LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1. Adopter une stratégie spatiale nationale recouvrant les dimensions civiles et militaires de la politique spatiale pour renforcer la visibilité à long terme de l'engagement public vis-à-vis des citoyens, des pays-partenaires et des investisseurs privés (ministre chargé de la politique spatiale).

Recommandation n° 2. Actualiser à l'article L. 331-2 du code de la recherche les missions du Centre national d'études spatiales (CNES) pour y intégrer les dimensions stratégiques et industrielles de son activité (direction générale des entreprises - DGE, direction générale de l'armement).

Recommandation n° 3. Consacrer le rôle du CNES pour conseiller les acheteurs publics et cofinancer le premier recours à des services spatiaux (CNES, DGE).

Recommandation n° 4. Simplifier le circuit de financement de la politique spatiale en intégrant au programme 193 « Recherche spatiale » l'intégralité de la contribution française à l'Agence spatiale européenne (ESA) (CNES, secrétariat général pour l'investissement).

Recommandation n° 5. Consolider le dispositif de soutien aux acteurs français se portant candidat pour obtenir des financements européens dans le secteur spatial en maintenant la mission d'accompagnement des porteurs de projet dans le secteur public (programme Horizon Europe) et en l'élargissant au secteur privé (initiative Cassini) (direction générale de la recherche et de l'innovation - DGRI, DGE, CNES).

Recommandation n° 6. Consacrer un principe de « préférence européenne » applicable aux lancements spatiaux institutionnels réalisés par l'ensemble des États membres de l'Union (Commission européenne, Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne).

Recommandation n° 7. À moyen terme, à l'occasion de la conférence ministérielle de 2025, réformer dans le domaine industriel la règle du retour géographique inscrite dans le traité constitutif de l'Agence spatiale européenne (ESA), pour concilier les objectifs de compétitivité et d'équilibre de la répartition géographique de l'industrie spatiale (CNES, ministre des affaires étrangères).

Recommandation n° 8. À long terme, consolider le rôle de l'Union européenne dans le financement de la politique spatiale européenne dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 pour renforcer son pilotage politique et la compétitivité de l'industrie spatiale au regard de l'objectif d'autonomie stratégique européenne (Commission européenne, Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne).

I. LA POLITIQUE SPATIALE BÉNÉFICIE D'UN SOUTIEN PUBLIC À HAUTEUR DE 3,2 MILLIARDS D'EUROS CHAQUE ANNÉE

A. LA POLITIQUE SPATIALE EST UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE, SCIENTIFIQUE ET STRATÉGIQUE DONT LA MISE EN oeUVRE EST PARTAGÉE ENTRE DES INSTITUTIONS NATIONALES ET EUROPÉENNES

1. Les objectifs de la politique spatiale se déploient selon trois dimensions complémentaires : scientifique, industrielle et stratégique
a) Le soutien apporté à la recherche fondamentale et appliquée dans le domaine des sciences spatiales constitue le volet scientifique de la politique spatiale

Le volet scientifique de la politique spatiale française, en contribuant à l'accroissement des connaissances scientifiques sur la planète Terre et sur l'univers, est une composante pleinement intégrée à la politique nationale de la recherche qui a pour but d'accroître les connaissances et de valoriser les résultats de la recherche3(*) par l'innovation, le transfert et technologie et le partage de la culture scientifique, technique et industrielle.

La dimension scientifique de la politique spatiale apparaît dès la structuration de cette politique à la fin des années 1950 et il est à relever qu'un comité de recherches spatiales, ayant pour mission d'établir et d'exécuter un programme de recherches spatiales, avait été établi sous la présidence du professeur Pierre Auger dès janvier 1959 auprès du Premier ministre4(*).

Les sciences spatiales recouvrent un grand nombre de domaine de recherche qui peuvent être alimentés grâce à l'observation de la Terre ou aux technologies spatiales. Elles peuvent être divisées en deux grandes catégories, selon la typologie adoptée par le Centre national d'études spatiales (CNES) : d'une part les sciences de la Terre et d'autre part les sciences de l'univers.

En premier lieu, la recherche spatiale apporte une contribution essentielle aux sciences de la Terre grâce à l'observation de la Terre depuis l'espace qui constitue un complément déterminant aux systèmes d'observation au sol pour disposer de données scientifiques de suivi globales et sur le long terme du système complexe de la planète Terre.

L'observation de la Terre contribue en particulier à alimenter la recherche scientifique dans les domaines de la compréhension du système Terre (cycle de l'eau, cycles biogéochimiques, étude de la cryosphère, étude du littoral), de l'étude du changement climatique et de l'évolution de la biodiversité5(*). La contribution de la politique spatiale aux sciences de la Terre est coordonnée par le comité scientifique « Terre, Océan, Surfaces Continentales, Atmosphère » (TOSCA) constitué par le responsable du programme « observation de la Terre » du CNES pour définir les priorités en matière d'utilisation pour la recherche de l'observation de la Terre depuis l'espace6(*).

Par exemple, dans le domaine de la climatologie, l'utilisation d'un spectromètre situé en orbite permet de disposer de données relatives à la concentration atmosphérique du dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement climatique. L'exploitation scientifique de ces données permet d'accroitre les connaissances sur le cycle de vie du carbone et sur l'efficacité des puits de carbone constitué par les sols, les océans et la végétation7(*).

Un exemple d'utilisation scientifique de l'observation de la Terre :
la mission SWOT

Le CNES et la NASA ont démarré en 2008 les travaux préparatoires de la mission SWOT (Surface Water and Ocean Topography) dont l'objet est d'étudier les surfaces d'eau grâce à l'observation depuis l'espace. Le programme est copiloté par le CNES et la NASA qui se sont réparti la fourniture des principaux instruments de la mission dont notamment le module « Nadir » développé par le CNES et le radar « Karin » développé par la NASA, en association avec l'agence spatiale du Canada (CSA) et l'agence spatiale du Royaume-Uni (UKSA) qui financent certains modules utilisés par la mission.

Le satellite scientifique SWOT a été mis en orbite avec succès le 16 décembre 2022 par le lanceur Falcon 9 de la société SpaceX, depuis la base américaine de Vandenberg en Californie.

Les données d'altimétrie recueillies par la mission SWOT permettront d'améliorer la connaissance des océans et d'effectuer une mesure globale des hauteurs d'eau des fleuves, lacs et zones inondées, avec un niveau de résolution de l'ordre de cent mètres, ce qui constitue une rupture technologique.

En second lieu, la recherche spatiale englobe le domaine des sciences de l'univers et de la matière, qui permettent d'améliorer nos connaissances sur les lois de la physique et les processus de transformation de la matière, l'origine et l'évolution de l'univers, le fonctionnement du système solaire, la formation des planètes. Au sein du CNES, la coordination des programmes de recherche dans le domaine des sciences de l'univers et de la matière est assurée par le comité d'évaluation sur la recherche et l'exploration spatiale (CERES).

La recherche dans les sciences de l'univers et de la matière s'appuie à la fois sur des missions d'exploration spatiale et sur des données d'observation de l'espace. Par exemple, en matière d'exploration, la sonde Rosetta lancé en 2004 a orbité en 2014 la comète Churyuomov-Gerasimenko et a largué l'atterrisseur Philae qui a effectué pendant dix-huit mois des mesures sur la surface de la comète qui ont permis de faire avancer notre connaissance des sciences de l'univers. En matière d'observation, le satellite Gaia lancé en 2013 mène une mission de cartographie partielle de la galaxie. Le troisième catalogue d'étoiles « Gaia DR3 », publié en juin 2022, permet de recenser 1,8 milliard d'étoiles et 160 000 astéroïdes8(*).

Un exemple d'observation du système solaire au service des sciences
de l'univers : la mission Juice

L'Agence spatiale européenne (ESA9(*)) a démarré en 2012 le programme Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) qui se substitue à un précédant programme en coopération avec la NASA, mais cette dernière l'abandonné pour des raisons budgétaires.

La mission Juice a pour objet d'étudier trois lunes glacées de Jupiter (Europe, Callisto, Ganymède) et d'étudier l'atmosphère et le champ magnétique de Jupiter pour améliorer nos connaissances sur les planètes du système solaire.

Le satellite scientifique Juice a été lancé avec succès le 14 avril 2023 par le lanceur Ariane 5 de la société Arianespace, depuis le centre spatial guyanais de Kourou. Son arrivée dans le système jovien, situé à 600 millions de kilomètres de la Terre, est prévue en 2031.

Les laboratoires et équipes de recherche français occupent une place importante dans la communauté scientifique mondiale dans le domaine des sciences de la Terre et des sciences de l'univers et de la matière. On peut relever à ce titre que, par exemple, la France occupe la deuxième place mondiale derrière les États-Unis dans le domaine de la planétologie en matière de nombre de publications et de citations10(*).

Pour mesurer le rayonnement de la recherche spatiale française, les documents budgétaires annuels suivent des indicateurs spécifiques relatifs à la part française dans les publications de référence en recherche spatiale mondiale ou européenne. Leur évolution fait apparaître une place importante de la science spatiale française qui représente, selon les années, entre 13 % et 14,2 % des publications de référence à l'échelle de l'Union européenne entre 2017 et 2022.

Part française dans les publications de référence en recherche spatiale

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Alors que le Gouvernement lui-même estime que cet indicateur « apparaît assez instable »11(*) en raison de l'étroitesse de son périmètre, la construction d'un indicateur plus robuste serait utile pour consolider le pilotage par la performance des dépenses budgétaires dans la recherche spatiale.

b) La politique spatiale est une politique industrielle de soutien à une filière manufacturière de pointe à haute valeur ajoutée

Au sein du tissu industriel français, l'industrie aéronautique constitue l'un des secteurs les plus performants au regard de son activité au service des clients sur le territoire national et pour l'exportation. La filière spatiale est une filière industrielle qui s'est développée en lien avec le secteur aéronautique en raison de la proximité des problématiques, des matériaux, des contraintes et des clients partagés par les deux filières. Elle regroupe les entreprises dont l'activité concourt à la construction d'astronefs (lanceurs, véhicules ou satellites) ou de leurs moteurs, indépendamment de l'usage de ces astronefs. À l'échelle de la filière, les programmes militaires représentent 19 % de l'activité.

Sur le territoire français, la filière spatiale représentait en 2020 un groupe de 1 704 sociétés dont le chiffre d'affaires atteint 10,8 milliards d'euros12(*). La filière spatiale, dont 80 % des sociétés ont également une activité aéronautique, emploie sur l'ensemble du territoire 33 200 salariés.

Le tissu industriel de la filière spatiale française est structuré autour de grandes entreprises internationales capables de construire des systèmes de lancement (ArianeGroup) ou des satellites (Thales Alenia Space et Airbus Defense and Space). Ces grands groupes emploient de nombreux sous-traitants pour la production de pièces ou de modules d'équipement des astronefs. Les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) représentent 40 % des emplois de la filière.

Les soixante sociétés uniquement spatiales, ou pure-players13(*), représentent à elle seules 70 % du chiffre d'affaires de la filière. Elles sont constituées à la fois d'acteurs historiques et d'acteurs plus récents, comme en témoigne le fait que la moitié des pure-players de la filière ont été créés après 2001.

Les entreprises de la filière spatiale sont présentes dans l'ensemble des régions métropolitaine et en Guyane, même si elles se concentrent dans deux bassins d'emplois principaux. En premier lieu, la région Occitanie, en lien avec la présence historique de l'industrie aéronautique dans la métropole toulousaine, représente à elle seule 12 600 emplois soit 39% de l'ensemble de la filière. La région Île-de-France, qui réunit notamment les sièges des grands groupes spatiaux, est le deuxième bassin de la filière spatiale avec 8 600 emplois. Enfin, il est à relever que la présence en Guyane du centre spatial guyanais de Kourou, base de lancement française et européenne, se traduit par le développement d'une activité économique de la filière spatiale en Guyane avec plus de 1 000 emplois directs.

Concentration territoriale de la filière spatiale

(en part des emplois directs)

Source : commission des finances, d'après les données de l'INSEE

Il est également à relever que la filière spatiale constitue une filière à haute valeur ajoutée qui contribue largement à l'export, les clients étrangers représentant 43 % de leur activité, et au financement privé de la recherche appliqué. Il est en particulier à relever que 30 % des sociétés de la filière réalise des investissements en recherche et développement (R&D) et que cette proportion est de 67 % pour les pure-players de la filière spatiale. La recherche appliquée financée par le secteur se traduit également par la formation de liens importants avec les organismes de recherche publique comme en témoigne le fait que 29 % des sociétés menant des travaux de recherche et développant dans le domaine aérospatial nouent un partenariat avec un organisme public de recherche.

Enfin, il est à relever que la filière industrielle ne constitue qu'une partie de l'écosystème spatial qui représente un volume total de 70 200 emplois directs, c'est-à-dire plus de deux fois le nombre d'emplois représentés par la filière spatiale industrielle.

En effet, la filière spatiale industrielle est complétée par une « filière spatiale aval » qui regroupe les nombreuses entreprises qui valorisent les données spatiales dans divers domaines économiques dont notamment les transports, l'agriculture ou la planification urbaine. Le CNES estime à 29 000 le nombre d'emplois directs représentés par cette filière spatiale aval.

À ces deux filières économiques, s'ajoutent les emplois représentés par les agents des principaux acteurs institutionnels et scientifiques dont l'activités est en lien direct avec le domaine spatial. Ainsi en est-il des 3 000 emplois directs environ, au sein des 600 équipes de recherche, en matière de sciences de l'univers. Enfin, on estime que 5 000 emplois directs correspondent aux différentes administrations impliquées dans le soutien de l'industrie spatiale, dont en particulier les ministères de la recherche, de l'industrie et de la défense.

Répartition des emplois de l'écosystème spatial français

(en emplois directs)

Source : commission des finances, d'après les données de l'INSEE

c) Le volet stratégique de la politique spatiale correspond à la nécessité de conserver la maîtrise souveraine sur certaines technologies spatiales dans le domaine militaire

Parallèlement à son caractère essentiel dans de nombreux domaines économiques civils, le domaine spatial constitue également un secteur dont le développement est déterminant pour la conservation de l'autonomie stratégique de la France.

Les technologies spatiales fournissent aux forces armées des services d'observation, d'écoute, de télécommunication et d'aide à la navigation qui sont devenues indispensables à la bonne conduite des opérations - à cet égard, le chef d'état-major des armées estimait en décembre 2020 qu'il est « pratiquement impossible d'envisager la moindre manoeuvre militaire sans appui météo ou navigation »14(*).

En effet, les forces armées s'appuie sur une autonomie nationale d'appréciation de situation, de décision et d'action dont le maintien nécessite la mobilisation des technologies spatiales. En premier lieu, les armées utilisent l'observation spatiale dans le cadre d'activités de renseignement spatial, ou GEOINT15(*), qui permettent par la fusion de données spatiales et terrestres d'appuyer les opérations ou de recueillir des renseignements non intrusifs. En deuxième lieu, les technologies d'écoute électromagnétique permettent de recueillir des renseignements sur l'activité des adversaires potentiels de la France. En troisième lieu, les forces déployés en opération s'appuie sur la télécommunication satellitaire militaire pour communiquer avec les centres de décision sur le territoire national sans utiliser de relai terrestre. Enfin en quatrième lieu, la plupart des systèmes d'information et des systèmes d'armes utilisés par les forces reposent sur l'utilisation d'un système de radionavigation par satellite.

L'importance des technologies spatiales pour assurer l'autonomie nationale d'appréciation de la situation, et son incidence sur l'autonomie nationale de décision, est, par exemple, illustrée par le fait que la décision prise par le Président de la République de ne pas engager la France dans une opération militaire en Irak en 2003 a notamment été fondée sur des renseignements d'origine spatiale16(*).

L'espace extra-atmosphérique se distingue de l'espace aérien par le fait qu'il est libre d'accès et ne ressortit par de la souveraineté territoriale de l'État sous-jacent. Si le traité de l'espace du 27 janvier 196717(*) a consacré le principe de liberté d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique18(*), il ne fait pas obstacle à une double phénomène de militarisation et d'arsenalisation de l'espace, sous réserve du déploiement dans l'espace des armes de destruction massive qui est prohibé par le traité19(*). La militarisation de l'espace se traduit par la mise sur orbite de satellites non agressifs à des fins militaires tandis que l'arsenalisation de l'espace désigne la mise sur orbite de satellites agressifs en mesure d'atteindre des cibles sur Terre ou en orbite.

La dégradation du contexte géopolitique international s'est traduite par l'identification, dès 2017, de l'espace extra-atmosphérique comme d'un espace contesté dans le cadre de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale qui estimait que l'espace est « investi par les logiques de compétition stratégique et militaire »20(*). Le diagnostic formulé par la Revue stratégique de 2017 a été réaffirmé depuis notamment par le Président de la République dans son discours à l'hôtel de Brienne de juillet 2019 à l'occasion duquel il a estimé que l'espace extra-atmosphérique constituait « une nouvelle zone de confrontation »21(*) puis confirmé par la Revue nationale stratégique de 202222(*). Parallèlement à l'arsenalisation de l'espace, la dégradation du contexte géostratégique dans l'espace a été illustré par le tir effectué par la Russie le 15 novembre 2021 pour détruire le satellite russe en orbite basse Cosmos-1408, qui a produit environ 1 500 débris spatiaux et provoqué la mise à en sécurité de l'équipage de la station spatiale internationale23(*).

Tirs d'essai validés de destruction de satellites
en orbite depuis la Terre

Source : commission des finances

Pour dresser un état des lieux de l'évolution du contexte spatial et de son utilisation à des fins militaires et fixer une feuille de route précisant les priorités stratégiques des forces armées dans l'espace, la ministre des armées a présenté en juillet 2019 une Stratégie spatiale de défense (SSD). Cette stratégie dégage notamment une liste des cinq catégories de menaces24(*) qui pèsent sur les technologies spatiales stratégiques qui sont les menaces cybernétiques (par exemple le piratage du logiciel d'un satellite militaire), les menaces par brouillage électromagnétique (qui peuvent rendre inopérant des satellites de télécommunication ou de radionavigation), les menaces de détournement des services en orbite (c'est-à-dire de l'usage des satellites de ravitaillement actuellement en développement pour mener une action hostile contre un satellite en orbite), les menaces conventionnelles (par exemple le sabotage d'un satellite avant son lancement) et les menaces cinétiques associées au développement de missiles antisatellites et à la croissance du nombre de débris spatiaux qui entretiennent un risque de réaction en chaine susceptible, selon le commandant de l'espace, de générer « une pollution rendant impossible toute activité spatiale »25(*).

Parallèlement à la caractérisation des menaces, la stratégie spatiale de défense de 2019 a également fixé quatre priorités stratégiques pour le ministère des armées dans le domaine spatial qui sont de consolider la doctrine de conduite des opérations spatiales militaires, de réformer la gouvernance de la politique spatiale militaire, de renforcer les capacités spatiales militaires et de renforcer l'attractivité des métiers dans le domaine spatial militaire et les formations associées.

AsterX : premier exercice militaire spatial en Europe

Lancé en 2021, l'exercice tactique et opératif « AsterX » est le premier exercice militaire piloté par un commandement de l'espace en France et en Europe. Le nom de l'exercice a été choisi en référence au satellite « Astérix », premier satellite français lancé par la fusée Diamant en 1965.

Depuis 2021, l'exercice AsterX a été reproduit chaque année pour renforcer l'acculturation des armées dans le domaine des opérations spatiales militaires. L'exercice AsterX 2024, qui s'est déroulé du 4 au 15 mars 2024 au centre spatial de Toulouse a réuni 140 participants avec pour objectif simuler les différentes menaces susceptibles d'intervenir dans le cadre d'une guerre spatiale.

Source : commission des finances, d'après les informations du ministère des armées

Dans l'organisation du ministère des armées, l'importance croissante et transversale des enjeux spatiaux a été concrétisée par la nouvelle dénomination de l'armée de l'air, devenue en juillet 2021 l'armée de l'air et de l'espace26(*), et par la création en septembre 2019 d'un commandement de l'espace (CDE)27(*), placé sous la tutelle organique du chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace et sous la tutelle fonctionnelle du chef d'état-major des armées. Le commandement de l'espace est composé de plusieurs unités qui emploient 320 agents qui seront en majorité réunies au sein d'une implantation en cours de construction à Toulouse, à proximité immédiate du centre spatial de Toulouse (CST) géré par le CNES. Dans le cadre de ce regroupement, il est également à relever que le site de Toulouse accueille le centre d'excellence de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN)28(*) créé en janvier 2023 et qui a pour fonction de fournir aux Alliés des ressources sur le domaine spatial notamment en matière de formation et de standardisation des pratiques.

Les investissements spatiaux militaires dans la loi de programmation
militaire 2024-230 : une enveloppe de six milliards d'euros

La loi du 1er août 2023 de programmation militaire pour la période 2024-203029(*) (LPM 2024-2030) a réaffirmé la nécessité pour les forces armées de s'appuyer sur des technologies spatiales souveraines et performantes.

Sur le plan budgétaire, la LPM 2024-2030 consacre une enveloppe programmée de six milliards d'euros de crédits budgétaires sur la période30(*) pour financer les investissements capacitaires dans le domaine spatial militaire, et en particulier le lancement du programme Syracuse V de télécommunication sécurisée au profit des forces en remplacement du programme Syracuse IV.

Il est toutefois à regretter que l'enveloppe dédiée à l'investissement spatial militaire ne fait l'objet d'aucune précision et notamment d'aucune ventilation selon l'année de réalisation ou la nature des dépenses concernées, ce qui fragilise le suivi parlementaire de réalisation de cette enveloppe d'investissement. Pour l'année 2024, la documentation budgétaire ne permet pas de contrôler l'exécution de cette enveloppe du fait du manque d'information dans la programmation.

2. La France s'appuie principalement sur le Centre national d'études spatiales pour piloter sa politique spatiale qui constitue une compétence partagée avec l'Union européenne
a) Le Centre national d'études spatiales structure l'intervention de l'État dans les trois dimensions de la politique spatiale

Le Centre national d'études spatiales (CNES) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) institué par la loi du 19 décembre 196131(*). Depuis sa création, le CNES est l'opérateur principal de la mise en oeuvre de la politique spatiale française et joue le rôle d'agence spatiale française. Son budget, qui inclut la contribution française à l'Agence spatiale européenne (ESA) à hauteur de 1 100 millions d'euros, est de 2 200 millions d'euros en 2023. Opérateur transversal de la politique spatiale, le CNES intervient dans les trois composantes scientifique, stratégique et industrielle de la politique spatiale. Il est de ce fait placé sous la triple tutelle des ministres chargés de la défense, de l'espace et de la recherche32(*). Le rapporteur relève que depuis juillet 2020, le ministre chargé de l'espace est le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN).

Ce positionnement interministériel est consacré par la composition du conseil d'administration de l'établissement public qui inclut sept représentants du Gouvernement chargés de représenter respectivement le Premier ministre, le ministre chargé de l'industrie, le ministre chargé du budget, le ministre de la défense, le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé de la recherche et le ministre chargé de l'espace33(*).

Présenté par le ministre délégué auprès du Premier ministre Pierre Guillaumat comme « l'organe central de coordination et d'action qui nous fait défaut »34(*) au moment de sa création en 1961, le CNES présente la particularité d'avoir une fonction d'expertise et de coordination sans avoir pour fonction de réaliser directement les activités industrielles, de recherche ou de défense de mise en oeuvre de la stratégie spatiale française. Comme le soulignait le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat sur le projet de loi instituant le CNES, « il est inévitable que les problèmes de l'espace soient étudiés (...) par plusieurs services ou organisations indépendantes ». Par conséquent, le CNES doit « s'appuyer largement sur les organismes et les sociétés existants » pour jouer « un rôle d'animateur »35(*).

Le rôle d'animateur du CNES est illustré dans le domaine de la recherche par le fait que le CNES ne gère aucun laboratoire scientifique qui lui soit propre et que les activités de recherche du CNES sont systématiquement conduites en partenariat avec d'autres organismes de recherches36(*).

En droit, l'article du code de la recherche qui définit actuellement les missions du CNES résulte de la codification de l'article 2 de la loi de 1961, qui a été complété par la loi du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales (LOS)37(*). Il consacre la compétence du CNES pour développer et orienter les recherches scientifiques et techniques en matière spatiale.

Il est à relever que cette mission est exclusivement orientée vers la dimension scientifique de la politique spatiale et ne correspondent plus aux activités exercées par le CNES. Cette lacune, qui s'explique par le choix retenu par le Gouvernement de s'inspirer pour le projet de loi instituant le CNES des compétences du comité de recherches spatiales auquel le centre s'est substitué, est préjudiciable à la lisibilité du rôle du CNES.

Les activités du CNES se répartissent, selon la typologie retenue par la direction du centre pour la construction de son plan à moyen terme (PMT), entre cinq thèmes prioritaires dans le domaine spatial qui sont :

- la préparation du futur qui inclut les activités de recherche et développement dans le domaine spatial ;

- la science qui inclut le financement des activités en sciences de la Terre et en sciences de l'univers ;

- la défense et l'autonomie stratégique, qui inclut les programmes mis en oeuvre pour le ministère des armées et les activités qui assurent l'accès autonome à l'espace dont notamment le centre spatial guyanais ;

- l'expertise et les moyens techniques qui inclut les activités de soutien technique aux projets en cours de développement ou d'exploitation ;

- les capacités qui incluent le financement des fonctions « support » regroupées au sein du secrétariat général du CNES.

Le budget total du CNES, qui atteint 1 091 millions d'euros de dépenses en 2023, est orienté en priorité vers les activités de défense, les activités scientifiques et celles relatives aux technologies des lanceurs et des satellites, qui représentent 78 % des dépenses totales en 2023.

Répartition par domaines des dépenses du CNES en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du CNES

Pour mettre en oeuvre ses différentes activités, le CNES s'appuie sur des équipes composées à 80 % de cadres et d'ingénieurs qui représentent un ensemble de 2 400 agents répartis sur les quatre sites du centre : le siège de Paris-Les Halles, la direction du transport spatial à Paris-Daumesnil, le centre spatial de Toulouse (CST) et le centre spatial guyanais (CSG).

En effet, le CNES est également chargé de la gestion du centre spatial guyanais (CSG) qui constitue à la fois une direction du CNES et l'un de ses quatre sites d'implantation.

Le port spatial de Kourou, qui constitue depuis 1971 le port spatial européen, est un atout stratégique déterminant pour garantir l'autonomie d'accès à l'espace de la France et de l'Europe.

Par conséquent, le CNES a signé une convention avec l'ESA qui prévoit une participation de l'agence européenne à hauteur des deux tiers des coûts fixes de maintien en conditions opérationnelles en échange de la mise à disposition du CSG, seul pas de tir pour les lanceurs lourds en Europe, pour les lancements des fusées des programmes Ariane38(*).

Répartition des agents sur les quatre sites du CNES

(en nombre de salariés)

Source : commission des finances, d'après les données du CNES

Alors que le CNES est un opérateur historique qui a longtemps contrôlé l'ensemble de la chaîne de valeur, la mutation actuelle du secteur spatial et notamment l'émergence d'acteurs privés qui présentent une grande agilité et capacité d'innovation s'est traduite par une nouvelle orientation pour le centre qui a engagé une réorientation pour renforcer son positionnement en tant qu'animateur de l'écosystème spatial et de soutien aux entreprises du secteur.

Le renforcement de cette orientation a notamment été consacré par le contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2022-2025 entre l'État et le CNES signé le 6 avril 2022 qui affirme la nécessité pour le CNES de « faire évoluer sa pratique » pour diminuer progressivement son implication directe et renforcer sa capacité à « faire faire » dans son rôle d'animateur et de maître d'ouvrage39(*). Le contrôle d'objectifs fixe par surcroît trois principes pour adapter les modes d'intervention du CNES à l'évolution du secteur : un principe de subsidiarité en application duquel les achats doivent être favorisés pour permettre une montée en compétence des industriels, un principe de diversification en application duquel le CNES doit élargir le cercle des bénéficiaires de son aide, un principe d'agilité en application duquel les spécifications des appels d'offre du CNES doivent se limiter au nécessaire et porter sur le besoin plutôt que sur la technologie utilisée.

Dans ce cadre, le CNES a développé plusieurs programmes de soutien directement destinés aux startups du secteur spatial dont notamment le programme « Connect by CNES » créé en 2016 qui est une plateforme d'accompagnement des startups dans le domaine spatial. Ce programme a été complété par la création en 2021 d'une part de l'accélérateur SpaceFounders en association avec l'agence spatiale allemande et à laquelle l'agence spatiale italienne est associée depuis 2023 et d'autre part de l'incubateur TechTheMoon dédié à l'économie lunaire.

b) La coopération européenne en matière spatiale s'appuie sur deux organisations dont les périmètres d'intervention et les capacités financières diffèrent : l'Agence spatiale européenne (ESA) et l'Union européenne
(1) L'Agence spatiale européenne (ESA) est une organisation intergouvernementale qui permet le financement en commun de programmes spatiaux par les pays européens

L'Agence spatiale européenne (ESA40(*)) a été instituée par le traité de Paris du 30 mai 1975 dans le sillage d'une part du lancement des premiers satellites artificiels par l'Union soviétique et les États-Unis en 1958 et de l'échec en novembre 1971 du lanceur Europa-II porté par le centre européen pour la construction de lanceurs d'engins spatiaux (ELDO41(*)).

Doté d'un budget annuel de 7 500 millions d'euros, l'agence met en oeuvre une mission large de « développement, à des fins exclusivement pacifiques, de la coopération entre États européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiale et de leurs applications spatiales ».

Pour la contribution des États membres, l'ESA distingue entre deux catégories de programmes : les programmes obligatoires, qui comportent notamment les activités de base et le programme scientifique, et les programmes facultatifs, qui comportent notamment les programmes d'étude de développement de contrôle de satellites et de moyens de lancement.

L'agence emploie 2 200 personnes et dispose de plusieurs implantations en Europe dont notamment un site à Paris, où est située la direction générale et la direction des lanceurs colocalisée avec un site du CNES, et un site à Cologne (EAC42(*)) où sont entraînés les astronautes européens.

Répartition par domaines des dépenses de l'ESA en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de l'ESA

Alors que l'ESA comptait onze membres43(*) lors de sa création, ce nombre a progressivement augmenté pour atteindre vingt-deux depuis 2015. Il est à relever que parmi les membres de l'ESA, tous les pays ne sont pas membres de l'Union européenne, dont en particulier le Royaume-Uni et la Suisse qui sont membres fondateurs de l'agence. Depuis 2010, l'ESA s'est progressivement élargi à de nouveaux pays d'Europe centrale et orientale notamment la Pologne en 2012 et la Hongrie et l'Estonie en 2015. La Slovénie a notifié en novembre 2023 sa volonté d'adhérer à la convention et des négociations d'adhésion ont été ouvertes.

L'ESA coopère en outre avec des États tiers à l'organisation qui peuvent bénéficier du statut d'État associé44(*) ou du statut d'État européen coopérant45(*).

La contribution de chaque État membre à l'ESA comporte deux parties : d'une part une contribution obligatoire calculée proportionnellement au produit national brut (PNB) des membres et d'autre part une contribution facultative correspondant au financement des programmes facultatifs que l'État décide de financer selon ses priorités. Les contributions des États membres sont complétées par une contribution versée par l'Union européenne.

Répartition par contributeurs des ressources de l'ESA en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de l'ESA

La mise en commun des dépenses publiques dans le domaine spatial, rendue possible par l'ESA, a constitué un levier essentiel de la politique spatiale européenne depuis les années 1970 et en particulier a permis à l'Europe de se doter d'une capacité autonome d'accès à l'espace avec les générations successives de lanceurs lourds « Ariane », dont notamment le lanceur Ariane 1 dont le premier lancement a été réalisé le 24 décembre 1979, huit ans après l'échec d'Europa-II.

Parallèlement, l'ESA gère également le corps européen des astronautes créé en 1998 qui réunit les astronautes des pays membres, en vue notamment de la participation à des vols habités vers la station spatiale internationale (ISS). Après le recrutement dans le corps européen des astronautes de l'astronaute français Thomas Pesquet en 2008 lors de la troisième campagne de sélection, l'astronaute française Sophie Adenot a été recrutée en novembre 2022 lors de la quatrième campagne de sélection.

(2) Le traité de Lisbonne a consacré une compétence partagée de l'Union européenne en matière de politique spatiale

Parallèlement aux coopérations internationales menées dans le cadre de l'ESA46(*), l'Union européenne a également développé depuis les années 1990 plusieurs programmes spatiaux structurants pour la politique spatiale européenne. Cette implication croissante de l'Union européenne a donné lieu à la signature de l'accord-cadre du 23 novembre 2003 entre l'Union européenne et l'ESA qui prévoit que chacune des parties informe l'autre de toute initiative dans le domaine spatial pour garantir une coordination interinstitutionnelle régulière47(*). Ce cadre de coopération a permis à l'Union européenne et à l'ESA de conduire des programmes communs dont notamment les programmes Copernicus, Galileo ou plus récemment Iris2.

Le traité de Lisbonne a consacré expressément la compétence de l'Union européenne en matière de politique spatiale en inscrivant dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne le caractère partagé de la compétence spatiale48(*) et le fait que l'Union européenne « élabore une politique spatiale européenne » qui poursuit un triple objectif de progrès scientifique et technique, de compétitivité industrielle et de mise en oeuvre des politiques de l'Union49(*).

Au sein de l'Union européenne, la politique spatiale est suivie et élaborée au sein de la Commission par la direction générale de l'industrie de défense et de l'espace (DG DEFIS), qui s'appuie sur une agence dédiée pour le suivi opérationnel des programmes spatiaux, à savoir l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (EUSPA50(*)), créée en mai 2021 pour succéder avec des compétences élargies à l'Agence européenne du système mondial de navigation par satellites (GNSS51(*)). La coopération au niveau opérationnelle entre l'ESA et l'EUSPA est prévue dans le cadre d'une convention-cadre financière de partenariat (FFPA) signée en juin 2021.

L'action de l'Union européenne en matière spatiale est structurée autour de grands programmes dont certains ont été développés depuis les années 1990.

En premier lieu, l'Union européenne s'appuie sur deux programmes majeurs opérationnels depuis les années 2010 :

- le programme Galileo qui constitue un système mondial de navigation par satellites (GNSS) qui a été lancé en 1999 et qui est opérationnel depuis 2016, en s'appuyant sur une constellation de 26 satellites en orbite. Ce programme de GNSS est complété par le système EGNOS52(*) qui est un programme européen opérationnel depuis 2009 de navigation par recouvrement géostationnaire et qui permet d'améliorer la précision des données des systèmes de navigation satellitaires (GNSS) ;

- le programme Copernicus, opérationnel depuis 2014, qui est un programme d'observation de la Terre qui repose sur huit satellites utilisés notamment dans les domaines de l'environnement, de l'agriculture, de la sécurité et de la surveillance maritime.

En second lieu, dans le cadre de son nouveau programme spatial pour la période 2021-202753(*), l'Union européenne a enrichi son programme spatial avec deux programmes majeurs :

- le programme « surveillance de l'espace » (SSA54(*)) dont l'objectif principal est de limiter les risques de collision dans l'espace en s'appuyant sur des technologies de surveillance et de suivi dans l'espace (SST55(*)) pour fournir des analyses du risque de collision entre deux objets en orbite, de l'entrée dans l'atmosphère d'objets en orbite et de la fragmentation des débris spatiaux ;

- le programme « communication satellitaire sécurisée » (Secure SATCOM) dont la première composante a pour objectif de mettre en place un système de communication sécurisée par voie satellitaire pour les autorités gouvernementales (GOVSATCOM).

La densification de la politique spatiale de l'Union européenne s'est traduite par la croissance du budget de l'Union européenne dédié à la politique spatiale depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009. Alors que le cadre financier pluriannuel 2007-2013 prévoyait un budget pluriannuel de 4 600 millions d'euros en sept ans, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, adopté en décembre 202056(*), prévoit un budget pluriannuel de 15 200 millions d'euros pour sept ans dans le domaine spatial57(*).

Budget pluriannuel de l'Union européenne dédié à la politique spatiale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Le renforcement de l'intervention de l'Union européenne dans le domaine spatial s'est encore traduit récemment par l'annonce faite en janvier 2022 par le commissaire au marché intérieur Thierry Breton du lancement de la constellation européenne de satellites Iris2 (infrastructures de résilience et d'interconnexion sécurisée par satellite).

Les objectifs de cette constellation ont été précisés par le règlement (UE) du 15 mars 2023 qui consacre le double objectif de la constellation de fournir des services de communication ultra-rapides et hautement sécurisée à la fois pour la réalisation de services gouvernementaux, en complétant le programme GOVSATCOM, et pour la réalisation de services commerciaux de connectivité à haut débit et sans discontinuité fournis par le secteur privé58(*). La constellation doit comporter notamment un ensemble de 170 satellites en orbite basse et monter progressivement en puissance à partir de 2024 pour être dotée d'une pleine capacité opérationnelle à partir de 2027. Son coût de déploiement est estimé à 6 000 millions d'euros dont 2 400 millions d'euros financés par le budget de l'Union européenne.

Enfin, la Commission européenne a ouvert en octobre 2023 une consultation relative à une « loi spatiale européenne » dont l'adoption était initialement prévue au premier semestre 2024. Selon les déclarations du commissaire au marché intérieur devant la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE) du Parlement européen, ce projet de texte législatif ne devrait pas être publié par la Commission avant le second semestre 202459(*).


* 3 Art. L. 111-1 du code de la recherche, 1° et 3°.

* 4 Sénat, commission des affaires culturelles, 30 novembre 1961, n° 97 (1961-1962), Rapport sur le projet de loi instituant un centre national d'études spatiales, au rapport de M. Jacques Baumel, p. 8.

* 5 CNES, octobre 2019, Séminaire de prospective scientifique (SPS) du Havre, p. 10.

* 6 Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), janvier 2021, Rapport d'évaluation du Centre national d'études spatiales, p. 27.

* 7 Le suivi des flux de dioxyde de carbone est la mission principale de la mission « MicroCarb » piloté par le CNES et l'agence spatiale du Royaume-Uni (UKSA) qui sera lancée au plus tôt en 2025.

* 8 CNES, juin 2023, Rapport d'activité 2022, p. 55.

* 9 European Space Agency.

* 10 CNES, octobre 2019, Séminaire de prospective scientifique (SPS) du Havre, p. 66.

* 11 Projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024), Projet annuel de performances (PAP) de la mission « Recherche et enseignement supérieur », p. 304.

* 12 Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Insee Première, septembre 2022, n° 1919.

* 13 Les sociétés entrant dans cette catégorie sont celles dont l'activité spatiale représente au moins 80 % du chiffre d'affaires.

* 14 François Lecointre, « L'espace au coeur des opérations militaires modernes » in Revue Défense Nationale, n° 835, décembre 2020, p.13.

* 15 Geospatial Intelligence.

* 16 François Lecointre, « L'espace au coeur des opérations militaires modernes » in Revue Défense Nationale, n° 835, décembre 2020, p. 14.

* 17 Traité sur les principes régissant les activités des État en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps céleste.

* 18 Art. premier du traité sur l'espace du 27 janvier 1967.

* 19 Art. IV du traité sur l'espace du 27 janvier 1967.

* 20 Ministère des armées, Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, 2017, p. 45.

* 21 Discours du Président de la République du 13 juillet 2019 à l'Hôtel de Brienne.

* 22 Ministère des armées, Revue nationale stratégique, 2022, p. 50.

* 23 Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Christian Maire, décembre 2021, « Réflexions sur l'essai antisatellite russe du 15 novembre 2021 ».

* 24 Ministère des armées, Stratégie spatiale de défense, 2019, p. 25.

* 25 Sénat, compte rendu de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mercredi 15 décembre 2021.

* 26 Ordonnance n° 2021-860 du 30 juin 2021 portant changement d'appellation de l'armée de l'air.

* 27 Le commandement de l'espace (CDE) succède au commandement interarmées de l'espace (CIE) qui était un service rattaché au chef d'état-major des armées créé en 2010.

* 28 NATO Space Centre of Excellence.

* 29 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 30 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, 2.2.3 du rapport annexé.

* 31 Loi n° 61-1382 du 19 décembre 1961 instituant un centre national d'études spatiales.

* 32 Art. R. 331-1 du code de la recherche.

* 33 Art. R. 331-2 du code de la recherche.

* 34 Sénat, Séance publique, compte-rendu intégral de la séance du 7 décembre 1961, p. 2398.

* 35 Sénat, commission des affaires culturelles, 30 novembre 1961, n°97 (1961-1962), Rapport sur le projet de loi instituant un centre national d'études spatiales, au rapport de M. Jacques Baumel, p. 19

* 36 Hcéres, janvier 2021, Rapport d'évaluation du Centre national d'études spatiales, p. 6.

* 37 Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.

* 38 Cour des comptes, janvier 2023, Le Centre national d'études spatiales (CNES) - hors centre spatiale de Toulouse, p. 64.

* 39 CNES, avril 2022, contrat d'objectifs et de performance 2022-2025, « Nouveaux espaces ».

* 40 European Space Agency.

* 41 European Launching Development Organization.

* 42 European Astronaut Centre.

* 43 Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse.

* 44 Slovénie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie. Le Canada bénéficie également de facto de ce statut.

* 45 Bulgarie, Croatie, Chypre et Malte.

* 46 Pour rappel, certains États membres de l'Union européenne ne sont pas membre de l'ESA et, inversement, certains membres de l'ESA ne sont pas membres de l'Union européenne comme le Royaume-Uni.

* 47 Article 6 de l'accord-cadre du 25 novembre 2003 entre la Communauté européenne et l'Agence spatiale européenne.

* 48 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), 3. de l'article 4.

* 49 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), 1. de l'article 189.

* 50 European Union Space Programme Agency.

* 51 Global Navigation Satellite System.

* 52 European Geostationary Navigation Overlay Service.

* 53 Règlement (UE) 2021/696 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 établissant le programme spatial de l'Union et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial.

* 54 Space Situational Awareness.

* 55 Space Surveillance and Tracking.

* 56 Règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027.

* 57 Projet de loi de finances pour 2024, annexe générale « Relations financières avec l'Union européenne », p. 106.

* 58 Règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 établissant le programme de l'Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027.

* 59 Parlement européen, commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE), audition du commissaire au marché intérieur du 9 avril 2024.

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