Temps d'échanges
Anne Souyris. - Merci de ces témoignages. Je suis frappée par le fait qu'on ne parvienne pas à censurer la haine et la violence en ligne mais qu'on puisse censurer les droits des femmes.
Vous avez parlé d'un site qui propose de l'information pour les femmes, en direct, en particulier pour leur apporter une aide concrète pour agir. Un site Internet sur l'avortement européen ou international labellisé et fiable serait-il possible, pour les organisations, pour les élus de tous les pays, face à la désinformation ?
Pauline Diaz. - Je vous invite à consulter Safe2choose.
Il existe de nombreux sites Internet, mais il est à noter qu'une fausse information a 70 % de chances supplémentaires d'être partagée qu'une information fiable. Les algorithmes aiment propager de fausses informations. Ainsi, les sites fiables sont perdus au milieu de ces dernières.
Anne Souyris. - Je ne doutais pas qu'il existait des sites comme le vôtre. En revanche, j'aurais voulu savoir s'il existait une labellisation. Il est difficile de s'y retrouver. Il me semblerait pertinent que l'OMS agisse en la matière.
Laurence Rossignol. - Vous n'avez pas parlé de vos financements. Avez-vous des fonds ? D'où viennent-ils ? Faites-vous des levées de fonds ?
Pauline Diaz. - Oui, nous avons des fonds, bien que la Global Gag Rule empêche beaucoup de financements en faveur de l'avortement. Certaines personnes acceptent tout de même de le financer : des agences internationales de développement, des philantropes privés ou des entreprises privées... Il nous est tout de même plus compliqué d'obtenir des fonds que les associations anti-choix.
Sandrine Simon. - Médecins du monde est financé à 50 % par ses donateurs privés, nous offrant une certaine indépendance et nous permettant d'agir là où ils nous suivent. Nous avons tout de même des bailleurs institutionnels, tels que les gouvernements français, canadien et allemand. Les tendances politiques actuelles nous inquiètent tout de même.
Par ailleurs, comment renforçons-nous le financement des acteurs locaux sur le terrain ? Ils peinent davantage à obtenir des financements, parce qu'ils sont méconnus, parce que c'est difficile. Le Gouvernement français a mis en place une action il y a deux ans pour leur permettre d'accéder à des financements, mais ces initiatives peuvent être renforcées.
Ensuite, il me semble que le Gouvernement français a mis en place un site d'information. L'OMS dispose d'un site Internet, mais il est destiné plus aux professionnels qu'au grand public. Ces initiatives sont sans doute à renforcer.
Dominique Vérien, présidente. - Il me reste à vous remercier. Ces trois tables rondes étaient très enrichissantes et complémentaires.
Elles nous ont permis de voir que le sujet du droit et de l'accès à l'avortement est international, et pas du tout franco-français. Les attaques, comme les défenses, sont de niveau international. Les réseaux anti-IVG sont aussi présents en France. Quand ce droit fragile est menacé chez nos voisins, il peut aussi l'être chez nous. Les différents exemples européens cités ce matin, qui ne concernent pas que la Hongrie et la Pologne, mais aussi l'Italie ou la Suède et, peut-être demain, les Pays-Bas, prouvent que nous ne sommes pas à l'abri d'une telle remise en cause. Il me semble nécessaire de travailler ensemble. Nous le savons, ces mouvements anti-IVG sont aussi anti-contraception, anti-éducation à la vie affective et sexuelle adaptée à l'âge des enfants.
Pourtant, lorsque nous travaillons sur les violences intrafamiliales ou que nous entendons le juge Édouard Durand au sein de notre délégation, nous comprenons bien que cette éducation, adaptée en fonction des âges, est essentielle. Elle apprend aux enfants que leur corps leur appartient, ce qui se fait ou pas, qu'ils n'ont pas à subir ce qui se passe parfois à la maison. C'est contre les femmes et contre les enfants que ces mouvements luttent en réalité.
Par ailleurs, l'avortement constitue un réel enjeu de santé publique. Des femmes en meurent. Nous devons en sécuriser l'accès. Nous devons nous interroger sur la loi, mais aussi sur sa pratique et ses accès. C'est un sujet, y compris en France. La délégation aux droits des femmes continuera ce travail.
Merci à toutes et à tous pour cette matinée très enrichissante. Ce colloque était diffusé en direct et enregistré. Cette table ronde n'a donc pas fini son chemin.
De gauche à droite : Laurence Rossignol, vice-présidente de la délégation, Sylvie Valente Le Hir, sénatrice de l'Oise, Anne Souyris, sénatrice de Paris, Hazal Atay, Dominique Vérien, présidente de la délégation, Jeanne Hefez, Sandrine Simon, Neil Datta, Pauline Diaz, Anne Légier, Amandine Clavaud.