C. LES REPRÉSENTANTS NON-INDÉPENDANTISTES ONT ACCEPTÉ LE PRINCIPE DE RÉÉQUILIBRAGE ET LES DÉROGATIONS AU PRINCIPE MAJORITAIRE POUR QUE TOUTES LES FORCES POLITIQUES PUISSENT S'EXPRIMER

Afin de garantir le succès de l'architecture institutionnelle dessinée par l'accord de Nouméa, les responsables non-indépendantistes ont également consenti des concessions dont le principe n'a pas été remis en cause depuis vingt-cinq ans.

Dans la continuité des accords de Matignon-Oudinot, l'accord de Nouméa consacre le principe de rééquilibrage entre l'État et la Nouvelle-Calédonie mais aussi entre les Kanaks et les autres Néo-Calédoniens. Son préambule affirme ainsi que « le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage ». Au plan institutionnel, ce concept s'est traduit par une clef de répartition des ressources budgétaires entre les différentes provinces volontairement déséquilibrée au regard de leur poids démographique. L'article 181 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 a ainsi fixé la clef de répartition de la dotation de fonctionnement versée par la Nouvelle-Calédonie aux trois provinces : la province Nord et la province des Iles bénéficient respectivement de 32 % et de 18 % de cette dotation contre 50 % pour la province Sud qui concentrait pourtant déjà à l'époque plus des deux tiers de la population10(*), afin de permettre aux provinces Nord et des Iles, où se concentrait la majorité de la population kanak, de se développer.

Malgré la persistance du débat concernant la nécessité de réviser la clef de répartition pour prendre en compte les déséquilibres démographiques croissants entre les trois provinces11(*) qui posent un enjeu d'égalité devant le service public de tous les Néo-Calédoniens, aucune des parties de l'accord de Nouméa ne remet aujourd'hui en cause le principe même du rééquilibrage.

Les non-indépendantistes, comme les indépendantistes, ont également accepté de participer au jeu démocratique et de prendre part à la vie institutionnelle sans jamais remettre en cause les grands principes de celle-ci, qu'il s'agisse de la collégialité du gouvernement, de la répartition des sièges au Congrès ou de la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes. Dans ce cadre, les responsables non-indépendantistes ont consenti des dérogations au principe majoritaire afin de permettre aux élus indépendantistes d'être pleinement associés à l'exercice du pouvoir politique. Les élus des provinces Nord et des Iles sont ainsi surreprésentés au Congrès par rapport au poids démographique de leur collectivité, ce qui leur a permis de déclencher, à trois reprises, l'organisation d'une consultation d'autodétermination12(*) et de faire élire un responsable indépendantiste, Roch Wamytam, à la tête de cette institution depuis 2019. Le principe d'un exécutif collégial élu par le Congrès, affirmé par l'accord de Nouméa, témoigne aussi de cette volonté d'associer responsables indépendantistes et non-indépendantistes à l'exercice du pouvoir. La collégialité a ainsi permis aux élus indépendantistes, longtemps minoritaires, de participer à l'exercice du pouvoir exécutif et d'en assumer la présidence, l'institution étant dirigée par Louis Mapou depuis 2021.


* 10  https://www.insee.fr/fr/statistiques/1560282

* 11 Cette clef de répartition n'a pas été modifiée alors que la province Sud concentre aujourd'hui
65 % de la population, dont la majorité des Kanaks (52 % en 2019). Source : 
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4464927?sommaire=2122859

* 12 L'article 5 de l'accord de Nouméa prévoit qu'au cours du quatrième mandat du Congrès, celui-ci détermine, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, la date de la première consultation d'autodétermination. Si la réponse des électeurs à ces propositions est négative, le tiers des membres du Congrès peut provoquer l'organisation d'une nouvelle consultation. Si la réponse est à nouveau négative, une nouvelle consultation peut être organisée selon la même procédure.