D. LA NÉCESSAIRE (RE)CONSTITUTION DE CAPACITÉS DE SOUTIEN MÉDICAL SUR LES THÉÂTRES D'OPÉRATIONS ADAPTÉES AUX CONFLITS DE HAUTE INTENSITÉ
Plusieurs leviers capacitaires sont identifiés pour amener le dispositif de soutien médical opérationnel au niveau requis par la haute intensité.
1. Pour se préparer à un engagement majeur, la priorité est de reconstituer la capacité de déployer des hôpitaux de campagne
La reconstitution d'une capacité à déployer un hôpital de campagne à l'arrière du front constitue une priorité pour préparer le SSA à un engagement majeur.
Cette capacité, qui fait aujourd'hui défaut, revêt en effet une importance primordiale pour faire face à un afflux massif de blessés sur le champ de bataille et permettre le maintien des forces sur la longue durée.
La LPM 2024-2030 prévoit de doter le SSA à horizon 2025 de groupements médico-chirurgicaux (GMC) sous tentes, adaptés à des engagements de 5 000 hommes et des pics de haute intensité. Le coût d'un GMC est évalué à 6 millions d'euros.
La reconstitution d'une structure sous tente de 50 à 80 lits permettant de soutenir un engagement de forces de niveau divisionnaire (15 000 hommes) est quant à elle prévue pour 2030, horizon qui paraît tardif au regard de l'enjeu et du contexte géostratégique.
À l'avant, les structures médico-chirurgicales sous tentes dont disposent aujourd'hui le SSA, qui étaient au coeur du dispositif de médicalisation au plus près du lieu de blessure déployé dans le cadre d'une intervention type Barkhane, sont mal adaptées aux exigences de mobilité qui s'appliquent à la manoeuvre terrestre dans un contexte de haute intensité. La LPM prévoit à ce titre l'acquisition de structures sur roues.
2. Le renforcement des différentes capacités d'évacuations médicales doit être poursuivi
Le renforcement en cours de la capacité d'évacuation médicale (MEDEVAC) est également nécessaire et pourrait être accéléré.
Sa composante aérienne (dispositif Morphée), reposant sur les A330 MRTT et A330 UAG, doit poursuivre sa montée en puissance, avec notamment l'objectif d'une harmonisation des matériels d'évacuation pour l'ensemble des appareils, afin de pouvoir notamment les appliquer aux A400 M. Elle permet d'opérer des évacuations stratégiques (STRATEVAC) soit vers l'hexagone, soit vers les porte-hélicoptères amphibie (PHA) et le porte-avions Charles de Gaulle, qui disposent d'infrastructures médico-chirurgicales. Dans le cadre de l'opération Barkhane, la doctrine du SSA privilégiait des évacuations stratégiques systématiques et précoces.
Le renforcement de la composante terrestre, liée au programme Scorpion et passant par le déploiement des véhicules blindés Griffon SAN et Serval SAN, est d'autant plus indispensable qu'elle constitue la modalité préférentielle d'évacuation dans un contexte de haute intensité. Si, dans le cadre d'opérations type Barkhane, la maîtrise du ciel permettait le recours systématique à des évacuations stratégiques vers la métropole, il en va différemment dans le cadre d'un conflit marqué par la contestation de l'espace aérien.
Au vu de ces enjeux, il convient d'accélérer ce programme d'équipement, dont le déploiement est tardif par rapport au reste du programme Scorpion. L'évaluation technico-opérationnelle du Griffon SAN n'a été conduite qu'en octobre 2022 et les premiers exemplaires doivent être livrés en 2023, soit quatre ans après la livraison du premier Griffon. Alors que les premiers Serval ont été livrés en mai 2022, le Serval SAN est quant à lui en cours de développement et sa qualification devrait intervenir d'ici à la fin de l'année 2023.
3. La chaîne de ravitaillement médical doit être modernisée
Pour être en mesure répondre aux besoins d'un engagement, majeur, la chaîne logistique de ravitaillement en produits de santé doit être modernisée.
Cela suppose notamment une remise à niveau de ses infrastructures sur le territoire national. Il convient en effet d'optimiser les établissements du ravitaillement médical (RAVMED) pour les préparer à absorber une augmentation d'activité pour la constitution des unités médicales opérationnelles (UMO) et l'augmentation des flux associés.
Si la modernisation de l'ESRA de Marseille est en cours et devrait être achevée pour 2025, le projet de construction d'une plateforme logistique automatisée au sein de l'ESRA de Marolles, représentant un coût estimé à 65 millions d'euros, constitue l'un des chantiers prioritaires identifiés par le SSA en la matière. La LPM prévoit sa mise en oeuvre pour 2028.
4. La mise à l'étude de certains modes d'action sanitaire innovants doit être favorisée
Pourrait enfin être favorisée la mise à l'étude de certains modes d'action innovants.
L'un des enjeux identifiés est le développement de la coopération entre les soignants projetés en opérations - qui ne sauraient être spécialistes de l'ensemble des blessures et pathologies auxquelles ils sont confrontés - et les spécialistes en HIA, via la télémédecine. Le développement de la télé-chirurgie, technologie permettant de réaliser une intervention chirurgicale à distance au moyen d'un robot, pourrait également être d'un grand intérêt pour les armées.
En matière de ravitaillement médical, le développement d'une capacité d'approvisionnement vers l'avant de produits sanguins par drone doit également être envisagé. Il convient de rappeler à cet égard que le développement des drones constitue l'une des priorités de la LPM 2024-2030 avec 5 milliards d'euros prévus à ce titre sur la période.
Pour accompagner de telles innovations, un effort budgétaire en faveur des systèmes d'information et du numérique est indispensable. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, la LPM prévoit une augmentation conséquente des crédits afférents, qui seraient en 2030 plus de deux fois supérieurs à leur niveau de 2018 (voir graphique ci-dessous).
Évolution des dépenses du SSA en
faveur des systèmes d'information
et du numérique
(en millions d'euros)
Note : de 2014 à 2022 : montants exécutés ; en 2023 : montant prévus en LFI ; de 2024 à 2030 : programmation LPM.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Recommandation n° 5 : élever le soutien médical sur les théâtres d'opérations au niveau requis par la haute intensité en accélérant la constitution de capacités de médicalisation vers l'arrière et d'évacuation médicale, en modernisant la chaîne de ravitaillement en produits de santé, et en favorisant la mise à l'étude de modes d'action innovants (ministère des armées).