B. UNE PROCÉDURE TROP ANNUALISÉE ET MANQUANT DE TRANSPARENCE
1. La procédure budgétaire apparaît peu transparente pour les Offrob
a) Une procédure budgétaire marquée par une implication limitée des organismes concernés
Si la procédure budgétaire apparaît relativement légère pour les organismes concernés, il est toutefois remarquable que - comme c'est d'ailleurs le cas pour les opérateurs de l'État - l'implication des organismes est assez limitée dans la détermination du montant de subvention. Les organismes présentent et justifient leurs besoins aux administrations qui en assurent la tutelle, mais n'interviennent jamais devant le pouvoir politique, décisionnaire pour les arbitrages.
b) Des décisions budgétaires insuffisamment justifiées par la tutelle
Il ressort des auditions conduites un manque de transparence et de justification ressenti par les organismes et fonds financés par les régimes obligatoires de base.
À compter de la fin du dialogue de gestion, avant le début de l'été, les organismes ne sont, pour ainsi dire, plus véritablement associés aux décisions prises sur leur budget. Auditionné, un organisme évoque un long tunnel de plusieurs mois, sans information entre la fin du dialogue de gestion et le rendu de l'arbitrage budgétaire en octobre. Auditionnée, l'ABM estime également que l'information quant aux sous-jacents de la fixation du montant de subvention attribué pourrait être utilement renforcée.
La notification du montant de dotation accordé n'est pas toujours assortie des justifications ayant conduit à cet arbitrage, ce qui peut mener à une forme d'incompréhension par les organismes dont les demandes en crédit n'ont pas été satisfaites.
2. Une procédure budgétaire marquée par l'annualité, qui empêche un pilotage adéquat
a) Un financement annuel, décidé au coup par coup
Les décisions sur les subventions accordées sont, en vertu du principe d'annualité budgétaire, prises année par année par le pouvoir politique.
Si ce principe est au coeur des préceptes du droit budgétaire, il n'en reste pas moins critiqué : il constitue en effet un frein à une vision de moyen terme voire de long terme de la gestion des établissements publics, qui peut pourtant être gage d'efficience. De plus, il peut ajouter de l'insécurité sur les ressources des organismes, et être un obstacle à l'établissement de projets pluriannuels coûteux, notamment en matière d'investissement.
Par conséquent, il existe des aménagements du principe d'annualité. Sans jamais prendre l'ascendant sur les choix budgétaires annuels, une trajectoire pluriannuelle des comptes publics est ainsi dessinée en loi de programmation des finances publiques (LPFP), avec, dans le cas des missions du budget de l'État, des plafonds triennaux.
En outre, la LFSS de l'année comprend une annexe votée par le Parlement qui fixe une trajectoire quadri-annuelle de l'Ondam.
En matière de financement des Offrob, c'est une vision strictement annuelle qui prévaut, à l'exception des deux fonds financés par la branche AT-MP.
Il est néanmoins notable que, depuis 2021, un élément de pluriannualité a été ajouté : les tutelles financières demandent désormais, dans la phase 1 de l'établissement du budget mentionnée ci-avant, la production de prévisions de comptes pluriannuelles par les organismes, pour davantage prendre en compte les besoins de moyen terme des Offrob dans la détermination du montant de la subvention qui leur sera allouée.
b) Une demande forte de visibilité
Ce dernier élément n'a toutefois, à ce stade, pas emporté la communication par la DSS aux différents Offrob d'une trajectoire pluriannuelle, même strictement indicative, dans le montant de dotation envisagé.
Il s'agirait pourtant là d'un aménagement adéquat du principe d'annualité : cette trajectoire indicative ne saurait prendre le pas sur les décisions budgétaires annuelles, mais elle permettrait aux organismes de disposer d'un ordre d'idées de leurs ressources futures, et d'avoir davantage de visibilité dans la réalisation de ses projets de moyen terme.
Dès lors, la possibilité de disposer d'une vision pluriannuelle sur les subventions versées serait très valorisée par la plupart des Offrob auditionnés.
L'ABM estime, par exemple, qu'une telle évolution serait logique, tandis que l'EHESP la jugerait « fortement utile » et le CNG « nécessaire », notamment dans la conduite de projets d'investissement. La HAS considère même que le « manque de vision pluriannuelle rend difficile le pilotage financier de l'institution », tandis que l'Atih le juge « regrettable ».
Certains organismes, comme l'ANSM ou l'Atih, insistent également sur l'incohérence entre l'exigence de produire, dans l'étape 1 de la budgétisation, des prévisions de comptes pluriannuels pour l'information des tutelles, et le caractère strictement annuel de la notification de la dotation.
Dans son rapport sur l'ANSM fait en 2019 pour la commission des affaires sociales du Sénat26(*), la Cour des comptes mentionnait déjà les avantages que pouvait revêtir une trajectoire de crédits pluriannuelle et indicative pour les agences concernées. « Pour remédier à l'imprévisibilité de ses ressources et éviter tout effet d'attrition sur son activité (qui serait préjudiciable pour maintenir le rang européen de l'ANSM en Europe, en matière d'autorisation de produits innovants comme en matière d'inspection et de contrôle), il est nécessaire de définir une trajectoire pluriannuelle de la subvention de l'État à l'ANSM, en lien avec des objectifs stratégiques, notamment de croissance de l'activité ».
La DSS exprime ses craintes : « une telle évolution impliquerait des travaux préalables importants, tant sur le plan même du principe de pilotage de ces opérateurs que sur les aspects techniques », il semble donc souhaitable, au vu des attentes des opérateurs et des enjeux de bonne gestion publique associés, d'engager ces travaux afin que la DSS fournisse aux Offrob une trajectoire pluriannuelle indicative des montants de dotation que chacun serait susceptible de recevoir.
3. Le cas de l'ANDPC : un financement inscrit dans le COG de la Cnam qui pose question
Selon la contribution de l'ANDPC à la mission, « le financement de l'Agence est atypique puisqu'elle ne fait pas partie des opérateurs dont la subvention est fixée par la loi de financement de la sécurité sociale. La subvention est fixée une fois tous les 5 ans à chaque signature de la COG de la Cnam ».
En effet, le financement de l'ANDPC est porté par le fonds d'action conventionnel (FAC), dont la trajectoire est décidée dans le COG de la Cnam.
Ce mode de financement offre certes à l'ANDPC la possibilité de disposer d'une vision pluriannuelle sur son budget, mais il conduit surtout à maintenir dans le giron conventionnel le développement professionnel continu, à contre-courant de l'esprit de la loi n° 41-2016 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
Une intégration de la dotation à l'ANDPC dans le sixième sous-objectif de l'Ondam, comme l'ensemble des autres Offrob financés par la branche maladie, clarifierait également les modes de financement.
Interrogée, la DSS évoque des raisons historiques pour justifier le financement de l'ANDPC par le fonds d'action conventionnel. Elle estime que « le rattachement au sixième sous-objectif de l'Ondam ferait sens en terme de cohérence globale du financement des opérateurs nationaux des politiques de santé mais présenterait sans doute aussi une sensibilité particulière vis-à-vis des organisations représentatives des professions de santé concernées ».
* 26 Cour des comptes, « L'agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) », communication à la commission des affaires sociales du Sénat sur la base de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, novembre 2019. Ce rapport a été publié en annexe à un rapport d'information de la commission des affaires sociales du Sénat (Martine Berthet, « ANSM : Réarmer le gendarme de la sécurité sanitaire », rapport d'information n° 187 (2019-2020), 11 décembre 2019).