II. UN OUTIL À AMÉLIORER EN VUE D'ENCOURAGER UNE DIVERSIFICATION DES PRATIQUES CULTURELLES

La généralisation du dispositif semble avoir répondu aux attentes, au moins du point de vue quantitatif. Les rapporteurs spéciaux insistent néanmoins sur la nécessité d'un bilan qualitatif, visant à la fois l'adéquation du dispositif aux objectifs de diversité des pratiques et d'accès aux offres de proximité qui ont été assignés au volet individuel et à l'ambition affichée en termes d'éducation artistique et culturelle (EAC) s'agissant du volet collectif.

A. FAIRE DU PASS UN VÉRITABLE OUTIL DE POLITIQUE CULTURELLE

La création du pass répond à un postulat selon lequel l'argent constitue le principal frein à l'accès à la culture. S'il est évident que la situation financière constitue un biais important pour appréhender la question de l'inégalité culturelle chez les plus jeunes, elle ne saurait pour autant résumer le sujet. La notion de proximité est également essentielle : le dispositif perd de sa pertinence quand il est déployé dans des « zones blanches », marquées par l'absence d'infrastructures culturelles ou des difficultés d'accès au numérique (cf infra). La question sociale doit également être cernée. Le ressort tarifaire peut, en tout état de cause, casser une dernière barrière mais il suppose que les autres obstacles soient franchis. Le pass agit, en effet, en premier lieu comme un révélateur des inégalités sous toutes ses formes.

Il convient également de s'interroger sur la philosophie même du volet individuel du pass. Comme le met en avant le décret du 20 mai 2021, le dispositif accompagne une demande plus qu'il ne met en avant une offre. Sa logique prescriptive demeure relativement faible. Ce faisant, il prend le risque de confirmer les habitudes culturelles et s'avérer être un effet d'aubaine pour ceux qui ont déjà une pratique culturelle. L'algorithme qui structure l'application renforce cette impression, le point d'entrée dans l'application s'opère avant tout par le biais d'une recherche, plus que par une proposition.

Il est regrettable qu'aucun objectif n'ait été assigné à cette politique publique en matière de médiation culturelle, de diversification culturelle ou d'affirmation des droits culturels. Ce faisant, le ministère de la culture prend le risque de résumer le volet individuel du pass à une simple plateforme d'achat de biens et de services. Les rapporteurs spéciaux insistent pour qu'il soit plus éditorialisé afin de participer à la mise en place d'un véritable parcours culturel. Il apparait, en effet, indispensable qu'il contribue à faire évoluer des pratiques culturelles.

1. Le volet individuel du pass ne satisfait encore qu'imparfaitement l'objectif de diversification culturelle qui lui était assigné

46,5 % des achats des jeunes de 18 ans via le pass en 2022 ont été orientés vers le livre. Le taux est encore plus élevé pour les moins de 18 ans (63,5 %).

Le cinéma, l'achat d'instruments de musique, les spectacles musicaux et la musique enregistrée constituent, à des degrés moindres, les autres priorités d'utilisation du pass. Les rapporteurs spéciaux relèvent deux grands absents : le spectacle vivant et les musées. S'agissant de ces derniers, seuls 650 musées figurent parmi les offreurs, le réseau muséal français comportant environ 1 200 structures. En ce qui concerne le spectacle vivant, le contexte sanitaire a longtemps constitué un frein.

Répartition des réservations par secteur en fonction des montants dépensés en 2022 - Part individuelle

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la SAS Pass Culture

La priorité accordée au livre tend néanmoins à décliner avec le temps comme en témoigne la répartition des réservations depuis le début de l'année 2023.

Répartition des réservations par secteur en fonction des montants dépensés
entre janvier et avril 2023 - Part individuelle

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la SAS Pass Culture

Cette réorientation progressive des réservations dénote une meilleure appréhension du dispositif par les jeunes, avec une disparition des achats massifs et une approche moins impulsive. La baisse de la part du manga (70 % des acquisitions de livres en 2021 contre 38,5 % aujourd'hui) en témoigne comme l'évolution des pratiques en matières cinématographiques : 3 films Art et Essais font ainsi partie des 20 premiers films vus au moyen du pass. Afin d'accompagner cette tendance à la diversification, la SAS Pass Culture mise sur :

- la création de playlists spécialisées ;

- la mise en place d'évènements exclusifs pour les jeunes utilisateurs, en partenariat avec les structures culturelles ;

- la création d'une communauté autour du pass, avec la nomination de jeunes ambassadeurs.

Des efforts doivent également être menés par les offreurs, notamment dans les secteurs du spectacle vivant et du patrimoine, afin d'élaborer une stratégie d'ouverture au jeune public, plus accessible que la communication habituellement mise en oeuvre.

Les rapporteurs spéciaux ont conscience que si le pass Culture apparaît comme un indicateur des pratiques culturelles des jeunes, il ne saurait cependant résumer celles-ci. La population concernée peut, en effet, passer par d'autres biais pour accéder à la culture (collectivités territoriales, famille etc). Ils constatent néanmoins que l'objectif de diversification a été assigné dès l'origine au pass et souhaitent donc que des dispositions soient prises à cet effet.

Un outil calculant la diversification des pratiques sur l'application est actuellement en cours de développement par la SAS en lien avec un laboratoire de recherche de l'École normale supérieure. Il permettra de documenter un peu plus les difficultés rencontrées. En attendant, la mise en place d'un sous-plafond, à l'image de celui mis en oeuvre pour les achats numériques, pourrait ainsi constituer une option en vue d'assurer un plus grand éventail de réservations.

L'élaboration d'une politique de l'offre apparait également indispensable. Elle pourrait prendre la forme d'offres combinées, permettant, en cas d'achat d'un livre par exemple, de flécher une partie des crédits restants vers l'acquisition d'un billet de spectacle, d'un ticket de cinéma ou d'un support audiovisuel illustrant un environnement proche du thème du livre ou proposant une variation autour des thèmes abordés.

Recommandation n° 2 (ministère de la culture, SAS Pass Culture) : Afin de concourir à l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass Culture, mettre en place, au sein du volet individuel, des parcours de réservation, fléchant les crédits restants après une réservation vers une ou plusieurs offres en lien avec l'univers abordé par le premier achat et introduire des plafonds par catégorie d'offre.

Au-delà de la question de la médiation culturelle, un accent doit également être mis sur l'accès des jeunes non-scolarisés au pass. Pour l'heure, on observe une réelle surpondération des lycéens et des étudiants parmi les jeunes ayant ouvert un compte. Seuls 7,3 % de 18 ans inscrits sur l'application ont ainsi déclaré ne pas être scolarisés. Ce ratio est plus faible que le nombre de jeunes non-scolarisés rapporté à l'ensemble de la population visée.

Utilisation du pass Culture par les jeunes non-scolarisés

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Des partenariats développés avec les acteurs de l'éducation populaire, de la solidarité et du lien social sont, d'après le ministère de la culture et la SAS Pass Culture, mis en oeuvre afin de répondre à ce défi. Cet appui apparaît indispensable. Il convient en effet de relever que pour les plus jeunes, une fois inscrits sur l'application, l'utilisation du pass est relativement plus importante, preuve de sa pertinence.

Activité des jeunes scolarisés et non-scolarisés actifs
sur l'application Pass Culture

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la SAS Pass Culture

Recommandation n° 3 (ministère de la culture, SAS Pass Culture) : Renforcer les actions de communication à destination des jeunes non-scolarisés afin qu'ils puissent se saisir de ce dispositif et contribuer ainsi à leur émancipation culturelle.

2. La question géographique

Une analyse plus détaillée du déploiement du dispositif met en avant des différences notables entre régions et rappelle la persistance d'inégalités territoriales en matière d'accès aux infrastructures culturelles. Le cas est particulièrement patent au sein de certains territoires ultramarins ou à dominante rurale.

Taux de couverture par région et par catégorie d'âge

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données transmises par la SAS Pass Culture

Les auditions menées par les rapporteurs spéciaux ont souligné l'impact de l'éloignement géographique sur le déploiement du pass Culture. La SAS a tenté d'y répondre en nommant des représentants au sein de chacune des régions. La fonction développement territorial a d'ailleurs été la première à se structurer en interne, dès 2021. Cette direction est d'ailleurs en croissance, avec un effort porté sur les territoires ultra-marins.

Une solution à cet obstacle pourrait consister en l'intégration dans les offres d'un forfait transport vers les infrastructures culturelles. Cette option séduisante présente, selon le ministère de la culture, un risque de non-compatibilité avec la réglementation européenne en matière d'aides d'État. Plus largement, la question des transports relève de la compétence des collectivités territoriales. Enfin, l'intégration d'un forfait transport ne présente pas toutes les garanties d'équité : là où les jeunes qui ne rencontrent pas de problématique de transport pourront utiliser tout leur crédit en dépenses culturelles, d'autres devront consacrer une part plus ou moins importante de ce même crédit au transport, ce qui limitera mécaniquement le nombre et la diversité des pratiques auxquelles ils pourront accéder.

Les rapporteurs spéciaux relèvent cependant qu'une expérimentation devrait être menée en région Grand Est, en vue de faciliter le financement de transports associés à un usage de la part collective du pass. Ils souhaitent que ce projet soit décliné au niveau du volet individuel. Ils notent que même si un risque d'iniquité peut se faire jour, il reste moins problématique que celui d'une non-utilisation des crédits dédiés. L'intégration d'une dimension transport doit également permettre une meilleure utilisation du dispositif par les jeunes handicapés.

Recommandation n° 4 (ministère de la culture, ministère de l'éducation nationale, SAS Pass Culture) : Intégrer un volet transport dans les offres présentées sur la plateforme pass Culture afin de faciliter l'accès aux infrastructures culturelles aux jeunes éloignés de celles-ci ou handicapés.

La question de l'éloignement est particulièrement prégnante en milieu rural. Les rapporteurs spéciaux notent avec intérêt que les jeunes ruraux - comme ceux des quartiers des politiques de la ville - sont aussi nombreux à utiliser le pass Culture que leur poids dans la population générale. L'idée d'un moindre recours peut donc être écartée. Les différences d'environnement culturel conduisent néanmoins à une utilisation moins intensive. Afin de répondre à ce défi, des solutions pour les jeunes ruraux sont actuellement en cours d'expertise, parmi lesquels :

- la mise en avant plus poussée des offres sur les territoires concernés ;

- le renforcement des partenariats avec des acteurs culturels présents dans les territoires ruraux et dans les villes de taille plus petite : maisons de la presse, cinémas itinérants etc.

Un travail sur le développement d'offres « duo » est également en cours en vue de permettre aux jeunes de se déplacer avec un accompagnant au sein de lieux culturels. Les rapporteurs spéciaux appuient cette initiative et invitent à la concrétiser rapidement.

Recommandation n° 5 (ministère de la culture, SAS Pass Culture) : Dans le cadre du volet individuel, développer, dans les zones les plus éloignées des infrastructures culturelles, des offres duo, permettant aux jeunes d'accéder à un lieu culturel avec un accompagnant.

3. Le volet collectif : un dispositif encore perfectible

La part collective illustre de façon générale une toute autre approche de l'utilisation du pass Culture., que celle constatée dans l'utilisation de la part individuelle.

Répartition des réservations par secteur en fonction des montants dépensés -
Part collective

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la SAS Pass Culture

91 % des collèges et lycées publics de l'Académie de Versailles ont activé la part collective du pass6(*). Si le dispositif semble apprécié notamment en termes de gestion (absence de gestion financière directe et donc d'édition de factures et d'attestation de services faits), plusieurs éléments semblent encore grever son développement :

- l'absence de moyens de transports pour les établissements enclavés (cf supra) ;

- la concurrence d'autres dispositifs publics (collectivités territoriales ou cités éducatives7(*)) ;

- l'absence de référencement de leurs intervenants habituels en matière d'éducation artistique et culturelle (EAC) sur l'application Pass Culture ;

- l'absence de nomination d'un professeur référent culture.

Ce constat démontre la perfectibilité du dispositif mis en oeuvre, qu'il s'agisse de la plateforme de référencement, de la formation des enseignants à ce nouveau dispositif voire de celle des offreurs.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux notent que les apprentis et les jeunes en contrat de professionnalisation ne bénéficient pas encore du dispositif. La priorité doit être portée sur ce public avant toute extension aux élèves en école élémentaire, comme actuellement envisagée.

Recommandation n° 6 (ministère de la culture, ministère de l'éducation nationale, SAS Pass Culture) : Ouvrir le volet collectif du pass aux jeunes en apprentissage ou en contrat de professionnalisation afin de permettre à ceux-ci de bénéficier d'un parcours d'éducation artistique et culturelle.

a) Faciliter le référencement des acteurs culturels

L'application ADAGE (Application dédiée à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle), constitue aujourd'hui la porte d'entrée pour les enseignants pour la mise en oeuvre du volet collectif du pass. Administrée par la mission éducation artistique et culturelle (MEAC) de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l'éducation nationale, elle est utilisée pour :

- élaborer des projets d'éducation artistique et culturelle (EAC), les recenser et rendre lisible le volet culturel du projet d'établissement ;

- attester du parcours individuel de chaque élève ;

- consulter l'annuaire géolocalisé des partenaires et intervenants référencés et les offres collectives du pass Culture, en vue de les réserver et de les associer à des projets d'EAC

Les acteurs culturels doivent utiliser exclusivement la plateforme pass Culture pro pour être référencés. Une fois le référencement obtenu, leur offre est automatiquement basculée sur l'application ADAGE.

Le référencement est automatique s'agissant :

- des établissements publics sous tutelle du ministère de la culture, d'un établissement de l`enseignement supérieur ou laboratoire de recherche sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ou d'un établissement public national proposant des actions d'EAC ;

- des structures labellisées par le ministère de la culture, conventionnées avec lui ou ayant bénéficié d'un soutien de la direction régional des affaires culturelles au cours des trois dernières années ;

- des structures conventionnées avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse pour proposer des actions d'EAC, ou disposant d'un agrément ou du haut patronage de ce ministère ;

- des structures culturelles gérées par une collectivité territoriale ;

- d'une organisation internationale ;

- des cinémas disposant d'une autorisation d'exercice accordée par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ;

- d'un établissement dont l'objet principal est la vente au détail de livres neufs ;

- d'une structure relevant du champ de l'éducation populaire, disposant d'un agrément d'éducation populaire et bénéficiant d'un conventionnement avec le ministre de la culture.

Si l'acteur culturel ne correspond pas à ces critères, son dossier est alors présenté devant une commission régionale, présidée par le recteur de la région académique et composée d'un délégué académique à l'éducation artistique (DAAC) et du directeur régional des affaires culturelles (DRAC)8(*). Les dossiers examinés concernent les structures établies sur le territoire de l'académie. Un avis prenant en compte l'expertise artistique, scientifique et culturelle de l'offreur, sa capacité de médiation vers les enseignants et leurs élèves et son habileté à élaborer des projets EAC (rencontre, pratique et connaissances) en co-construction avec les enseignants est, en principe, rendu dans les deux mois. Il convient de préciser à ce stade que le référencement porte sur les qualités de l'offreur et non sur l'offre.

Le ministère de la culture reconnaît que les commissions régionales ont dû faire face à un afflux de dossiers, lié à l'« appel d'air » qu'a pu constituer le lancement rapide du volet collectif. Des retards dans le référencement ont pu logiquement être constatés. Ces délais de réponse atteignant 8 mois ne sont pas sans incidence financière pour certaines structures pour lesquelles les projets d'EAC représentent entre un tiers et la moitié de leurs revenus (le cas est particulièrement patent pour les artistes auteurs).

Les rapporteurs spéciaux ont été alertés sur les difficultés administratives rencontrées par certains offreurs à pouvoir être référencés. Les travailleurs indépendants, à l'image des artistes-auteurs9(*), sont, notamment, concernés. Un vademecum a été publié par les deux ministères concernés et devrait être actualisé pour la rentrée 2023.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent que celui-ci prenne spécifiquement en compte la situation particulière des indépendants. Une motivation devrait également être jointe aux refus de référencement. Il convient de retrouver la fluidité antérieure au lancement du pass. Les enseignants prenaient alors contact avec les partenaires artistiques et culturels repérés pour leurs projets. Les financements se faisaient sur fonds propres de l'établissement agrémentés de subventions des instances de tutelle (conseil régional ou conseil départemental). Il serait regrettable que la manne supplémentaire représentée par le pass vienne gripper un système jusqu'alors efficace.

Recommandation n° 7 (ministère de la culture, ministère de l'éducation nationale) : Dans le cadre du volet collectif, réunir plus régulièrement les commissions régionales chargées du référencement des offreurs sur les plateformes Pass Culture et ADAGE, afin de permettre aux structures les plus dépendantes des activités liées à l'éducation artistique et culturelle d'être rapidement en situation de présenter des offres, et motiver, par ailleurs, d'éventuels refus.

b) Éviter les distorsions de concurrence

La territorialisation du référencement des acteurs culturels au sein d'ADAGE fait également figure de priorité. Tous les intervenants et toutes les structures culturelles référencées par les commissions régionales sont en effet visibles sur l'ensemble du territoire national sans prise en compte des réalités locales.

Le référencement devrait donc intégrer un périmètre d'intervention sauf à créer des distorsions de concurrence entre offreurs, au profit de ceux disposant de plus de moyens.

Ce référencement amélioré doit aller de pair avec une aide aux offreurs aux fins de structuration. Certains acteurs culturels indiquent ainsi ne pas toujours disposer des ressources humaines nécessaires pour répondre aux demandes des équipes pédagogiques ou même inscrire les propositions sur la plateforme pass culture. Sur les 2 100 acteurs culturels référencés sur ADAGE en Île-de-France, 700 n'ont toujours pas de compte pass culture, le long temps de mise en ligne pouvant être dissuasif pour des équipes administratives parfois très réduites ou à mi-temps.

Recommandation n° 8 (ministère de la culture, ministère de l'éducation nationale) : Afin d'éviter les distorsions de concurrence entre offreurs et de mieux prendre en compte les réalités locales, accompagner les plus petits d'entre eux aux fins de structuration de leurs offres sur les plateformes ADAGE et Pass Culture et territorialiser les offres sur la plateforme d'ADAGE pour que celle-ci ne soit pas qu'un simple annuaire national.

c) Une meilleure formation du personnel scolaire

L'Académie de Versailles a mis en place un guide d'accompagnement à l'intention des chefs d'établissements. Cette initiative doit être saluée et étendue au niveau national. Il s'agirait de faciliter ainsi :

- le développement d'une véritable stratégie d'utilisation de la dépense par cycle d'enseignement et par typologie de projet. Les actions ne seraient pas juxtaposées mais mises en cohérence avec un projet d'établissement ;

- la discussion sur les choix des offres et d'éviter une déresponsabilisation liée à l'usage de la plateforme ADAGE. Celle-ci est une base de référencement, elle ne peut constituer une caution pédagogique ;

- une meilleure connaissance des tarifs proposés par les structures culturelles.

Recommandation n° 9 (ministère de l'éducation nationale) : Mieux former les personnels scolaires à l'utilisation du volet collectif du pass Culture afin de renforcer la cohérence du dispositif avec les projets d'établissements en matière d'éducation artistique et culturelle.

d) Mieux articuler volet collectif et volet individuel

Les rapporteurs spéciaux se sont interrogés sur un éventuel rééquilibrage entre volet individuel et volet collectif tant le second semble plus enclin à atteindre l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass. Avant d'en arriver à une telle solution, il convient de développer tous les outils incitatifs possibles.

S'agissant des applications ADAGE et Pass Culture, il pourrait être envisagé que les propositions retenues dans le cadre de la part collective apparaissent en priorité sur le compte individuel Pass Culture afin que celui-ci puisse poursuivre, s'il le souhaite, le parcours de découverte initié en classe. Dans le même temps, ADAGE pourrait indiquer le nombre et le type d'actions proposées sur la part individuelle par le partenaire culturel référencé.

La mise en place d'« élèves ambassadeurs culture » au sein des établissements scolaires doit également permettre d'impliquer les élèves dans les choix de l'établissement mais aussi de les responsabiliser quant à l'usage de la part individuelle du pass. Ces ambassadeurs existent déjà au sein des établissements de l'Académie de Versailles (1 960). Une généralisation apparaît indispensable.

Recommandation n° 10 (ministère de la culture, ministère de l'éducation nationale) : Mieux articuler sur les plateformes Pass Culture et ADAGE les parcours de réservation individuels et collectifs, afin de renforcer la complémentarité des démarches et mettre en place, au sein des établissements scolaires, des élèves ambassadeurs du pass, en vue d'impliquer les élèves dans les projets collectifs et les responsabiliser s'agissant de l'utilisation de la part individuelle.

4. Un outil en devenir ?

Il conviendra également de contribuer à faire du pass une véritable plateforme en faveur de l'éveil artistique et culturel accessible aux jeunes qui ne seraient plus éligibles, si l'on entend que ce dispositif ne se résume pas à une offre limitée dans le temps.

La plateforme Pass Culture est d'ores et déjà accessible au grand public, sans crédit mis à disposition. La SAS Pass Culture comme la délégation générale à la transmission, aux territoires, et à la démocratie culturelle ont indiqué aux rapporteurs spéciaux les axes de développement en ce sens :

- une éditorialisation renforcée de l'application pour la transformer en une véritable plateforme de découverte culturelle, ouverte à tous ;

- contribuer à sa mutation en un véritable réseau social sur lequel les jeunes peuvent échanger, partager leurs goûts et recommandations ;

- référencer sur le site les offres gratuites en direction des jeunes adultes ;

- permettre aux jeunes de recharger eux-mêmes leur pass une fois les 20 ans atteints afin d'accéder à des offres spécifiquement dédiées à ce public.

Les rapporteurs spéciaux encouragent une telle évolution, tant elle permettrait de concourir aux objectifs ambitieux que le ministère de la culture s'assigne par ailleurs en matière d'éducation artistique et culturelle et de participation à la vie culturelle. Elle contribuerait de la sorte à renforcer l'efficience de la dépense publique en la matière.

Les collectivités territoriales s'appuient de leur côté sur leur tissu associatif pour mener à bien cette mission. La SAS Pass Culture pourrait également opérer de la sorte en se rapprochant des associations oeuvrant en ce sens au niveau local.

Recommandation n° 11 (ministère de la culture, SAS Pass Culture) : Afin de poursuivre l'objectif de renforcement de la diversification des pratiques culturelles chez les plus jeunes, faire de la plateforme un outil éditorialisé et d'échanges, ouvert aux jeunes adultes, avec la possibilité de recharger soi-même son pass une fois les 20 ans atteints pour accéder à des offres spécifiquement dédiées à ce public.


* 6 S'agissant des établissements privés, seuls 55 % d'entre eux au sein de l'académie de Versailles ont activé le volet collectif. Le financement privé des initiatives et la moindre historicité des politiques d'EAC justifient ce faible ratio.

* 7 Lancé en septembre 2019, le programme des cités éducatives a pour objectif de dynamiser les quartiers prioritaires de la ville (QPV) en les mobilisant autour de l'enjeu éducatif. Au nombre de 200 à fin 2022, elles mobilisent services préfectoraux, académiques et collectivités territoriales. Le programme bénéficie d'un financement de 230 millions d'euros. 700 000 jeunes sont concernés.

* 8 Arrêté du 20 septembre 2022 portant modification de l'arrêté du 6 novembre 2021 portant application du décret n° 2021-1453 du 6 novembre 2021 relatif à l'extension du « pass Culture » aux jeunes en âge d'être scolarisés au collège et au lycée.

* 9 Certains d'entre eux passent par le biais du Centre national du livre (CNL). 500 ont ainsi été sélectionnés par cet opérateur dans le cadre des « masterclass d'auteurs ». Le CNL rémunère l'auteur aux tarifs de la charte des auteurs et illustrateurs jeunesse soit 270,13 euros brut la demi-journée.

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