N° 640

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les aides à la décarbonation
de l'
industrie du plan France 2030,

Par MM. Laurent SOMON et Thomas DOSSUS,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La décarbonation de l'industrie constitue l'un des 17 « grands défis » financés par le plan France 2030. Il apparait cependant que l'enveloppe actualisée de 4,5 milliards d'aides programmées ne correspond pas aux annonces faites en matière de réduction des émissions de l'industrie.

MM. Laurent Somon et Thomas Dossus, rapporteurs spéciaux chargé des crédits de mission « Investir pour la France de 2030 », ont présenté le 29 mai 2024 les résultats de leur contrôle sur les aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030.

I. LE PLAN FRANCE 2030 FINANCE 4,5 MILLIARDS D'EUROS D'AIDES POUR RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE DES SITES INDUSTRIELS QUI REPRÉSENTENT 18 % DES ÉMISSIONS SUR LE TERRITOIRE

A. LES 50 SITES INDUSTRIELS LES PLUS ÉMETTEURS SE SONT ENGAGÉS À DIVISER PAR DEUX LEURS ÉMISSIONS EN DIX ANS EN S'APPUYANT SUR LES AIDES À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE DU PLAN FRANCE 2030

L'industrie manufacturière représente, avec 18 % des émissions totales, un des premiers secteurs émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en France. La trajectoire de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre actuellement en vigueur1(*) prévoit une réduction de 37 % des émissions du secteur industriel entre 2015 et 2030. Alors que la stratégie nationale bas-carbone fait actuellement l'objet d'un exercice d'actualisation par décret qui n'a pas été précédé d'un débat au Parlement malgré le dépassement du délai limite de juillet 2023 fixé par la loi2(*), la mise en place d'instruments de soutien à l'investissement adaptés est une condition nécessaire au respect par la France de ses engagements nationaux et européens qui ont été réhaussé depuis 2020.

Le secteur industriel se caractérise par une forte concentration des émissions de GES et les « 50 sites » industriels les plus émetteurs sur le territoire français représentaient en 2019 des émissions de 43 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (MtCO2éq) soit 54 % des émissions du secteur industriel et 10 % de l'ensemble des émissions sur le territoire national.

Le Président de la République a engagé, après les avoir reçus en novembre 2022, un exercice de contractualisation avec les groupes industriels concernés pour fixer une trajectoire de décarbonation des 50 sites industriels les plus émetteurs consistant, à diviser par deux en dix ans leurs émissions. Dans ce cadre, les aides du plan France 2030 ont été identifiées comme le vecteur principal du soutien à la décarbonation des grands sites industriels.

Les crédits de France 2030 dédiés à la décarbonation visent principalement

qui représentent

soit à eux seuls

 
 
 

sites industriels
très émetteurs

d'émissions annuelles

des émissions de gaz à effet de serre en France

B. LE PLAN FRANCE 2030 PRÉVOIT UNE ENVELOPPE DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DE SOLUTIONS FRANÇAISES DE DÉCARBONATION ET LEUR DÉPLOIEMENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

Le plan France 2030, doté d'un montant total de 54 milliards d'euros, consacre l'un de ses dix-sept objectifs et leviers à la décarbonation de l'industrie. L'enveloppe dédiée à cet objectif s'élève, après reprogrammation, à 4,5 milliards d'euros. Les aides se décomposent en deux branches : d'une part le soutien au développement en France de solutions de décarbonation, qui est un soutien à l'offre de décarbonation, et d'autre part l'apport financier par des investissements destinés à décarboner l'industrie sur le territoire, soit un soutien à la demande de décarbonation.

Aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030

Aides au développement de solutions de décarbonation de l'industrie (branche 1)

448 M€

Aides au déploiement de solutions de décarbonation (branche 2)

4 045 M€

dont décarbonation des petits sites industriels (volet 1)

670 M€

dont décarbonation des sites très émetteurs (volet 2)

3 375 M€

TOTAL

4 493 M€

Source : commission des finances

La première branche, dédiée au développement de solutions de décarbonation, représente 448 millions d'euros soit 10 % de l'enveloppe totale de l'objectif. Elle finance à la fois des projets de recherche, menés par des organismes nationaux (CNRS, CEA notamment), et de développement, menés par des industriels, comme la construction de démonstrateurs pour tester des solutions de décarbonation.

La seconde branche, qui soutient les investissements industriels de décarbonation, est dotée de 4 milliards d'euros dont 670 millions d'euros dédiés aux petits sites industriels (volet 1) et 3,4 milliards d'euros dédiés aux sites industriels très émetteurs (volet 2), en particulier aux 50 sites industriels les plus émetteurs ayant concerté avec l'État une trajectoire de réduction de leurs émissions.

France 2030 soutient à la fois le développement de solution de décarbonation et leur déploiement dans le tissu industriel

II. LE VOLUME DES AIDES À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE DU PLAN FRANCE 2030 ET LEUR RYTHME DE DÉPLOIEMENT NE SONT PAS PROPORTIONNÉS AUX OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE L'INDUSTRIE

A. LES AIDES À LA DÉCARBONATION DU PLAN FRANCE 2030 NE PERMETTRONT PAS D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DES SITES INDUSTRIELS

Les aides du plan France 2030, qui bénéficient d'un cadre de gestion extrabudgétaire visant à éviter que les mesures d'économies budgétaires ne se fassent au détriment des investissements d'avenir, ne doivent pas devenir un instrument de compensation des réductions de crédits budgétaires conventionnels de certains ministères. Les rapporteurs constatent qu'une partie des aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 ont servi à compenser la réduction des crédits budgétaires du ministère chargé de l'écologie dédié à certains guichets d'aide.

Pour garantir une gestion étanche entre les investissements d'avenir et le reste du budget, les rapporteurs proposent de consacrer un principe d'abondement exclusif en application duquel les aides financées par le plan France 2030 ne pourraient pas être simultanément financées par les crédits ministériels conventionnels.

L'objectif de décarbonation de l'industrie du plan France 2030 était initialement doté d'une enveloppe de 5,5 milliards d'euros. Le Gouvernement a, dans le cadre d'un exercice de reprogrammation du plan France 2030 décidé en octobre 2023 qu'il n'a pas rendu public, réduit d'un milliard d'euros l'enveloppe dédiée à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030. Les rapporteurs relèvent que l'absence de publicité et de communication au Parlement autour de cette reprogrammation nuit à la crédibilité de l'engagement public en faveur de la décarbonation de l'industrie et à la visibilité des industriels sur le soutien public aux investissements de décarbonation.

Les crédits exceptionnels du plan France 2030 ne doivent pas se substituer à des crédits ministériels soumis au cadre budgétaire conventionnel

Aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie
du plan France 2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

La réduction de 20 % des aides du plan France 2030 en faveur du déploiement des solutions de décarbonation est d'autant moins compréhensible qu'elle va à rebours de l'engagement pris par le Président de la République de doubler l'enveloppe d'aide pour la porter à 10 milliards d'euros si les industriels fixaient des objectifs suffisamment ambitieux en matière de réduction de leurs émissions, condition que les industriels ont rempli dans le cadre de la concertation au sujet des « 50 sites ».

Alors que l'écart est désormais de 6 milliards d'euros entre les aides financés par France 2030 et l'enveloppe globale annoncée par le Président de la République, les rapporteurs estiment qu'il est urgent que le Gouvernement rende un arbitrage clair sur le montant total de l'enveloppe de soutien à la décarbonation de l'industrie et se positionne sur les instruments budgétaires mobilisés pour atteindre cette enveloppe à horizon 2030.

B. LE DÉPLOIEMENT DES AIDES À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE DU PLAN FRANCE 2030 DOIT ÊTRE ACCÉLÉRÉ EN SIMPLIFIANT ET EN CLARIFIANT LES PROCÉDURES D'ATTRIBUTION DES AIDES

Dans un contexte de révision à la hausse des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel programmée dans le cadre de la prochaine stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3), le déploiement rapide des aides à la décarbonation du plan France 2030 est nécessaire pour accélérer le rythme de décarbonation de l'industrie.

France 2030 c'est

dont

et

 
 
 

d'aides à la décarbonation de l'industrie

des aides attribuées aux bénéficiaires finaux

des aides versées aux bénéficiaires finaux.

Or, plus de deux ans après le lancement du plan France 2030 par le Président de la République en octobre 2021, les rapporteurs relèvent que seulement 30 % des aides à la décarbonation de l'industrie ont été attribués aux bénéficiaires finaux3(*) et seulement 1 % décaissées à leur profit4(*). Ce délai de déploiement des aides risque à la fois de remettre en cause la réalisation des investissements lourds en infrastructures pour réduire les émissions avant 2030 et de fragiliser l'équilibre financier des bénéficiaires eu égard à l'inflation pendant la période d'instruction qui n'est pas systématiquement répercutée sur le montant de l'aide demandée.

Pour accélérer le rythme de déploiement des aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 et conséquemment les investissements en faveur de la décarbonation des sites industriels, les rapporteurs relèvent que la procédure d'attribution des aides peut être clarifiée et simplifiée. Ils proposent notamment des modalités pour simplifier les dossiers de demande, accélérer le délai d'obtention d'une aide et lisser dans le temps les dépôts de demande.

Délai moyen d'obtention d'une aide à la décarbonation de l'industrie
du plan France 2030

(en mois)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Ademe

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Les recommandations des rapporteurs spéciaux

Recommandation n° 1. Appliquer, à l'échelle des opérateurs du plan France 2030, le principe « dites-le-nous une fois » pour les pièces justificatives à caractère général des dossiers de candidature des bénéficiaires finaux du plan (Ademe, ANR, Bpifrance, Caisse des dépôts et consignations).

Recommandation n° 2. Rehausser à 30 millions d'euros par projet le seuil de délégation de signature du Premier ministre au secrétaire général pour l'investissement afin de réduire les délais de déploiement des aides à décarbonation des petits sites industriels (Premier ministre).

Recommandation n° 3. Publier sur le site des opérateurs les délais médians d'instruction des demandes et les calendriers prévisionnels pluriannuels des dispositifs reconductibles, pour renforcer la visibilité à court et moyen terme des porteurs de projet sur les aides à la décarbonation de l'industrie (Ademe, ANR).

Recommandation n° 4. Publier et actualiser semestriellement les indicateurs du tableau de bord du plan France 2030 pour renforcer la transparence sur les résultats associés aux aides à la décarbonation de l'industrie (SGPI).

Recommandation n° 5. Informer le Parlement de toute évolution de la maquette de répartition des crédits du plan France 2030 entre les dix-sept objectifs et leviers du plan et transmettre chaque année, avec le projet de loi de finances, la maquette de répartition actualisée des crédits du plan (SGPI).

Recommandation n° 6. Consacrer un « principe d'abondement exclusif » en application duquel les dispositifs d'aide financés par le plan France 2030 ne peuvent pas être simultanément financés par d'autres programmes du budget de l'État (SGPI).

Recommandation n° 7. Rendre un arbitrage clair sur l'hypothèse de doublement des aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie et préciser le cas échéant le véhicule budgétaire et la trajectoire pluriannuelle de financement pour crédibiliser cet engagement et donner de la visibilité aux acteurs du secteur (ministre chargé de l'industrie).

Recommandation n° 8. Compléter la stratégie nationale de capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS) par un volet financier qui indique le montant des aides publiques associées à chaque phase de déploiement et préciser la contribution des investissements d'avenir à cette stratégie (DGE, SGPI).

I. 4,5 MILLIARDS D'EUROS D'AIDE À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE : L'ENGAGEMENT DE L'ÉTAT POUR SOUTENIR LES INVESTISSEMENTS MASSIFS NÉCESSAIRES DANS LE SECTEUR INDUSTRIEL AFIN DE RESPECTER LA TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

A. L'ATTEINTE DES OBJECTIFS DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS IMPLIQUE DE DIVISER PAR DEUX LES ÉMISSIONS DES GRANDS SITES INDUSTRIELS À HORIZON 2030

1. La France a adopté des objectifs ambitieux de décarbonation de l'industrie qui est un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur le territoire national
a) L'industrie manufacturière représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France

L'industrie est l'une des principales sources d'émission de gaz à effet de serre en France. En 2022, le secteur de l'industrie manufacturière et de la construction représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du territoire, soit des émissions de 73 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (MtCO2éq).

La contribution de l'industrie manufacturière et de la construction aux émissions de gaz à effet de serre en France est la troisième après les celles du secteur des transports (32 %) et du secteur agricole (19 %).

Émissions de GES par secteur en France en 2022

(en équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données du centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA)

Les émissions du secteur de l'industrie manufacturière et de la construction correspondent à deux catégories d'émission : d'une part les émissions énergétiques liées à la combustion de combustibles fossiles pour le fonctionnement des sites industriels (par exemple les fours ou les moteurs intégrés aux usines) ; d'autre part les émissions non-énergétiques, ou spécifiques, liées aux procédés industriels eux-mêmes qui font intervenir des réactions chimiques qui émettent des gaz à effet de serre (par exemple pour la production de ciment, de verre ou de chaux).

À l'échelle du secteur de l'industrie, un tiers des émissions de gaz à effet de serre (36 %) est lié à des émissions non-énergétiques, le reste étant expliqué par les émissions énergétiques du secteur (64 %)5(*).

Si le dioxyde de carbone (CO2) représente 95 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel, du fait du volume des émissions énergétiques du secteur, il n'est pas le seul gaz à effet de serre émis par les sites industriels.

Les gaz fluorés (HFC6(*), PFC7(*), SF68(*) et NF39(*)) représentent 4% des émissions du secteur. Ils présentent par surcroît la double particularité d'avoir un pouvoir de réchauffement global (PRG)10(*) sur cent ans très supérieur à celui du dioxyde de carbone11(*) et de constituer en partie des émissions jugées « incompressibles à horizon 2050 »12(*), à défaut de procédés industriels décarbonés pour la production de produits minéraux, de la métallurgie primaire, de certains procédés chimiques et des gaz fluorés.

Par surcroît, le secteur industriel constitue la principale source d'émission dans l'atmosphère de certains gaz fluorés en France, dont notamment le trifluorure d'azote (100 % des émissions), les perfluorocarbures (95 % des émissions) et l'hexafluorure de soufre (63 % des émissions)13(*).

Il est à relever que si le secteur industriel continue de représenter près d'un cinquième des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire, il s'agit du secteur qui a le plus contribué à la réduction de ces émissions depuis le début des années 1990.

En effet, le secteur de l'industrie manufacturière et de la construction représente à lui seul 49 % de la réduction de 136 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (MtCO2éq) des émissions annuelles sur le territoire entre 1990 et 2022, hors UTCAF14(*).

Cette réduction des émissions de GES dans le secteur industriel entre 1990 et 2022 représente une diminution de 48 % des émissions du secteur au cours de cette période.

Trajectoire de réduction des émissions de GES du secteur de l'industrie manufacturière et de la construction entre 1990 et 2022

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données du CITEPA

La réduction des émissions de GES dans le secteur industriel est liée en premier lieu à la sophistication des modes de production qui ont permis de réduire l'intensité des émissions.

Si les chocs conjoncturels de la crise économique et financière de 2008 puis de la crise économique et sanitaire de 2020 ont eu un effet sur le ralentissement des entreprises industrielles, la valeur ajoutée du secteur a augmenté de 17 % entre 1990 et 2022.

Par conséquent, la réduction substantielle des émissions de GES des sites industriels correspond à une diminution de l'intensité d'émissions de ces sites. Cette réduction a été notamment rendu possible par la transformation des procédés, comme par exemple dans le secteur de la chimie, ou le développement de nouveaux procédés industriels ont permis de diminuer les émissions non-énergétiques et notamment une réduction de plus de 98 % des émissions de protoxyde d'azote (N2O) entre 1990 et 2022 pour la production d'acides adipique et nitrique.

C'est dans ce contexte que le pPrésident de la République a consacré, lors du lancement du plan France 2030 le 12 octobre 2021, l'objectif de décarbonation de l'industrie comme un des axes d'investissements du plan.

Dans son discours de lancement, le Président de la République a présenté la décarbonation de l'industrie en France comme une « révolution productive » nécessaire pour assurer l'indépendance du pays. Le Président de la République a également estimé que cette stratégie serait « extrêmement onéreuse » et comprendrait « des investissements massifs de plusieurs centaines de millions d'euros par site industriel »15(*).

Par conséquent, l'objectif « décarboner notre industrie et la production d'intrants », devenu l'objectif n°3 du plan France 2030, est doté d'une enveloppe initiale de 5,5 milliards d'euros dans le plan. Il s'agit de la principale enveloppe de la section « transition écologique » du plan qui recouvre 20,3 milliards d'euros dans sa maquette initiale du plan.

Dotation initiale des objectifs et leviers de la section « transition écologique »
du plan France 2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA)

b) L'objectif de neutralité carbone en 2050 et la cible européenne de réduction de 55 % des émissions en 2030 nécessitent une décarbonation rapide et profonde de l'industrie

La France a pris depuis les années 1990 de nombreux engagements en faveur de la préservation de l'environnement et de la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, en particulier depuis la signature de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) le 9 mai 1992.

L'accord de Paris du 12 décembre 2015 a consacré un objectif global de limitation du réchauffement climatique « nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » ainsi que les principes d'équités et de responsabilité commune des États en matière de préservation de l'environnement16(*).

Pour mettre en oeuvre l'accord de Paris, la France a pris plusieurs engagements à l'échelle nationale et européenne pour limiter les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire, et notamment dans le secteur industriel.

En premier lieu, à l'échelle de l'Union européenne, le Conseil européen a consacré en décembre 2019 un objectif de neutralité climatique à horizon 205017(*) et fixé en décembre 2020 un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 203018(*).

Ces orientations adoptées à l'unanimité par les États-membres ont été consacré en droit de l'Union par le règlement (UE) du 30 juin 2021 sur le climat19(*), ou « loi européenne sur le climat », qui a consacré l'objectif de neutralité carbone en 205020(*) et de réduction de 55 % des émissions de GES entre 1990 et 203021(*).

En second lieu, à l'échelle de la France :

- la loi du 17 août 201522(*) relative à la transition énergétique pour la croissance verte a consacré un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 203023(*) ;

- la loi du 8 novembre 201924(*) relative à l'énergie et au climat a consacré un objectif de neutralité carbone à l'horizon 205025(*).

Il est à relever que l'objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 à l'échelle de la France doit être révisé pour être mis en cohérence avec l'objectif de 55 % adopté à l'échelle de l'Union européenne.

À cet égard, la décision prise par le Gouvernement de supprimer le volet programmatique de l'avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, puis de retarder la présentation de ce texte, a eu pour effet regrettable, comme l'a souligné la commission des affaires économiques du Sénat26(*), de retarder l'association du Parlement au travail d'adaptation des objectifs climatiques de la France au nouveau contexte juridique européen. Il est à souligner à ce titre que l'échéance fixée dans le code de l'énergie au 1er juillet 202327(*) n'a pas été respectée et qu'il est urgent d'associer la représentation nationale à la fixation des grands objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans un courrier au Premier ministre en date du 2 avril 2024, la présidente du Haut Conseil pour le climat a estimé que l'absence d'adoption de la loi de programmation « énergie et climat » dans les délais fixés par la loi était constitutive d'un « risque de recul de l'ambition de la politique climatique induit par les dérives de calendrier de ses instruments les plus structurants »28(*).

Les rapporteurs partagent enfin l'incompréhension de la commission des affaires économiques du Sénat29(*) devant le choix fait en avril 2024 par le Gouvernement de renoncer au dépôt d'un projet de loi de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui aurait permis d'actualiser par la loi nos objectifs environnementaux et d'associer le Parlement à des choix structurants pour la conduite de nos politiques économiques et environnementales dans les années à venir.

Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France sont déclinés depuis novembre 2015 dans un document de synthèse, la stratégie nationale bas-carbone30(*), qui a été révisée avec la publication d'une nouvelle stratégie en mars 2020 (SNBC-2)31(*).

Pour le secteur industriel, la stratégie nationale bas carbone révisée fixe deux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre :

- une réduction de 35 % des émissions entre 2015 et 2030 ;

- une réduction de 81 % des émissions entre 2015 et 2050.

La stratégie nationale bas-carbone comporte également un scénario de référence, le scénario « avec mesures supplémentaires » (AMS), dont l'objet est de modéliser une trajectoire de réduction des émissions de GES pour chaque secteur afin d'atteindre les objectifs globaux de réduction des émissions. Ce scénario repose sur plusieurs hypothèses dont notamment « des besoins de la population en légère diminution » ainsi qu'un « changement important des modes de consommation, sans perte de confort »32(*).

Dans le secteur industriel, le scénario AMS prévoit le maintien d'un niveau de production similaire à 2015, grâce à la préservation de la compétitivité de l'industrie française.

Trajectoire de réduction des émissions de GES du secteur industriel dans la stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2)

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données de la SNBC-2

Les rapporteurs relèvent que le rythme actuel de décarbonation du secteur industriel ne suffira pas à respecter la trajectoire fixée dans la stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2).

En effet, entre 2015 et 2022, le volume de réduction annuelle moyenne des émissions de GES du secteur industriel a été de 1,6 MtCO2éq, soit 1,9 % des émissions en 2015.

Si un rythme de réduction annuel de 1,9 % des émissions du secteur est observé de 2023 à 2025, les émissions atteindront à cette date 66 MtCO2éq, soit 1 MtCO2éq de plus que le point de passage intermédiaire fixé dans la stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2).

Alors qu'une nouvelle révision de la stratégie nationale bas-carbone est programmée au plus tard en mars 202533(*) et que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national consacrés dans le code de l'énergie34(*) n'ont toujours pas été mis à jour ni fait l'objet d'un débat législatif devant le Parlement depuis le rehaussement des objectifs de l'Union européenne, les rapporteurs soulignent que le rythme actuel des investissements dans la décarbonation de l'industrie se révèle en deçà de la trajectoire adoptée en 2020.

2. Les investissements de décarbonation de l'industrie sont orientés en priorité vers les quatre filières les plus émettrices qui représentent 85 % des émissions du secteur
a) Les émissions du secteur industriel sont concentrées dans un nombre réduit de sites susceptibles de mobiliser des leviers communs de décarbonation

Alors qu'il représente le troisième poste d'émission de gaz à effet de serre sur le territoire, le secteur industriel se caractérise par une très forte concentration de ses émissions de gaz à effet de serre à la fois du point de vue des filières concernées et des sites de production associés.

Du point de vue des filières, il est ainsi à relever que quatre grandes filières d'industrie lourde (chimie ; matériaux de construction ; mines et métallurgie ; agroalimentaire) concentrent 85 % des émissions du secteur, soit 61,7 MtCO2éq d'émissions en 2022.

Répartition par filières des émissions industrielles de GES
sur le territoire national

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données du CITEPA

Le système d'échange de quotas d'émission (SEQE) qui a été mis en place à l'échelle de l'Union européenne à partir de 2005 pour les installations industrielles les plus émettrices permet d'identifier les sites industriels à décarboner en priorité sur le territoire. En 2019, les 600 installations industrielles françaises incluses dans le périmètre du système d'échange de quotas d'émission représentaient 78 % des émissions de GES du secteur de l'industrie manufacturière35(*).

Cette concentration se traduit enfin par un poids significatif dans les émissions du secteur, et dans celles de l'ensemble de l'appareil productif, des cinquante sites industriels les plus émetteurs. En 2019, ces cinquante sites représentaient 43 MtCO2éq c'est-à-dire non seulement 54 % des émissions du secteur industriel mais également 10% des émissions de GES en France.

Cette concentration particulière des émissions au sein du secteur de l'industrie manufacturière se traduit par une capacité d'influence accrue pour les entreprises qui atteignent une taille critique et contrôlent plusieurs installations lourdes sur le territoire. À titre d'illustration, les trois sites de production d'acier de la société ArcelorMittal en France, situés respectivement à Dunkerque, Fos-sur-Mer et Florange, représentaient en 2019 des émissions de 19,3 MtCO2éq. L'activité des sites sidérurgiques d'ArcelorMittal représentait donc 24 % des émissions de l'industrie en France et 4,5 % des gaz à effet de serre émis sur le territoire français.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des sites industriels, les entreprises concernées sont encouragées par la puissance publique à investir dans quatre « leviers de décarbonation » identifiés par l'État et par les industriels comme prioritaires :

- l'électrification des procédés, c'est-à-dire le fait de substituer, dans l'ensemble des filières industriels, des moteurs électriques aux moteurs alimentés par des sources d'énergie fossile. Ce premier levier permet de réduire largement les émissions énergétiques des sites concernés ;

- l'utilisation de l'hydrogène décarboné à la fois comme source d'énergie pour réduire les émissions énergétiques et comme intrant pour réduire les émissions non-énergétiques de certains procédés industriels dans les secteurs de la chimie et de la sidérurgie ;

- l'utilisation de la biomasse, c'est-à-dire de la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d'origine biologique36(*), soit pour produire des chaleurs haute-température qui sont nécessaires à certains procédés industriels, soit pour se substituer aux composés pétrochimiques dans le cadre de la chimie biosourcée. Ce levier permet de réduire les émissions énergétiques et non-énergétiques de l'industrie ;

- les technologies de capture et de séquestration du carbone (CCS37(*)) dans les formations géologiques profondes pour les émissions résiduelles de gaz à effet de serre qui ne pourront pas être évitées, y compris à long terme. Ce levier permet de réduire les émissions non-énergétiques nettes de l'industrie.

b) La stratégie de soutien public à l'investissement s'articule autour de quatre grandes filières et de cinquante sites prioritaires en matière de décarbonation de l'industrie
(1) Les cinquante sites industriels les plus émetteurs ont signé un « contrat de transition écologique » non contraignant avec l'État

Le premier axe central de la décarbonation de l'industrie est constitué autour de la décarbonation des cinquante sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre qui représentaient en 2019 des émissions de 43 MtCO2éq, soit 10 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Carte des cinquante sites les plus émetteurs

(émissions de 2019 en équivalent dioxyde de carbone)

Source : ministère chargé de l'industrie, avril 2023

Les grandes orientations de cet axe de décarbonation des cinquante sites industriels les plus émetteurs ont été fixées par le Président de la République le 8 novembre 2022 'à l'occasion de sa réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre.

Président de la RépubliqueUn objectif de « division par deux en dix ans » des émissions de gaz à effet de serre a alors été fixé. Cette trajectoire se traduit par un objectif de 20 MtCO2éq évités sur les cinquante sites les plus émetteurs à horizon 2030.

Pour atteindre cet objectif, le Président de la République a évoqué la mise en place « d'une stratégie d'investissements massive et rapide, d'investissements publics et privés pour accompagner ces transitions », en insistant sur la nécessité de mettre en place « une stratégie nationale avec des rendez-vous pour que ça aille beaucoup plus vite » et pour pouvoir « donner de la visibilité »38(*).

Il a fixé un objectif de signature, dans un délai de six mois et pour chacun des cinquante sites concernés, d'un « contrat de transition écologique » dont le contenu devait préciser « les choix des technologies retenues, les investissements prévus, les aides » publiques à mettre en place.

Au cours de l'année 2023, les services du ministre chargé de l'industrie ont négocié avec les industriels concernés les dits « contrats de transition écologique ».

En novembre 2023, c'est-à-dire avec six mois de retard par rapport au délai fixé, les industriels39(*) responsables des cinquante sites les plus émetteurs sur le territoire national ont signés avec le ministre de l'industrie les trente-deux contrats de transition écologique (CTE) qui couvrent les cinquante sites les plus émetteurs, certains contrats couvrant plusieurs sites.

Le périmètre du dispositif de contractualisation avec les cinquante sites recouvre en réalité, d'après le dossier de presse publié par le Gouvernement, quarante-huit sites industriels, étant donné que le périmètre retenu recouvre 49 sites industriels40(*) et que le groupe ExxonMobil n'a pas signé de contrat de transition écologique (CTE) pour le site industriel de production d'oléfines de Gravenchon.

Les trente-deux contrats de transition écologique signés par les industriels et l'État constituent des documents non-contraignants, dont l'objet est de documenter les besoins d'investissements pluriannuels des industriels pour atteindre les objectifs fixés en matière de décarbonation de l'industrie.

Ces contrats, publiés sur le site du ministère chargé de l'industrie, sont constitués de documents très courts qui rappellent les objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre de la France et se bornent à rappeler que « l'État et l'industriel s'efforceront de soutenir la mise en oeuvre des actions envisagées par l'industriel pour oeuvrer à la décarbonation du site, tant que cela est technologiquement, économiquement et écologiquement compatible avec les objectifs qui ont prévalu lors de la rédaction » du contrat.

La principale contribution de ces contrats est la fixation, pour chacun d'eux, de deux cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 et à horizon 2050. Cette cible, qui concerne les émissions dans le périmètre du SEQE, est exprimée en proportion de baisse par rapport aux émissions de 2015. Certains industriels distinguent en outre deux voire trois scénarios (tendanciel, central et ambitieux) et fixent des cibles distinctes selon chaque scénario.

Enfin, les industriels indiquent dans chaque contrat les leviers de décarbonation identifiés pour atteindre les cibles fixées, sans entrer dans le détail des investissements associés.

Quatre exemples de contrat de transition écologique (CTE)

Le groupe TotalEnergies a signé son contrat de transition écologique (CTE) le 15 novembre 2023. Il couvre, dans le périmètre des 49 sites industriels les plus émetteurs, les sites de Gonfreville et de Feyzin.

Les cibles fixées pour ces sites sont une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 à horizon 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Les leviers identifiés dans le CTE sont : l'électrification des installations ; le renforcement de l'efficacité énergétique et l'utilisation de l'hydrogène décarboné comme source d'énergie ; le captage et le stockage du carbone pour les émissions incompressibles.

Le groupe Holcim a signé son contrat de transition écologique (CTE) le 17 novembre 2023. Il couvre, dans le périmètre des 49 sites industriels les plus émetteurs, les sites de Saint-Pierre-la-Cour, du Teil, de Port-la-Nouvelle, de Martres, de La Malle, de Val d'Azergues et d'Alkirch.

Les cibles fixées pour ces sites sont une réduction entre 47 % (scénario central) et 69 % (scénario ambitieux) des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 à horizon 2030 et une réduction de 95 % à horizon 2050.

Les leviers identifiés dans le CTE sont : sobriété énergétique ; amélioration de l'efficacité énergétique ; réduction du taux de clinker ; utilisation de matières décarbonées ; le captage et le stockage de carbone.

Le groupe ArcelorMittal a signé son contrat de transition écologique (CTE) le 15 novembre 2023. Il couvre, dans le périmètre des 49 sites industriels les plus émetteurs, les sites de Dunkerque, de Fos-sur-Mer et de Florange.

Les cibles fixées pour ces sites sont une réduction de 35 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 à horizon 2030 et l'atteinte de la neutralité carbone à horizon 2050.

Les leviers identifiés dans le CTE sont : l'augmentation du recyclage de l'acier ; l'utilisation de l'hydrogène pour réduire le minerai de fer ; le captage et le stockage de carbone.

Le groupe Roquette Frères a signé son contrat de transition écologique (CTE) le 16 novembre 2023. Il couvre, dans le périmètre des 49 sites industriels les plus émetteurs, le site de Lestrem.

Les cibles fixées pour ces sites sont une réduction entre 40 % (scénario central) et 42 % (scénario ambitieux) des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 à horizon 2030 et une réduction entre 65 % (scénario central) et 93 % (scénario ambitieux) à horizon 2050.

Les leviers identifiés dans le CTE sont : l'efficacité énergétique ; la mobilisation de combustibles moins émetteurs de GES ; l'électrification des procédés ; le changement des procédés de production.

En additionnant les objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre pour les 49 sites industriels les plus émetteurs inscrits dans les contrats de transition écologique (CTE), le Gouvernement a annoncé en novembre 2023 une cible globale de réduction des émissions de 22 MtCO2éq à horizon 2030 pour ces 49 sites41(*), en retenant à chaque fois le scénario ambitieux pour les sites concernés, ce qui implique des investissements rapides et substantiels de transformation de ces industries.

Pour financer les aides publiques nécessaires pour déclencher les investissements utiles à la décarbonation de ces sites industriels, le Président de la République indiquait dans son discours du 8 novembre 2022 l'existence d'une enveloppe de « plus de 5 milliards d'euros au sein de France 2030 qui seront dédiés pour décarboner notre industrie »42(*), en faisant le lien entre la stratégie de décarbonation des 50 sites industriels les plus émetteurs et l'objectif n°3 du plan France 2030 lancé en octobre 2021.

(2) Les quatre grandes filières les plus émettrices ont élaboré avec l'État des feuilles de route sur la décarbonation de l'industrie

Parallèlement à l'exercice de planification opéré avec les groupes contrôlant les 49 sites industriels les plus émetteurs sur le territoire, les services du ministère chargé de l'industrie ont élaboré avec les organisations professionnelles industrielles des « feuilles de route de décarbonation » pour chacune des quatre grandes filières émettrices suivantes : la chimie ; les matériaux de construction ; la filière « mines et métallurgie » ; l'agroalimentaire.

(a) La filière chimie

En premier lieu, la filière chimie représentait en 2022 des émissions de gaz à effet de serre de 19 MtCO2éq, soit 26 % des émissions du secteur industriel. La filière représente 4 000 entreprises sur le territoire français employant 225 000 salariés43(*).

La feuille de route actualisée publiée en juin 2023 prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2015 entre 41 % (scénario central) et 49 % (scénario ambitieux). Les cibles de réduction sont portées entre 76 % (scénario central) et 84 % (scénario ambitieux) à horizon 2050.

Cibles de réduction des émissions de la filière « chimie »

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données du conseil national de l'industrie

Pour atteindre ces cibles, les industriels de la chimie identifient plusieurs leviers :

- la poursuite du renforcement de l'efficacité énergétique de la filière, en exploitant des gisements d'économie d'énergie notamment en matière de valorisation de la chaleur fatale industrielle ;

- l'électrification des procédés, en utilisant des technologies de substitution à la combustion d'énergie fossile notamment les chaudières électriques ;

- l'utilisation de la biomasse comme source d'énergie bas-carbone pour se substituer aux combustibles fossiles ;

- la poursuite du déploiement des technologies d'abattement des émissions de protoxyde d'azote (N2O) qui résultent des procédés de production des acides nitriques, adipiques et glyoxylique ;

- le remplacement des hydrofluorocarbures (HFC) par des produits de substitution notamment dans les secteurs du froid et de la climatisation ;

- la production d'hydrogène bas-carbone par l'électrolyse de l'eau ;

- la capture et la séquestration de carbone (CCS).

Enfin, la feuille de route évalue le montant des investissements nécessaires pour réaliser cette trajectoire de décarbonation entre 4 et 6 milliards d'euros à horizon 2030 et entre 14 et 19 milliards d'euros à horizon 2050.

(b) Les filières des matériaux de construction et minéraux non métalliques

En deuxième lieu, le sous-secteur des matériaux de construction et minéraux non métalliques recouvre plusieurs filières dont notamment celles de la production de chaux, de ciment, de tuiles et briques et de verre. La filière du ciment, qui est la principale filière du sous-secteur, représentaient en 2021 des émissions de 10 MtCO2éq soit 52 % des émissions du sous-secteur des matériaux de construction et minéraux non métalliques et 13 % des émissions du secteur industriel dans son ensemble.

La filière du ciment est constituée de vingt-cinq cimenteries, dont vingt figurent parmi les 49 sites les plus émetteurs du territoire, et représente 4 500 emplois directs sur le territoire national44(*). Dans le processus de fabrication du ciment, qui se décompose entre la fabrication du clinker et la préparation du ciment, en ajoutant d'autres constituants, c'est l'étape de fabrication du clinker qui est la plus émettrice de gaz à effet de serre. En effet, la fabrication du clinker, obtenue par la cuisson d'un mélange de roche calcaire et d'argile, nécessite d'une part une cuisson dans un four rotatif à 1 450°C et d'autre part le procédé industriel de décarbonatation du calcaire qui sépare le calcaire (CaCO3) en chaux (CaO) et en dioxyde de carbone (CO2) est par nature émetteur de dioxyde de carbone (CO2). Dans le processus de fabrication du clinker, les émissions non-énergétique de gaz à effet de serre représentent deux tiers des émissions.

La feuille de route publiée en mai 2023 prévoit une réduction entre des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2015 entre 51 % (scénario central) et 70 % (scénario ambitieux). Les cibles de réduction sont portées entre 90 % (scénario central) et 100 % (scénario ambitieux) à horizon 2050.

Cibles de réduction des émissions de la filière « ciment »

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données du conseil national de l'industrie

Pour atteindre ces cibles, les industriels du ciment identifient plusieurs leviers :

- la poursuite de l'amélioration de l'efficacité énergétique de la filière, notamment par la mise en place de système de récupération de chaleur ;

- l'utilisation de la biomasse en remplacement des combustibles fossiles dans le processus de cuisson pour la fabrication du clinker ;

- la réduction de la teneur en clinker du ciment en les remplaçant par d'autres constituants ;

- le développement des ciments alternatifs fabriquées à partir de nouveaux clinkers obtenus avec des températures de cuisson inférieures aux températures actuelles ;

- la capture et la séquestration de carbone (CCS).

Enfin, la feuille de route évalue le montant des investissements nécessaires pour réaliser cette trajectoire de décarbonation, à horizon 2040, à 1,7 milliards d'euros pour les investissements correspondant aux leviers existants et entre 2 et 4 milliards d'euros pour le déploiement des technologies de capture du carbone résiduel émis par les cimenteries.

(c) La filière « mines et métallurgie »

En troisième lieu, la filière « mines et métallurgie » représentait en 2015 des émissions de 26 MtCO2éq. Les émissions de cette filière sont particulièrement concentrées et les trois usines sidérurgiques d'ArcelorMittal représentent plus de 80 % des émissions de la filière.

La feuille de route publiée en mai 2021 fixe des objectifs distincts pour le secteur sidérurgique intégré, pour le secteur de l'aluminium et pour la société Eramet.

Pour le secteur de la sidérurgie intégrée, la feuille de route fixe un objectif de réduction de 31 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2015 grâce à la transformation des sites de Dunkerque et de Fos-sur-Mer45(*). La feuille de route mentionne également un objectif de neutralité carbone à horizon 2050.

Cibles de réduction des émissions du secteur sidérurgique intégré

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données du conseil national de l'industrie

Pour atteindre ces cibles, les industriels du secteur sidérurgique intégré identifient plusieurs leviers :

- l'amélioration de l'efficacité énergétique ;

- l'augmentation du taux de recyclage de l'acier circulaire ;

- la mise en place de « hauts-fourneaux verts » (Smart Carbon) d'une part en réinjectant du gaz de cokerie (60 % d'hydrogène et 22 % de méthane notamment) pour remplacer le charbon fossile dans le procédé de fabrication de l'acier et d'autre part en utilisant de la biomasse pour remplacer des combustibles fossiles ;

- la capture et la séquestration de carbone (CCS) ;

- au-delà de 2030, la réduction de minerai de fer avec de l'hydrogène décarboné ou par un procédé d'électrolyse.

Enfin, la feuille de route évalue le montant de l'investissement d'ArcelorMittal en dix ans dans les usines de Dunkerque et de Fos-sur-Mer à 1,8 milliard d'euros.

(d) Les industries agroalimentaires (IAA)

En quatrième lieu, le sous-secteur des industries agroalimentaires représentait des émissions de 8,5 MtCO2éq en 2022. Ce sous-secteur est caractérisé par une grande dispersion des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire, ces émissions étant réparties entre différentes filières dont notamment la production de sucre (30 % des émissions), d'amidon (20 % des émissions) ou de produits laitiers (20 % des émissions). Les industries agroalimentaires (IAA) représentent plus de 17 000 entreprises en France dont 98 % sont des très petites entreprises ou des petites et moyennes entreprises (TPE/PME).

La feuille de route publiée en septembre 2023 prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2015 entre 40 % (scénario central) et 50 % (scénario ambitieux). La cible de réduction est portée à 80 % à horizon 205046(*).

Cibles de réduction des émissions de la filière agroalimentaire

(en millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone)

Source : commission des finances, d'après les données de l'ANIA

Pour atteindre ces cibles, les industriels de la filière agroalimentaire identifient plusieurs leviers :

- la poursuite de l'amélioration de l'efficacité énergétique de la filière, notamment en mettant en place des cogénérations à haut-rendement qui permettent une production combinée de chaleur et d'électricité ;

- le remplacement des combustibles fossiles notamment par l'électrification de certains procédés, l'utilisation de chaudières biomasse et la valorisation énergétique de la biomasse endogène par la méthanisation ;

- le remplacement des hydrofluorocarbures (HFC) par des fluides frigorigènes naturels.

Enfin, la feuille de route évalue le montant des investissements nécessaires entre 2015 et 2030 entre 5,2 milliards d'euros (scénario central) et 6,9 milliards d'euros (scénario ambitieux). À horizon 2050, le montant des investissements nécessaire est estimé à 16 milliards d'euros.

B. LES AIDES À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE MISES EN PLACE DANS LE CADRE DU PLAN DE RELANCE SONT PROLONGÉES ET AMPLIFIÉES PAR LES AIDES DU PLAN FRANCE 2030 À HAUTEUR DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS

1. Le plan « France Relance » a mobilisé un milliard d'euros de crédits budgétaires conventionnels pour financer des aides publiques à la décarbonation de l'industrie
a) Les crédits du plan « France Relance » ont co-financé les actions soutenues par le « Fonds chaleur » à hauteur de 420 millions d'euros

Le fonds de soutien au développement de la production et de la distribution de chaleur d'origine renouvelable, ou « Fonds chaleur », a été créé par l'article 19 de la loi du 3 août 200947(*) relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite « loi Grenelle I ».

Entre 2009 et 2022, le Fonds chaleur a versé des aides publiques à hauteur de 3,7 milliards d'euros qui ont permis de financer des projets correspondant à 12,4 milliards d'euros d'investissement au total correspondant à 7 100 installations.

Les aides versées par le Fonds chaleur sont des subventions à l'investissement qui permettent aux bénéficiaires de remplacer des sources de production de chaleur émettrices de gaz à effet de serre par des solutions de production de chaleur renouvelable.

La sélection des bénéficiaires du Fonds chaleur repose sur deux modes d'intervention : d'une part le Fonds chaleur régionalisé, géré par les directions régionales de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), d'autre part pour les installations biomasses de grande taille, les bénéficiaires sont identifiés par l'appel à projet national annuel « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BCIAT).

Les crédits du plan France Relance ont servi à financer les aides versées en 2021 et 2022 aux bénéficiaires de 'l'appel à projets (AAP) BCIAT à hauteur de 424 millions d'euros. Les aides versées ont notamment permis de financer partiellement des investissements de remplacement ou d'adaptation d'une chaudière ou d'un générateur existant pour passer d'un combustible fossile à la biomasse.

Selon le rapport final du comité d'évaluation du plan France Relance, publié en janvier 2024, les aides de l'AAP BCIAT financées par le plan de relance ont permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 1,78 MtCO2éq.

Le comité d'évaluation souligne par surcroît qu'un lien causal peut être établi entre l'octroi des aides BCIAT et l'augmentation des investissements des entreprises bénéficiaires48(*).

b) Le Fonds de décarbonation de l'industrie du plan France Relance a financé des projets de renforcement de l'efficacité énergétique et de transformation des procédés industriels

Le cofinancement des appels à projet BCIAT ne constitue qu'un des volets du soutien public à la décarbonation de l'industrie financé par le plan France Relance à travers le « Fonds de décarbonation de l'industrie » (FDI).

Si le montant total du Fonds de décarbonation de l'industrie prévu dans le plan « France Relance » était de 1,2 milliard d'euros49(*), le rapport final d'évaluation du comité d'évaluation du plan de relance retrace le versement de subventions pour un montant total d'un milliard d'euros.

Répartition des aides du Fonds de décarbonation de l'industrie
du plan France Relance

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de France Stratégie

Outre les 424 millions d'euros financés pour les bénéficiaires de l'AAP BCIAT, le FDI a financé trois dispositifs d'aides publiques entre 2020 et 2022.

En premier lieu, deux appels à projets (AAP) gérés par l'Ademe pour soutenir des projets d'amélioration de l'efficacité énergétique et de décarbonation des procédés industriels, pour un montant total de 552 millions d'euros, ont été financés par le plan « France Relance ».

L'AAP « INDUSEE », ouvert du 1er août 2020 au 20 octobre 2020, a permis le versement d'aides d'un montant total de 108 millions d'euros à 33 bénéficiaires. Les projets soutenus sont des investissements supérieurs à trois millions d'euros qui permettent de réduire la consommation en énergie primaire et les émissions à gaz à effet de serre des sites industriels. Les aides versées représentent, selon la taille des entreprises, entre 30 % et 50 % des surcoûts induits par le choix d'un investissement bas-carbone par rapport à un investissement de référence.

Deux exemples de projets financés par l'AAP « INDUSEE »

Le site métallurgique de Pamiers (Ariège), appartenant au groupe Eramet, a été soutenu pour réaliser un investissement permettant de remplacer un four à gaz d'ancienne génération par deux fours électriques et un four à gaz de nouvelle génération. Cet investissement doit permettre de diviser par quatre la consommation d'énergie finale du site.

Le site de production textile de Troyes (Aube) du groupe Petit Bateau a été soutenu pour réaliser un investissement de modernisation des machines de teinture et de récupération de chaleur pour réduire les émissions du site et réduire sa consommation d'énergie primaire de 2 590 MWh.

Source : commission des finances

L'AAP « DECARBIND », ouvert de mars 2021 à octobre 2021, a permis le versement d'aides d'un montant total de 444 millions d'euros à 107 bénéficiaires. Il reprend les principes de l'AAP « INDUSEE » en élargissant le périmètre des investissements éligibles aux investissements ayant pour objet l'électrification ou la modification des procédés industriels pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

En second lieu, des aides directes pour les projets d'efficacité énergétique de moins de trois millions d'euros d'investissement, pour un montant de 37 millions d'euros, gérées directement par l'Agence de services et de paiement (ASP) entre novembre 2020 et juin 2022, ont également bénéficié d'un financement par les crédits du plan de relance.

Il est à relever que les aides du Fonds pour la décarbonation de l'industrie (FDI) sont particulièrement efficaces quant à leur coût d'abattement, c'est-à-dire quant à l'efficacité de la dépense publique rapporté aux émissions de gaz à effet de serre évité.

Pour le milliard d'euros d'aides versées par le Fonds de décarbonation de l'industrie, la réduction annuelle d'émission de gaz à effet de serre est estimée à 4,5 MtCO2éq. En retenant une hypothèse de durée de vie de quinze ans des projets soutenus, le coût d'abattement associé aux aides à la décarbonation de l'industrie du plan France Relance est de 15 euros par tonne de carbone évitée.

Pour rappel, ces coûts sont particulièrement réduits au regard du coût d'abattement estimé à 110 euros par tonne de carbone évité dans le cadre du soutien public aux véhicules électriques ou à 70 euros par tonne de carbone dans le cadre de l'électrification et la rénovation vers la classe B d'un logement chauffé au gaz50(*).

Coûts d'abattement de différentes politiques publiques sectorielles
de décarbonation

(en euros par tonne de carbone évitée)

Source : commission des finances, d'après les données de France Stratégie

Les aides publiques à la décarbonation de l'industrie financées par le plan France Relance ont marqué un tournant dans la politique de soutien de l'État à la décarbonation de ce secteur, et le volet 1 des aides à la décarbonation des petits sites industriels, doté d'une enveloppe initiale de 4 milliards d'euros, est présentée par France Stratégie comme des aides « destinées à poursuivre les appels à projet du plan France Relance »51(*).

2. Le plan France 2030 mobilise 4,5 milliards d'euros d'aides publiques pour la décarbonation de l'industrie

Lors du lancement du plan France 2030 à la fin de l'année 2021, l'objectif n°3 « décarboner notre industrie et la production d'intrants » bénéficiait d'une enveloppe initiale de 5,5 milliards d'euros52(*).

La reprogrammation du plan France 2030 réalisée à la fin de l'année 2023 s'est traduite par une réduction du budget de 19 % de l'objectif n°3, dont l'enveloppe actualisée au 1er janvier 2024 est de 4,5 milliards d'euros sur l'ensemble de la période couverte par le plan.

Les aides publiques financées dans le cadre de l'objectif n°3 du plan peuvent être réparties en deux branches selon qu'elles soutiennent l'offre de solution de décarbonation (448 millions d'euros) ou la demande de décarbonation, c'est-à-dire les investissements pour décarboner les sites industriels (4 milliards d'euros). La décomposition synthétique des aides de l'enveloppe de 4,5 milliards d'euros figure à l'annexe n°1 du présent rapport.

Pour assurer la régularité des aides publiques versées aux bénéficiaires finaux dans le cadre de l'objectif de décarbonation de l'industrie du plan France 2030, le SGPI et les opérateurs du plan s'appuient sur le régime des aides d'État consacré par le droit de l'Union européenne53(*) qui prévoit notamment la compatibilité de certaines aides d'État avec le marché intérieur. Les aides versées dans le cadre de l'objectif de décarbonation de l'industrie du plan France 2030 s'inscrivent notamment dans le périmètre du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC)54(*), en application duquel les aides à la protection de l'environnement peuvent être, sous certaines conditions, compatibles avec le marché commun.

a) La stratégie de soutien au développement en France d'une offre de solutions de décarbonation de l'industrie bénéficie d'un financement de 450 millions d'euros du plan France 2030

La première branche du dispositif de soutien à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 est constituée par des aides ayant pour objectif de soutenir le développement sur le territoire français d'une offre de solutions de décarbonation de l'industrie correspondant au financement de la stratégie d'accélération (SA) « Décarbonation de l'industrie », présentée par le Premier ministre Jean Castex dans un discours à Dunkerque le 4 février 2022.

Le soutien public à la structuration de ces industries vertes est réparti entre plusieurs catégories d'aides selon le niveau de maturité, ou Technology Readiness Level (TRL), des projets soutenus par la puissance publique. Dans le cas de la stratégie d'accélération pour la décarbonation de l'industrie, l'enveloppe de 448 millions d'euros est répartie entre 100 millions d'euros, gérés par l'Agence nationale de la recherche (ANR), dédiés aux projets de recherche et de maturation de nouvelles solutions d'une part et 348 millions d'euros, gérés par l'Ademe, dédiés au développement et à l'industrialisation de solutions de décarbonation existantes d'autre part.

Répartition des aides de la stratégie d'accélération « Décarbonation de l'industrie »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

En parallèle du financement de la stratégie d'accélération à hauteur de 448 millions d'euros dans le cadre de l'enveloppe de l'objectif n°3 du plan France 2030, il est à relever que la stratégie est complétée par des subventions dans le domaine de la formation qui sont rattachées au programme transversal « compétences et métiers d'avenir » (CMA) et au levier n°4 « développer les talents en construisant les formations de demain » du plan.

Parmi les projets financés par le programme CMA, les projets dans le secteur de la décarbonation de l'industrie représentent un montant total de 39 millions d'euros pour cinq projets soutenus, dont notamment la création par l'université du Littoral Côte d'Opale (Dunkerque) d'une « Décarbo Industrie Académie » qui bénéficie d'une aide de 8 millions d'euros.

(1) Le plan France 2030 soutient à hauteur de 100 millions d'euros la recherche en matière de décarbonation de l'industrie

L'enveloppe de 100 millions d'euros du plan France 2030 dédié à la recherche et au transfert de technologie dans le domaine de la décarbonation de l'industrie se décompose en deux sous-enveloppes : 70 millions d'euros dédiés aux projets de recherche et 30 millions d'euros dédiés aux projets de transfert de technologie.

Décomposition des aides à la recherche et au transfert de technologie du plan France 2030 dans le domaine de la décarbonation de l'industrie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

L'enveloppe de 70 millions d'euros d'aide à la recherche finance le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) SPLEEN pour la décarbonation de l'industrie, co-piloté par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN).

Les PEPR sont des programmes ayant pour objectif de « construire ou consolider un leadership français dans les domaines scientifiques liés ou susceptibles d'être liés à une transformation technologique, économique, sociétale, sanitaire ou environnementale et qui sont considérés comme prioritaires au niveau national ou européen »55(*).

La création du PEPR SPLEEN dédié à la décarbonation de l'industrie s'est concrétisé par la désignation par l'État en août 2021 de deux pilotes scientifiques, le CNRS et l'IFPEN.

Le comité exécutif (COMEX) du plan France 2030 a ensuite installé un comité scientifique et technologique de programme (CSTP), constitué d'experts de haut niveau et de représentants des établissements d'enseignement supérieur ou de recherche n'ayant pas la qualité de pilote du programme.

La sélection des projets de recherche financés par le plan France 2030 dans le cadre du PEPR SPLEEN est ensuite effectuée sur le fondement d'appels à projet (AAP) mis en place par les copilotes du PEPR conformément à un document de cadrage stratégique rédigé par les pilotes scientifiques et validé par le COMEX du plan France 2030 après avis du CSTP. Un AAP du PEPR SPLEEN a été ouvert entre janvier et mars 2024. Un autre AAP est programmé dans le courant de l'année 2025.

Parallèlement, les copilotes scientifiques du PEPR ont proposés dix projets ciblés qui ont bénéficié d'une enveloppe initiale de 34,8 millions d'euros, attribuée par décision du Premier ministre en date du 5 avril 2023. Ces projets ciblés sont répartis entre les quatre axes suivants :

- nouveaux outils de prévision et de suivi, trois projets de recherche sont financés à hauteur de 4,8 millions d'euros ;

- intégration des énergies à faible teneur en carbone, un projet de recherche est financé à hauteur de 2,4 millions d'euros ;

- décarbonisation et intensification des procédés, quatre projets de recherche sont financés à hauteur de 18,8 millions d'euros ;

- stockage et valorisation du dioxyde de carbone, deux projets de recherche sont financés à hauteur de 8,9 millions d'euros.

Un exemple de projet de recherche financé par le PEPR « décarbonation de l'industrie » : le projet PowerCO2

Le projet PowerCO2 est un des dix projets ciblés financés par le PEPR SPLEEN dans le cadre du plan France 2030. Il bénéficie d'une aide financière de 7,4 millions d'euros.

Ce projet, qui associe vingt-deux organismes de recherche différents56(*), a pour objectif la mise au point de solution de conversion du dioxyde de carbone. Les trois sous-objectifs du projet sont de maximiser l'absorption du carbone dans la production de carburants électriques (tâche 1), d'exploiter l'ensemble du spectre solaire dans la production de carburants solaires (tâche 2) et enfin la découverte de nouvelles voies de réactions pour le dioxyde de carbone (tâche 3).

L'enveloppe de 30 millions d'euros d'aide au transfert de technologie de la SA « Décarbonation de l'industrie » finance le programme de maturation et de prématuration « Cactus », qui a bénéficié d'une aide d'un montant de 22 millions d'euros attribué par décision du Premier ministre le 16 février 2022.

Le programme « Cactus »57(*), piloté par la société d'accélération du transfert de technologie (SATT) « Pulsalys », s'appuie sur un consortium composé d'universités, d'organismes de recherche et d'organismes de transfert de technologie. Il a pour objet de financer des actions de prématuration (par exemple la description des besoins technico-économiques nécessaires au développement du projet) et de maturation (par exemple la construction d'un prototype).

(2) Les projets de développement et d'industrialisation des solutions de décarbonation de l'industrie sont soutenus par le plan France 2030 à hauteur de 350 millions d'euros

L'enveloppe de 348 millions d'euros dédiée au développement et à l'industrialisation des solutions de décarbonation de l'industrie se décompose en trois sous-enveloppes.

En premier lieu, les projets d'innovation et de développement bénéficient d'une enveloppe de 120 millions d'euros. En deuxième lieu, les projets d'industrialisation bénéficient d'une enveloppe de 27 millions d'euros. En troisième lieu, les études préalables en matière de capture et de séquestration du carbone (CCS) et pour l'élaboration d'une trajectoire de décarbonation des zones industrialo-portuaires bénéficient d'une aide de 201 millions d'euros.

Décomposition des aides au développement et à l'industrialisation
du plan France 2030 dans le domaine de la décarbonation de l'industrie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

L'ensemble de ces aides de soutien à l'offre de solutions de décarbonation de l'industrie sur le territoire français est géré par l'Ademe, qui sélectionne les porteurs de projets par l'organisation de plusieurs procédures compétitive de sélection dont notamment les appels à projet (AAP).

Les aides à l'innovation et au développement ont été attribuées à travers l'AAP « IBAC PME », destiné aux projets d'un budget d'au plus 1,5 million d'euros présentés par une petite ou moyenne entreprise (PME) pour le développement de démonstrateurs dans le domaine de la décarbonation de l'industrie, et l'AAP « DEMIBAC », destiné aux projets d'au moins 1,5 million d'euros pour le développement de démonstrateurs dans le domaine de la décarbonation de l'industrie.

Les aides à l'industrialisation ont été attribuées à travers l'AAP SOLINBAC destiné aux projets de massification de la production de solutions de décarbonation.

Les aides pour la réalisation d'études préalables nécessaires à l'élaboration d'une trajectoire de décarbonation pour les zones industrialo-portuaires ont été attribuées à travers l'AAP « Zone industrielle bas-carbone » (ZIBAC) qui a sélectionné des consortiums d'acteurs publics et privés pour chacune des onze zones industrialo-portuaires les plus émissives de France58(*). La première phase d'étude correspond à une aide de 37 millions d'euros pour l'ensemble des zones industrialo-portuaires, une seconde phase de réalisation d'études d'ingénierie de base59(*) devrait bénéficier d'une enveloppe globale de 138 millions d'euros.

Enfin, le SGPI a indiqué aux rapporteurs qu'une enveloppe de 26 millions d'euros gérée par l'Ademe serait dédiée à la réalisation d'études de faisabilité en matière de capture et de séquestration du carbone (CCS). Les opérateurs du plan ont toutefois indiqué aux rapporteurs qu'ils n'avaient pas de visibilité sur le calendrier prévisionnel d'attribution de ces aides.

b) Le plan France 2030 finance à hauteur de quatre milliards d'euros les aides à l'investissement pour soutenir la demande de décarbonation des sites industriels sur le territoire français

La seconde branche du dispositif de soutien à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 est constituée par des aides publiques au déploiement sur le territoire français des solutions de décarbonation des sites industriels. Ces aides au déploiement, par opposition aux aides de la stratégie d'accélération « Décarbonation de l'industrie » qui soutiennent la structuration d'une offre de solutions de décarbonation, ont pour objet de soutenir la demande des sites industriels vis-à-vis des solutions de décarbonation existantes.

Ces aides au déploiement de solutions de décarbonation de l'industrie s'inscrivent dans l'élargissement du périmètre de financement du plan France 2030 par la loi de finances initiale pour 202260(*) qui a consacré la possibilité pour le plan de financer, en complément des projets innovants, « des projets de développement et de transformation de la base industrielle du pays »61(*).

Dans le cadre du soutien à la décarbonation de l'industrie, les aides au déploiement bénéficient d'une enveloppe totale de 4 milliards d'euros qui est divisée en deux volets : un premier volet dédié à la décarbonation des petits sites industriels (670 millions d'euros) et un deuxième volet dédié à la décarbonation profonde des sites industriels très émetteurs (3,4 milliards d'euros).

Répartition des aides au déploiement des solutions de décarbonation
des sites industriels

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

(1) Les investissements de décarbonation des petits sites industriels bénéficient d'une enveloppe de près de 700 millions d'euros

Le premier volet des aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie a pour objet de soutenir des projets de décarbonation et des sites industriels de petite taille. Il regroupe les aides du plan France 2030 jusqu'à un montant de 30 millions d'euros qui financent le déploiement sur des sites industriels d'investissements permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre par l'électrification des sites ou l'utilisation de la biomasse ou de l'hydrogène pour réduire les émissions énergétiques et non-énergétiques.

Au 31 janvier 2024, soit plus de deux ans après le lancement du plan France 2030, les aides du volet 1 ont été attribuées à hauteur de 331 millions d'euros, soit 49 % de l'enveloppe totale, pour soutenir 258 projets.

Aides du volet 1 attribuées aux bénéficiaires
finaux au 31 janvier 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

En premier lieu, le volet 1 de soutien au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie du plan France 2030 sert à financer, concurremment au « Fonds chaleur » et aux crédits du plan « France Relance », les aides versées aux bénéficiaires sélectionnés dans le cadre de l'appel à projet annuel « Biomasse chaleur industrie agriculture tertiaire » (BCIAT).

Cet appel à projet, géré par l'Ademe depuis 2009, a pour objet de soutenir le financement des installations biomasse de grande taille. Dans le secteur industriel, les investissements soutenus par l'AAP BCIAT correspondent en général au remplacement ou à l'adaptation d'une chaudière ou d'un générateur pour passer d'une alimentation au gaz naturel à une alimentation à la biomasse.

Les aides ordinaires, c'est-à-dire en excluant les abondements exceptionnels en provenance du plan France Relance puis du plan France 2030, versées aux bénéficiaires de l'AAP BCIAT sont financées par le « Fonds chaleur », abondé par les crédits conventionnels du programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le complément de financement apporté par le plan France 2030, d'un montant total de 296 millions d'euros, a pour objet de financer, uniquement dans le secteur industriel, des projets identifiés à l'occasion de l'AAP BCIAT 2022 (171 millions d'euros de financement complémentaire) et de l'AAP BCIAT 2023 (125 millions d'euros de financement complémentaire).

En second lieu, le volet 1 s'appuie sur plusieurs procédures spécifiques de sélection pour identifier des projets de décarbonation de petits sites industriels, pour lesquels l'aide demandée s'élève au plus à 30 millions d'euros. L'AAP « DECARBFLASH », organisé en 2022, a permis de soutenir les sites industriels de moins de 500 salariés pour la réalisation d'investissements de décarbonation dont le montant total atteint au plus 3 millions d'euros. L'AAP « DECARBIND », conduit en 2022 et en 2023, et qui devrait être reconduit en 2024, a pour objectif de soutenir les investissements de décarbonation des sites industriels pour lesquels le montant d'aide demandé se situe entre 3 et 30 millions d'euros.

(2) La décarbonation profonde des sites industriels les plus émetteurs est soutenue à hauteur de 3,4 milliards d'euros

Le second volet des aides au déploiement des solutions de décarbonation du plan France 2030 est constitué par des aides orientées vers la décarbonation des sites industriels les plus émetteurs, et notamment vers les 50 sites les plus émetteurs ayant conclu avec l'État un contrat de transition écologique (CTE). Il est par ailleurs à relever que certains des 50 sites les plus émetteurs sont susceptibles de percevoir des aides versées dans le cadre du volet 1 dans l'hypothèse où ils bénéficieraient d'une aide d'un montant inférieur à 30 millions d'euros.

Le volet 2 repose sur trois dispositifs de soutien. En premier lieu, l'aide pour la décarbonation du site de Dunkerque d'ArcelorMittal pour un montant de 850 millions d'euros. En deuxième lieu, les aides à la décarbonation des sites industriels par le renforcement de l'efficacité énergétique ou l'électrification des procédés, d'un montant compris entre 30 et 200 millions d'euros, pour une enveloppe prévisionnelle de 700 millions d'euros, dont les bénéficiaires seront identifiés par l'AAP « DECARBIND+ » ouvert de juin 2023 à mars 2024. Enfin en troisième lieu, le SGPI a indiqué au rapporteur qu'un autre dispositif (« dispositif futur ») d'appel d'offres, d'un montant prévisionnel de 1,8 milliard d'euros, devrait être ouvert au deuxième semestre 2024.

L'aide pour la décarbonation du site de Dunkerque d'ArcelorMittal constitue un cas particulier dès lors que le projet de demande d'aide avait été déposé par la société dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI) lancé en janvier 2020 sur les « projets innovants d'envergure européenne ou nationale sur la conception, la production et l'usage de systèmes à hydrogène », dont l'objet était notamment d'identifier les acteurs sur le territoire français susceptibles de participer à un « projet important d'intérêt européen commun » (PIIEC) dans le domaine de l'hydrogène. L'aide a été autorisée par la Commission européenne le 20 juillet 2023 et elle a été réorientée vers l'objectif n°3 « décarbonation de l'industrie » du plan France 2030.

L'aide attribuée au site de Dunkerque d'ArcelorMittal, d'un montant de 850 millions d'euros, est la seule aide du volet 2 attribuée à un bénéficiaire final à la date du 29 février 2024. Le montant de l'enveloppe restant à répartir à cette date est par conséquent de 2 525 millions d'euros, soit 75 % de l'enveloppe totale.

Aides du volet 2 attribuées aux bénéficiaires
finaux au 29 février 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

II. SIMPLIFIER LES PROCÉDURES DE DÉPLOIEMENT DES AIDES À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE DU PLAN FRANCE 2030 ET CLARIFIER LA STRATÉGIE DE SOUTIEN PUBLIC À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE

A. LES PROCÉDURES DE DÉPLOIEMENT PEUVENT ÊTRE SIMPLIFIÉES ET CLARIFIÉES POUR RENFORCER LEUR EFFICACITÉ ET LEUR VISIBILITÉ VIS-À-VIS DES ACTEURS DU SECTEUR ''

1. La simplification et l'accélération des procédures de sélection des bénéficiaires finaux est un levier de renforcement de l'accessibilité et de l'efficacité des aides

À la différence d'autres objectifs ou leviers du plan France 2030 ayant un caractère plus prospectif, comme par exemple l'objectif concernant les fonds marins (objectif n°10) ou le levier de soutien à l'écosystème d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation (levier n°6), l'objectif de décarbonation de l'industrie revêt un caractère d'urgence.

En effet, comme il a été rappelé, le rythme actuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel ne suffira pas à atteindre la cible intermédiaire pour 2025 fixée dans la stratégie nationale bas-carbone révisée de 65 MtCO2éq62(*).

Par conséquent, dans un contexte marqué par la perspective de relèvement des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévu pour tenir compte du rehaussement de l'objectif à 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 décidée à l'échelle de l'Union européenne en décembre 202063(*), la capacité des pouvoirs publics à rapidement déployer les aides à la décarbonation est un facteur déterminant de la capacité du secteur industriel à réaliser à temps les investissements nécessaires pour modifier l'appareil productif et atteindre les objectifs climatiques de la France.

À cet égard, et sans remettre en question la nécessité de procéder à un exercice rigoureux de sélection de bénéficiaires des aides publiques au regard du montant des aides en question, les rapporteurs soulignent que l'objectif n°3 fait partie des objectifs dont le déploiement a été le moins rapide pendant les 18 premiers mois de mise en oeuvre du plan France 2030. D'après les données transmises au Parlement dans l'annexe générale au projet de loi de finances pour 2024 (« jaune budgétaire ») relative au plan France 2030, au 30 juin 2023, seulement 6 % des aides de l'objectif de décarbonation de l'industrie avaient été attribuées, alors que le niveau global d'attribution était de 34 %. À cette date, seul un objectif présentait un niveau de déploiement aussi limité.

Déploiement des aides du plan France 2030 au 30 juin 2023 par objectifs et leviers

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Au 29 février 2024, les aides attribuées dans le cadre de l'objectif n°3 du plan France 2030 atteignent un montant total de 1 332 millions d'euros, soit 30 % de l'enveloppe totale révisée.

Les rapporteurs soulignent par surcroît qu'eu égard à la nature des projets soutenus, il existe souvent un délai incompressible entre la décision d'attribution de l'aide publique et la mise en service des nouveaux équipements industriels qui permettent une production décarbonée. Pour les investissements les plus lourds, qui sont également ceux qui permettent les réductions les plus substantielles d'émissions de gaz à effet de serre, ce délai peut atteindre trois ans. Ceci implique que les aides attribuées au-delà de l'année 2027 ont une probabilité réduite de produire des effets utiles pour atteindre les objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030.

Enfin, il est à relever que la vitesse d'instruction des demandes d'aide à la décarbonation et d'attribution de ces aides a un effet sur leur efficacité. En effet, l'environnement économique continue à évoluer pendant la période d'instruction ce qui peut avoir pour effet de modifier les équilibres prévus par le demandeur lors de la sollicitation initiale. À ce titre, certaines décisions d'investissement dans des infrastructures de décarbonation de l'industrie peuvent être différées voire remises en cause sous le double effet de l'inflation des matières premières, qui renchérit le coût des équipements sans modifier le montant de l'aide demandée, et de l'évolution à la baisse du coût de certaines ressources énergétiques fossiles comme le gaz dont le prix a fortement baissé entre le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 et le premier semestre 2024.

À cet égard, le retard de six mois pris par rapport à l'objectif fixé par le Président de la République pour la signature des contrats de transition écologiques (CTE) des cinquante sites industriels les plus émetteurs doit inciter à engager un travail d'accélération du déploiement des aides à la décarbonation de l'industrie pour poursuivre l'atteinte des objectifs fixés dans la stratégie nationale bas-carbone révisée et renouer avec l'exigence de rapidité soulignée par le Président de la République lors du lancement du plan France 2030 qui avait souligné que « la rapidité du premier investissement est clé » après avoir rappelé que « nous mettons trop de temps à essayer de mener des tickets qui sont parfois trop uniformes »64(*).

En premier lieu, un des vecteurs de simplification et de renforcement de l'accessibilité des aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 est la simplification des procédures administratives d'attribution de ces aides.

En effet, au regard de la nécessité pour les opérateurs du plan de contrôler le caractère nécessaire, adapté et proportionné de l'aide demandée, les dossiers de demande d'aide sont souvent particulièrement lourds et complexes à constituer. D'après les témoignages recueillis par les rapporteurs auprès de bénéficiaires finaux, la constitution d'un dossier complet de demande d'aide requiert la mobilisation d'un équivalent temps plein (ETP) pendant une durée de trois à six mois. Il existe dès lors un risque réel non seulement de détourner des ressources humaines de leur activité principale d'innovation au service de la décarbonation de l'industrie mais également de priver les petites et moyennes entreprises (PME) et les startups des aides du plan France 2030. Les rapporteurs relèvent à cet égard que dans ses 80 propositions pour mettre fin à la complexité administrative publiées en janvier 2024, la confédération des PME estime que « les aides liées à France 2030 sont difficilement accessibles aux TPE-PME »65(*) au regard de la complexité des dossiers à remplir.

Plus récemment encore, à l'occasion de la présentation du plan de simplification d'avril 2024, les ministères économiques et financiers estimaient que 50 % des entreprises affirment avoir été contraintes de renoncer à des aides publiques auxquelles elles étaient éligibles en raison de la complexité des procédures d'accès66(*).

Pour simplifier les dossiers administratifs de demande d'aide sans abaisser le niveau d'exigence des opérateurs vis-à-vis de la qualité de l'information fournie par les demandeurs sur la nature du projet présenté, les rapporteurs relèvent que la procédure peut être simplifiée par un meilleur partage d'information entre les administrations publiques. Le fait que les différents opérateurs du plan France 2030 demandent aux bénéficiaires finaux les mêmes informations mais présentées selon des formats différents et propre à chaque opérateur, par exemple pour la partie des dossiers de candidature qui concerne l'identification du demandeur, sa catégorie d'entreprise au sens de la Commission européenne, l'organigramme de l'entreprise, représente une complexité qui peut être aplanie en renforçant la coopération entre les opérateurs du plan.

Recommandation n°1. Appliquer, à l'échelle des opérateurs du plan France 2030, le principe « dites-le-nous une fois » pour les pièces justificatives à caractère général des dossiers de candidature des bénéficiaires finaux du plan (Ademe, ANR, Bpifrance, Caisse des dépôts et consignations).

En second lieu, la réduction des délais d'instruction des demandes d'aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 est un vecteur d'accélération du déploiement de ces aides.

À l'échelle de l'ensemble du plan, un objectif d'instruction de plus de 50 % des dossiers en moins de cinq mois a été fixé à échéance 202667(*).

D'après les données transmises aux rapporteurs par le SGPI, aucun des appels à projet dans le périmètre des aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie n'a un délai médian d'instruction inférieur à cinq mois. Dans le périmètre de la stratégie d'accélération « Décarbonation de l'industrie », sur quatre appels à projet, un appel à projet atteint un délai médian d'instruction inférieur à cinq mois, un autre appel à projet atteint un délai médian de cinq mois et deux autres appels à projet atteignent un délai supérieur à cinq mois.

L'objectif de réduction à cinq mois des délais d'instruction n'est donc pas atteint à ce stade dans le périmètre des aides à la décarbonation de l'industrie. L'atteinte de cet objectif est d'autant plus déterminante que ce délai ne correspond pas au délai global entre le dépôt de la demande et le versement des premiers financements. En effet, à ce délai d'instruction s'ajoute d'une part le délai entre la validation du projet par le comité de pilotage ministériel opérationnel (CPMO) et la décision du Premier ministre et d'autre part le délai entre la décision du Premier ministre et la signature du contrat entre le bénéficiaire final et l'opérateur du plan France 2030.

Dans le champ des aides à la décarbonation de l'industrie, en excluant les aides à la recherche et au transfert de technologie, le délai moyen entre le dépôt d'une demande d'aide et la contractualisation avec le bénéficiaire est de plus d'un an, dont un délai moyen d'instruction de six mois68(*).

Délai moyen d'obtention d'une aide à la décarbonation de l'industrie
du plan France 2030

(en mois)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Ademe

Pour réduire le délai total d'obtention des aides à la décarbonation du plan France 2030, les rapporteurs relèvent qu'il faut en priorité réduire à la fois le délai moyen d'instruction, pour atteindre l'objectif d'instruction d'au moins 50 % des demandes en moins de cinq mois et 'le délai d'obtention de la décision du Premier ministre.

Pour réduire ce dernier délai, qui représente 20 % du délai total dans le périmètre des aides à la décarbonation de l'industrie, un des leviers d'accélération du processus est d'élargir la délégation de signature dont dispose le secrétaire général pour l'investissement (SGPI) et en application de laquelle il peut signer des décisions du Premier ministre d'attribution d'aide en lieu et place du Premier ministre.

Le décret du 10 janvier 2024 portant délégation de signature consacre la délégation donnée au secrétaire général pour l'investissement pour signer au nom de Premier ministre les décisions d'attribution des aides du plan. Le seuil de signature, fixé par lettre du Premier ministre, est actuellement de 15 millions d'euros par projet69(*).

Le rehaussement du plafond de la délégation de signature à 30 millions d'euros par aide permettrait de fluidifier le processus d'attribution des aides du plan France 2030. Appliqué à l'objectif de décarbonation de l'industrie, le nouveau plafond de 30 millions d'euros permettrait d'accélérer le déploiement de l'ensemble des aides de la stratégie d'accélération « Décarbonation de l'industrie » ainsi que toutes les procédures du volet 1 des aides au déploiement des solutions de décarbonation sur les petits sites industriels, tout en conservant l'intervention formelle du Premier ministre pour les aides les plus importantes, qui concerne le volet 2 consacré au déploiement des solutions de décarbonation sur les sites les plus émetteurs.

Recommandation n°2. Rehausser à 30 millions d'euros par projet le seuil de délégation de signature du Premier ministre au secrétaire général pour l'investissement afin de réduire les délais de déploiement des aides à décarbonation des petits sites industriels (Premier ministre).

2. La clarification de la programmation d'intervention des opérateurs du plan France 2030 est un levier de renforcement de la visibilité des moyens mobilisés par l'État et des résultats obtenus

Le cadre de gestion extrabudgétaire dont bénéfice les crédits du plan France 2030, hérité de la création du programme d'investissement d'avenir par la loi du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 201070(*), est notamment fondé sur la volonté du Parlement de « sanctuariser » certaines dépenses afin d'assurer un niveau d'investissement public suffisant dirigé vers les enjeux de long terme.

Ce cadre extrabudgétaire permet aux opérateurs du plan France 2030 de bénéficier d'une grande visibilité sur les investissements pluriannuels qu'ils seront en mesure 'de réaliser.

Il est impératif que la visibilité pluriannuelle dont dispose les opérateurs du plan soit utilisée pour mettre en place une communication de moyen terme claire et efficace à destination des bénéficiaires finaux du plan et des citoyens. Cette communication pluriannuelle sur l'engagement des opérateurs en faveur des objectifs du plan est cohérente, dans le périmètre de la décarbonation de l'industrie, avec l'exercice engagé par l'État de construction d'une « planification écologique » à l'échelle de la nation et la création en juillet 2022 d'un secrétariat général à la planification écologique (SGPE) rattaché aux services du Premier ministre71(*).

Les rapporteurs relèvent à ce titre que la visibilité de l'action publique en faveur de la décarbonation de l'industrie doit recouvrir deux aspects : d'une part la visibilité offerte aux acteurs du secteur de la décarbonation de l'industrie pour leur permettre de s'adapter aux aides publiques déployées, d'autre part la visibilité offerte aux citoyens pour qu'ils puissent constater les résultats en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre de ces aides.

a) Renforcer la visibilité des aides vis-à-vis des entreprises industrielles

Ainsi, en premier lieu, les opérateurs du plan France 2030 doivent être en mesure de renforcer, par leur action, la visibilité à court et moyen terme des entreprises du secteur de la décarbonation de l'industrie sur les aides publiques à la décarbonation de l'industrie.

À court terme, la possibilité pour les entreprises de connaître l'ordre de grandeur du délai entre le dépôt de leur demande d'aide et l'obtention de cette aide est un facteur déterminant, en particulier pour les PME et les startups dont la solidité financière n'est pas nécessairement garantie. La publication systématique, sur le site des opérateurs concernés, du délai médian d'instruction pour chaque AAP est un gage de transparence qui renforce la visibilité des porteurs de projet.

À moyen terme, les opérateurs du plan France 2030 et les bénéficiaires finaux ont pour intérêt commun d'éviter une trop forte concentration dans le temps des demandes d'aide, qui a pour effet d'allonger les délais d'instruction. Dans certains cas, la concentration des demandes peut être liée au fait que les entreprises demandeuses n'ont pas de visibilité sur l'hypothèse d'une reconduction future du dispositif, alors même que certains dispositifs dans le champ des aides à la décarbonation de l'industrie sont reconduits annuellement pendant deux voire trois ans72(*). Pour limiter ce risque', la publication par les opérateurs d'un calendrier pluriannuel prévisionnel pour les dispositifs d'aides à la décarbonation serait de nature à renforcer la visibilité des porteurs de projet. Cela pourrait permettre un rythme plus régulier de dépôt des demandes d'aide.

Recommandation n°3. Publier sur le site des opérateurs les délais médians d'instruction des demandes et les calendriers prévisionnels pluriannuels des dispositifs reconductibles pour renforcer la visibilité à court et moyen terme des porteurs de projet sur les aides à la décarbonation de l'industrie (Ademe, ANR).

b) Renforcer la reddition de comptes par des indicateurs lisibles et accessibles

En second lieu, la qualité de l'information mise à la disposition des citoyens sur les résultats associés aux dispositifs d'aide à la décarbonation de l'industrie peut largement être améliorée.

Dans sa circulaire du 19 septembre 2022 relative aux politiques prioritaires du gouvernement (PPG)73(*), la Première ministre Elizabeth Borne avait fixé un périmètre de 60 politiques prioritaires parmi lesquelles figurait le déploiement du plan France 2030. La circulaire consacre également la mise en place d'une méthode fondée notamment sur « la transparence sur nos objectifs, nos contraintes et nos résultats ».

Pour mettre en pratique ce principe de transparence, la circulaire prévoit la mise en place, pour chacune des politiques prioritaires, d'indicateurs permettant « d'en mesurer l'impact concret dans la vie des Français ». En mai 2023, la Première ministre a annoncé la mise en ligne d'un « nouveau baromètre des résultats de l'action publique » incluant 49 politiques prioritaires dont le déploiement de France 2030.

Parallèlement, dans son discours de novembre 2022 devant les dirigeants des cinquante sites industriels les plus émetteurs, le Président de la République avait annoncé la mise en place d'un « suivi en transparence complet de notre stratégie collective de décarbonation » avec la mise en ligne immédiate, c'est-à-dire en novembre 2022, d'une carte de France des cinquante sites qui recenserait « les émissions passées, les progrès accomplis et les engagements pris »74(*). Les rapporteurs relèvent que dix-huit mois après l'annonce présidentielle, cet outil de suivi n'a jamais été mis en ligne.

Sur le suivi de la politique prioritaire du Gouvernement (PPG) associé au déploiement du plan France 2030, un tableau de bord a bien été élaboré. Structuré en trois catégories, il prévoit 25 indicateurs de suivi du déploiement du plan France 2030, certains indicateurs étant associés aux objectifs et leviers du plan et d'autres étant des indicateurs transversaux75(*).

Les indicateurs de suivi du déploiement du plan France 2030 n'ont fait l'objet d'aucune information ni actualisation dans le cadre des documents budgétaires annexées au projet de loi de finances pour 2024, alors 'qu'elle aurait trouvé sa place dans l'annexe générale (« jaune » budgétaire) relative à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir.

Alors que le déploiement du plan France 2030 a été intégré au baromètre des résultats de l'action publique il y a plus d'un an, seul un des vingt-cinq indicateurs de déploiement du plan est disponible sur le site du Gouvernement. Il se borne à indiquer le montant des aides attribuées à l'échelle du plan France 2030 depuis son lancement. Aucun des seize indicateurs d'impact associés aux objectifs et leviers du plan France 2030 n'a été mis en ligne. La communication actuelle sur les résultats du plan ne paraît dès lors pas cohérente avec les recommandations formulées par le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA) qui estimait en juin 2023 que « l'avancement du plan permet désormais de privilégier systématiquement la communication publique sur les impacts attendus et observés des investissements »76(*) plutôt que sur le niveau quantitatif d'engagement du plan.

Recommandation n°4. Publier et actualiser semestriellement les indicateurs du tableau de bord du plan France 2030 pour renforcer la transparence sur les résultats associés aux aides à la décarbonation de l'industrie (SGPI).

La crédibilisation de la stratégie de soutien public à la décarbonation de l'industrie est nécessaire au regard de ''l'enveloppe limitée programmée dans le cadre du plan France 2030

B. LA CRÉDIBILISATION DE LA STRATÉGIE DE SOUTIEN PUBLIC À LA DÉCARBONATION DE L'INDUSTRIE EST NÉCESSAIRE AU REGARD DE L'ENVELOPPE LIMITÉE PROGRAMMÉE DANS LE CADRE DU PLAN FRANCE 2030

1. La consolidation des aides exceptionnelles à la décarbonation de l'industrie financées par le plan France 2030 nécessite d'améliorer l'information du Parlement et le respect du principe d'additionnalité
a) Améliorer l'information du Parlement sur l'évolution du plan France 2030

Les crédits budgétaires du plan France 2030, à la différence des crédits conventionnels gérés par les ministères, bénéficie d'un cadre budgétaire exceptionnel en application duquel l'intégralité des autorisations d'engagements (AE) de chaque action est consommée au moment de la signature de la convention entre l'État et les opérateurs par laquelle l'État délègue aux opérateurs la gestion des crédits. Ce circuit extrabudgétaire a pour but de préserver la capacité du secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et des opérateurs du plan à privilégier des investissements et des enjeux de long terme sans être atteints par des décisions de réduction à court terme des dépenses publiques.

Ce cadre extrabudgétaire, qui aménage les modalités d'application du principe d'annualité budgétaire aux investissements du plan France 2030, a une double conséquence. Premièrement, il implique que le Parlement, qui voit son pouvoir budgétaire limité par ce circuit spécifique, bénéficie d'une information complète, régulière et détaillée des dépenses engagées dans le cadre du plan France 2030.

Deuxièmement, les dépenses prises en charge par le plan France 2030 doivent impérativement être strictement des dépenses « d'avenir », c'est-à-dire ayant pour but la prise en compte d'enjeux de long terme, au risque sinon de transformer le plan France 2030 en voie de contournement du cadre budgétaire classique pour des dépenses qui pourraient être prises en charge par les crédits conventionnels des ministères. Pour éviter cela, le législateur a fixé les grands principes d'une doctrine d'investissement en application desquels le plan doit financer des projets : innovants ou de transformation de la base industrielle du pays ; sélectionnés selon une procédure ouverte et objective ; sélectionnés en tenant compte d'un retour sur investissement ; cofinancés ; sélectionnés selon une procédure transparente dont les éléments sont rendus publics77(*).

En premier lieu, les modalités d'information du Parlement dans le cadre du plan France 2030 sont largement perfectibles et l'évolution de près d'un cinquième de l'enveloppe dédiée à l'objectif de décarbonation de l'industrie entre l'automne 2023 et le printemps 2024, sans que le Parlement en ait été informé, illustre la nécessité de renforcer sensiblement l'information du Parlement sur l'usage des crédits du plan.

Les modalités d'information obligatoires du Parlement prévues par la loi reposent notamment sur la transmission d'un bilan financier trimestrielle aux commissions chargées des finances de chaque assemblée et sur la transmission, aux commissions chargées de finances et aux commission compétentes, pour information et avant leur signature, des projets de convention entre l'État et les opérateurs du plan ou d'éventuels redéploiements entre les différentes actions.

Ces obligations formelles d'information restent de portée limitée, comme l'ont déjà souligné les critiques formulées par' la Cour des comptes78(*), et ne permettent pas suffisamment aux assemblées parlementaires d'être régulièrement informées sur les objectifs et leviers du plan.

En effet, l'architecture conventionnelle du plan France 2030, qui reprend la maquette budgétaire de la mission « Investir pour la France de 2030 », répartit les crédits du plan, pour son volet dirigé, selon le niveau de maturité technologique (TRL) des projets soutenus. Par conséquent, l'information obligatoire prévue par la loi auprès du Parlement ne prévoit pas d'information relative à la répartition entre les dix-sept objectifs et leviers du plan.

Il est paradoxal que le Parlement ne soit pas dûment informé de la répartition de l'enveloppe globale entre ces différents objectifs et leviers alors même que le Gouvernement et le Président de la République ont choisi de privilégier une communication et une présentation du plan selon une matrice organisée autour de ces dix-sept « grands défis ».

Une des conséquences de ce défaut de communication est que le Parlement n'est pas informé régulièrement de la déclinaison des 54 milliards d'euros du plan entre les dix-sept objectifs et leviers du plan.

Les rapporteurs relèvent à cet égard que l'annexe générale (« jaune » budgétaire) relative aux investissements d'avenir du projet de loi de finances pour 2024 a marqué une amélioration dans l'information du Parlement en adoptant une présentation structurée par objectifs et leviers dans sa troisième partie. Il est toutefois à relever que ce document ne propose pas de présentation synthétique de l'enveloppe programmée pour chacun des dix-sept objectifs et leviers, alors même qu'une telle présentation figure dans des documents publiés en 2023 par le comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA)79(*) et par la Cour des comptes80(*).

Or cette maquette initiale, qui répartit les crédits entre les dix-sept objectifs et leviers du plan, constitue la colonne vertébrale stratégique du plan France 2030. Par conséquent, eu égard à la spécificité du cadre extrabudgétaire préalablement rappelé, il serait légitime que le Parlement soit informé rapidement de toute évolution dans cette répartition.

Dans la maquette initiale de répartition du plan, le montant total des aides atteint 57 milliards d'euros, l'écart de trois milliards d'euros avec le montant des crédits du plan étant expliqué par « une fourchette haute des besoins de programmation pour atteindre les objectifs fixés ».

Le 23 octobre 2023, une réunion interministérielle d'arbitrage a permis une reprogrammation des enveloppes initiales pour ramener à 54 milliards d'euros le montant total du plan.

L'objectif de décarbonation de l'industrie (objectif n°3) a été un des objectifs dont l'enveloppe a été la plus réduite à l'issue de cet exercice de reprogrammation, en passant de 5,5 milliards d'euros à 4,5 milliards d'euros, soit une réduction de 18 % des crédits prévus.

En dehors du contrôle budgétaire mené par les rapporteurs, les parlementaires n'ont pas été préalablement informés de cet exercice de reprogrammation et n'ont pas été destinataires, en parallèle du débat budgétaire de l'automne 2023, de la maquette de répartition actualisée entre les dix-sept objectifs et leviers du plan France 2030.

Les rapporteurs relèvent à cet égard que cette information n'a pas fait l'objet d'une communication par le secrétariat général pour l'investissement alors même qu'elle a des conséquences directes sur la visibilité des acteurs 'industriels quant à l'engagement de la puissance publique pour financer les aides à la décarbonation de l'industrie, dès lors que le montant initial programmé de 5,5 milliards d'euros a lui-même fait l'objet d'une large diffusion de la part des ministères et opérateurs en charge du plan. En l'absence de transparence sur la reprogrammation des crédits du plan, la réduction d'un milliard d'euros de l'enveloppe fragilise la crédibilité de la parole publique.

Recommandation n°5. Informer le Parlement de toute évolution de la maquette de répartition des crédits du plan France 2030 entre les dix-sept objectifs et leviers du plan et transmettre chaque année, avec le projet de loi de finances, la maquette de répartition actualisée des crédits du plan (SGPI, DB).

b) Garantir l'effectivité du principe de non-substitution des crédits du plan France 2030

En deuxième lieu, une partie des aides au déploiement des solutions de décarbonation présente un risque de substituabilité avec les aides financées par les crédits ministériels conventionnels.

En effet, dès lors que les crédits du plan France 2030 sont exemptés du cadre budgétaire classique, il est impératif qu'ils financent des actions exceptionnelles gérées « de manière étanche par rapport au reste du budget »81(*). Ce principe de non-substitution, vise à garantir que les crédits du plan ne se substituent pas aux crédits conventionnels, ce qui transformerait le plan en voie de contournement de la rigueur des procédures budgétaires conventionnels.

Or, dans le périmètre de l'objectif de décarbonation de l'industrie, il apparaît que certaines des aides financées par le plan présentent un risque de non-conformité avec le principe de non-substitution.

En particulier, depuis 2021, les aides versées par l'Ademe dans le cadre de l'appel à projet annuel « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BCIAT) ont été financées, sur le plan budgétaire, par trois programmes différents.

En premier lieu, les crédits conventionnels et pérenne du programme budgétaire 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » abondent chaque année le « Fonds chaleur » de l'Ademe dont l'AAP annuel BCIAT constitue l'un des modes d'intervention.

En deuxième lieu, les crédits conventionnels et temporaire du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » ont également financé, en 2021 et en 2022, les aides attribuées à des bénéficiaires de l'AAP annuel BCIAT.

Enfin en troisième lieu, depuis 2023, les crédits exceptionnels et extrabudgétaires du programme 424 « Financement des investissements stratégiques » de la mission « Investir pour la France de 2030 » financent également les aides attribuées à certains bénéficiaires de l'AAP annuel BCIAT, avec la particularité que les crédits du plan France 2030 ne peuvent financer que des projets dans le secteur industriel, lesquels doivent respecter des critères de sélection additionnels.

Financement budgétaire des aides attribuées dans le cadre
de l'AAP annuel BCIAT

(en AE consommées et en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Ademe

Le schéma de financement des aides aux projets d'installations biomasses de production de chaleur dans l'industrie attribués dans le cadre de l'AAP annuel BCIAT témoigne d'un risque de substitution des crédits du plan France 2030 à des crédits ministériels conventionnels.

En effet, la hausse du nombre de projets candidats dans le secteur industriel à l'AAP annuel BCIAT aurait pu être absorbée par une hausse des crédits conventionnels qui abondent le Fonds chaleur de l'Ademe. À l'inverse, la réduction des autorisations d'engagement (AE) conventionnelles de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » (programme 181) consommées par l'attribution d'aides de l'appel BCIAT en 2022 et en 2023 a été compensée par un abondement par des crédits exceptionnels issus du plan France 2030.

Le choix de mettre en place un système de double abondement, voire de triple abondement au regard des crédits du plan de relance mobilisés en 2021 et en 2022, se traduit par une confusion des sources de financement des aides de ce dispositif qui sont financées dans certains cas par des crédits ministériels soumis au cadre budgétaire traditionnel et dans certains cas par des crédits extrabudgétaires du plan France 2030 qui ne sont pas soumis au même encadrement.

Pour éviter ce type de schéma de financement, et renforcer le respect du principe de non-substitution qui est une condition de la légitimité du cadre extrabudgétaire dont bénéficie le plan France 2030, les rapporteurs relèvent que le secrétariat général pour l'investissement pourrait appliquer un principe d'abondement exclusif en application duquel les dispositifs d'aides financés par le plan France 2030 ne bénéficient d'aucun autres financements du budget de l'État.

Recommandation n°6. Consacrer un « principe d'abondement exclusif » en application duquel les dispositifs d'aide financés par le plan France 2030 ne peuvent pas être simultanément financés par d'autres programmes du budget de l'État (SGPI).

2. L'enveloppe de quatre milliards d'euros d'aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie prévue dans le cadre du plan France 2030 ne permet de couvrir que 18 % des besoins de financement identifiés pour atteindre les objectifs climatiques de la France à horizon 2030

L'objectif de décarbonation de l'industrie du plan France 2030, annoncé par le Président de la République lors du lancement du plan le 12 octobre 2021 est une stratégie « extrêmement onéreuse » qui repose sur « des investissements massifs de plusieurs centaines de millions d'euros par site industriel »82(*).

Les investissements de décarbonation sont des investissements à réaliser par des sociétés privées. Cependant, pour que les industriels soient incités à réaliser ces investissements il faut une aide publique suffisante pour que l'investissement ne dégrade pas la compétitivité des sociétés concernées. Comme l'a souligné le Président de la République : « sans un investissement public, c'est impossible, c'est insoutenable ».

Le travail de planification réalisé par la direction générale des entreprises (DGE) auprès des industriels et en particulier auprès des groupes contrôlant les cinquante sites industriels les plus émetteurs a permis de dégager une estimation du besoin de financement public à 22 milliards d'euros à horizon 203083(*). L'enveloppe de financement public à hauteur de 4 milliards d'euros dans le cadre du plan France 2030 ne couvre par conséquent que 18 % du besoin total de financement identifié.

Besoin de financement public au soutien
de la décarbonation de l'industrie

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la DGE

Cette estimation correspond à un déficit de financement, c'est-à-dire au montant des dépenses publiques nécessaires pour couvrir les surcoûts induits par la décarbonation et déclencher les investissements sans que les industriels ne perçoivent une sur-rémunération grâce à leur investissement. C'est une estimation globale des besoins de financement pour la décarbonation de l'industrie pour atteindre un objectif de réduction de 45 % des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur d'industrie entre 1990 et 2030. Une partie d'entre eux seront couverts par des dispositifs en dehors de l'enveloppe de l'objectif de décarbonation de l'industrie du plan France 2030, dont notamment le Fonds chaleur de l'Ademe ou la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France.

Dans le périmètre strict des aides au déploiement des solutions de décarbonation du plan France 2030, l'enveloppe initiale de 5 milliards d'euros devait permettre de couvrir les investissements permettant d'atteindre une réduction des émissions de 10 millions de tonnes de carbone.

Dans son discours devant les dirigeants des cinquante sites industriels les plus émetteurs du 8 novembre 2022, le Président de la République, en amont du travail de planification réalisée par la direction générale des entreprises et les industriels, et pour inciter les industriels à proposer des trajectoires ambitieuses, a pris l'engagement de doubler l'enveloppe d'aide publique à la décarbonation de l'industrie pour la porter à 10 milliards d'euros si les engagements pris par les industriels permettait d'atteindre la cible de réduction des émissions de 20 millions de tonnes de carbone à horizon 203084(*).

À l'issue du travail de planification réalisé avec les cinquante sites les plus émetteurs, la direction générale des entreprises a publié les contrats de transition écologique (CTE) des cinquante sites les plus émetteurs et elle a indiqué que, dans le scénario ambitieux, les engagements pris par les industriels atteignaient un volume global de réduction des émissions de 22 millions de tonne de carbone à horizon 203085(*).

Par conséquent, dès lors que la cible fixée par le Président de la République était atteinte par les industriels, le pouvoir exécutif était en mesure de donner aux acteurs du secteur une visibilité claire sur l'hypothèse de doublement de l'enveloppe d'aide pour la porter à 10 milliards d'euros comme l'avait annoncé le Président de la République.

Aucune des réponses écrites transmises aux rapporteurs dans le cadre de ce contrôle ne permette d'indiquer clairement l'arbitrage rendu par l'exécutif sur cette hypothèse de doublement de l'enveloppe d'aide à la décarbonation.

A contrario, quelques semaines après que les industriels ont atteint l'objectif qui leur avait été fixé par le Président de la République, la reprogrammation du plan France 2030 intervenue le 23 octobre 2023 s'est traduite par une réduction d'un milliard d'euros de l'enveloppe d'aide au déploiement des solutions de décarbonation du plan France 2030 qui a été portée de cinq à quatre milliards d'euros. La différence avec l'annonce faite par le Président de la République atteint donc désormais six milliards d'euros. Par surcroît, le manque de visibilité des industriels sur le niveau réel d'engagement budgétaire de l'État à court et moyen terme sur le déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie réduit la portée de l'exercice de planification engagée par le ministère chargé de l'industrie.

Aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie
du plan France 2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Si lors de leur audition du cabinet du ministre chargé de l'industrie, il a été indiqué aux rapporteurs que le volume global de 10 milliards d'euros d'aide à la décarbonation de l'industrie serait bien atteint, aucune précision n'a pu être apportée sur le véhicule budgétaire de ces aides, ni sur leur échéancier de déploiement. Il a en revanche été clairement indiqué aux rapporteurs que les crédits du plan France 2030 ne contribuerait pas au-delà des quatre milliards programmés dans la maquette actualisée du plan86(*).

Les rapporteurs estiment dès lors qu'il existe un problème de méthode dans la manière dont le Gouvernement gère la programmation pluriannuelle de ses aides au déploiement des solutions de décarbonation dans l'industrie. Selon les termes du Président de la République, la méthode doit être de se doter « d'une vision globale » assortie « d'une planification nationale » dans le but de donner aux industriels « de la visibilité pluriannuelle »87(*). Au regard du flou qui existe sur le montant total des aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie, les rapporteurs estiment que la crédibilité de la parole publique et la visibilité des acteurs concernés serait renforcée par une prise de position claire sur l'hypothèse de doublement des aides à la décarbonation de l'industrie.

Alors que la situation dégradée des finances publiques se traduit par une forte contrainte pesant sur les dépenses publiques dans les années à venir, le Gouvernement doit renforcer la lisibilité de son action par des annonces claires et sincères sur sa trajectoire budgétaire en matière d'aide à la décarbonation de l'industrie.

Recommandation n°7. Rendre un arbitrage clair sur l'hypothèse de doublement des aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie et préciser le cas échéant le véhicule budgétaire et la trajectoire pluriannuelle de financement pour crédibiliser cet engagement et donner de la visibilité aux acteurs du secteur (ministre chargé de l'industrie).

En complément des autres leviers de décarbonation de l'industrie, les solutions de capture et de séquestration du carbone (CCS88(*)) constituent une technologie utile pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet serre (GES) du secteur industriel sur le territoire français, en particulier dans le cas des émissions de carbone non-énergétiques pour lesquelles il n'existe pas aujourd'hui de procédé alternatif économiquement viable.

Dans le cadre du travail de planification écologique mené par la direction générale des entreprises et les quatre grands filières industriels89(*), trois de ces quatre filières ont identifié les technologies de capture et de séquestration du carbone comme un levier déterminant pour la décarbonation de leurs sites industriels. La filière chimie estime par exemple que ces technologies constituent parfois « la seule option de décarbonation à court terme pour certains sous-secteurs de la chimie en France, les autres voies de décarbonation étant doit insuffisamment matures soit confrontées à un manque de disponibilité d'énergie et de matière première bas-carbone »90(*). Le développement des solutions de capture et de séquestration du carbone est également identifié comme un levier par la filière « mines et métallurgie » et surtout par la filière « ciment » qui y voit un « levier incontournable » de la décarbonation de la filière dès lors que le processus industriel de décarbonatation du calcaire, central dans la production du ciment, est à l'origine de deux tiers des émissions de la filière91(*).

Le 23 juin 2023, la Première ministre a présenté la stratégie nationale relative à la capture, au stockage et à l'utilisation du carbone, ou « stratégie CCUS », qui a été mise en consultation jusqu'au 29 septembre 2023.

Les grandes orientations stratégiques publiées par le Gouvernement consacre le soutien de la puissance publique au déploiement de ces technologies comme solution de réduction des émissions résiduelles incompressibles. La stratégie nationale de juin 2023 fait par surcroît une estimation du volume des émissions de carbone évitées par le déploiement de ces technologies dans le secteur industriel. Le potentiel des « émissions négatives » permises par la capture et la séquestration de carbone dans l'industrie est estimée par le Gouvernement entre 4 et 8 MtCO2 par an à échéance 2023 et entre 15 et 20 MtCO2 par an à échéance 2050. Les rapporteurs relèvent que, dans son avis sur la stratégie CCUS publié en novembre 2023, le Haut Conseil pour le climat estime que l'objectif fixé pour 2030 « apparaît ambitieux, au regard des projets déjà engagés et du peu de maturité des phases de stockage ».

La stratégie CCUS présente également un séquençage en trois phases du déploiement des solutions de capture et de séquestration du carbone : une phase 1 (2026-2030) de déploiement sur les zones industrielles de Dunkerque, du Havre et de Fos-sur-Mer ; une phase 2 (2028-2033) de déploiement dans les Pyrénées, dans l'estuaire de la Loire et dans les bassins aquitain et parisien ; enfin une phase 3 (après 2033) dans la région Grand Est.

La stratégie CCUS estime le volume des investissements nécessaires au déploiement de ces technologies entre 11 et 18 milliards d'euros92(*). La stratégie mentionne également le fait qu'un soutien public sera nécessaire dès lors que le prix actuel du carbone dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) n'est pas suffisant. Si pour la modalité du soutien public, la stratégie évoque la mise en place de « contrat carbone pour différence » (CCfD93(*)), le document publié par le Gouvernement ne permet pas d'identifier clairement les financements publics pluriannuels associés au déploiement de cette stratégie.

Les déclarations publiques du Président de la République ont régulièrement évoqué le financement du déploiement des solutions de capture et de séquestration du carbone (CCS) par le plan France 2030. À titre d'illustration, les rapporteurs relèvent ainsi que le Président de la République a déclaré en novembre 2022 qu'il souhaitait « que France 2030 puisse pleinement contribuer »94(*) à la stratégie CCUS. Plus récemment, les rapporteurs relèvent qu'en décembre 2023, dans un discours dans lequel il présentait les axes prioritaires du plan France 2030, le Président de la République a cité « les technologies de captage, de transport et de stockage du carbone »95(*).

En parallèle de cette mise en avant du financement de la stratégie CCUS par le plan France 2030, les rapporteurs relèvent que l'enveloppe du plan dédiée à l'objectif de décarbonation de l'industrie (objectif n°3) ne permettra pas au plan de participer de manière substantielle à la stratégie CCUS. Les aides directes aux solutions CCUS financées dans le cadre de cet objectif correspondent à une enveloppe prévisionnelle de 26 millions d'euros gérées par l'Ademe pour financer des études de faisabilité dans le domaine de la capture et de la séquestration du carbone (CCS), soit seulement 0,6% de l'enveloppe globale du plan France 2030 dédiée à la décarbonation de l'industrie. '''''

Au regard des différentes annonces qui font état d'un financement de la stratégie CCUS par les crédits du plan France 2030, les rapporteurs relèvent que l'écart important entre les montants d'aide programmés dans le cadre de l'objectif de décarbonation de l'industrie du plan et les besoins d'investissements de grande envergure nécessaires pour déployer les solutions de capture et de séquestration du carbone nuit à la lisibilité et à la crédibilité de la stratégie CCUS. L'établissement d'un volet financier associé à la stratégie, faisant apparaître clairement la contribution du plan France 2030, serait de nature à crédibiliser la mise en oeuvre de la stratégie CCUS.

Recommandation n°8. Compléter la stratégie nationale de capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS) par un volet financier qui indique le montant des aides publiques associées à chaque phase de déploiement et préciser la contribution des investissements d'avenir à cette stratégie (DGE, SGPI).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Laurent Somon et Thomas Dossus, rapporteurs spéciaux, sur les aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030.

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de MM. Thomas Dossus et Laurent Somon, rapporteurs spéciaux de la mission « Investir pour la France de 2030 », sur les aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Laurent Somon et moi-même vous présentons ce matin les résultats de notre rapport d'information sur les aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030.

Nous avons appliqué à l'un des objectifs du plan, lancé voilà plus de deux ans et demi par le Président de la République, un contrôle approfondi pour pouvoir mettre en regard les sommes annoncées, les aides effectivement versées au profit des porteurs de projet et, surtout, leurs résultats observables ou attendus.

Pour rappel, le plan France 2030, d'un montant total de 54 milliards d'euros, est organisé depuis son lancement autour de dix objectifs et de sept leviers, qui ont été identifiés comme des verticales prioritaires d'investissement pour renforcer la productivité de notre économie et pour accélérer sa transition et son adaptation au changement climatique.

La décarbonation de l'industrie est l'un des dix-sept grands défis financés par le plan France 2030, qui bénéficie d'une enveloppe spécifique, laquelle s'additionne à d'autres enveloppes finançant indirectement la décarbonation industrielle, qu'il s'agisse du développement de la production en France de véhicules électriques ou de l'hydrogène vert comme source d'énergie décarbonée.

L'objectif de décarbonation de l'industrie se concentre sur le financement des solutions qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées aux sites industriels sur le territoire français. Il concerne à la fois les émissions des grands sites industriels et des plus petits, que l'on qualifie d'industrie diffuse. Prises dans leur intégralité, les émissions industrielles représentent 18 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre sur notre territoire.

Une des particularités de ces émissions réside dans leur forte concentration autour de quelques dizaines de sites industriels très émetteurs, qui appartiennent à un ensemble de filières lourdes comme la métallurgie, le ciment ou la chimie. D'où l'intérêt de concentrer les aides dans un périmètre limité aux cinquante sites industriels les plus émetteurs. Les usines très émettrices représentent à elles seules 43 millions de tonnes d'équivalent carbone par an, c'est-à-dire 10 % de l'intégralité des émissions en France.

Pour les sites d'industrie lourde comme pour les sites répartis dans l'ensemble du territoire, la décarbonation implique nécessairement des investissements en infrastructures, dont la rentabilité n'est pas assurée dans les conditions de marché actuel : le prix du gaz s'est temporairement stabilisé et l'incertitude demeure élevée sur les prix à venir de l'hydrogène, voire sur sa disponibilité. Aussi, les conditions ne sont pas réunies pour un investissement privé massif sans soutien public.

L'investissement privé dans les solutions de décarbonation, prérequis indispensable à l'atteinte de nos objectifs climatiques, ne pourra donc être atteint sans une rapide et efficace mise en place de dispositifs d'aides publiques adaptées.

J'y insiste, nous devons rapidement soutenir les investissements industriels en faveur de la décarbonation.

En effet, les investissements dans des infrastructures industrielles sont nécessairement de long terme. Le plus souvent, il existe un temps incompressible entre le moment où l'on décide d'investir et le moment où les nouvelles infrastructures décarbonées entrent en fonctionnement.

Par conséquent, s'il faut absolument maintenir un niveau élevé d'exigence dans l'examen des demandes d'aides, qui concernent dans certains cas des subventions de plusieurs centaines de millions d'euros, il est indispensable d'accélérer le déploiement des aides à la décarbonation de l'industrie.

Je l'ai rappelé, voilà plus de deux ans et demi que le Président de la République a annoncé le lancement du plan France 2030. Or dans le périmètre de la décarbonation de l'industrie, près de 30 % des aides ont été attribuées aux bénéficiaires finaux, c'est-à-dire aux industriels et aux porteurs de projet. Toutefois, seulement 1 % des aides a été effectivement versé aux bénéficiaires finaux.

Alors que les délais de mise en fonctionnement des infrastructures industrielles font peut-être de 2025 une des dernières années utiles pour lancer les investissements en mesure de produire des effets avant 2030, le renforcement de l'efficacité du déploiement du plan doit être un objectif partagé pour accélérer l'attribution des aides sans affaiblir l'exigence légitime des instructeurs qui examinent les demandes adressées par les industriels.

Dans ce contexte, alors même que le Sénat examine le projet de loi de simplification de la vie économique, la simplification des procédures administratives doit être une priorité collective. Sans entrer dans le détail de nos propositions, je soulignerai deux idées qui ne sont pas encore appliquées et qui seraient de nature à accélérer le déploiement du plan.

Premièrement, nous proposons une application stricte du principe « Dites-le-nous une fois » à l'échelle des opérateurs du plan France 2030. Il est encore trop fréquent que les porteurs de projet, qui sont souvent des petites entreprises, mobilisent un employé à temps plein pour transmettre à l'administration des informations dont elle dispose déjà pour respecter des critères de pure forme.

Deuxièmement, nous proposons de rehausser le seuil de la délégation de signature dont dispose le secrétaire général pour l'investissement. Cette question peut paraître technique, mais en réalité le délai de signature de la décision atteint deux mois en moyenne, soit un sixième du délai total, alors qu'il est urgent d'accélérer le déploiement du plan.

Enfin, je souligne que le secteur privé ne réalisera pas la décarbonation sans aide publique dans les conditions de marché actuelles. Nous suivrons donc avec attention les réponses apportées aux recommandations que nous formulons pour renforcer l'efficacité du déploiement de ces aides, dont plus des deux tiers restent à attribuer.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Je rappellerai brièvement le contexte industriel dans lequel s'inscrivent ces aides à la décarbonation et reviendrai sur deux écueils méthodologiques du déploiement du plan, lequel devrait être amendé.

En dépit des pistes d'amélioration que nous identifions pour accélérer le déploiement des aides à la décarbonation et renforcer la crédibilité de la parole publique, notre contrôle nous a permis de constater la cohérence des dispositifs d'aide à la décarbonation de l'industrie, coordonnés par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI).

En effet, les aides du plan financent à la fois l'amont et l'aval de la décarbonation de l'industrie. Une partie des aides du plan est fléchée vers l'offre, c'est-à-dire vers le soutien au développement d'une filière française de conception et de fabrication de solutions de décarbonation industrielle. Une autre partie des aides, fléchée vers la demande, permet de soutenir les entreprises industrielles qui investissent dans des infrastructures de décarbonation de leurs sites. C'est cette seconde partie qui sert à financer la décarbonation des cinquante sites évoqués à l'instant par mon collègue.

En parallèle, je rappelle le contexte de risque de désindustrialisation dans lequel s'inscrivent ces dispositifs d'aide : depuis les années 1990, le secteur industriel a largement contribué à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Malheureusement, celle-ci avait pour cause principale la réduction de la production industrielle sur notre territoire.

Au regard des objectifs climatiques adoptés par la France à l'échelle de l'Union européenne, en particulier l'objectif de réduction de 55 % des émissions à horizon 2030, les émissions industrielles devront continuer de baisser en France.

Pour autant, nous devons tout faire pour ne pas reproduire le schéma des années 1990, afin de ne pas accentuer la désindustrialisation de nos territoires. Nous faisons donc face à un défi inédit : réduire nos émissions industrielles tout en maintenant, voire en augmentant, notre production industrielle. Il s'agit de favoriser la transition à l'aide de financements publics.

Par ailleurs, ce défi s'inscrit dans un contexte international particulier. En Europe, les entreprises d'industries lourdes vont connaître à moyen terme une hausse du prix des quotas carbone. Certaines d'entre elles nous ont fait part de leur inquiétude quant à l'effectivité de la « taxe carbone aux frontières », qui doit compenser cette hausse.

En Chine et aux États-Unis, les plans de relance budgétaire lancés après la crise sanitaire se sont traduits par des subventions massives dirigées vers le secteur privé, dont l'Inflation Reduction Act (IRA), qui risquent d'attirer de nombreuses usines vers les États-Unis.

C'est dans ce contexte particulier que doivent être appréhendées les aides à la décarbonation de l'industrie, qui sont un des éléments de réponse de l'État pour concilier le maintien de la compétitivité de nos industriels et nos objectifs climatiques.

Notre contrôle nous a permis d'identifier des problèmes de méthode dans le déploiement du plan qui nuisent à la crédibilité du Gouvernement dans son soutien à la décarbonation de l'industrie et à la visibilité des industriels du secteur.

Premier problème : la répartition des fonds du plan France 2030. Entre le lancement du plan en octobre 2021 et jusqu'à l'automne dernier dans le cadre de l'examen du budget, le Gouvernement communiquait sur une maquette initiale de répartition entre les crédits du plan dont le total atteignait 57 milliards d'euros, alors que seulement 54 milliards d'euros étaient prévus. Dans cette maquette initiale, l'objectif de décarbonation de l'industrie bénéficiait d'une enveloppe de 5,5 milliards d'euros.

Le Gouvernement a largement communiqué autour du montant de 5,5 milliards d'euros, qui était présenté comme un financement pérenne de nature à garantir aux industriels l'engagement à long terme des pouvoirs publics dans le domaine de la décarbonation de l'industrie.

En octobre dernier, à l'occasion d'une réunion interministérielle consacrée au plan France 2030, le Gouvernement a procédé à une reprogrammation du plan pour en ramener le montant total à 54 milliards d'euros. Dans le cadre de cet exercice de reprogrammation, l'enveloppe consacrée à la décarbonation de l'industrie a été réduite de 1 milliard d'euros, soit 18 % de son montant total.

Si le principe de cette reprogrammation est cohérent avec le montant total du plan, le choix du Gouvernement de ne pas rendre publique cette reprogrammation et de ne même pas en informer le Parlement est incompréhensible. Nous formulons à cet égard une recommandation tendant à compléter la documentation budgétaire existante pour renforcer la transparence sur la programmation du plan France 2030.

Deuxième problème : l'annonce du Président de la République, au sujet de laquelle aucun de nos interlocuteurs n'a pu nous indiquer la source de financement prévue.

En effet, lorsqu'il a reçu les industriels des cinquante sites concernés en novembre 2022, le Président de la République s'est engagé à porter les aides à la décarbonation de l'industrie à 10 milliards d'euros si les industriels se fixaient des objectifs de réduction d'émissions suffisamment ambitieux.

À l'issue du travail de concertation avec les services du ministère de l'industrie, les dirigeants des cinquante sites ont atteint la cible fixée par le Président de la République.

Or aucun arbitrage clair n'a été rendu sur l'hypothèse de doublement des aides avancée par le Président de la République. S'il nous a été clairement indiqué que le doublement ne pourrait pas être financé par le plan France 2030, les services du ministère de l'industrie n'ont pas pu nous indiquer comment cette promesse serait financée.

Aussi, les enjeux associés à ces aides justifient que le Gouvernement adopte une méthode plus transparente et plus responsable pour offrir aux industriels de la visibilité et pour garantir la crédibilité de la parole publique et l'engagement de l'État à soutenir la décarbonation de l'industrie.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souligne avec plaisir qu'au Sénat les rapporteurs spéciaux, malgré leurs sensibilités politiques différentes, dressent sereinement des constats fondés sur des éléments objectifs ; je les en remercie.

Je rappelle que sur les 54 milliards d'euros du plan France 2030, plusieurs milliards d'euros sont issus du PIA 4, le quatrième programme d'investissement d'avenir.

Laurent Somon a raison de souligner que la hausse du prix des quotas carbone et la mise en place de la taxe carbone aux frontières aura des conséquences sur le secteur industriel. J'ai rencontré des représentants de grands émetteurs qui ont mis en avant le risque de ne pouvoir répondre en même temps et dans de bonnes conditions à ces nouvelles injonctions. Or, les industries chimiques, par exemple, sont déjà confrontées à d'autres sujets environnementaux : je pense à certains rejets et à leurs effets sur la qualité des eaux. Agissons massivement et rapidement, tout en restant vigilants sur la chronologie de la mise en oeuvre de ces mesures.

Vos recommandations de méthode sont bienvenues : il ne peut qu'être bon d'aider le Gouvernement à être plus méthodique !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Qu'est-ce qui explique de tels délais ? Les industriels tardent-ils à soumettre des projets ? Cela ne devrait pourtant pas être très long, il n'y en a que cinquante... Pourquoi le délai d'instruction des dossiers, soit six mois, est-il aussi long ?

Vous proposez de rehausser le seuil de délégation de signature du Premier ministre au SGPI. Or le délai d'examen par le Premier ministre n'est pas le plus long, et il s'explique par la nécessité d'examiner précisément les demandes d'aides formulée par les industriels.

Je ne comprends pas pourquoi, au total, il faut plus d'un an pour traiter un dossier.

Mme Christine Lavarde. - Que certaines informations ne soient pas rendues publiques, ce n'est pas nouveau ! Je dirais même que depuis l'abondement des 54 milliards d'euros, tout a été fait de manière secrète et précipitée.

Le Président de la République a souhaité doubler les sommes affectées à l'intelligence artificielle via les crédits du plan France 2030. Cela implique donc de les reprogrammer. Or le SGPI, que j'ai croisé par hasard, m'a assuré qu'il y aurait, non pas une reprogrammation, mais un choix en faveur des projets recourant à l'intelligence artificielle. Voilà comment il souhaite atteindre l'objectif fixé par le Président de la République !

Par ailleurs, les projets sont-ils choisis par une procédure d'appel à projets ?

Enfin, les aides versées sont-elles des subventions ou des avances remboursables ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Vos recommandations sur les délais et les procédures sont-elles articulées avec les dispositifs du projet de loi de simplification de la vie économique, que nous examinons actuellement ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Selon le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), le plan France 2030 pourrait être aussi efficace que l'IRA sur le plan de la compétitivité de nos entreprises et de l'efficacité des mesures en faveur de la décarbonation. Qu'en est-il, selon vous ?

M. Michel Canévet. - Ne serait-il pas opportun de transformer les subventions prévues dans le plan France 2030 en avances remboursables ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Les crédits du plan France 2030 ne devraient-ils pas être exécutés par les régions, qui ont la compétence du développement économique ?

Par ailleurs, ce même plan peut-il accompagner une entreprise déjà décarbonée - une aciérie verte, par exemple -, qui rencontre tant de difficultés qu'elle est sous le coup d'une procédure de redressement judiciaire, alors même qu'elle est rentable et vertueuse ?

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Madame Marie-Claire Carrère-Gée, il s'agit d'investissements très lourds ; ils prennent donc du temps. Nous avons visité le site d'ArcelorMittal à Dunkerque : les projets sont encore à leurs débuts et leur mise en oeuvre industrielle prendra du temps. L'engagement est pris, les décaissements viendront plus tard.

La longueur des délais s'explique également par le fait qu'il s'agit d'appels à projets. Ces dossiers sont adressés non pas au fil de l'eau, mais d'un seul coup : cela entraîne donc un embouteillage, si je puis dire. Enfin, l'instruction est faite par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les décisions sont examinées par un comité interministériel et le dossier doit être validé par le Premier ministre. Voilà pourquoi les délais sont longs.

Madame Paoli-Gagin, nous recommandons non pas seulement de simplifier les appels à projets, mais d'offrir aux industriels une vision à long terme du renouvellement des aides qui peuvent être versées pour certains types d'investissements.

Je rappelle également que certains projets doivent être instruits par la Commission européenne pour contrôler leur compatibilité avec le régime des aides d'État.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Madame Lavarde, le secrétaire général pour l'investissement, Bruno Bonnell, nous a indiqué qu'il ne disposait pas de marges de manoeuvre sur les crédits fléchés dans les différents objectifs du plan France 2030.

C'est le même problème pour la décarbonation des sites industriels : il manque 6 milliards d'euros. Il y a un décalage entre l'annonce du Président de la République et les crédits du plan France 2030. Il s'agit d'annonces non financées !

Madame Blatrix Contat, selon le cadre d'ArcelorMittal qui nous a reçus, l'acier américain est très bien protégé grâce à l'IRA et aux différents droits de douane, si bien que la décarbonation est plus rentable aux États-Unis qu'en France. Chez ArcelorMittal, ils ont l'impression que les règles du jeu sont différentes en Europe et outre-Atlantique.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - En ce qui concerne les subventions américaines financées par l'IRA, les ordres de grandeurs des aides ne sont pas comparables : l'IRA représente plus de 350 milliards de dollars alors que les aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 2030 ne représentent que 4,5 milliards d'euros. Toutefois, en dehors de cet effet de masse, l'efficacité des aides est comparable en termes de coût d'abattement des émissions de gaz à effet de serre.

Les États-Unis disposent d'infrastructures qui n'existent pas en France, notamment pour capturer le carbone - je pense aux mines ou aux puits de pétrole désaffectés.

Cela étant dit, la différence réside avant tout dans la masse financière consacrée par chacun des pays.

Monsieur Canévet, nous ne savons pas dans combien de temps l'hydrogène vert sera accessible à un coût compétitif. Pour atteindre les objectifs de 2030, il faut verser une subvention qui comblera les défaillances de marché. À défaut, nos aciéristes, par exemple, ne seront pas assez compétitifs.

Monsieur Mizzon, le plan France 2030 ne permet pas de financer les problèmes conjoncturels rencontrés par les entreprises. Il s'agit de financer des projets d'investissements.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Je rappelle également que les subventions sont conditionnées. Si l'entreprise n'atteint pas les objectifs annoncés au moment de la demande de subvention, l'État pourra la récupérer conformément aux conditions fixées dans le contrat passé entre l'opérateur du plan et le bénéficiaire final.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et a autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre chargé de l'industrie

- M. Benjamin CARANTINO, conseiller industries de base et décarbonation auprès du cabinet du ministre M. Roland LESCURE.

Direction Générale des entreprises (DGE)

- M. Thomas GOUZÈNES, sous-directeur de la politique industrielle ;

- Mme Constance MARÉCHAL-DEREU, cheffe du service de l'industrie.

Secrétariat général pour l'investissement

- M. Bruno BONNELL, secrétaire général ;

- M. John PALACIN, conseiller budgétaire ;

- M. Haong BUI, conseiller décarbonation de l'industrie.

Secrétariat général à la planification écologique

- M. Antoine PELLION, secrétaire général ;

- M. Bogdan POPESCU, directeur de programme industrie, logistique et tertiaire.

Agence nationale de la Recherche (ANR)

- M. Arnaud TORRES, directeur des grands programmes d'investissement de l'État.

ADEME

- Mme Anne-Cécile ZIGWALT, directrice des entreprises et transitions industrielles ;

- M. Régis LE BARS, directeur adjoint.

Institut de l'économie pour le climat (I4CE)

- M. Erwann KERRAND, chercheur ;

- Mme Solène MÉTAYER, chercheuse.

Société DALKIA

- Mme Sylvie JÉHANNO, présidente-directrice générale ;

- M. Dominique KIEFFER, directeur des affaires publiques.

Société CIXTEN

- M. Pierre-Yves BERTHÉLÉMY, président directeur général ;

- Mme Alexia BERTHÉLÉMY, responsable administrative et financière.

*

* *

- Déplacement à Dunkerque, 16 mai 2024 -

ArcelorMittal

- M. Thierry FLAMENT, directeur du site de Dunkerque ;

- M. Stéphane DELPEYROUX, directeur des affaires publiques d'ArcelorMittal France.

Communauté urbaine de Dunkerque (CUD)

- M. Xavier DAIRAINE, directeur général adjoint d'Euraénergie.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Appliquer, à l'échelle des opérateurs du plan France 2030, le principe « dites-le-nous une fois » pour les pièces justificatives à caractère général des dossiers de candidature des bénéficiaires finaux du plan

Ademe, ANR, Bpifrance, Caisse des dépôts et consignations

Premier semestre 2025

Système d'information (SI) du SGPI et des opérateurs du plan France 2030

2

Rehausser à 30 millions d'euros par projet le seuil de délégation de signature du Premier ministre au secrétaire général pour l'investissement pour réduire les délais de déploiement des aides à décarbonation des petits sites industriels

Premier ministre

Second semestre 2024

Lettre du Premier ministre

3

Publier sur le site des opérateurs les délais médians d'instruction des demandes et les calendriers prévisionnels pluriannuels des dispositifs reconductibles pour renforcer la visibilité à court et moyen terme des porteurs de projet sur les aides à la décarbonation de l'industrie

Ademe, ANR

Second semestre 2024

Sites internet des opérateurs du plan France 2030

4

Publier et actualiser semestriellement les indicateurs du tableau de bord du plan France 2030 pour renforcer la transparence sur les résultats associés aux aides à la décarbonation de l'industrie

SGPI

Immédiat

Site internet du Gouvernement "Baromètre des résultats de l'action publique"

5

Informer le Parlement de toute évolution de la maquette de répartition des crédits du plan France 2030 entre les dix-sept objectifs et leviers du plan et transmettre chaque année, avec le projet de loi de finances, la maquette de répartition actualisée des crédits du plan

SGPI, DB

Second semestre 2024

Annexes au projet de loi de finances (documentation budgétaire)

6

Consacrer un « principe d'abondement exclusif » en application duquel les dispositifs d'aide financés par le plan France 2030 ne peuvent pas être simultanément financés par d'autres programmes du budget de l'État

SGPI

Premier semestre 2025

Tous moyens

7

Rendre un arbitrage clair sur l'hypothèse de doublement des aides au déploiement des solutions de décarbonation de l'industrie et préciser le cas échéant le véhicule budgétaire et la trajectoire pluriannuelle de financement pour crédibiliser cet engagement et donner de la visibilité aux acteurs du secteur

ministre chargé de l'industrie

Immédiat

Tous moyens

8

Compléter la stratégie nationale de capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS) par un volet financier qui indique le montant des aides publiques associées à chaque phase de déploiement et préciser la contribution des investissements d'avenir à cette stratégie

DGE, SGPI

Second semestre 2024

Tous moyens

ANNEXE : DÉCOMPOSITION SYNTHÉTIQUE
DES AIDES DE L'OBJECTIF N°3
« DÉCARBONER NOTRE INDUSTRIE »
DU PLAN FRANCE 2030

Section

Sous-section

Opérateur

Aides programmées

Aides attribuées96(*)

Aides décaissées97(*)

Développement de solutions de décarbonation de l'industrie (soutien à l'offre)

Recherche et maturation

ANR

100 M€

57 M€

12 M€

Développement et industrialisation

Ademe

147 M€

59 M€

1 M€

Études pour la décarbonation de zones industrielles et le stockage du CO2

Ademe

201 M€

35 M€

1 M€

TOTAL

448 M€

151 M€

14 M€

Déploiement de solutions de décarbonation (soutien à la demande)

Décarbonation des petits sites industriels (volet 1)

Ademe

670 M€

331 M€

31 M€

Décarbonation des sites très émetteurs (volet 2)

Ademe

3 375 M€

850 M€

0

TOTAL

4 045 M€

1 181 M€

31 M€

TOTAL

4 493 M€

1 332 M€

45 M€

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI


* 1 Décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC-2).

* 2 Art. L. 100-1 A du code de l'énergie.

* 3 Au 29 février 2024.

* 4 Au 31 décembre 2023.

* 5 Stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2), mars 2020, p. 110.

* 6 Hydrofluorocarbure.

* 7 Perfluorocarbures.

* 8 Hexafluorure de soufre.

* 9 Trifluorure d'azote.

* 10 Pour rappel, le pouvoir de réchauffement global (PRG) cumulé à cent ans est un coefficient qui correspond au rapport entre l'énergie renvoyée vers le sol par un kilogramme du gaz concerné et l'énergie renvoyée vers le sol par un kilogramme de dioxyde de carbone, pendant une période de référence qui est par convention fixée à cent ans.

* 11 À titre illustratif, l'hexafluorure de soufre (SF6) a un pouvoir de réchauffement global cumulé à cent ans de 23 500.

* 12 Stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2), mars 2020, p. 111.

* 13 CITEPA, 2023, Rapport d'inventaire SECTEN.

* 14 Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie.

* 15 Président de la République, 12 octobre 2021, Discours à l'occasion de la présentation du plan France 2030.

* 16 Article 2.

* 17 Conclusions du Conseil européen du 12 décembre 2019, §1.

* 18 Conclusions du Conseil européen du 11 décembre 2020, §12.

* 19 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique.

* 20 Article 2.

* 21 Article 4.

* 22 Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 23 Art. L. 100-4 du code de l'énergie, 1° du I.

* 24 Loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 25 Art. L. 100-4 du code de l'énergie, 1° du I.

* 26 Communiqué de presse du 17 janvier 2024 de la commission des affaires économiques du Sénat.

* 27 Art. L. 100-1 A du code de l'énergie.

* 28 Présidente du Haut Conseil pour le climat, 2 avril 2024, Courrier au Premier ministre relative à la réaffirmation de l'engagement climatique de la France avec une trajectoire lisible et mobilisatrice.

* 29 Communiqué de presse du 15 avril 2024 de la commission des affaires économiques du Sénat.

* 30 Décret n°2015-1491 du 18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone.

* 31 Décret n°2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone.

* 32 Stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2), mars 2020, p. 21.

* 33 « Tous les cinq ans, la stratégie bas-carbone fait l'objet d'un cycle complet de révision », v. Stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2), mars 2020, p. 132.

* 34 Art. L. 100-4.

* 35 Gouvernement, 22 novembre 2023, Signature des contrats de transition écologique de l'industrie.

* 36 Art. L. 211-2 du code de l'énergie.

* 37 Carbon Capture and Storage (CCS).

* 38 Discours du Président de la République du 8 novembre 2022 à l'occasion de la réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre en France.

* 39 Alsachimie, Aluminium Dunkerque, Arc France, ArcelorMittal, Butachimie, Cristal Union, Eqiom, Heidelberg Matérials, Holcim, Humens, LAT Nitrogen, Lhoist, LyondellBasell, Naphtachimie, Saint Gobain, Petroineos Manufacturing France, Roquette Frères, Solvay, TotalEnergies, Trimet, Versalis, Vicat et Yara.

* 40 Gouvernement, 22 novembre 2023, dossier de presse « Signature des contrats de transition écologique de l'industrie », p. 8.

* 41 Gouvernement, 22 novembre 2023, dossier de presse « Signature des contrats de transition écologique de l'industrie », p. 10.

* 42 Discours du Président de la République du 8 novembre 2022 à l'occasion de la réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre en France.

* 43 Conseil national de l'industrie, juin 2023, Feuille de route de décarbonation de la chimie en France.

* 44 Conseil national de l'industrie, mai 2023, Feuille de route de décarbonation de la filière « ciment ».

* 45 Conseil national de l'industrie, mai 2021, Feuille de route de la filière « mines et métallurgie ».

* 46 Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA), septembre 2023, Feuille de route relative à la décarbonation des industries agroalimentaires.

* 47 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 48 France Stratégie, Comité d'évaluation du plan France Relance, janvier 2024, Rapport final, volume II, évaluation des dispositifs, chapitre 9, Le soutien à la décarbonation de l'industrie.

* 49 Gouvernement, septembre 2020, Dossier de presse France Relance.

* 50 France Stratégie, mai 2023, Les coûts d'abattement en France.

* 51 France Stratégie, Comité d'évaluation du plan France Relance, janvier 2024, Rapport final, volume II, évaluation des dispositifs, chapitre 9, Le soutien à la décarbonation de l'industrie, p. 18.

* 52 Cour des comptes, avril 2023, Analyse de l'exécution budgétaire 2022, Mission « Investir pour la France de 2030 », p. 94.

* 53 Art. 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 54 Règlement (UE) n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 55 Convention du 2 juin 2021 entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir (action « Programmes et équipements prioritaires de recherche »), point 1.2.

* 56 Dont notamment l'IFPEN, douze laboratoires du CNRS et quatre laboratoires du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

* 57 Consortium pour l'accélération décarbonée et le transfert pour l'industrie.

* 58 Bordeaux, Saint-Avold, Chalampé, Lacq, Strasbourg, Lyon, Thionville-Florange, Seine-Normandie, estuaire de la Loire, Fos-sur-Mer et Dunkerque.

* 59 Front-End Engineering Design (FEED).

* 60 Art. 187 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, b du 2°.

* 61 Art. 8 de la loi n °2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010, 1° du B du I.

* 62 Stratégie nationale bas-carbone révisée (SNBC-2), mars 2020, p. 29.

* 63 Conclusions du Conseil européen du 11 décembre 2020, §12.

* 64 Président de la République, discours du 12 octobre 2021 à l'occasion de la présentation du plan France 2030.

* 65 CPME, janvier 2024, 80 propositions pour mettre fin à la complexité administrative, p. 11.

* 66 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avril 2024, dossier de presse « Plan d'action : simplification ! », p.9.

* 67 Tableau de bord de la politique prioritaire du Gouvernement « Déployer France 2030 ».

* 68 Réponse de l'Ademe au questionnaire des rapporteurs.

* 69 Réponse du SGPI au questionnaire des rapporteurs.

* 70 Art. 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010.

* 71 Décret n°2022-990 du 7 juillet 2022 relatif au secrétariat général à la planification écologique.

* 72 C'est par exemple le cas du dispositif DECARBIND qui a fait l'objet de deux AAP distincts (DECARBIND 2022 et DECARBIND 2023) et pour lequel un troisième AAP est programmé (DECARBIND 2024).

* 73 Circulaire n°6373/SG de la Première ministre du 19 septembre 2022 relative aux politiques prioritaires du Gouvernement.

* 74 Président de la République, discours du 8 novembre 2022 à l'occasion de la réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre en France.

* 75 Le tableau de bord comprend 16 indicateurs associés aux objectifs et leviers, quatre indicateurs de déploiement, deux indicateurs de qualité de service et trois indicateurs d'impact transverses.

* 76 CSIA, juin 2023, France 2030. Lancement maîtrisé d'un plan d'investissements à impacts majeurs, p. 74.

* 77Art. 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, B du I.

* 78 La Cour estime notamment que « l'information est présentée de manière très détaillée, par action, ce qui ne donne pas de vision globale (...) qui serait le bon niveau d'appréciation politique de l'impact ». Cour des comptes, décembre 2015, Le programme d'investissement d'avenir. Une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger.

* 79 CSIA, juin 2023, France 2030. Lancement maîtrisé d'un plan d'investissements à impacts majeurs, p. 36.

* 80 Cour des comptes, avril 2023, Analyse de l'exécution budgétaire 2022, Mission « Investir pour la France de 2030 », p. 94.

* 81 A. Juppé et M. Rocard, novembre 2009, Investir pour l'avenir. Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national, p.15.

* 82 Président de la République, discours du 12 octobre 2021 à l'occasion de la présentation du plan France 2030.

* 83 Réponse de la DGE au questionnaire des rapporteurs.

* 84 « Ce que je veux ici prendre comme engagement, c'est que nous serons au rendez-vous de cet effort et nous doublerons l'accompagnement aux financements publics ». Discours du Président de la République du 8 novembre 2022 à l'occasion de la réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre en France.

* 85 Gouvernement, 22 novembre 2023, dossier de presse « Signature des contrats de transition écologique de l'industrie », p.9.

* 86 Réponse du SGPI au questionnaire des rapporteurs.

* 87 Discours du Président de la République du 8 novembre 2022 à l'occasion de la réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre.

* 88 Carbon Capture and Storage (CCS).

* 89 Chimie ; matériaux de construction ; mines et métallurgie ; agroalimentaire.

* 90 Conseil national de l'industrie, juin 2023, Feuille de route de décarbonation de la chimie en France, p. 15.

* 91 Conseil national de l'industrie, mai 2023, Feuille de route de décarbonation de la filière « ciment », p. 14.

* 92 Gouvernement, juin 2023, Stratégie CCUS. Capture, stockage, et utilisation du carbone, p. 11.

* 93 Carbon Contract for Différences.

* 94 Discours du Président de la République du 8 novembre 2022 à l'occasion de la réunion avec les dirigeants des cinquante sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre en France.

* 95 Discours du Président de la République du 11 décembre 2023 à Toulouse à l'occasion des deux ans du plan France 2030.

* 96 Au 29 février 2024

* 97 Au 31 décembre 2023

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