B. L'ORGANISATION ET LE STATUT SPÉCIFIQUES DU HCP, MARQUÉS PAR UNE FORTE PERSONNALISATION DE LA FONCTION, APPARAISSENT PEU COMPATIBLES AVEC SES MISSIONS DE PROSPECTIVE ET DE PLANIFICATION

1. Si la nomination à sa tête d'un responsable politique de premier plan a pu accroître la visibilité du Haut-commissariat, cette équation personnelle pèse dans l'organisation et la programmation des travaux du HCP

Justifiant sa spécificité dans le paysage institutionnel français, le Haut-commissaire revendique, pour sa mission de prospective et de planification, un portage politique plus puissant que celui que pourrait assurer des profils administratifs classiques, tels que le Commissaire général de France Stratégie ou le Secrétaire général à la planification écologique.

Cette spécificité lui est ainsi reconnue par France Stratégie, qui considère que les approches des deux structures sont « différentes et complémentaires », soulignant que « le HCP est dirigé par un homme politique de premier plan, ce qui lui donne un impact médiatique propre »32(*).

Cependant, les responsabilités politiques importantes que le Haut-commissaire continue d'assumer, en parallèle de son mandat, interrogent fortement :

- celui-ci exerce la présidence du parti du Mouvement Démocrate (MoDem) ;

- il continue également d'exercer le mandat de maire de la ville de Pau ;

- enfin, il était présent (certes à titre symbolique) sur la liste Renaissance aux élections européennes de juin 2024.

Au-delà de la question des responsabilités politiques, cette dimension personnelle se retrouve dans l'organisation et le fonctionnement du HCP, à plusieurs titres :

la cheffe de cabinet du Haut-commissaire exerce un emploi à temps partiel, partagé avec le MoDem (par lequel elle est donc également rémunérée) ;

- une conseillère est aussi adjointe au maire de la ville de Pau ;

- le Haut-commissariat compte, en plus de son siège à Paris, une antenne située à Pau, dans un local mis à disposition par la Préfecture des Pyrénées-Atlantiques (voir infra) ;

la programmation des travaux du HCP, soit le choix des sujets traités et des angles d'étude pour les notes stratégiques, est à l'entière discrétion du Haut-commissaire.

2. Un cumul de fonctions très atypique qui brouille la réception des travaux du HCP

De fait, la confusion des rôles entretenue par le Haut-commissaire apparaît problématique pour une instance visant une certaine distance vis-à-vis des considérations de court terme.

Ainsi, le positionnement et le statut particuliers du HCP suscitent des critiques récurrentes, à l'image de celles exprimées lors du débat organisé au Sénat le 10 avril 2024 sur le thème « Haut-commissariat au Plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? »33(*).

À cet égard, le rapporteur spécial partage partiellement l'analyse soutenue par le Haut-commissaire : en effet, la réflexion prospective et la planification publiques ne doivent pas être réservées à des experts de l'administration et revêtent une forte dimension politique, s'agissant de choix engageant le devenir de la société.

Pour autant, le rapporteur considère que, si un responsable de premier plan doit être chargé d'une telle mission, seule une garantie forte d'indépendance et de disponibilité de la part de la personne exerçant le mandat de Haut-commissaire peut assurer la crédibilité des travaux du HCP. À ce titre, le cumul du mandat de Haut-commissaire avec d'autres fonctions, notamment politiques, interroge fortement.

3. Une implantation locale intéressante dans son principe et au coût très faible, mais dont le choix précis relève essentiellement d'un motif de convenance personnelle

En plus de son siège parisien (Hôtel de Beistegui, Paris 7ème), le HCP dispose également d'une antenne au sein de la Préfecture de Pau où il occupe une surface de bureau de 40 mètres carrés.

L'existence d'une antenne locale, loin de soulever une difficulté de principe, présente un intérêt certain en matière de planification, en permettant la confrontation des analyses menées par l'administration à la réalité du terrain. En ce sens, le choix d'une ville de taille moyenne pour une telle implantation, ici la ville de Pau, apparaît plutôt représentatif.

En effet, le rapporteur spécial partage la conviction selon laquelle la réflexion prospective et la planification publiques ne sauraient être cantonnées à la capitale.

De même, l'antenne de Pau ne soulève pas d'enjeu budgétaire particulier. En effet, le Haut-commissaire et la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DSAF) ont veillé à limiter au maximum les coûts associés à cette implantation, qu'il s'agisse de l'occupation des locaux (remboursement forfaitaire des charges mensuelles à la Préfecture des Pyrénées-Atlantiques, pour 280 euros par mois) ou d'éventuels trajets des agents du HCP en provenance ou à destination du siège de Paris.

Dépenses de fonctionnement du HCP au titre de l'antenne de Pau

(en euros)

 

2021

2022

2023

Occupation des locaux
(forfait de 280 euros/mois)

3 080

3 360

3 360

Frais de déplacements

3 020

519

1 141

Total

6 100

3 879

4 501

Source : réponses de la DSAF au questionnaire du rapporteur spécial

Néanmoins, le choix précis de cette implantation locale s'explique par un motif de convenance personnelle pour le Haut-commissaire, celui-ci ayant continué d'exercer le mandat de maire de la ville de Pau. Aussi, ce choix pour convenance personnelle ne manque pas d'interroger.

Le rapporteur spécial constate que le budget et les effectifs réduits du HCP représentent des enjeux limités au regard de l'ensemble des moyens alloués aux services rattachés au Premier ministre. Pour autant, la forte personnalisation du mandat de Haut-commissaire se traduit par une organisation et un fonctionnement très atypiques qui brouillent à l'évidence la réception de ses travaux.


* 32 Réponses de France Stratégie au questionnaire du rapporteur spécial.

* 33 Voir le compte rendu intégral de la séance du mercredi 10 avril 2024.

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