V. FACILITER L'ENTRÉE DANS LE MANDAT
A. L'ENTRÉE DANS LE MANDAT A ÉTÉ COMPLIQUÉE APRÈS LES ÉLECTIONS DE 2020 PAR LA CRISE SANITAIRE
Il existe quelques dispositifs, assez récents qui permettent de porter une attention particulière à cette entrée de mandat.
L'article 90 de la loi n° 2019-1461, codifié aux articles L. 2123-1 du CGCT et L. 6315-2 du code du travail, donne la possibilité à l'élu « au début de son mandat » de demander un entretien individuel avec son employeur. Ceci permet à l'élu, au terme d'un temps de concertation, de dialoguer avec son employeur et le cas échéant de mettre en place les modalités de conciliation entre vie professionnelle et mandat électif.
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a rendu obligatoire la formation organisée au cours de la première année de mandat pour tous les élus ayant reçu une délégation. Cette disposition est la reprise de la recommandation n°3 du rapport de 2018 précité réalisé par la Délégation.
Le contexte des élections de 2020, avec les contraintes fortes sur les réunions en présentiel compte tenu de la crise sanitaire, a pointé que ce moment était clé pour faire collectif et lancer le mandat. Aussi, vos rapporteurs ont exploré quelques axes d'amélioration concernant le bon démarrage des mandats locaux.
B. DES PROPOSITIONS POUR FACILITER ET SOLENNISER L'ENTRÉE DANS LE MANDAT
Vos rapporteurs sont convaincus que l'entrée dans le mandat est un moment capital. Les témoignages abondent sur les difficultés qui remontent en début de mandat parmi les élus qui n'avaient pas une connaissance suffisante de la réalité du bloc local. « Le passage de citoyen représenté à représentant, parfois sans réelle préparation peut s'avérer laborieux » résume l'Association Jeunes élus de France. Lors d'une audition un maire a décrit les choses ainsi « du jour au lendemain on doit tout connaitre sans que l'on ne vous apprenne rien, c'est une véritable tragédie et on se sent bien seul ! ». La DGCL confirme ce point : « la principale difficulté identifiée par la DGCL lors de l'entrée dans le mandat semble être l'insuffisante connaissance par les élus des droits et des dispositifs dont ils peuvent bénéficier en leur qualité d'élu ».
Schématiquement quatre enjeux se cumulent :
- la nécessite de lancer un travail d'équipe et de passer d'une logique de campagne à une logique de mise en oeuvre collective coordonnée et priorisée de projets et de gestion ;
- la nécessité de réaliser un diagnostic des collectivités : état financier et réelles marges de manoeuvre, projets et programmation déjà en cours, arbitrages prioritaires, etc ;
- la prise en compte dans le quotidien des réalités intercommunales peu intégrée dans les programmes de campagne municipaux ;
- la complexification générale des affaires publiques locales : normes, commande publique, urbanisme, multiplication des guiches de financements, gestion des ressources humaines... tout cela « exige une mise à niveau rapide et conséquente, a fortiori dans les petites communes disposant de peu d'ingénierie » comme le rappelle l'Association Nationale des Pôles Territoriaux (ANPP) dans sa contribution écrite.
L'entrée dans le mandat est aussi le moment privilégié, où les élus, particulièrement les nouveaux élus, sont réceptifs à toute information qui pourra leur permettre de mieux exercer leur mandat. Pour toutes ces raisons, il semble qu'il faille porter une attention accrue à ces premières semaines.
Recommandation n°6 : faciliter et solenniser l'entrée dans le mandat en accompagnant les élus locaux, notamment les nouveaux.
Premièrement, une cérémonie officielle de prestation de serment de chaque maire pourrait être prévue. Cette cérémonie pourrait se dérouler devant le conseil municipal. Elle officialiserait l'entrée dans la fonction et matérialiserait la solennité de ce moment.
Deuxièmement, il pourrait être suggéré aux associations d'élus d'adresser un courrier pour informer les élus sur leurs droits. Ce courrier mettrait en avant la contribution indispensable des élus locaux au service de la collectivité et la chance pour une entreprise/une administration de compter des élus dans leurs équipes. Ce courrier pourrait ainsi être transmis par l'élu à son employeur/chef de service.
Troisièmement, le droit à l'information des élus locaux en début de mandat pourrait se traduire par la mise en place d'une ou deux journées d'information mobilisant les associations d'élus et les services de l'État quelques semaines après le scrutin. L'État pourrait donner instruction aux préfets afin qu'ils contribuent à ces journées organisées par les associations de maires. À défaut d'initiative locale, les préfets pourraient se rapprocher des acteurs locaux pour organiser ces journées eux-mêmes.
Ces journées auraient pour objectif de poser les fondamentaux de la fonction de maire et seraient une porte d'entrée du dispositif de formation en expliquant aux élus comment mobiliser leurs droits à formation. L'objectif essentiel étant de faire reconnaitre l'intérêt et le caractère complémentaire de la formation à l'engagement politique. « La journée d'information devra s'inscrire dans un parcours des compétences dont elle constituera la première étape mais aussi la porte d'entrée » résumait le rapport « la formation des élus locaux » de janvier 2020 de l'inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des affaires sociales au sujet de cette recommandation.
Ces journées ne doivent pas être un temps de formation uniquement descendant de l'État, mais doivent donner l'occasion d'avoir des échanges de pairs à pairs en mobilisant l'expérience d'élus, voire d'anciens élus, pour diffuser des messages à leurs collègues. La cible prioritaire doit être les maires. Le périmètre pertinent semble être l'arrondissement. En fonction de la taille du département, du nombre d'élus locaux et des capacités des organisateurs à faire, il serait éventuellement possible d'ouvrir ces journées aux adjoints et aux nouveaux élus. Ces sessions pourraient aussi d'étendre sur plusieurs mois afin de lisser cette tâche et permettre à plus d'élus de bénéficier de cette information. Rien n'empêche aussi que la réunion soit accessible en visioconférence au plus grand nombre et qu'elle soit enregistrée pour que plus d'élus puissent s'y référer par la suite.
Quatrièmement, les associations locales d'élus pourraient organiser la mise en place d'un système de parrainage, sur la base du volontariat entre les nouveaux maires élus et d'anciens maires du département (hors de la commune concernée). Ce système pourrait conduire à une forme de dialogue bienveillant, entre un ancien maire aguerri aux difficultés de l'exercice et un nouveau maire ayant besoin d'un conseil, d'un appui ou d'une expérience pour faciliter l'appréhension de ses nouvelles fonctions.
Favoriser les communautés de pratiques et les échanges entre élus locaux est une bonne pratique à développer. Il existe bien sûr les associations de maires et d'élus et leur fédération locale qui doivent être encouragées et renforcées pour accompagner les maires. De même l'animation sous forme de groupe de pair à pair, la mise en place de questions/ réponse ou plateformes dédiées, voire de véritable séance de codéveloppement, semblent un point d'appui essentiel pour les élus. Ces espaces peuvent aussi être ouverts à la mise en place d'un soutien psychologique dans des cas très particuliers. En audition, des exemples ont été rapportés concernant la situation de maires particulièrement affectés par des évènements survenus dans le cadre de leur fonction : meurtre dans la commune, accident dramatique... Ce type de soutien peut s'avérer nécessaire dans une phase difficile de l'exercice du mandat.
Une autre bonne pratique consiste, à l'instar des initiatives de la sous-préfecture du Havre, à réunir régulièrement les élus des communes de l'arrondissement afin de leur présenter les sujets d'actualité, un focus sur une politique publique et les précisions sur l'accompagnement des collectivités par les services de l'État (photo ci-dessous).
Source : https://twitter.com/Prefet76/status/1618264837326508032
Cinquièmement, la mission recommande d'élaborer un memento ou un guide du statut des élus locaux (droits, garanties, obligations, conditions d'exercice du mandat) sur un modèle « questions que se posent les élus / réponses pratiques ». Autrement dit, la traduction du droit en langage courant afin de faciliter la compréhension et l'appropriation des dispositifs légaux par les élus. Ce memento qui pourrait être réalisé par la direction générale des collectivités locales, serait remis lors des journées d'informations du début de mandat. Il permettrait ainsi de regrouper les points ayant trait aux conditions d'exercice du mandat local pour être diffusé aux employeurs et aux gestionnaires de ces dispositifs (DRH notamment).
Des documents utiles pour l'information des nouveaux élus locaux :
La direction générale des collectivités locales (DGCL) a coordonné les travaux de réalisation d'un guide du maire en liaison avec les autres ministères : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/guide-maire-2 .
Il est utilement complété par une boîte à outils présente sur le site du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires : https://www.ecologie.gouv.fr/boite-outils-et-guide-des-elus
L'Association des Maires de France a réalisé un guide intitulé « le statut de l'élu local » qui peut accompagner la prise de fonction.
https://www.amf.asso.fr/m/document/fichier.php?FTP=082b34f6a4e23e65c49dd1d08be0aa5d.pdf&id=7828
La DGCL a produit un guide sur la formation des élus locaux.
file:///C:/Users/mplaces/Downloads/doc2958-guide_dgcl_formation_des_elus_locaux_avril_2022.pdf
L'AMF, le CNFPT et la Fédération Nationale des Centres de Gestion (FNCDG) ont produit le guide du maire « employeur territorial ».
file:///C:/Users/mplaces/Downloads/doc2740-livret_maire_employeur_territorial.pdf
SMACL Assurances, qui anime l'Observatoire des risques juridiques de la vie territoriale et associative depuis plus de 20 ans a réalisé un guide centré sur la charte de l'élu local.
https://www.calameo.com/books/0048500258bf3156bf039
Le CNFPT a aussi mis en place, à l'attention des directeurs généraux des services et secrétaires de mairie, un kit d'accueil des nouveaux élus dans leur prise de fonction et l'exercice de leur mandat. Il est composé de trois vidéos et d'un vade-mecum notions clés sur la vie communale et intercommunale.
https://www.cnfpt.fr/sinformer/bouquets-ressources/elections/kit-bien-debuter-mandat/national