N° 34
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 octobre 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le Service militaire volontaire,
Par M. Marc LAMÉNIE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.
L'ESSENTIEL
Le SMV est un dispositif social des armées. Il accueille des jeunes de 18 à 25 ans en décrochage scolaire ou social et leur offre un programme de formation de 8 à 12 mois, dans un cadre militaire et dans le but de les réintégrer au marché de l'emploi. Créé de manière expérimentale en 2015, ce dispositif a été pérennisé en 2019.
Le SMV a coûté 53 millions d'euros et accueilli 997 volontaires stagiaires (pour une cible de 1200 volontaires stagiaires) et 199 volontaires experts en 2022.
I. UN DISPOSITIF ORIGINAL D'AIDE À L'EMPLOI DES JEUNES
Le SMV est un dispositif d'aide à l'emploi des jeunes qui s'inscrit dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » et qui constitue une modalité de réalisation du contrat d'engagement jeune. Il se distingue cependant d'autres dispositifs de plusieurs manières : il s'agit d'un recrutement tourné vers les plus défavorisés, la formation connaît une militarité marquée, une priorité est donnée au passage du permis et le taux d'insertion professionnelle des volontaires est très élevé.
A. UN DISPOSITIF TOURNÉ VERS UN PUBLIC PARTICULIÈREMENT DÉFAVORISÉ
Le SMV est réalisé sur la base du volontariat. Les volontaires s'engagent donc d'eux-mêmes. Ils présentent un profil en moyenne très défavorisé :
- 60 % de non diplômés ;
- 20 % d'illettrés (dont 3 à 4 % d'illettrisme lourd) ;
- 5 % de jeunes ayant des antécédents judiciaires ;
- 20 % de jeunes issus d'une zone géographique prioritaire.
Le SMV recrute également des volontaires experts, qui bénéficient d'une formation avant de participer au fonctionnement du SMV. Ces derniers sont recrutés sur la base de profils plus qualifiés que les volontaires stagiaires.
B. UNE FORMATION PROFESSIONNELLE INTENSE, À LA MILITARITÉ MARQUÉE
Le SMV s'étale sur une durée allant de 8 à 12 mois et est divisée en 3 parties :
- une formation militaire initiale de 5 semaines, durant laquelle les volontaires sont soumis à la discipline militaire. Ils suivent une formation militaire, toutefois sans entrainement au maniement des armes et au combat. Elle se déroule selon un régime d'internat et en tenue militaire ;
- une formation militaire complémentaire de 4 mois, consistant en une remise à niveau scolaire, une formation « sauveteur secouriste du travail » et au passage du permis B. Elle se déroule également selon un régime d'internat et en tenue militaire ;
- une formation professionnelle, dont la durée moyenne est de 3 mois. Les formations sont réalisées par des organismes extérieurs et varient d'un centre SMV à l'autre.
Les volontaires stagiaires bénéficient du double statut de militaire volontaire sous contrat et de stagiaire de la formation professionnelle au titre desquels ils perçoivent une solde de 324 euros nets et des allocations versées par les conseils régionaux dont le montant varie d'une région à l'autre. Les volontaires experts suivent un parcours de formation différent et perçoivent une solde de 615 euros nets.
C. DEUX PARTIS PRIS : UNE PRIORITÉ DONNÉE AU PASSAGE DU PERMIS DE CONDUIRE ET À L'INTÉGRATION IMMÉDIATE DANS UN EMPLOI
Deux priorités ont été retenues par le SMV : le passage du permis et l'employabilité immédiate.
Le passage du permis permet de lever un obstacle à l'emploi essentiel. Selon une étude1(*) de 2019, le SMV augmente la probabilité pour les volontaires d'obtenir le permis de 55 points de pourcentage.
S'agissant des formations, le SMV se concentre essentiellement sur des formations courtes pour des métiers peu qualifiés et en tension dans le bassin d'emploi dans lequel le centre SMV s'inscrit.
II. UN MODÈLE DE CONCENTRATION DES MOYENS AYANT FAIT SES PREUVES
Le SMV est un dispositif concentrant des moyens importants sur une population défavorisée. Cette approche permet un taux d'intégration élevé des volontaires dans le marché du travail.
A. UN DISPOSITIF COÛTEUX
Le SMV, pensions comprises, aura couté 44 millions d'euros de crédits nationaux. Ce montant est globalement stable, avec une légère progression de 2,3 % entre 2020 et 2022. Dans le même temps, des financements européens viennent abonder ce dispositif selon la règle dite de « l'additionnalité ». Le fonds social européen a ainsi versé 9 millions d'euros pour le SMV en 2022, portant le financement global du dispositif à 53 millions d'euros.
Ce montant est conséquent lorsqu'il est rapporté au nombre de bénéficiaires du dispositif : 37 860 euros par bénéficiaire au regard de l'effectif théorique et 44 170 euros par bénéficiaire au regard de l'effectif réellement recruté en 2022. Ce coût reste supérieur à celui du service militaire adapté2(*) (36 000 euros par volontaire).
Ce cout par bénéficiaire important s'explique par le mode de fonctionnement du SMV : une formation relativement longue en internat, avec un niveau d'encadrement élevé et une rémunération des volontaires.
C'est également cette concentration de moyens qui permet d'obtenir de très bons résultats sur un public aussi vulnérable.
B. UN DISPOSITIF JOUISSANT DE TRÈS BON RÉSULTATS, MALGRÉ 15 À 20 % DES PARTICIPANTS QUI NE VONT PAS JUSQU'AU BOUT
La particularité et la militarité du SMV entraînent un phénomène dit « d'attrition ». 15 à 20 % des volontaires quittent ainsi le SMV avant sa fin. Ces derniers ne sont pas pris en compte dans le taux d'intégration des volontaires servant d'indicateur unique du dispositif.
Le SMV a permis une intégration vers l'emploi à 82 % de ses volontaires stagiaires en 2021 et 86 % en 2022.
Concrètement, cela correspond à l'issue du SMV à :
- environ 50 % de CDI et de CDD de plus de 6 mois ;
- environ 40 % de CDD de moins de 6 mois ;
- environ 10 % de « sorties positives » (reprise de formation) ou d'alternance.
Il s'agit de très bon résultats au regard de la population visée par le dispositif. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte des 15 à 20 % d'attrition du service (départ anticipé des volontaires.
Le rapporteur spécial souhaiterait une meilleure information concernant l'attrition dont souffre le dispositif et demande à ce que la situation des jeunes n'allant pas au bout du dispositif soit intégrée dans l'indicateur budgétaire.
III. UNE VOLONTÉ POLITIQUE D'EXTENSION DU DISPOSITIF DEVANT FAIRE L'OBJET D'UNE DÉFINITION CLAIRE
Si le SMV a été pérennisé, ce dernier n'a jamais fait l'objet d'une planification claire. À la place, il a connu une succession d'annonces politiques que son administration s'efforce de mettre en oeuvre avec plus ou moins de succès. Le rapporteur spécial souhaite que le Gouvernement établisse un programme clair et stable pour le SMV.
A. L'EXISTENCE D'UNE VOLONTÉ POLITIQUE D'EXTENSION DU DISPOSITIF
Suite à sa pérennisation, le SMV a été conforté sur son principe. Sa forme est cependant restée sujette à évolution et il existe une volonté politique d'étendre le dispositif. Cette extension a pu faire l'objet d'une traduction géographique, avec l'ouverture d'une antenne à Marseille en 2021 suite à une annonce du président de la République. Elle se concrétise aussi par une augmentation de ses effectifs suite à une volonté ministérielle d'accueillir 1500 volontaires stagiaires par an, contre 1 000 à 1 200 pour chacune des trois dernières années.
Cependant, il n'a pas été, en parallèle, formulé de plan ou de stratégie à moyen ou long terme afin de permettre au SMV d'atteindre cet objectif et il n'a pas été non plus déterminé si cet objectif de 1 500 volontaires constitue un point d'étape avant un objectif encore plus important.
Par ailleurs, très concrètement, le SMV atteint aujourd'hui son niveau de saturation quant au nombre de volontaires qu'il est capable de loger et d'encadrer. L'augmentation du nombre de recrutements risque de devoir passer par une extension des capacités d'accueil du dispositif. Il est nécessaire qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une stratégie globale du SMV.
B. LA NÉCESSITÉ D'EXPRIMER UNE VOLONTÉ POLITIQUE CLAIRE QUANT AUX OBJECTIFS À ATTEINDRE ET LES MOYENS QU'IL CONVIENT D'Y ATTRIBUER
De manière surprenante, il n'existe pas de programmation pluriannuelle ou de planification de moyen terme pour le SMV.
Un tel document serait pourtant l'occasion pour l'autorité politique du SMV de définir clairement ses attentes pour le dispositif en les chiffrant, en déterminant le calendrier s'y rattachant et en estimant les moyens qui lui paraissent appropriés pour atteindre ces objectifs.
En cas de volonté d'augmentation des effectifs du SMV, les modalités d'extension des capacités d'accueil devraient également y être définies,
Ce document aurait également un effet sécurisant pour l'administration du SMV qui pourrait se projeter à moyen terme dans sa gestion du dispositif et s'organiser pour mettre en oeuvre les évolutions souhaitées par le pouvoir politique.
C. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LE RÔLE DES VOLONTAIRES EXPERTS
Le SMV constitue un dispositif qui emploie des militaires et qui ne poursuit pas un but directement utile au fonctionnement des armées. En effet, seuls 2 % des volontaires stagiaires rejoignent les armées à la suite de leur SMV.
A contrario, les volontaires experts présentent un double intérêt du point de vue des armées : ils participent au fonctionnement du dispositif et allègent donc la pression sur les ressources humaines des armées et 35 % d'entre eux rejoignent un corps en uniforme à la suite de leur engagement.
Une réflexion sur la proportion de volontaires experts à recruter et sur les moyens de renforcer leur intégration aux armées à la suite de leur contrat mérite donc d'être menée. Le rapporteur espère qu'elle pourra l'être dans le cadre de la programmation pluriannuelle qu'il appelle par ailleurs de ses voeux.
D. UNE COORDINATION AVEC LES AUTRES DISPOSITIFS DE FORMATION DE LA JEUNESSE ET UNE MEILLEURE COMMUNICATION INSTITUTIONNELLE SONT SOUHAITABLES
Dispositif de petite taille, le SMV est un programme d'accompagnement des jeunes vers l'emploi extrêmement intense, avec des résultats probants et une capacité à s'adresser à un public très difficile. À ce titre, il a toute sa place au sein du panel des différents dispositifs d'accompagnement des jeunes vers l'emploi. Il est cependant peu connu, notamment de la part de deux organismes prescripteurs essentiels : les missions locales et Pôle emploi.
Le rapporteur spécial appelle donc à une meilleure coordination du SMV avec les autres dispositifs jeunesse et à une communication institutionnelle du ministère du travail sur le SMV afin que les agents en charge d'orienter les jeunes connaissent ce dispositif et puissent diriger vers ce dernier les personnes pour lesquelles un dispositif particulièrement intensif est adapté.
* 1 Dennis Anne, Sylvain Chareyron, Yannick L'Horty. Les effets du Service Militaire Volontaire sur l'insertion des jeunes : un bilan complet après deux années d'expérimentation. 2019. hal-02333857.
* 2 Dispositif outre-mer équivalent au SMV. Le SMV est la transposition du SMA sur le territoire métropolitain.