B. DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DÈS LES PREMIÈRES PHASES DE TRAVAUX QUI N'ONT PAS, POUR AUTANT, CONDUIT À LA MISE EN PLACE DE BILANS INTERMÉDIAIRES
1. Les difficultés rencontrées lors du lancement des premières opérations de rénovation
Les premiers marchés publics lancés par la SPEM à la suite du premier marché subséquent ont rencontré quelques difficultés inhérentes à des opérations d'investissement de grande ampleur. Si certaines difficultés s'expliquent en partie par la situation conjoncturelle caractérisée par un contexte inflationniste et de tensions d'approvisionnement pour certains matériaux, d'autres sont plus classiques dans le cadre de la passation de marchés complexes.
Ainsi, dans le cadre de la première vague de travaux, les problèmes suivants ont été rencontrés :
- des études techniques complémentaires ont été demandées par les soumissionnaires dans le cadre du dialogue compétitif des marchés globaux de performance (MGP) ;
- un tour de négociation complémentaire a été organisé avec les soumissionnaires en dialogue compétitif ;
- l'attribution à une entreprise générale non-française d'un marché global de performance a engendré des difficultés d'appréhension de la réglementation liée aux MGP et globalement à la législation française ;
- des appels d'offres ont été infructueux sur un lot de second oeuvre en marchés allotis ;
- la faillite d'une entreprise sous-traitant sur un lot à large spectre de compétences ;
- des aléas ont été découverts en cours de chantier : cavités ; pollution des sols ;
- la reprise en maitrise d'ouvrage par la ville puis par la SPEM d'un projet de voirie attenant à un groupe scolaire par suite d'une décision de la Métropole ;
- des ajustements de programme demandés par la ville en cours de chantier.
2. Une absence de bilans intermédiaires pourtant nécessaires pour déployer le plus efficacement possible le plan « écoles » au niveau national
Si ces difficultés ne présentent aucun caractère anormal dans le cadre d'un investissement multi opérations sur 109 sites représentant 188 écoles, elles doivent cependant permettre d'anticiper au mieux les prochaines vagues et d'améliorer les procédures.
La ville de Marseille, à cet égard, a d'ailleurs identifié plusieurs pistes d'amélioration :
- optimisation du lancement des vagues par la SPEM : si la SPEM est un vecteur efficient, il pourrait être encore amélioré par la finalisation des recrutements nécessaires afin d'absorber l'activité en rythme de croisière et par la mise en place d'indicateurs renforcés ;
- optimisation des coûts de réalisation par un encadrement fort des programmes dès l'amont ;
- optimisation des frais financiers par la mobilisation des financements avec garantie de l'État afin d'obtenir des taux plus intéressants ;
- amélioration des performances techniques et environnementales ainsi que des clauses d'insertion au fur et à mesure des vagues de travaux.
Pour autant et malgré l'attention portée par la ville et par la SPEM aux retours d'expérience au fur et à mesure de la réalisation des opérations, aucun bilan n'existe à ce jour de manière formalisée afin de mettre en exergue les difficultés rencontrées pour chaque opération, les moyens de les surmonter voire de les éviter lors des prochaines vagues de réalisation.
Dans ce contexte, il apparait indispensable aux rapporteurs spéciaux d'élaborer des bilans intermédiaires par vague et/ou par opérations.
Recommandation n° 10 : élaborer des bilans intermédiaires pour chaque vague de travaux achevée (SPEM et ville de Marseille).
Cette nécessité parait d'autant plus prégnante que le 5 septembre 2023, le Président de la République a annoncé le lancement d'un plan de rénovation des écoles dans le but d'accélérer la rénovation des bâtiments scolaires sur l'ensemble du territoire avec un objectif affiché de 2000 écoles rénovées d'ici la fin 2024 et 40 000 écoles d'ici à 10 ans soit 90 % du bâti scolaire.
Depuis janvier 2023, l'État alloue en moyenne 1 million d'euros par projet avec des financements croisés : dotations d'investissement classiques, fonds vert, le programme EduRénov de la banque des territoires (avec une enveloppe de 2 milliards d'euros de prêts et 50 millions de crédits d'ingénierie), le fonds chaleur de l'agence de la transition écologique (Ademe)...
Dans ce contexte, il ne parait pas envisageable de mobiliser autant de crédits sans faire le lien entre l'expérience du volet « écoles » du plan Marseille en grand et ce plan national de rénovation du bâti scolaire.
Il est donc indispensable de tirer les conséquences et enseignements du projet marseillais afin d'augmenter l'efficience du plan national, ce qui rend d'autant plus nécessaire l'élaboration de bilans intermédiaires.
3. Une absence de réelle évaluation de l'école du futur alors même qu'une généralisation sur l'ensemble du territoire a déjà débuté
Comme évoqué supra, une école marseillaise sur 5 fait l'objet d'une expérimentation de l'école du futur avec le développement de projets pédagogiques innovants.
Pour autant, à ce jour, aucune évaluation objective n'a été mise en place afin d'analyser la pertinence pédagogique de ces dispositifs et de mesurer leur impact sur le climat scolaire, sur l'absentéisme et sur le niveau des apprentissages des fondamentaux.
En effet, à ce jour, l'inspection académique a réalisé une autoévaluation portant sur le ressenti des acteurs en termes de performance de résultats, de climat social et de qualité des liens avec les familles.
De même, alors qu'un des objectifs de « l'école du futur » était de réduire les inégalités et d'améliorer la mixité scolaire dans une ville où la fuite vers le privé représente une solution à la dégradation des conditions d'enseignement dans le public, aucune étude sur le sujet précise n'a été mise en oeuvre.
Si les rapporteurs spéciaux estiment que le caractère récent des différentes expérimentations peut expliquer l'absence d'évaluation formelle et objective à ce stade, ils estiment indispensable de mettre en place ces évaluations le plus rapidement possible afin de procéder aux ajustements nécessaires ou de mettre aux fins aux projets les moins efficaces. Ces évaluations, qui pourraient porter sur les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, devraient mesurer, notamment, l'impact des projets innovants en termes de mixité sociale et d'apprentissage des fondamentaux.
Elles permettront également d'ajuster les moyens dédiés aux expérimentations par rapport aux objectifs à atteindre.
De surcroit, le Président de la République, dans son discours aux recteurs du 25 août 2022, à annoncer la généralisation de l'expérimentation sur tout le territoire, avec la création d'un fonds d'innovation pédagogique de 500 millions d'euros et son élargissement aux collèges et lycées.
L'expérimentation « Marseille école du futur » doit, dans ce contexte, permettre de faire un premier bilan d'autant qu'au 31 août 2023, à la fin de la première année scolaire de déploiement du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation, près de 20 000 intentions de concertations ont été signifiées par les écoles et les établissements, qui ont abouti à la validation de 3 093 projets par les instances académiques d'appui territorial.
98 % de ces projets sont ou seront mis en oeuvre dans des écoles et établissements du secteur public, dont 24 % dans l'éducation prioritaire. Près de 300 000 écoliers, plus de 435 000 collégiens, et plus d'un million d'élèves au total sont scolarisés dans les écoles et les établissements dont les projets ont été validés par les commissions académiques.
4. Une reprise de la maintenance à préparer le plus en amont possible
L'article 5 de l'accord cadre prévoit que la SPEM en tant que titulaire des marchés se voit confier, en sus des opérations de construction et de rénovation, des missions liées à la durabilité et à la conservation des écoles et de gros entretien renouvellement. Le détail de ces missions est présenté en annexe de l'accord cadre.
Les calculs relatifs aux dépenses de maintenance ont été établis avec une durabilité de 25 ans après chaque livraison. La ville précise cependant que ces éléments seront à adapter en fonction du portage effectif par la SPEM de l'exploitation maintenance.
Il en résulte qu'à compter de 2 049 pour les premières écoles livrées et de 2 056pour la dernière vague, la ville de Marseille reprendra à sa seule charge la maintenance et le gros entretien et renouvellement pour l'ensemble des 188 écoles rénovées et construites par la SPEM.
Si la durée de vie de la SPEM de 40 ans est donc compatible avec cet échéancier, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la sécurité juridique des missions liées à la durabilité dans la mesure où l'accord cadre, qui prévoit ces opérations de maintenance, est d'une durée de 10 ans.
Il parait donc nécessaire de s'assurer que la fin du contrat à la date initialement prévue ne fait pas obstacle à la poursuite des missions de maintenance de la SPEM.
Au-delà de cette précision juridique, il est indispensable de prévoir dès à présent les conditions de reprise de la maintenance par les services de la ville de Marseille et de s'assurer que la ville disposera, en amont de cette reprise, de l'ensemble des moyens humains et techniques pour y faire face.
À ce jour, la commune a déjà créé, il y a deux ans, un pôle entretien et travaux des écoles et des crèches. Les capacités de ce pôle devront toutefois être adaptées à la livraison des 188 écoles rénovées et/ou construites par la SPEM.
Recommandation n° 11 : élaborer un plan de reprise progressive de la maintenance des 188 écoles rénovées et construites par la SPEM, prévoyant les coûts y afférents et les moyens humains et techniques nécessaires (ville de Marseille).