B. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU BRÉSIL : LA RÉAFFIRMATION D'UN LEADERSHIP RÉGIONAL, UNE AMBITION INTERNATIONALE RETROUVÉE ?

1. Après une période d'isolement sous la présidence Bolsonaro, un leadership régional retrouvé ?

Au niveau régional, les premiers mandats du Président Lula ont été marqués par l'affirmation progressive d'une « hégémonie consensuelle » brésilienne sur le sous-continent.

Cette stratégie régionale du Brésil s'est déclinée en deux volets : un volet économique, via un appui à l'élargissement et à l'approfondissement du Mercosur (marché commun du Sud), et un volet politique avec la création et le renforcement de l'Unasur (Union des nations sud-américaines).

Si, durant la présidence Bolsonaro, le Brésil s'est détourné de l'Amérique latine au profit d'un rapprochement avec les États-Unis, le Président Lula a clairement affirmé son souhait de relancer le processus d'intégration régionale. L'une des premières décisions prises par le nouvel exécutif a ainsi consisté à réintégrer la CELAC (Communauté d'États Latino-Américains et Caraïbes) le 5 janvier 2023. Dès le 23 janvier 2023, Lula s'est en outre rendu en Argentine pour assister au VIIe sommet de l'organisation. Enfin, le 30 mai 2023, un sommet des chefs d'État du continent sud-américain s'est réuni à Brasilia, témoignant de l'engagement du nouvel exécutif dans l'intensification des liens entre pays du sous-continent.

2. Une ambition internationale réaffirmée

Au début de la décennie 2010, sous l'impulsion du Président Lula qui avait fait du renforcement des relations Sud-Sud un axe fort de la politique étrangère brésilienne, le Brésil s'est imposé comme le porte-parole du « Sud Global », parvenant à en affirmer la place sur la scène internationale.

Cette volonté de rééquilibrage des relations internationales au profit des pays du Sud demeure un marqueur fort de la politique étrangère du Gouvernement Lula III. Dans le domaine économique et monétaire, celle-ci se traduit par un narratif appelant à une « dédollarisation » de l'économie mondiale, à une réforme de l'architecture financière internationale et à un assouplissement des conditions de remboursement des dettes des pays du Sud.

La politique étrangère brésilienne a cependant pu être perçue comme ambigüe, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine. Dans un entretien accordé au Time Magazine le 22 mai 2022 alors qu'il n'était encore que candidat, Lula a semblé renvoyer dos à dos les Présidents Poutine et Zelensky. S'il refuse d'appliquer des sanctions à l'encontre de la Russie tant que celles-ci n'auront pas été décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU - au sein duquel la Russie, membre permanent, dispose d'un droit de veto - ou de livrer des armes à l'Ukraine, le Brésil a cependant voté en faveur de la plupart des résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies. Le Brésil entend ainsi assumer un rôle de médiateur dans ce conflit, proposant la création d'un « club de la paix » qui réunirait des pays non occidentaux et servirait d'intermédiaire entre les belligérants.

L'évolution des relations entre l'UE et le Brésil dépendent quant à elles pour partie du futur de l'accord d'association négocié depuis 1999. Au cours des derniers mois, celui-ci a suscité un certain regain d'intérêt côté européen. Le 17 janvier 2023, la Présidente de la Commission européenne, Ursula van der Leyen a ainsi appelé depuis le Forum économique mondial à « relancer les débats en ce qui concerne l'accord du Mercosur ». Le Mercosur se montrerait en outre constructif sur l'instrument additionnel présenté par la Commission et aurait donné son consentement pour « débloquer » l'accord sans demander une réouverture des négociations.

Dans la perspective de sa présidence de l'Union européenne débutée le 1er juillet 2023, l'Espagne avait émis le souhait que les discussions puissent aboutir d'ici le sommet UE-CELAC des chefs d'État et de gouvernement qui se tiendra à Bruxelles les 17 et 18 juillet 2023. Ce calendrier, déjà optimiste en début d'année 2023, semble désormais peu vraisemblable compte tenu du report des négociations sur l'instrument additionnel.

S'il peut sembler excessif de considérer qu'un éventuel échec des discussions sur cet accord ancrera définitivement le Brésil à la Chine, compte tenu des relations commerciales qui existent déjà entre les deux pays, et si la mission ne méconnaît pas les problématiques soulevées par cet accord qui ont été bien rappelées par des résolutions ou projets de résolutions déposés à l'Assemblée nationale et au Sénat, elle considère qu'il convient de poursuivre les discussions sur ce sujet en prenant notamment en compte le volontarisme de Brasilia en matière environnementale, cet accord pouvant, à tout le moins, contribuer au renforcement du lien unissant le Brésil aux pays occidentaux.