E. LE CHAMP ASSOCIATIF ET CULTUEL : MALGRÉ DES PROGRÈS RÉALISÉS DANS LE CONTRÔLE DU FINANCEMENT ÉTRANGER DES CULTES AINSI QUE DES ÉCOLES PRIVÉES HORS CONTRAT, DES ZONES D'OMBRE SUBSISTENT
Le secteur associatif et cultuel est également exposé aux opérations d'influence étrangères, passant en particulier par le levier du financement.
1. Un dispositif de contrôle récemment renforcé par la loi confortant le respect des principes de la République
a) Le financement étranger des cultes
Il en va en particulier du financement étranger des structures, dont le cadre juridique a connu dernièrement des évolutions notables avec la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (loi CRPR)313(*).
S'agissant des associations fondées sous le régime de la loi de 1901, l'article 4-2 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat314(*) issu de la loi CRPR impose aux associations et fonds de dotation recevant plus de 153 000 euros de dons de tenir un état comptable séparé des avantages et ressources lorsqu'ils bénéficient, directement ou indirectement, de ressources en provenance de l'étranger. Le non-respect de cette obligation est passible d'une amende de 3 750 euros, dont le montant peut être porté au quart de la somme des avantages et ressources provenant de l'étranger non-inscrits à l'état séparé. Les fiducies ou personnes morales de droit français concourant à ces financements étrangers peuvent par ailleurs être soumis à une obligation de certification de leurs comptes.
S'agissant des associations cultuelles fondées sous le régime de la loi de 1905 et des associations mixtes fondées sous le régime de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes315(*) :
- l'article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État issu de la loi CRPR impose à ces associations de déclarer à l'autorité administrative les financements qu'elles perçoivent directement ou indirectement en provenance de l'étranger lorsque leur montant ou valorisation dépasse 15 300 euros. Le non-respect de cette obligation est également passible d'une amende de 3 750 euros, dont le montant peut être porté au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ;
- le même article confère à l'autorité administrative un droit d'opposition lorsque « les agissements de l'association bénéficiaire ou de l'un de ses dirigeants ou administrateurs établissent l'existence d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société » :
- l'article 75 de la loi CRPR soumet les associations cultuelles à une obligation de certification de leurs comptes lorsque le montant total des ressources et avantages provenant de l'étranger excède 50 000 euros ainsi qu'à une obligation de tenue d'un état comptable séparé desdites ressources.
Entre le 25 avril 2022, date d'entrée en vigueur du dispositif316(*), et le 1er juillet 2024, les services du ministère de l'Intérieur ont indiqué à la commission d'enquête que :
- 2 522 déclarations avaient été effectuées, au titre de 13 496 opérations de financement ;
- ces déclarations représentent un total de 108,6 millions d'euros.
Les financements déclarés concernent principalement les cultes protestants (40,6 %) et musulman (19,6 %).
Financements étrangers déclarés entre le 25 avril 2022 et le 1er juillet 2024 - ventilation par culte
(en millions d'euros et en pourcentage)
Montant |
Pourcentage |
|
Protestants |
44,1 |
40,6 % |
Musulmans |
21,3 |
19,6 % |
Mormons |
10,6 |
9,8 % |
Témoins de Jéhovah |
8,5 |
7,8 % |
Catholiques |
7,6 |
7,0 % |
Autres (orthodoxes, Baha'ie, hindouistes, bouddhistes...) |
16,5 |
15,2 % |
Total |
108,6 |
Source : commission d'enquête, d'après les réponses de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques au questionnaire du rapporteur
Les principaux pays d'origine de ces financements sont détaillés dans le tableau suivant. Comme le souligne la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur dans ses réponses au questionnaire du rapporteur : « la part de ces pays d'origine ne saurait s'expliquer par un unique facteur et tient à une pluralité de phénomènes, historiques, géographiques, culturels, migratoires... ».
Interrogée sur ce point par le rapporteur, la DLPAJ a indiqué ne pas disposer de données à jour permettant de distinguer les États des autres personnes morales et physiques étrangères, ainsi que leur nationalité. Le rapporteur considère pourtant qu'une telle précision aurait son utilité, dans une logique de détections des opérations d'influence étrangères étatiques, tout en étant conscient qu'un acteur étatique qui s'engagerait dans ce type d'opération pourrait aisément passer par un intermédiaire.
Par ailleurs, la DLPAJ a indiqué au rapporteur que le droit d'opposition de l'administration à un financement étranger désormais prévu par la loi n'a pas encore trouvé à s'appliquer. Elle l'a cependant informé qu'une intention d'opposition a récemment été notifiée à une association.
La DLPAJ a en outre indiqué que, sur l'ensemble des déclarations effectuées :
- 235 ont fait l'objet d'une saisine des services de renseignement ;
- 28 courriers de demandes de pièces complémentaires ont été transmises à des associations.
S'agissant du non-respect de l'obligation de déclaration, il a été précisé, à date, que :
- les constats d'une absence de déclaration ou d'une déclaration incomplète ont donné lieu à deux transmissions au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ;
- des investigations complémentaires sont en cours sur une vingtaine de dossiers afin de matérialiser un défaut de déclaration de financement étranger et donner lieu, le cas échéant, à une saisine du parquet compétent.
Financements étrangers déclarés entre le 25 avril 2022 et le 1er juillet 2024 - ventilation par pays d'origine
(en millions d'euros et en pourcentage)
Montant |
Pourcentage |
|
États-Unis |
37,6 |
34,6 |
Allemagne |
9,3 |
8,6 |
Suisse |
9,2 |
8,5 |
Royaume-Uni |
8,4 |
7,7 |
Algérie |
8,0 |
7,4 |
Maroc |
7,2 |
6,6 |
Turquie |
5,4 |
5,0 |
Autres |
23,5 |
21,6 |
Total |
108,6 |
Source : commission d'enquête, d'après les réponses de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques au questionnaire du rapporteur
b) Une nouvelle obligation de déclaration d'intention d'aliéner les locaux cultuels au profit de personnes étrangères
La loi CRPR a également prévu un dispositif de déclaration préalable à l'autorité administrative de toute aliénation d'un local servant habituellement à l'exercice public d'un culte consentie directement ou indirectement à un État étranger, à une personne morale étrangère ou à une personne physique non résidente en France317(*).
En effet, comme l'avait alors relevé la commission des lois dans son rapport sur le texte lors de son examen au Sénat en première lecture en 2021 : « De telles pratiques sont d'autant plus problématiques qu'elles présentent parfois l'avantage d'une solution rapide à des difficultés de financement de travaux ou de construction d'un lieu de culte. Dans le cas de la mosquée d'Angers, la difficulté à financer les travaux de construction de la mosquée ont ainsi été avancés comme argument par l'association ordonnant les travaux pour accepter la cession de la mosquée au royaume du Maroc, en échange d'un financement par celui-ci des travaux restant à effectuer. Pour ce qui concerne le culte musulman, il peut notamment être recouru à l'instrument du « waqf ». Les « waqf » ou « habous », sont généralement définis comme des fonds immobilisés, qui ne peuvent être ni donnés, ni vendus, et dont les revenus reviennent à l'organisation d'actions charitables, dont l'aumône »318(*).
c) Le contrôle des écoles privées hors contrat
Un second apport de la loi CRPR concerne les écoles privées hors contrat. En effet, ces doivent désormais répondre à de nouvelles obligations, de nature à permettre à l'administration de s'opposer à l'ouverture d'écoles hors contrat soutenues par un État étranger hostile à la République.
En premier lieu, l'article L. 441-1 du code de l'éducation relatif à l'obligation de déclaration préalable à l'ouverture d'une école privée hors contrat permet désormais au préfet de département de s'opposer à l'ouverture d'une telle école « afin de prévenir toute forme d'ingérence étrangère ou de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation ».
L'article L. 441-3-1 du même code permet également au préfet, lorsqu'une association accueille des enfants aux fins de leur dispenser des enseignements scolaires sans que cette association ne se soit déclarée en tant qu'école privée hors contrat dans les conditions prévues à l'article L. 441-1 précité, de prononcer l'interruption de cet accueil et la fermeture des locaux utilisés.
L'article L. 441-4 du même code prévoit enfin que fait d'ouvrir un établissement d'enseignement scolaire privé en dépit d'une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions et formalités prescrites constitue un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
2. Un bilan globalement positif des nouveaux dispositifs issus de la loi confortant le respect des principes de la République, mais des lacunes et des zones d'ombres qui subsistent
a) Un bilan jugé globalement positif du nouveau régime de contrôle du financement étranger des cultes
Dans son rapport annuel d'activité au titre de l'année 2021319(*), Tracfin avait alerté sur les risques liés au financements étrangers des associations.
Cette même année, le service a ainsi reçu plus de 700 signalements en lien avec des soupçons de financement du terrorisme ou de radicalisation impliquant des structures associatives. Près de la moitié concerne le financement d'associations cultuelles, dont l'objet déclaré est la gestion ou la construction de lieux de culte.
Les investigations qui avaient alors été réalisées mettaient en exergue « une tendance à la dissimulation des fonds perçus par des réseaux associatifs cultuels. Celle-ci se matérialise soit par des montages financiers complexes faisant intervenir plusieurs structures associatives ayant des liens, sans justification économique apparente, avec des sociétés du secteur du bâtiment, soit par le non-respect des obligations de transparence comptable. Dans une moindre mesure, Tracfin a également constaté le recours à des collectes de fonds organisées sur des plateformes de cagnottes en ligne recueillant plusieurs centaines de milliers d'euros sans que l'identité des donateurs soit recueillie ».
Comme le souligne le même rapport, les enquêtes relatives à ces financements étrangers opaques ont permis à Tracfin de caractériser des opérations d'ingérence : « les circuits de financement observés par Tracfin confirment les risques d'ingérence de puissances étrangères par le biais de structures associatives promotrices d'une idéologie radicale. Ces dernières peuvent être financées directement au moyen de dotations et de virements provenant des organes officiels des États impliqués ou par de rebonds via des pays tiers »
À titre illustratif, Tracfin présente dans son rapport un schéma de cas typologique de montage complexe réalisé au titre du financement par une puissance étrangère d'un réseau d'associations cultuelles en lien avec un groupe scolaire disconvenant au caractère laïque de la République (voir ci-dessous).
Cas-type de montage financier d'ingérence étrangère dans le domaine associatif et cultuel identifié par Tracfin
Source : Tracfin
Selon le directeur de Tracfin, auditionné par la commission d'enquête, le nombre de déclarations de soupçon relatives à ces sujets s'élève à 21 653 entre 2019 et 2023, sans que celles-ci ne concernent forcement des manifestations de séparatisme ou d'ingérence.
Néanmoins, depuis l'entrée en vigueur des dispositions concernées de la loi CRPR, le flux de financement étranger des cultes diminuerait sensiblement.
Un agent spécialisé de Tracfin auditionné, dont l'identité est protégée, tend plutôt à défendre la thèse d'un impact positif de la loi CRPR : « Depuis la promulgation de cette loi, nous constatons collectivement une évolution de la pratique des associations cultuelles, lesquelles donnent des informations de plus en plus exactes. Nous observons une diminution des financements en provenance de l'étranger, qu'ils soient déclarés ou non. Ce texte a donc eu un effet de décrue des flux officiels et d'homogénéisation des déclarations, et ce quels que soient les cultes concernés »320(*).
Le rapport relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) pour l'année 2022-2023, qui consacre une section à la thématique des ingérences étrangères, fournit des détails supplémentaires à cet égard, en précisant que : « depuis l'entrée en vigueur de la loi, il ressort que les financements de lieux de culte sur le territoire national émanant de pays du Maghreb, de Turquie et du Moyen-Orient sont en très net recul »321(*).
Les origines de cette décrue restent cependant incertaines. Elles pourraient certes être liées à une diminution de ces pratiques, à l'augmentation des risques pour les auteurs des infractions, ou au fait que les financements emprunteraient désormais davantage des chemins détournés.
Enfin, le récent rapport de la commission des lois du Sénat sur l'application de la loi CRPR, qui dresse par ailleurs un bilan sévère de l'action du Gouvernement en la matière, considère également que le contrôle des financements étrangers représente « l'un des points de satisfaction » de cette loi322(*).
S'agissant du recours aux cagnottes en ligne, identifié parmi les points de vulnérabilité, le rapport annuel de Tracfin au titre de 2021 relève que le droit a également connu une évolution positive depuis une ordonnance de 2021323(*), qui prévoit l'intégration des dispositifs de financement participatif au régime juridique de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), qui présente des garanties d'encadrement accrues324(*).
b) Des zones d'ombres subsistent, appelant une vigilance constante des services de renseignement
Le rapport précité de la DPR montre bien que le dispositif ne doit pas dispenser les services de renseignement, aussi bien Tracfin que la DGSI, de maintenir leur vigilance. Selon ce rapport, la DGSI continue d'être chargée, en parallèle, « de suivre les principaux acteurs d'influence des pays du Maghreb, de Turquie et des pays du Golfe s'agissant des questions relatives à l'exercice du culte musulman en France, participe au comité de suivi des financements étrangers, piloté par le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT). Son rôle consiste à suivre les déclarations des financements étrangers aux niveaux zonal et central, mais également de signaler les financements non déclarés dont elle aurait connaissance par le biais de ses capteurs techniques et humains ».
En outre, ce même rapport relève que l'application du dispositif issu de la loi CRPR a déjà dû conduire les services à prendre des mesures d'entrave. En particulier, il est précisé que Tracfin aurait ainsi « un certain nombre de mesures d'entrave de l'activité marocaine et algérienne en lien avec la Grande Mosquée de Paris ».
Par ailleurs, le rapport précité de la commission des lois relève néanmoins que tous les risques n'ont pas disparu pour autant, compte tenu du risque d'une réorientation des opérations d'influence par la voie du financement cultuel, qui pourrait avoir des effets en France par effet de ricochet : ainsi ses rapporteures « appellent (...) à ne pas relâcher la vigilance au cours des prochaines années. Selon les informations communiquées par Tracfin, cette réduction des flux en provenance de l'étranger est en effet moins le résultat d'un tarissement stricto sensu que d'une réorientation vers d'autres États, en particulier africains. Dans un contexte d'intrication croissante des économies, ce constat est préoccupant et incite au maintien d'une surveillance active en matière de financements étrangers ».
c) Des lacunes persistantes identifiées dans les dispositifs issus de la loi confortant le respect des principes de la République par la délégation parlementaire au renseignement subsistent
Le même rapport de la DPR, tout en considérant que la loi CRPR « a incontestablement emporté des effets positifs par l'apport de nouveaux outils mais aussi par son rôle dissuasif vis-à-vis de certains acteurs qui se sont en effet régularisés de leur propre initiative », pointe également certaines de ces lacunes.
En premier lieu, son dispositif relatif à l'obligation de déclaration d'intention d'aliéner les locaux cultuels au profit de personnes étrangères ne prend pas en compte les terrains non bâtis. Or, selon la DPR, « de nombreuses associations poursuivent des projets d'acquisition de terrains afin d'y construire des centres culturels ou des mosquées ».
En deuxième lieu, cette loi n'aborderait pas la question de la transparence financière des dons et l'appel à la générosité du public. La commission d'enquête relève cependant à cet égard que la réforme du régime applicable aux cagnottes en ligne (voir supra) répond au moins en partie à cet enjeu.
Enfin, la loi ne prévoit pas de dispositif spécifique pour contrecarrer le recours excessif aux sociétés civiles immobilières pour financer et soutenir les associations exerçant le culte. Or, si la loi du 9 décembre 1905 précise que ces associations peuvent détenir des biens immobiliers lorsque cette détention est en lien avec leur objectif social, il apparaît selon la DPR que nombre d'associations cultuelles ne peuvent justifier d'un tel lien.
Le rapport conclue donc que « la bonne application des nouveaux outils » de la loi CRPR ne peuvent représenter « qu'une partie de l'action des services de renseignement ».
IV. CONCLUSION INTERMÉDIAIRE : LA NÉCESSITÉ D'UNE STRATÉGIE GLOBALE
A. UN BILAN INTERMÉDIAIRE SATISFAISANT : LA FRANCE A CRÉÉ UNE POLITIQUE GLOBALE ET PRIS UNE CERTAINE AVANCE SUR SES PARTENAIRES
1. Une approche globale de la lutte contre les influences étrangères qui couvre, en théorie, l'ensemble des politiques publiques
Depuis 2017 et l'affaire des Macron Leaks, la France a manifestement pris la mesure de la menace représentée par les opérations d'influence malveillante, tout particulièrement dans le domaine informationnel. La commission d'enquête ne peut que s'en féliciter. Cette prise de conscience a conduit à élaborer, bloc par bloc, une réponse d'ensemble aux influences étrangères malveillantes. L'ensemble de cette réponse, présentée supra, permet de couvrir théoriquement l'ensemble de nos politiques publiques.
Il en ressort un schéma de réponse relativement standardisé, reposant sur trois dimensions.
Premièrement, les actions de détection et de caractérisation regroupent les activités de surveillance et d'identification des opérations d'influence. Par un travail de remontée d'incidents ou de veille systématique, les services en charge de ces actions sont en mesure de repérer l'émergence d'un phénomène d'influence. Il s'agit, par la suite, dans le cadre d'un travail d'enquête, de confirmer ces premiers soupçons, d'identifier l'entité à l'origine de l'opération, sa méthodologie et ses objectifs.
Si l'on prend l'exemple de Viginum, le travail de veille systématique sur les réseaux lui permet d'identifier une activité suspecte, puis, suite à la définition de critères techniques, de lancer une action de collecte et de traitement de données afin de caractériser une ingérence numérique étrangère. Ce travail de caractérisation permet de déterminer si l'opération suspecte découle bien d'une « diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée » de contenus faux ou trompeurs et, dans un second temps, d'attribuer sa conduite à une entité étrangère.
Hors de l'hypothèse d'une opération d'influence menée en ligne, le travail de veille est plus complexe et repose essentiellement sur une remontée d'information, par des cellules de veille ministérielles dotées d'une spécialisation sectorielle.
Deuxièmement, les actions de riposte correspondent à l'ensemble de la palette d'entraves à la disposition des pouvoirs publics. Comme indiquée dans le deuxième chapitre de la deuxième partie, les mesures d'entrave sont variées et suivent une gradation allant d'un échange diplomatique informel ou une dénonciation publique de l'opération à des mesures de judiciarisation ou à la mise en place d'un régime de sanctions au niveau européen.
À noter que si certains services n'interviennent que dans une seule dimension, comme Viginum chargée de la détection et de la caractérisation des ingérences numériques, d'autres peuvent opérer dans deux dimensions. C'est le cas de la direction de la communication et de la presse du MEAE qui assure simultanément un travail de veille et des actions de communication stratégique d'entrave.
Troisièmement, en amont de la détection et de la riposte les politiques de résilience visent à protéger la société civile contre les opérations d'influence. Elles permettent d'associer l'ensemble de l'action publique, hors du strict champ des ministères régaliens, à la lutte contre les influences malveillantes. Ces actions, qui interviennent principalement dans la sphère privée, s'appuient logiquement sur la régulation. L'enjeu principal de ces politiques de résilience, s'il n'est pas le seul, est la protection de l'intégrité de l'environnement informationnel, par la régulation des médias et des réseaux sociaux et par des politiques éducatives.
La réponse aux opérations d'influence se répartit entre les différents services compétents selon la sphère visée. À cet égard, trois champs d'intervention ont pu être distingués :
- le territoire et l'espace informationnel français, comprenant également le champ des activités économiques ;
- l'image et les intérêts de la France à l'étranger, qui peuvent également comporter une dimension économique ;
- le champ des armées, lié tant au déploiement des forces à l'étranger que l'image des armées.
Dans le cas d'une opération menée sur le territoire français ou ciblant l'espace informationnel français, le travail de détection relève de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ou, s'agissant des ingérences numériques ciblant l'espace informationnel français, de Viginum. S'agissant d'opérations d'influence poursuivant un objectif de radicalisation, notamment religieuse, de leurs cibles, le travail de veille relève du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). La réponse relève du ministre de l'Intérieur (en particulier de la DGSI) et, si la réponse donne lieu à des poursuites pénales, le ministre de la Justice.
Si elle concerne toutefois la sécurité économique, la détection relève du Sisse et la réponse du ministre de l'économie et des finances.
Dans le cas d'une opération d'influence visant l'image de la France à l'international, le travail de détection relève de la direction de la communication et de la presse du Quai d'Orsay, et la réponse relève du ministre des Affaires étrangères ou, dans le cadre d'une opération de moindre ampleur, du poste diplomatique compétent avec le soutien de la DCP.
S'il s'agit d'une opération visant des ressortissants français ou des intérêts économiques, la direction générale de la sécurité extérieure est chargée tant du travail de détection que de la riposte, dans le cadre de ses moyens d'action clandestins.
Dans le cas d'une opération d'influence visant les armées, le travail de détection relève du Comcyber si elle concerne l'action des forces françaises sur un théâtre extérieur et de la Dicod si elle porte atteinte à la politique de communication des armées. La direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) intervient également, tant au stade de la détection que de la riposte. La réponse relève du ministre des Armées.
Ces trois sphères ne sont toutefois pas imperméables entre elles. Ainsi, dans l'hypothèse d'une opération d'influence malveillante d'ampleur visant à la fois l'image de la France à l'étranger et les forces armées, les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère des armées travaillent de concert dans le cadre de la task force interministérielle informationnelle, comme exposé supra.
Répartition simplifiée des compétences en matière de détection et de riposte face aux opérations
Cible de l'opération |
Travail de détection |
Autorité politique chargée de la riposte |
|
Territoire national |
Ingérences de toutes natures |
DGSI |
Ministre de l'intérieur et ministre de la justice (en cas de poursuites pénales) |
Ingérences numériques |
SGDSN (Viginum) |
||
Influence à des fins de radicalisation |
CIPDR |
||
Ingérences économiques |
SISSE |
Ministre de l'économie et des Finances |
|
Étranger |
Atteinte à l'image de la France à l'étranger |
Direction de la communication et de la presse du MEAE |
Ministre de l'Europe et des affaires étrangères |
Ingérence menée contre les ressortissants, entreprises ou intérêts français à l'étranger |
DGSE |
Ministre des armées |
|
Armées |
Lutte d'influence ciblant les forces engagées sur un théâtre extérieur |
Comcyber |
Ministre des armées |
Atteinte à la politique de communication des armées |
Dicod |
Source : commission d'enquête
Par ailleurs, comme présenté tout au long de la deuxième partie du présent rapport, ce schéma de lutte contre les opérations d'influence malveillante en trois temps (détection - riposte - prévention) et dans trois champs (territoire national - étranger - armées) s'appuie sur un corpus législatif et règlementaire relativement complet. La récente loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France a permis de pallier les faiblesses de ce corpus, identifiées par le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les ingérences étrangères et par les travaux de la délégation parlementaire au renseignement, dans le champ de la détection (autorisation de la technique dite de l'algorithme), dans le champ de la riposte (création d'une nouvelle circonstance aggravante pour ingérence et utilisation des techniques d'enquête spéciales et nouvelles compétences pour la HATVP) et dans le champ de la résilience (création d'un répertoire des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers).
Aussi, hormis la question du statut des plateformes, dont l'évolution devra être envisagée à moyen terme au niveau de l'Union européenne, la commission d'enquête n'a identifié aucun manque majeur au sein de notre cadre législatif et règlementaire dans la lutte contre les opérations d'influence.
Au total, il est indéniable que la présentation de l'organisation de notre réponse aux influences étrangères malveillantes laisse une impression de foisonnement. Pour autant, il serait illusoire d'envisager cette politique comme un jardin à la française, autour d'un organisme unique. Les influences affectent l'ensemble du champ de nos politiques publiques. L'étendue de leur impact implique, en outre, que le coeur régalien de l'État n'est pas en mesure d'assurer seul la riposte. En ce sens, Mme Elsa Pilichowski, directrice de la gouvernance publique de l'OCDE, souligne que « Dans tous les pays, il y a un ensemble d'acteurs. C'est peut-être cela, la bonne pratique internationale. N'avoir qu'un seul acteur paraît impossible au vu de l'étendue et des différents canaux de l'ingérence étrangère. On ne peut pas être spécialisé sur tout. Différentes agences sont chargées de différents aspects. Cela soulève la question de leur coordination »325(*).
2. En comparaison de ses partenaires et alliés, la France dispose d'une certaine avance dans la lutte contre les influences malveillantes
Les auditions et déplacements de la commission d'enquête ont permis d'établir que la France disposait d'une certaine avance sur ces partenaires et alliés, tant en termes de prise de conscience de la menace au niveau de l'État que de mise en oeuvre de dispositifs de réponse. Seuls les États les plus directement exposés à des stratégies d'influence agressives disposent de politiques de réponse plus développées. Les pays baltes, la Finlande et la Suède, exposées aux manoeuvres russes et Taïwan, constamment sous la pression de la Chine, ont adapté leur appareil d'État et se sont dotées de politiques de résilience particulièrement avancées. En ce sens, le déplacement de la commission d'enquête en Finlande et en Estonie a permis d'identifier plusieurs points dont la France pourrait utilement s'inspirer (cf. infra troisième partie).
S'agissant du modèle français, Viginum constitue un instrument unique au sein des pays occidentaux : un service spécifique, dédié à la protection du débat public, sous la surveillance d'un comité éthique, et disposant de la confiance du public et des journalistes. Ce point mérite d'être souligné. La réussite de l'action publique en matière de lutte contre les influences est en effet conditionnée à une relative confiance des citoyens. Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Stéphane Bouillon, l'a rappelé : « J'estime que nous sommes à ce titre plus performants que d'autres pays. Les États-Unis et l'Espagne ont échoué à mettre en place un tel dispositif. Pour notre part, nous avons au préalable recueilli les conseils des présidents des assemblées parlementaires et des commissions compétentes au sein de ces dernières, et nous avons fait le tour de tous les dirigeants de tous les partis politiques. De ce fait, le cadre que nous avons posé ne prête pas le flanc à la contestation politique »326(*). Aux États-Unis, l'Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures327(*), créée en 2018 pour protéger l'infrastructure électorale des ingérences numériques, a en effet été au coeur des débats politiques des élections présidentielles et générales américaines de 2020 et son intégrité remise en cause par une partie de la classe politique comme le chercheuse Maud Quessard l'a indiqué à la commission d'enquête : « Celle-ci fait l'objet de beaucoup d'attaques car elle a été perçue non pas comme une agence capable de protéger les citoyens américains pour assurer un processus électoral sécurisé mais, au contraire, plutôt pointée du doigt dans le débat public comme étant potentiellement une agence pouvant censurer une partie de la classe politique américaine »328(*).
Parmi nos alliés, il existe peu de structures spécifiques ou présentant une forte originalité en matière de lutte contre les opérations d'influence. Deux exemples principaux peuvent être cités. D'une part, le Global Engagement Center, placée au sein du département d'État américain, assure à la fois des missions de détection et de divulgation, par la communication stratégique, d'opérations de propagande et de désinformation étrangères (voir encadré infra). Ses missions recoupent ainsi à la fois celles de Viginum et celles de la direction de la communication et de la presse du MEAE en France. D'autre part, l'Agence de défense psychologique suédoise, créée dans les années 1950 et réactivée en 2022, vise à préserver l'espace informationnel lié aux élections de toute interférence étrangère (voir encadré dans la troisième partie).
Par ailleurs, si la coordination de l'ensemble des services de l'État dans la lutte contre les influences demeure en France un enjeu certain, le caractère unitaire de l'État français apparaît comme un atout. Pour la chercheuse Maud Quessard : « La coordination est un mot clé qui est extrêmement présent partout, et pas simplement pour nos institutions françaises ; à cet égard, nous avons la chance d'être dans un État jacobin par nature plus propice à assurer la coordination qu'un État fédéraliste »329(*).
Le Global Engagement Center du département d'État américain
Rattaché au département d'État américain, le Global Engagement Center (Centre pour la mobilisation mondiale) est une institution de création récente. Il a remplacé en 2016 le Centre de communication stratégique contre le terrorisme330(*). La création et les missions initiales du GEC s'inscrivaient dans le contexte de la lutte contre la propagande de Daech, justifiant qu'une majorité des agents du centre soient issus des personnels civils et militaires du Pentagone. La loi autorisant le budget de la défense nationale pour l'année 2017 a permis d'étendre son action aux actions de propagande d'États étrangers331(*).
Le GEC est ainsi chargé de détecter, comprendre, exposer et contrer les actions de désinformation et de propagandes d'entités étrangères, étatiques ou non, visant à affaiblir ou influencer les politiques publiques, la sécurité ou la stabilité des États-Unis, de leurs alliés et de leurs partenaires. Pour ce faire, son action s'articule en cinq axes :
- analyse et recherche, une vingtaine de chercheurs et d'analystes collectent des informations sur les tactiques et objectifs d'entités étrangères étatiques et non étatiques ;
- partenariats internationaux, le centre soutient et participe à des coalitions et partenariats internationaux pour renforcer l'environnement informationnel international ;
- programmes et campagnes, quatre équipes, respectivement dédiées à la Chine, à la Russie, à l'Iran et au terrorisme, travaillent pour renforcer la résilience de la société et des institutions face aux menaces informationnelles de ces acteurs ;
- divulgation, le centre assure la coordination interagence pour révéler les campagnes et manoeuvres informationnelles visant les États-Unis ou leurs alliés et partenaires ;
- évaluation des technologies, le GEC répertorie et teste les technologies susceptibles d'être utilisées dans la lutte contre la propagande étrangère et la désinformation et d'anticiper la menace de l'utilisation de l'IA générative dans ce domaine.
La défense informationnelle des États-Unis n'est cependant pas l'apanage du seul GEC. Comme le souligne Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, le GEC doit coexister avec : « de nombreuses task forces dédiées à la lutte contre la désinformation et/ou l'influence étrangère, dans d'autres administrations, dont le département de la Justice et le département de la Sécurité intérieure »332(*).
Le centre dispose de 70 agents et d'un budget d'environ 170 millions de dollars. Si son action pour contrer la propagande du groupe État islamique s'est révélée relativement efficace, ses résultats sont plus limités s'agissant de la lutte contre les manoeuvres de propagande et de désinformation menées par la Russie, la Chine et l'Iran. Selon Maud Quessard, « le GEC est considéré comme un centre d'analyse de données (data center) peu à même de coordonner des programmes d'information et d'engagement utilisant les moyens humains et cyber »333(*).
Source : commission d'enquête d'après le site internet du Global Engagement Center
B. UN BILAN À PERFECTIONNER : UNE APPROCHE EMPIRIQUE, SANS PORTAGE POLITIQUE INTERMINISTÉRIEL ET INÉGALEMENT MISE EN oeUVRE SELON LES MINISTÈRES
1. Une approche de la lutte contre les influences qui frappe par son empirisme
En dépit d'un bilan globalement satisfaisant, les politiques de lutte contre les opérations d'influence malveillantes frappent par leur empirisme. Les différents instruments de détection et de riposte sont nés en réponse aux opérations d'influence ayant visé la France depuis 2017. Cinq faiblesses ressortent de cet empirisme.
Premièrement, on constate une véritable « archipélisation » des capacités de détection et de caractérisation, au risque d'un fonctionnement en silos et d'une dispersion des moyens. De nombreux ministères, confrontés à l'émergence d'opérations d'influence dans leurs champs d'action, se sont dotés de capacités de détection et de caractérisation. Si cette floraison de cellules de veille et de task forces permet une plus grande couverture du champ des politiques publiques, il est indispensable d'assurer une plus grande communication et une remontée de l'information.
Deuxièmement, le phénomène des influences étrangères demeure relativement mal connu académiquement. Les différentes auditions d'universitaires et de chercheurs, spécialistes des questions informationnelles, de la Russie, des États-Unis et de l'islam, ont unanimement souligné le manque de moyens de la recherche en sciences sociales.
Troisièmement, il n'existe pas, sur le plan stratégique, de vision unifiée sur la question des influences étrangères ni, sur le plan opérationnel, de doctrine de réponse clairement définie aux manoeuvres hostiles.
Quatrièmement, le portage politique de la question des influences étrangères est inexistant au niveau interministériel. La doctrine implicite de réponse aux opérations d'influence repose sur le ministre compétent au fond, qui assure dès lors la dénonciation, l'arbitrage portant sur la réponse pouvant remonter jusqu'au Président de la République. Toutefois, le niveau interministériel et singulièrement le Premier ministre sont absents de cette équation. Il n'existe pas de « guichet unique » politique en matière d'influence, en mesure de mobiliser les services de l'État, y compris hors du domaine régalien. Dès lors, seuls les ministères les plus concernées sectoriellement s'investissent pleinement dans la lutte contre les influences malveillantes.
Cinquièmement, la société civile n'est nullement associée par l'État à la lutte contre les influences malveillantes. Hormis des initiatives ponctuelles improvisées par les services compétents, les ressources de la société civile demeurent peu exploitées et les citoyens mal sensibilisés à la menace. Cette omission est d'autant plus paradoxale que la société est la cible principale des opérations d'influence qui cherchent, au travers de manoeuvres informationnelles, à saper sa cohésion.
L'apparente improvisation des services de l'État pour construire une réponse aux opérations d'influence malveillante n'est pas inquiétante en soi. Le domaine est relativement nouveau et la France a su agir pour établir une politique cohérente, plus rapidement et plus efficacement que nombre de ses alliés. Dans le domaine cyber, la formalisation d'une stratégie nationale en 2021 est intervenue en aval de la construction Pour autant la commission d'enquête, à l'issue de ses travaux, estime que cet empirisme doit être dépassé pour construire une stratégie cohérente de réponse à la menace des influences.
2. Un décalage inquiétant entre la sphère régalienne et le reste des services de l'État dans la prise en compte de la menace des influences malveillantes
La commission d'enquête a pu constater que si le coeur régalien de l'État est pleinement au fait des enjeux liés aux influences étrangères, le reste des ministères est encore peu impliqué dans cette politique.
La problématique des influences malveillantes n'est pourtant pas ignorée par les administrations non régaliennes. Les travaux parlementaires ont ainsi contribué à alerter les ministères sur le décalage existant entre l'état de menace et l'absence de dispositifs de détection et de caractérisation efficients. Dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, le rapport d'information du sénateur André Gattolin334(*) a souligné les faiblesses du dispositif de protection du potentiel scientifique et technologique de la Nation et formulé des recommandations visant pallier ces faiblesses.
Pour autant, en dépit de ces alertes, les dispositifs de veille et d'alerte, hors du domaine régalien, paraissent encore insatisfaisants à la commission d'enquête. C'est par exemple le cas dans le domaine universitaire. Benjamin Leperchey, adjoint à la direction générale de l'enseignement scolaire et de l'insertion professionnelle, a ainsi indiqué à la commission d'enquête que « Les opérations sont actuellement beaucoup moins frontales, ce qui rend les frontières plus floues, si bien que les mécanismes de recensement et de détection que le rapport du Sénat de 2021 nous encourageait à faire progresser restent difficiles à mettre en oeuvre »335(*). De plus, le constat de la menace est encore imparfaitement pris en compte par les responsables publics : « Il n'y a pas de naïveté sur le sujet, mais la prise de conscience reste hétérogène parmi les présidents d'établissement »336(*). L'implication des autorités chargés de la régulation est également inégale. S'agissant de l'Arcom, son président, Roch-Olivier Maistre a clairement indiqué que la surveillance des médias en langues étrangères diffusés en France était contrainte par le manque de moyens de l'autorité : « Ce travail est nécessairement contraint par les ressources qui sont les nôtres. Nous cherchons donc à cibler au mieux nos contrôles. Si nous étions saisis d'un volume plus significatif que les quelques chaînes de télévision que j'ai évoquées, cette contrainte serait certainement difficile à gérer en termes de moyens - je tiens à le souligner »337(*).
Ensuite, le maillage territorial des mécanismes de détection demeure incomplet. En matière économique, les délégués du Sisse ne sont placés qu'auprès des préfets de région, ne permettant pas de contrôler l'ensemble des activités économiques sur le territoire ni de véritablement assurer une mission de sensibilisation des entreprises stratégiques. En matière universitaire, si le réseau des fonctionnaires de sécurité et de défense (FSD) couvre théoriquement l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, le cumul des fonctions de FSD avec d'autres fonctions administratives ne permet pas une véritable professionnalisation. De plus le réseau de veille et d'alerte du service de défense et de sécurité ne couvre pas les établissements d'enseignement supérieur privés.
Enfin, la commission d'enquête estime que les potentialités offertes par la société civile ne sont pas pleinement mobilisées par les pouvoirs publics. Or, comme il sera exposé infra dans la troisième partie, la lutte contre les influences implique d'associer les différentes composantes intéressées, journalistes et chercheurs, et de sensibiliser plus largement le secteur privé et la population.
* 313 Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
* 314 Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat
* 315 Il convient de noter que ce régime est également applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les associations inscrites de droit local à objet cultuel - exclusif ou non - sur le fondement de l'article 79-VIII du code civil local.
* 316 Suite à la publication du décret d'application n° 2022-619 du 22 avril 2022
* 317 Article 17-1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
* 318 Rapport n° 454 (2020-2021) fait par Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi confortant les principes de la République, déposé le 18 mars 2021.
* 319 Tracfin 2021, Activité et analyse, juillet 2022.
* 320 Audition du 30 mai 2024.
* 321 Rapport public n° 1454 (Assemblée nationale seizième législature) / n° 810 - (Sénat 2022-2023) fait au nom de la délégation parlementaire au renseignement, relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2022-2023, déposé le 29 juin 2023.
* 322 Rapport d'information n° 383 (2023-2024) fait par Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien au nom de la commission des lois du Sénat sur l'application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, déposé le 6 mars 2024.
* 323 Ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif.
* 324 Articles L. 561-1 à L. 561-50 du code monétaire et financier.
* 325 Audition du 19 mars 2024.
* 326 Audition du 11 juin 2024.
* 327 Cybersecurity and Infrastructure Security Agency (CISA).
* 328 Audition du 7 mars 2024.
* 329 Idem.
* 330 Center for Strategic Counterterrorism Communications.
* 331 National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2017.
* 332 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « Chapitre 16. Panorama des mesures prises contre les manipulations de l'information », in Céline Marangé et Maud Quessard (dir.) Les guerres de l'information à l'ère numérique, 2021.
* 333 Maud Quessard, « Chapitre 10. Les États-Unis : la militarisation de la diplomatie publique », in Céline Marangé et Maud Quessard (dir.) Les guerres de l'information à l'ère numérique, 2021.
* 334 Rapport d'information n° 873 (2020-2021) fait par André Gattolin au nom de la mission d'information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences, déposé le 29 septembre 2021.
* 335 Audition du 2 mai 2024.
* 336 Idem.