B. LA PROCÉDURE DE RENOUVELLEMENT DE LA CONCESSION DOIT GARANTIR LES INTÉRÊTS FINANCIERS DE L'ÉTAT
1. La procédure de cession était pertinente du point de vue financier pour l'État, mais elle n'a pas eu le succès escompté
Le lancement simultané de la procédure de cession et de concession devait permettre à l'État de choisir a posteriori entre la cession et le renouvellement de la concession du Stade de France en fonction des offres déposées.
Le lancement de deux procédures parallèles de mise en concurrence est inhabituel, et soulève des questions juridiques. L'étude de 2021 menée par le cabinet Finance Consult le soulignait déjà : « il est juridiquement très délicat de mettre en oeuvre une procédure qui permettrait d'aboutir à la conclusion, au choix, de plusieurs montages, et notamment tout à la fois d'une concession, d'une AOT et d'une cession. »31(*) Pour cette raison, le cabinet préconisait de ne pas mener une double procédure, mais seulement une procédure de renouvellement de concession.
Cette démarche pose en effet un problème de droit de la concurrence : comment comparer entre elles des offres qui ne portent pas sur le même type de marché (concession et vente) ? Il est nécessaire de pouvoir objectiver les offres, c'est-à-dire de trouver des critères de comparaison qui soient applicables dans le même temps pour une concession et pour une vente. Le risque était de se retrouver à « comparer ce qui n'est comparable, ce qui rendrait très difficile une notation et une mise en perspective des offres entre elles »32(*), ou d'avoir des critères tellement souples qu'ils deviendraient inopérants.
Selon la direction des sports, la solution retenue était de départager les offres au sein de chacune des procédures (cession et renouvellement de la concession), puis ensuite, au regard des offres retenues, de départager entre la cession et le renouvellement de la concession, en choisissant l'option qui serait la plus avantageuse pour l'État.
De plus, même si juridiquement elle pouvait interroger, la décision de ne fermer aucune porte en lançant en parallèle une procédure de cession est financièrement louable. D'ailleurs, si davantage de candidats s'étaient positionnés pour la cession, cela aurait pu permettre une augmentation de la concurrence, ce qui aurait été bénéfique pour l'ensemble de la procédure.
En tout état de cause, la procédure de cession du Stade de France ayant été arrêtée en l'absence de candidat, la question juridique ne se pose plus.
La seule offre déposée pour la procédure de cession ayant été jugée irrecevable par les services instructeurs au motif que le dossier était incomplet, l'offre devait en effet être donc être considérée comme irrégulière. Interrogée sur la question de savoir si le recours formulé par un membre du groupement pourrait avoir des conséquences sur la procédure de renouvellement de concession, la direction des sports a indiqué que le risque juridique était mineur : même dans le cas où une procédure devait être réouverte, elle serait vraisemblablement fermée rapidement faute de candidats, les autres membres du groupement n'ayant pas participé au recours.
Toutefois, le fait même qu'in fine un seul candidat se soit positionné sur la vente du Stade n'était pas optimal. Le droit de la concurrence n'interdit pas de mener à terme une vente pour laquelle seul un candidat s'est déclaré, mais faute de comparaison, il aurait été délicat d'objectiver l'offre. La situation soulève ainsi une interrogation sur l'attractivité de la procédure : les critères de la cession étaient-ils adaptés ?
Dans le cadre de la procédure de cession, désormais abandonnée, il était prévu que l'acquéreur soit soumis aux obligations suivantes :
- il devait maintenir la vocation sportive du Stade de France pendant 25 ans ;
- il devait accueillir prioritairement pendant une période de 25 ans les événements organisés par la Fédération Française de Rugby et la Fédération Française de Football, ainsi que les Grands événements sportifs internationaux ;
- il devait réaliser un « socle minimum de travaux », qui devaient notamment comprendre les mises à niveau et/ou adaptations des dispositifs en lien avec la sécurité publique. Selon la direction des sports, ce socle minimal de travaux portait essentiellement sur l'entretien de l'enceinte, et ils n'auraient donc pas été aussi importants que dans le cadre d'une concession.
Ces contraintes représentent un compromis entre la perte de contrôle par l'État, et la nécessité de préserver le rôle que revêt l'enceinte pour le rayonnement sportif de la France à l'international.
Elles pouvaient néanmoins conduire à rendre le rachat du Stade de France moins attractif, par rapport à un rachat « sans contrepartie », comme ont pu l'indiquer devant le rapporteur spécial certaines personnes auditionnées.
Il est cependant difficile d'imaginer que l'État aurait pu proposer une cession avec moins d'obligations que celles qui viennent d'être présentées : le risque aurait été dès lors que le Stade de France perde sa dimension symbolique et patrimoniale. La cession aurait été particulièrement difficile à accepter au niveau social et politique.
Le maintien de la vocation sportive de l'enceinte et l'organisation prioritaire des événements sportifs internationaux étaient davantage un point de départ dans les négociations qu'un aboutissement.
D'une manière générale, il n'aurait pas été concevable de n'imposer aucune obligation en cas de vente. Au regard de la spécificité du Stade de France, les critères retenus ne paraissaient donc pas inadéquats.
2. La procédure de renouvellement de la concession est encore en cours
Des négociations sont actuellement en cours avec les candidats pour le renouvellement de la concession. Le présent rapport de suivi n'a pas vocation à détailler les critères retenus par l'État ni les projets des candidats, afin, de ne pas interférer sur le déroulement de la procédure. Les remarques qui vont suivre porteront donc sur la procédure et sur le cahier des charges d'un point de vue général.
Le recours à une concession implique de définir les missions de « service public » assignées au Stade, d'estimer les conséquences de ces missions sur l'équilibre économique de la future concession, et en conséquence de déterminer le niveau de la subvention, si celle-ci se justifie.
La Cour des comptes indique que la direction des sports « précise avoir inclus dans l'appel public à candidature les principes qui pourraient structurer la future concession, dont le renforcement de l'attractivité et du dynamisme de l'équipement, et défini plusieurs caractéristiques importantes pour son modèle économique. » Parmi ces éléments sont inclus :
- l'accueil prioritaire de la FFF et de la FFR, ainsi que des grands événements sportifs internationaux ;
- la possibilité d'accueillir d'autres événements sportifs et culturels ;
- la valorisation de certains espaces non construits de l'emprise du Stade ;
- un socle minimal de travaux à la charge du concessionnaire.
Cependant, les magistrats financiers précisent que « plusieurs critères déterminants pour l'équilibre économique du contrat, dont le nombre de matchs annuels et le maintien des capacités du stade, n'ont toutefois pas été prescrits dans le cahier des charges. En conséquence, aucun montant de subvention de l'État n'a été imposé aux candidats malgré l'objectif fixé de neutralité pour les finances publiques. »33(*)
La Cour des comptes estime en effet qu'il aurait été nécessaire, en amont de la rédaction du cahier des charges, de fixer le quantum des matchs et les tarifs de location du Stade aux fédérations françaises de football et de rugby. Ceux-ci relèveraient alors des relations entre l'État (concédant) et des fédérations, et non plus de conventions signées entre le concessionnaire et les fédérations comme c'est le cas actuellement.
Toutefois, la définition en amont du quantum de matchs ainsi que des tarifs de location, si elle est justifiée dans son principe, semble toutefois difficile à mettre en oeuvre en pratique : il n'est pas dans l'intérêt des fédérations de « dévoiler leurs cartes » avant la discussion des offres des candidats. Par ailleurs, la mise à disposition du stade aux fédérations ne s'analyse pas comme une simple location assortie d'un loyer, mais comme un ensemble complexe de prestations techniques et de relations commerciales, que seul l'exploitant du est à même de négocier avec chacune des fédérations. Le schéma retenu actuellement par le comité de pilotage de laisser les fédérations négocier librement avec les candidats paraît à cet égard pertinent. L'éventuel montant de subvention de l'État pourra donc être défini a posteriori.
Concernant la conduite de la procédure de renouvellement de la concession, il convient de rester vigilant quant au risque de défaut d'information des candidats. Le concessionnaire actuel, qui a bâti le stade et qui le gère depuis désormais trente ans, dispose d'informations précieuses sur le fonctionnement de l'enceinte. Il est ainsi nécessaire que le concessionnaire actuel participe pleinement à la procédure, de sorte que l'ensemble des candidats disposent des informations pertinentes relatives au renouvellement de la concession, au risque sinon qu'il y ait de créer des asymétries préjudiciables.
Cette question des asymétries d'information n'est pas secondaire. Elle peut représenter un risque juridique (annulation de la procédure faute d'équité entre les candidats), et elle peut se révéler dommageable d'un point de vue financier, en réduisant la qualité des offres.
À cet égard, selon les informations transmises au rapporteur spécial, le Consortium du Stade de France s'est engagé à permettre aux candidats de visiter le stade quand ils le souhaitent. Par ailleurs, au titre du protocole de fin de concession conclu avec l'Etat, le concessionnaire actuel s'est engagé à fournir à l'administration toutes les informations nécessaires à la conduite de la procédure. La direction des sports précise en outre que la totalité des diagnostics techniques ont été réalisés et mis à disposition des candidats.
D'une manière générale, l'ensemble des personnes auditionnées par le rapporteur spécial a souligné la qualité du travail mené par Fin Infra.
3. Les fédérations sportives devront être davantage intégrées dans la nouvelle concession
Quels que soient les critères retenus, la prise en compte des intérêts de la Fédération française de football et de la Fédération française de rugby sera indispensable. Dans son rapport de 2019, le rapporteur spécial défendait déjà que « l'avenir du Stade de France passe donc par une intégration plus forte des fédérations sportives titulaires des droits commerciaux des manifestations sportives qu'elles organisent. »34(*) Faute de club résident, les fédérations sportives sont en effet des partenaires indispensables du Stade de France.
Le rachat du Stade par les fédérations est exclu à court terme, mais une gouvernance plus intégrée n'est pas hors de portée. Les dirigeants de la Fédération française de football ont ainsi affirmé au rapporteur spécial qu'ils n'étaient pas hostiles à un « modèle de gouvernance plus intégré », mais à la condition que le modèle économique soit plus favorable qu'il ne l'est actuellement.
* 31 Mission d'étude pour l'État sur l'avenir post 2025 du Stade de France, Groupement Finance Consult - Adaltys - ISC - BlueRock.
* 32 Mission d'étude pour l'État sur l'avenir post 2025 du Stade de France, Groupement Finance Consult - Adaltys - ISC - BlueRock.
* 33 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire de l'exercice 2023 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », avril 2024, page 52.
* 34 Jouons collectif pour l'avenir du Stade de France, rapport d'information de M. Éric Jeansannetas fait au nom de la commission des finances, 26 juin 2019, page 31.