour de l'École de Chaillot.

Recommandation n° 14 : Renforcer et rendre plus accessible l'offre de formation continue destinée aux ABF, en renforçant le rôle de l'École de Chaillot.

2. Améliorer la prévisibilité des avis

La deuxième orientation dégagée par les travaux de la mission pour améliorer l'exercice de leurs missions par les ABF porte sur l'amélioration de la prévisibilité de leurs avis ; on l'a vu, la plupart des interlocuteurs rencontrés ont en effet exprimé le souhait de pouvoir mieux anticiper les décisions des ABF dans la préparation de leurs projets.

La mission d'information estime indispensable de répondre à cette légitime demande, dans un double objectif : fluidifier le processus de préparation et d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme, d'une part ; lutter contre le sentiment d'arbitraire encore trop souvent attaché aux décisions rendues par les ABF, et qui emporte des conséquences délétères pour leurs relations avec les administrés et les élus, d'autre part.

Cette évolution suppose une action résolue des pouvoirs publics pour améliorer, à chaque fois que c'est possible, la transparence des méthodes et critères mobilisés par les ABF, ainsi que pour développer la publicisation des décisions rendues par les UDAP. Elle suppose également d'assurer la sensibilisation des élus et du public aux enjeux de l'architecture patrimoniale.

a) Renforcer la transparence de l'instruction des dossiers

Alors que les décisions rendues par l'administration ainsi que les données produites par le secteur public sont soumises à une attente croissante et légitime de transparence et de communication de la part de nos concitoyens, les travaux des ABF continuent de s'inscrire largement dans la culture de confidentialité caractéristique de la tradition administrative française. Il n'est donc pas surprenant que la grande majorité des souhaits d'évolution recueillis auprès des différents interlocuteurs de la mission porte sur le renforcement de la transparence des méthodes et décisions des ABF.

Plusieurs pistes d'évolution ont à ce titre été retenues par la mission d'information.

(1) Éclairer le processus de décision de l'ABF en amont de la délivrance des avis

Les deux premières visent à éclairer le processus d'élaboration des décisions des ABF, en amont de leur délivrance, afin de permettre à tous les pétitionnaires et aux élus locaux de préparer leurs dossiers d'aménagement en disposant de toutes les informations nécessaires.

• La mission d'information souhaite en premier lieu qu'un projet de service soit élaboré et rendu public par chaque ABF dans l'année suivant son entrée en fonction. Ce document stratégique devra définir les priorités d'action de l'UDAP concernée pour les années suivantes, et préciser à titre indicatif les méthodes, les référentiels et les critères mobilisés par ses personnels dans l'examen des dossiers qui lui parviennent.

Ce document, qui devra être accessible sur la page Internet de l'UDAP, sera en outre adressé à chacun des élus locaux du département, voire présenté aux différents conseils élus dans le cadre d'une réunion publique.

Recommandation n° 15 : Rendre obligatoire pour les ABF chefs de service la diffusion, dans l'année suivant leur entrée en fonction, d'un projet de service déterminant les priorités et les méthodes de travail de leur UDAP d'affectation, qui sera rendu public, adressé à l'ensemble des élus locaux et présenté devant les intercommunalités du département.

• Le développement de cahiers des charges et de guides à l'échelle des territoires, et à l'échelle nationale à chaque fois que c'est pertinent, doit constituer un deuxième outil permettant aux pétitionnaires de mieux comprendre et anticiper les décisions des ABF.

L'insuffisante diffusion de doctrines et de guides méthodologiques, notamment au niveau national, est en effet très dommageable à la perception de l'intervention des ABF par les élus et les administrés, mais également à l'action des ABF elle-même. En effet, outre qu'elle contribue à accroître la part de l'inévitable subjectivité des ABF dans les décisions qu'ils rendent, et donc à renforcer le sentiment d'arbitraire, elle peut également laisser les ABF démunis dans certaines situations conflictuelles ou techniquement complexes, faute de ligne claire à suivre. À l'inverse, aux termes employés par Patrick Brie, adjoint à la sous-direction de la qualité du cadre de vie de la DGALN, la production d'instructions et de guides permet à la fois de propager les bonnes pratiques et de décourager les projets inadaptés.

Signe de l'intérêt existant pour ce type d'outils, la diffusion récente par le Gouvernement d'un guide sur l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires, coécrit par le ministère de la culture, le ministère de la transition énergétique et celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires, destiné aux services instructeurs et aux porteurs de projets et publié en décembre 2023, a été largement saluée par les interlocuteurs de la mission. Selon les précisions fournies par la DGPA, la publication d'un nouveau guide national portant cette fois sur la rénovation énergétique du bâti ancien devrait intervenir en décembre 2024. La mission d'information souligne à ce titre que les travaux menés par l'UDAP de Metz sur la question de l'isolation des menuiseries pourront utilement abonder ces travaux.

Ces guides nationaux viennent s'ajouter à une production déjà initiée au niveau local, sous l'impulsion de certaines DRAC ou CAUE notamment, et qui permet de développer une culture architecturale partagée au sein des territoires et adaptée aux spécificités de leur patrimoine bâti. Valérie Charollais, directrice de la FNCAUE, a ainsi cité l'exemple d'un document sur la rénovation du bâti ancien diffusé en Ariège, ou encore d'un guide intitulé Production de l'énergie solaire et préservation du patrimoine dans les Causses du Quercy dans le Lot. Mentionnant la charte d'intervention sur les commerces conjointement élaborée par la ville de Beauvais et l'ABF de l'Oise, Hilaire Multon, directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France, a également souligné que l'élaboration de tels guides à l'échelle locale permet de prendre en considération les éventuelles spécificités de la politique d'aménagement et des leviers financiers déployés par l'État dans chaque territoire.

Il apparaît pour autant indispensable de continuer à développer des lignes directrices à l'échelle nationale, qui seules rendent possibles l'harmonisation des avis des ABF entre les territoires et le développement d'un consensus interministériel permettant de dépasser d'éventuelles contradictions entre les différentes politiques de l'État. L'impulsion locale reste cependant déterminante puisque, ainsi que l'a indiqué Jean-François Hébert lors de son audition par la mission d'information, le guide consacré à la rénovation énergétique du bâti ancien consistera pour partie en une compilation de documents précédemment élaboré par la DRAC de Bourgogne-Franche-Comté, la ville d'Angers et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Ainsi que l'a souligné Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et architecte-conseil de l'État, ces outils ne seraient bien entendu pas d'application mécanique à des situations locales nécessairement spécifiques, et ne prétendraient ni à l'exhaustivité ni à l'exactitude - rappelons à ce titre que les techniques de réhabilitation du bâti peuvent faire débat même parmi les experts. Aux termes de Fabien Sénéchal, il s'agirait cependant de « faire comprendre que lorsque l'ABF émet un avis, il le fait dans un cadre global construit, même s'il n'est pas exprimé par une règle », et donc de soutenir et de guider à la fois les UDAP, les services instructeurs et les pétitionnaires dans l'élaboration et l'examen des projets.

Recommandation n° 16 : Développer des guides, cahiers des charges et doctrines nationales en matière patrimoniale, sur le modèle du guide sur l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires diffusé en décembre 2023.

(2) En aval de la décision, assurer la publicité des avis

Contrairement à de nombreux autres documents et décisions applicables en matière d'urbanisme et d'immobilier, les avis rendus par les ABF ne sont pas rendus publics. Ces documents, surtout quand ils sont assortis de recommandations, pourraient cependant constituer une source d'information précieuse pour les services instructeurs et les porteurs de projet.

La commission des affaires économiques a récemment pris position sur ce sujet en adoptant, lors de l'examen en commission du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables104(*) le 5 juin 2024, un amendement (n° COM-207 rect.105(*)) présenté par nos collègues rapporteures du texte, Sophie Primas et Amel Gacquerre. Cet amendement prévoit la constitution d'une base de données nationale des avis des ABF, dans l'objectif de constituer un référentiel et une base informelle de jurisprudence destinée à l'information des porteurs de projet. Cette base de jurisprudence prendrait la forme d'un « registre national mis gratuitement à disposition du public au format numérique ».

La mission d'information souscrit pleinement à l'ambition portée par cet amendement et souhaite que cette proposition soit mise en application le plus rapidement possible.

Recommandation n° 17 : Assurer la publicité des avis rendus par les ABF dans le cadre d'un registre national en ligne mis gratuitement à la disposition du public permettant de retracer l'ensemble des avis par localisation.

b) Développer l'information des citoyens, des pétitionnaires, des professionnels de l'urbanisme et des élus sur les problématiques patrimoniales

• L'amélioration de la prévisibilité des avis rendus par les ABF suppose en second lieu que se développe une compréhension partagée des enjeux de l'architecture patrimoniale entre les porteurs de projets, les élus locaux et les services instructeurs.

Or, nombre des personnes auditionnées par la mission d'information ont regretté l'absence d'une connaissance même minimale des enjeux architecturaux patrimoniaux par une large partie des acteurs impliqués dans la conduite de projets. Cette situation résulte en premier lieu de l'absence d'enseignement de ces questions dans la formation générale des citoyens français ; Hugo Franck, président du syndicat de l'architecture, a ainsi indiqué à la mission d'information qu'il « [s'] étonne toujours que le rapport à l'espace ne soit pas enseigné, alors que nous vivons en permanence dans l'architecture. Nous marchons dans des rues façonnées par l'urbanisme, nous vivons et nous travaillons dans des bâtiments conçus par des architectes ». Elle résulte ensuite de la faiblesse, voire de l'inexistence des enseignements dédiés au patrimoine dans les écoles d'architecture, lacune qui se retrouve jusque dans la formation des services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme.

Au total, la situation est résumée en ces termes par Hugo Franck en ce qui concerne la relation entre les ABF et les élus locaux : « Comment un élu qui n'a jamais reçu la moindre formation en architecture pourrait-il comprendre les exigences formulées par un ABF [....] ? Il est difficile, et c'est bien naturel, de dialoguer avec un architecte lorsqu'on n'a jamais reçu cette éducation à l'espace, au patrimoine, et cette initiation aux enjeux de société que porte l'architecture ». Marjan Hessamfar, architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France, a quant à elle appelé de ses voeux « une meilleure formation aux questions du patrimoine d'une manière générale, et pour les services instructeurs en particulier ». Christophe Leribault a enfin souhaité la « [diffusion globale d'] une culture architecturale et esthétique qui pourrait, par la suite, sensibiliser les gens au patrimoine. Cela relève sans doute d'une éducation générale de nos architectes, des maîtres d'ouvrage, des municipalités et des différents services », tandis que Valérie Charollais, constatant que « la culture architecturale n'est pas particulièrement développée en France », a estimé nécessaire de « transmettre [une] culture « citoyenne » de l'architecture ».

Les auditions conduites par la mission d'information ont permis de mettre en évidence un foisonnement d'initiatives pour défendre et faire connaître les enjeux des différents patrimoines remarquables du territoire, sous l'impulsion principalement des différentes associations de protection du patrimoine bâti. Gilles Alglave, président de l'association Maisons paysannes de France, a ainsi présenté les différentes formations certifiées Qaliopi proposées par l'association, à destination notamment des conservateurs et des architectes du patrimoine, et rappelé qu'elle oeuvrait sans relâche pour faire connaître « certaines règles de construction, qui étaient transmises de façon orale, [...] qui sont profondément écologiques et peuvent être déclinées dans l'architecture contemporaine ». Faute de véritable structuration sous l'impulsion des pouvoirs publics, la diffusion de ces enjeux reste cependant encore extrêmement insuffisante.

• Face à ce défi, plusieurs pistes d'évolution, qui reposent notamment sur la mise en place de cadres d'échange entre les différents acteurs du patrimoine architectural, ont été identifiées par la mission d'information.

La première consiste à encourager le développement de permanences régulières des ABF et des personnels des UDAP dans les communes de leur territoire de compétences, afin d'échanger avec les pétitionnaires, les élus et les services instructeurs des demandes de projets. Compte tenu de la forte charge de travail des UDAP dans la plupart des départements, un tel développement suppose le renforcement préalable de leurs effectifs, conformément aux préconisations du présent rapport.

La tenue de telles permanences, outre qu'elle permettrait de renforcer l'accessibilité des ABF pour les citoyens comme pour les élus, leur permettrait de faire oeuvre de pédagogie au plus près du terrain - et de répondre ainsi à deux des critiques les plus régulièrement formulées dans les réponses à la consultation des élus locaux lancée par la mission d'information.

Recommandation n° 18 : Encourager le développement de permanences régulières des ABF dans les communes de leur territoire de compétences.

La deuxième porte sur la mise en place, via les CAUE, de formations sur les enjeux associés au bâti patrimonial pour les agents exerçant dans les services instructeurs des différentes demandes d'autorisation d'urbanisme. On l'a vu, les CAUE constituent en effet des partenaires privilégiés des élus et administrations locales en matière architecturale, et constituent la ressource de référence sur ces sujets.

On peut pour autant plus largement considérer avec Marjan Hessamfar que tout développement de lieux d'échange et de formation serait utile à la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques nécessaires au développement d'une compréhension mutuelle entre les différents acteurs locaux. Mme Hessamfar a à ce titre cité devant la mission d'information l'exemple de l'installation, au sein de la DRAC des Hauts-de-France, d'une conseillère architecture ayant notamment pour mission l'animation de ce réseau d'acteurs : « elle réunit régulièrement les architectes de terrain et les ABF, pour partager la culture du territoire, montrer des exemples réussis d'isolation sur du patrimoine historique, d'implantation de panneaux solaires, par exemple, c'est un lieu où l'on ne traite pas des dossiers, mais où l'on parle architecture ».

L'ANABF considère pour sa part que les actions de sensibilisation et de formation continue sur le patrimoine devraient toucher l'ensemble des professions en lien avec l'urbanisme et la construction, des notaires aux architectes en passant par les géomètres et les entreprises du bâtiment. La mission d'information souscrit pleinement à cette observation.

Recommandation n° 19 : Mettre en place, en particulier via les CAUE, des formations sur les enjeux associés au bâti patrimonial, à destination notamment des agents exerçant dans les services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme.

La mission d'information préconise enfin plus largement de développer auprès des publics scolaires la connaissance de l'architecture et du patrimoine, qui constitue pour nombre de nos concitoyens leur voie d'accès première et la plus immédiate à la culture. Cette voie d'action permettrait de répondre au souhait exprimé par plusieurs interlocuteurs de la mission d'encourager la constitution et la diffusion d'une culture architecturale citoyenne.

Ce développement pourrait s'appuyer sur des initiatives déjà existantes, telle que l'opération « Les Enfants du Patrimoine » organisée par le réseau des CAUE la veille des Journées européennes du patrimoine (JEP). Cette opération, qui permet de proposer aux élèves de la maternelle au lycée et à leurs enseignants un programme d'activités gratuites autour de leur patrimoine de proximité, est organisée depuis cinq ans au niveau national. Elle permet de toucher environ 40 000 enfants qui, aux termes de Valérie Charollais, « sont les ambassadeurs de notre patrimoine par rapport à leurs parents et [...] seront les acteurs de demain ».

Recommandation n° 20 : Développer la connaissance de l'architecture et du patrimoine auprès des publics scolaires afin de promouvoir une culture architecturale citoyenne.


* 101 Voir supra.

* 102 Source : Audition de Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture et audition de Laurent Roturier, président de l'association nationale des DRAC et directeur régional des affaires culturelles d'Île-de-France.

* 103 Voir supra.

* 104 Dont l'examen a été interrompu à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024.

* 105 https://www.senat.fr/amendements/commissions/2023-2024/573/Amdt_COM-207.html.

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