B. LES SUITES DONNÉES AUX RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT

Sur l'année parlementaire écoulée, dans près de deux tiers des cas (61 %), les positions exprimées par le Sénat dans ses résolutions européennes ont été prises en compte au cours des négociations et influent donc directement sur le contenu des directives et règlements finalement adoptés.

D'une façon quelque peu schématique, il est en effet possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues :

1°) dans près de deux tiers des cas donc, les résolutions européennes du Sénat ont été prises totalement ou très largement en compte : onze résolutions européennes ont en effet été prises en compte en totalité ou en majorité au cours des négociations à Bruxelles, voire dans le texte définitif européen (règlement ou directive). Parmi celles-ci figurent les résolutions concernant :

- l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes497(*), la réforme du marché de l'électricité498(*) ou encore la régulation de l'intelligence artificielle (IA)499(*). La commission des affaires européennes se félicite des suites données à la résolution sur les travailleurs des plateformes, qui participe à l'encadrement, pour la première fois, d'un secteur qui n'obéissait véritablement à aucune règle, d'une part, en limitant l'utilisation de l'IA pour contrôler ces travailleurs et, d'autre part, en permettant de requalifier leur situation en salariat lorsque le lien de dépendance entre l'employeur et l'employé est prouvé ;

- la résolution sur la protection de la filière pêche française500(*) a sonné utilement l'alarme face à un projet « hors sol » de suppression des activités de pêche au chalut dans les aires marines protégées, au nom de la biodiversité, sans tenir compte des efforts entrepris. La résolution européenne dénonçant les transferts massifs forcés d'enfants ukrainiens501(*) a été la première à le faire, initiant un mouvement qui a contribué à appuyer l'action des autorités françaises, ukrainiennes et européennes, à la fois pour poursuivre les responsables de ces crimes et pour obtenir le retour des enfants dans leurs familles ;

2°) les positions du Sénat ont été partiellement suivies pour cinq des résolutions adoptées ; il s'agit par exemple des résolutions sur les droits fondamentaux en Iran502(*) (où, malheureusement, la situation des femmes n'a connu aucune amélioration) et sur l'approvisionnement en matières premières critiques503(*). Est aussi concernée la résolution sur l'avenir de Frontex504(*). À cet égard, si les préconisations sur son déploiement dans les pays tiers des Balkans et d'Afrique ont été reprises par le gouvernement, il n'en va pas de même pour celles destinées à permettre à Frontex d'agir plus efficacement dans ses missions d'appui aux contrôles des frontières et à mieux associer les parlements nationaux à son pilotage. Il faut le déplorer car, dans le même temps, les flux migratoires irréguliers ont continué à augmenter ;

3°) enfin, dans deux cas, les résolutions européennes du Sénat n'ont pas reçu de suite effective : la première, relative aux négociations d'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales505(*), a confirmé l'isolement de la France quand elle refuse à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de se voir reconnaître une compétence en matière de PESC506(*). Les négociations se poursuivent mais la vigilance est de mise ; la seconde est relative au dossier de la prévention et de la lutte contre les abus sexuels sur les enfants en ligne507(*). En effet, ce cadre européen n'est toujours par en place. La résolution européenne du Sénat demandait l'adoption d'une architecture pérenne permettant d'accroître l'efficacité de cette lutte sans installer une surveillance généralisée de l'ensemble des communications. Mais les partisans de la protection des enfants et ceux de la vie privée continuent à s'opposer stérilement. Il faut souhaiter qu'un accord soit prochainement trouvé car il s'agit d'un enjeu d'intérêt général.

Ce bilan globalement positif doit inciter la commission des affaires européennes à poursuivre son action et le Sénat à conforter sa stratégie d'influence européenne par tous moyens.


* 497 Résolution européenne n° 17 du 14 novembre 2022 (rapporteurs : Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey).

* 498 Résolution européenne n° 141 du 19 juin 2023 (rapporteurs : MM. Daniel Gremillet et Claude Kern).

* 499 Résolution européenne n° 100 du 9 mai 2023 (rapporteurs : M. André Gattolin ; Mme Catherine Morin-Desailly ; M. Cyril Pellevat ; Mme Elsa Schalck).

* 500 Résolution européenne n° 125 du 6 juin 2023 (rapporteur : M. Alain Cadec).

* 501 Résolution européenne n° 95 du 17 avril 2023 (rapporteurs : MM. André Gattolin et Claude Kern).

* 502 Résolution européenne n° 64 du 24 février 2023 (rapporteur : M. Pascal Allizard).

* 503 Résolution européenne n° 168 du 18 août 2023 (rapporteurs : Mme Amel Gacquerre et MM. Daniel Gremillet et Didier Marie).

* 504 Résolution européenne n° 55 du 8 février 2023 (rapporteur : M. Jean-François Rapin).

* 505 Résolution européenne n° 67 du 7 mars 2023 (rapporteur : M. Jean-François Rapin).

* 506 Politique étrangère et de sécurité commune.

* 507 Résolution européenne n° 77 du 20 mars 2023 (rapporteurs : M. Ludovic Haye ; Mme Catherine Morin-Desailly ; M. André Reichardt).

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page