N° 833

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur les conditions d'utilisation de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique,

Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE et M. Fabien GAY,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault, secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot.

L'ESSENTIEL

Le relèvement exceptionnel de l'Arenh, de 19,5 térawattheures (TWh), en mars 2022, a généré des comportements opportunistes de la part de fournisseurs alternatifs, avec 4 enquêtes lancées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Dans ce contexte, une mission d'information sur les conditions d'utilisation de l'Arenh a été confiée aux rapporteurs Dominique Estrosi Sassone (Alpes-Maritimes - Les Républicains) et Fabien Gay (Seine-Saint-Denis - Communiste, républicain, citoyen et écologiste), le 31 janvier 2023.

Dans ce cadre, les rapporteurs ont auditionné 45 personnalités issues de 25 organismes, recueillant ainsi le point de vue de l'ensemble des parties prenantes : les acteurs du marché (EDF et les fournisseurs alternatifs), de la régulation (la CRE, le Médiateur national de l'énergie - MNE, la Direction générale de l'énergie et du climat - DGEC, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - DGCCRF) ou de la consommation (les associations de consommateurs et les syndicats de l'énergie).

Au terme de leurs travaux, ils ont formulé 4 propositions, déclinées en 25 mesures législatives ou règlementaires opérationnelles, pour mieux contrôler et sanctionner les fraudes, mais aussi pour mieux les identifier et les prévenir ; elles ont été adoptées à l'unanimité par la commission, le 5 juillet 2023.

I. L'ARENH : UN DISPOSITIF PEU MODIFIÉ DEPUIS 2011, AYANT FAIT L'OBJET DE POSSIBLES FRAUDES EN 2022

Si l'Arenh est demeuré peu modifié depuis 2011, son relèvement a induit de possibles fraudes en 2022 et son devenir après 2025 est l'objet d'une réflexion.

A. UN DISPOSITIF PEU MODIFIÉ DEPUIS 2011

Depuis 20111(*), l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) consiste en un dispositif de régulation obligeant le groupe EDF à vendre une partie de sa production nucléaire aux fournisseurs alternatifs, aux gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité ainsi qu'aux entreprises locales de distribution (ELD), en contrepartie d'un prix, de 42 € / mégawattheure (MWh) et dans la limite d'un plafond, de 120 térawattheures (TWh). Il a été identifié comme mesure compensatoire à l'existence des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE), par la Commission européenne, en 20122(*). Son objectif est de favoriser la concurrence sur le marché de l'électricité, afin de faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc nucléaire existant et d'inciter les fournisseurs à développer de nouveaux moyens de production d'électricité.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée de proposer son prix et son volume global mais aussi de calculer, de répartir et de contrôler les volumes cédés. Les volumes d'Arenh sont calculés sur l'année n-1 et livrés sur l'année n, dans le cadre d'un guichet annuel. Lorsque les volumes demandés excèdent le volume maximal, la CRE procède à un écrêtement. Tous ces volumes tiennent compte de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, via un coefficient de bouclage. L'accord-cadre sur l'Arenh comprend environ 125 titulaires et 105 bénéficiaires en 2023. En 2022, 149,5 TWh d'Arenh ont ainsi été alloués, dont 119,5 pour les fournisseurs et 26,4 pour les gestionnaires et les ELD.

L'Arenh fait l'objet de deux dispositifs de contrôle a posteriori : les compléments de prix (CP). Si le volume demandé par un fournisseur excède ses droits théoriques, il est neutralisé par l'application du CP1, dont le produit est réparti entre les fournisseurs. Si ce volume excède ses besoins réels, au-delà d'une marge de tolérance de 10 %, le fournisseur est pénalisé par l'application du CP2, dont le produit est alloué à l'État.

L'Arenh fait aussi l'objet d'un dispositif de contrôle a priori ; en effet, depuis 20223(*), la CRE peut corriger le volume demandé par un fournisseur, s'il apparaît surestimé ou disproportionné.

Enfin, des sanctions existent, mises en oeuvre par le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS). Placé auprès de la CRE, ce comité indépendant peut mettre en demeure et réprimer les manquements des fournisseurs, dont l'abus d'Arenh. Il peut régler les différends dans l'accès aux réseaux, notamment d'électricité. Il peut interdire l'accès à ces réseaux, dans la limite d'un an, et appliquer une sanction, dans la limite de 8 % du chiffre d'affaires. Depuis 20224(*), le CoRDiS peut être saisi en urgence d'une demande d'interruption de livraison d'Arenh.

B. UN RELÈVEMENT AYANT INDUIT DE POSSIBLES FRAUDES EN 2022

Pour lutter contre la hausse du prix de l'électricité, le Gouvernement a procédé à un relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh, avec une livraison additionnelle de 19,5 TWh, à un prix de 46,2 € / MWh, d'avril à décembre 20225(*).

Ce relèvement, parfois qualifié d' « Arenh + », a contribué à contenir la hausse du prix de l'électricité pour les consommateurs résidentiels ou professionnels non éligibles aux TRVE : cette hausse n'a pas dépassé 6 %, contre 4 % pour ceux relevant des TRVE, selon la CRE.

En revanche, ce relèvement a eu un impact considérable, de 8,1 Mds €, pour le groupe EDF, qui a dû acheter des volumes au prix de 256,98 € / MWh pour les revendre à celui de 46,2 €. Au total, le groupe est exposé à l'Arenh à hauteur de 248 TWh, dont 146,4 liés aux livraisons d'Arenh, 70 valorisés dans ses offres de marché, 50 valorisés dans les TRVE et 3 vendus à ses filiales.

Pire, certains fournisseurs alternatifs sont soupçonnés d'abus d'Arenh. Ces abus correspondraient aux faits, pour un fournisseur, soit de surévaluer ses droits à l'Arenh, ce qui léserait l'ensemble des consommateurs6(*), soit de ne pas les répercuter, ce qui léserait ses propres consommateurs. Un fournisseur pourrait ainsi procéder à un arbitrage saisonnier : il pourrait maximiser son portefeuille de clients, sur la période d'avril à octobre, afin de bénéficier des droits à l'Arenh, qui sont calculés sur cette période, puis se séparer de ce portefeuille de clients, en augmentant fortement ses prix, pour revendre ses droits à l'Arenh sur les marchés.

Si la CRE a indiqué que la quasi-totalité des fournisseurs alternatifs respecte les règles, excluant ainsi des surévaluations de droits volontaires ou des arbitrages saisonniers généralisés, elle a observé des comportements individuels susceptibles de constituer des abus d'Arenh. Dans ce contexte, la CRE a procédé à 11 relances et 4 enquêtes, au titre de 20227(*), avec 3 saisines possibles du CoRDIS et 1 du Procureur de la République. Les fournisseurs faisant l'objet de ces enquêtes ne représentent cependant que 0,5 % du marché de détail de l'électricité. De plus, la CRE a effectué 14 corrections et 3 saisines du CoRDiS, au titre de 2023. Cela a d'ailleurs abouti à la suspension de la livraison d'Arenh à 3 fournisseurs. Au total, 5,8 TWh d'Arenh ont été pénalisés a posteriori pour 2022 et 0,56 corrigé a priori pour 2023. En 2022, 58 fournisseurs sont redevables du CP1, pour 1,6 Md €, et 14 du CP2, pour 21,9 M € ; les demandes d'Arenh ont été supérieures de 5,6 % aux droits, la surévaluation atteignant 20 % chez 40 fournisseurs ou le double chez 15 d'entre eux. Quant à l'association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV), elle a avancé une surestimation de 24 TWh en 2022 et 12 en 2023 et formé un recours à l'encontre du guichet de l'Arenh pour 2023.

Pour 2022, 58 fournisseurs alternatifs se sont vus infliger une pénalité au titre du CP1, qui atteint 1,6 Md €, et 14 au titre du CP2, qui atteint 21,9 M €, 4 d'entre eux étant l'objet d'enquêtes. Pour 2023, 14 fournisseurs alternatifs ont déjà fait l'objet d'une correction et 3 d'une suspension.

C. UN DISPOSITIF ARRIVANT À ÉCHÉANCE EN 2025

Si l'Arenh a joué son rôle pour contenir les prix, ses paramètres sont restés inchangés depuis 2011, alors que les marchés de détail et de gros de l'électricité ont beaucoup évolué. Le relèvement exceptionnel de son plafond en 2022 a induit des comportements opportunistes parmi les fournisseurs alternatifs et des coûts importants pour le groupe EDF. Sur une longue période, outre les arbitrages saisonniers, l'Arenh a aussi été marqué par des résiliations, en 2015 et 2020, et des faillites, en 2021 et 2022.

Dans la mesure où l'Arenh expire fin 2025, une réflexion a été engagée pour trouver un dispositif de substitution, à l'échelon national, dans le cadre du projet de nouvelle régulation économique du nucléaire existant de 2019, et à l'échelon européen, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité de 2023. Les contrats d'écart compensatoire bidirectionnels - ou Contracts for Difference (CfD) -, qui consistent en des contrats de long terme garantis par l'État8(*), sont une piste à l'étude.

II. PROPOSITIONS POUR MIEUX PRÉVENIR ET RÉPRIMER LES POSSIBLES FRAUDES À L'ARENH

Pour mieux prévenir et réprimer la fraude à l'Arenh, les rapporteurs ont formulé 4 propositions, déclinées en 25 mesures législatives ou réglementaires opérationnelles.

A. CORRIGER LES « EFFETS DE BORD » DE LA MÉTHODOLOGIE DE L'ARENH

En premier lieu, les rapporteurs sont convaincus de la nécessité de corriger les « effets de bord » de la méthodologie de l'Arenh, d'ici à son extinction. Il est nécessaire d'offrir davantage de visibilité sur son prix, qui doit être relevé à 49,5 € / MWh, comme sur son plafond légal, qui doit être maintenu à 120 TWh ; l'enjeu est, en somme, d'appliquer la loi « Pouvoir d'achat » de 2022, le Gouvernement devant saisir la Commission européenne de ce relèvement de prix. S'agissant des autres critères techniques de l'Arenh, il faut envisager, d'une part, de modifier sa période de calcul, pour éviter les arbitrages saisonniers, et, d'autre part, d'actualiser le coefficient de bouclage, pour correspondre à la production d'énergie nucléaire. Naturellement, il faut évaluer au préalable l'impact de ces évolutions sur les consommateurs, à commencer par les industriels. Pour rendre les dispositifs de contrôle a posteriori plus efficients, il importe, tout d'abord, d'allouer le montant du CP1 aux consommateurs plutôt qu'aux fournisseurs alternatifs et, plus encore, de supprimer le plafond du CP2, actuellement limité de 20 € / MWh, alors que les prix ont éteint 275,9 € en moyenne en 2022. La CRE a d'ailleurs admis que les contrats liant les fournisseurs aux consommateurs ne sont pas toujours adaptés pour garantir la répercussion vers ces derniers du montant du CP1, de 1,6 Md € en 2022. Face à l'absence de chiffrage exhaustif du relèvement de l'Arenh en 2022, une évaluation doit être conduite par la CRE et le ministère de la transition énergétique (MTE). Enfin, il faut intégrer l'énergie nucléaire aux outils de financement de long terme, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité, pour permettre à d'autres dispositifs, plus équilibrés et plus protecteurs, de se substituer à l'Arenh après 2025.

B. RENFORCER LES CONTRÔLES ET LES SANCTIONS LIÉS À L'ARENH

En second lieu, les rapporteurs plaident pour renforcer les contrôles et les sanctions liés à l'Arenh, qui ont été mis à l'épreuve par le relèvement du plafond de 2022. Pour ce faire, il faut faire évoluer la notion d'abus d'Arenh, afin qu'elle puisse réprimer l'ensemble des comportements opportunistes, dont les arbitrages saisonniers. Dans le même esprit, il faut compléter les sanctions à la disposition du CoRDiS, pour lui permettre de supprimer le bénéfice de l'Arenh, en cas d'abus avéré. Au-delà de la définition de l'abus d'Arenh et de sa répression, l'accélération des procédures devant le CoRDiS est une nécessité. À cette fin, des procédures de référé, de transaction ou de clémence peuvent être instituées ; une plus large saisine peut aussi être recherchée. Quant aux signalements du MNE, ils doivent être davantage formalisés. Il faut appliquer effectivement le régime de contrôle et de sanction. Une plus grande reddition des comptes doit être promue à cette fin auprès de la CRE et du MNE mais aussi de la DGEC et de la DGCCRF. Pour promouvoir les meilleures pratiques en matière de contrôle, de sanction ou encore d'information, la CRE et le MTE doivent tirer le bilan du relèvement de l'Arenh en 2022. Enfin, la réforme du marché européen de l'électricité ne doit pas conduire à des transferts de compétences dans ces domaines, des autorités de régulation ou juridictions nationales vers l'instance européenne, l'Autorité de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER).

C. CONSOLIDER LES OBLIGATIONS DES FOURNISSEURS

En troisième lieu, les rapporteurs sont désireux de consolider les obligations des fournisseurs, de manière à conjurer le risque de défaillance, aujourd'hui peu pris en compte. Les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture doivent être confortées, avec l'imposition d'obligations prudentielles et la réalisation de stress tests. De plus, il faut centraliser les demandes et les contrôles liés aux autorisations de fourniture auprès de la CRE, plutôt que du MTE, dans un souci de rationalité et d'efficacité. Une fois délivrées, ces autorisations de fourniture doivent être mieux encadrées, avec des réexamens, des retraits ou des suspensions effectifs. Autre point important, les fournisseurs de secours en électricité, qui ont été confiés à titre provisoire à EDF, nationalement, et aux ELD, dans leurs ressorts respectifs, doivent être pérennisés, en consolidant leur situation juridique mais aussi leur indemnisation financière. Sans moyens complémentaires attribués à la CRE, au MNE, à la DGEC et à la DGCCRF, il est illusoire d'espérer réguler efficacement le marché de l'électricité. Enfin, la réforme du marché européen de l'électricité doit être l'occasion d'instituer des obligations prudentielles, non seulement à l'échelle nationale mais aussi à celle européenne, ce qui est crucial pour mieux réguler un marché intégré.

D. AMÉLIORER LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

En dernier lieu, les rapporteurs appellent à améliorer la protection des consommateurs. Le MNE leur a indiqué que 16 % des litiges portés devant lui concernent une interprétation litigieuse de l'article L. 224-10 du code de la consommation, qui autorise les modifications contractuelles, notamment liées aux prix. Pour les éviter, il est nécessaire d'allonger le délai de prévenance, d'1 à 3 mois, d'exiger une information loyale, complète et circonstanciée et d'interdire les modifications des conditions d'indexation par ce biais. L'information des consommateurs sur le caractère risqué des offres peut également progresser, en cessant d'assimiler les offres faisant l'objet d'un écrêtement à l'Arenh à des offres à prix fixes. Dans le même esprit, le comparateur d'offres du MNE pourrait être complété, en précisant les fournisseurs ayant fait l'objet de sanctions de la part du CoRDiS, selon une logique de name and shame. Les TPE devraient se voir appliquer les mêmes protections que celles prévues pour les consommateurs résidentiels, par le code de la consommation, notamment s'agissant des frais de résiliation. Quant aux gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité, leurs spécificités dans l'accès à l'Arenh, qui intervient en compensation des pertes d'électricité, doivent être préservées ; ils souhaiteraient de surcroît bénéficier de l'Arenh, directement, sans fournisseur. Enfin, la réforme du marché européen de l'électricité peut constituer une opportunité pour renforcer les protections à destination des consommateurs avec un élargissement des TRVE, un encadrement des contrats à tarification dynamique, une consolidation des fournisseurs de secours et un encadrement des interruptions de fourniture notamment.

LES PROPOSITIONS

1 - Corriger les « effets de bord » de la méthodologie de l'Arenh en :

- relevant le prix de l'Arenh à 49,5 € par MWh et ne modifiant pas le plafond légal de 120 TWh ;

- tenant compte de la production nucléaire, en envisageant la révision du coefficient de bouclage ;

- prévenant le risque de saisonnalité, en envisageant l'élargissement de la période de calcul voire en remplaçant le volume par un taux ;

- reversant le produit du « CP1 » aux consommateurs ;

- déplafonnant le niveau du « CP2 », actuellement limité à 20 € par MWh ;

- faisant évaluer, par la CRE et le MTE, l'impact exhaustif de l'« Arenh + » sur les consommateurs, résidentiels comme industriels, le groupe EDF et les fournisseurs alternatifs ;

- intégrant le nucléaire dans les outils de financement de long terme, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

2 - Renforcer les contrôles et les sanctions liés à l'Arenh en :

- élargissant la notion d'abus d'Arenh, pour réprimer les comportements intermittents des fournisseurs ;

- ajoutant une sanction auprès du CoRDiS, pour supprimer le bénéfice de l'Arenh en cas d'abus avéré ;

- accélérant les procédures devant le CoRDiS (référé, transaction, clémence, saisine) et formalisant les signalements du MNE vers la CRE, la DGEC ou la DGCCRF ;

- rendant compte, auprès des consommateurs, de l'activité de contrôle et de sanction de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF ;

- faisant établir, par la CRE et le MTE, un retour d'expérience sur les contrôles et les sanctions mis en oeuvre dans le cadre de l'« Arenh + » ;

- refusant le transfert de compétences des autorités ou juridictions nationales vers l'ACER, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

3 - Renforcer les obligations des fournisseurs en :

- confortant les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture, avec l'imposition d'obligations prudentielles et la réalisation de stress tests ;

- centralisant les demandes et les contrôles des autorisations de fourniture auprès de la CRE, plutôt que du MTE ;

- encadrant mieux l'application des autorisations de fourniture (réexamen des autorisations, retrait des autorisations, interdiction de fourniture) ;

- consolidant les fournisseurs de secours ;

- relevant les moyens de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF ;

- soutenant l'imposition d'obligations prudentielles aux fournisseurs, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

4 - Améliorer la protection des consommateurs en :

- encadrant mieux l'évolution des contrats de fourniture (délai de prévenance, exigence d'information loyale, complète et circonstanciée, interdiction de modification des conditions d'indexation) ;

- renforçant l'information des consommateurs sur le caractère risqué ou non des offres, notamment celles bénéficiant d'un écrêtement de l'Arenh ;

- complétant le comparateur d'offres du MNE ;

- protégeant les TPE comme des consommateurs résidentiels ;

- conservant la spécificité des gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité ;

- soutenant l'élargissement des TRVE et l'encadrement des contrats à tarification dynamique, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

L'ARENH : UN DISPOSITIF PEU MODIFIÉ DEPUIS 2011, AYANT FAIT L'OBJET DE POSSIBLES ABUS EN 2022

I. LE DISPOSITIF DE L'ARENH

Institué en 2010 et modifié en 2019 et 2022, l'Arenh constitue un dispositif de régulation dont les modalités de calcul, d'accès et de contrôle sont complexes.

A. UN DISPOSITIF INTRODUIT PAR LA LOI NOME DE 2010

Introduit par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite « Nome »9(*), l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) consiste en un dispositif de régulation par lequel le groupe EDF doit vendre une partie de sa production d'électricité nucléaire aux fournisseurs d'électricité alternatifs ou aux gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité pour couvrir leurs pertes10(*) (articles L. 336-1 et L. 336-2 du code de l'énergie).

Sa mise en oeuvre fait suite à la décision de la Commission européenne du 12 juin 201211(*), dans laquelle cette dernière a assimilé les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) sur les grands et moyens consommateurs à une aide d'État (article 1er) et a considéré l'Arenh comme les rendant compatibles avec les règles du marché intérieur (article 2).

Son objectif est de favoriser la concurrence sur le marché de détail de l'électricité, afin de faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire existant et d'inciter les fournisseurs à développer de nouveaux moyens de production d'électricité.

L'Arenh s'applique à l'électricité produite par les centrales nucléaires du groupe EDF, situées sur le territoire national et mises en service avant le 8 novembre 2010 (articles L. 336-1  et L. 336-2 du code de l'énergie). Il porte sur une période transitoire, à compter de l'entrée en vigueur d'un décret12(*) et jusqu'au 31 décembre 2025 (article L. 336-8 du même code).

L'Arenh a un impact direct sur les TRVE, qui sont calculés par addition du prix de l'Arenh, du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité, des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture (article L. 337-6 du même code).

Ces tarifs sont proposés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie (article L. 337-4 du même code). Ils peuvent bénéficier aux consommateurs finals domestiques et aux consommateurs finals non domestiques, employant moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires (CA), les recettes ou le bilan annuels n'excède pas 2 M€, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA) (article L. 337-7 du même code). Ils concernent également les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental13(*) (article L. 337-8 du même code).

B. UN DISPOSITIF MODIFIÉ PAR LES LOIS ÉNERGIE-CLIMAT DE 2019 ET POUVOIR D'ACHAT DE 2022

Deux lois ont récemment modifié le dispositif de l'Arenh.

Tout d'abord, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, dite « Énergie-Climat »14(*), a prévu :

- la faculté d'un relèvement de son plafond à 150 TWh ;

- la prise en compte, dans son prix, de « la stabilité des prix pour le consommateur final » ;

- la prise en compte, dans ses compléments de prix, de « l'effet du plafonnement » de l'Arenh et de « la compensation des charges imputables aux missions de service public » du groupe EDF.

Plus encore, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, dite « Pouvoir d'achat »15(*), a entraîné :

- l'abaissement, de 150 à 120 TWh, de son plafond ;

- le relèvement, de 42 à 49,5 €16(*), de son prix ;

- la suppression de la périodicité infra-annuelle pour la fixation et la notification à chaque fournisseur de son volume, la réattribution du volume du fournisseur défaillant vers celui de secours et la validation législative du décret du 11 mars 2022 modifiant les conditions de l'Arenh17(*).

C. LES MODALITÉS DE CALCUL DE L'ARENH

Le volume maximal d'Arenh pouvant être cédé est déterminé par arrêté des ministres chargés de l'énergie et de l'économie, après avis de la CRE, en fonction du développement de la concurrence et de la fourniture, et dans l'objectif de contribuer à la stabilité des prix pour le consommateur final, sans excéder 120 TWh par an (articles L. 336-2 et L. 336-2 du code de l'énergie).

Le volume cédé est calculé par la CRE, selon une périodicité annuelle et en fonction des caractéristiques et des prévisions de la consommation des consommateurs finals et des gestionnaires des réseaux18(*), ainsi que d'un coefficient de bouclage, correspondant à la part de la production d'électricité nucléaire dans la consommation électrique totale. Lorsque le volume demandé est supérieur au volume maximal19(*), la CRE répartit ce volume au prorata des demandes des fournisseurs alternatifs, en appliquant un taux d'écrêtement. Elle fixe et notifie le volume cédé à chaque fournisseur (article L. 336-3 du même code).

Le prix fixé doit, en principe, être réexaminé chaque année. Il est représentatif des conditions économiques de production d'électricité nucléaire, afin d'assurer une juste rémunération au groupe EDF, en tenant compte de l'addition de la rémunération des capitaux, des coûts d'exploitation, des coûts des investissements dus à la maintenance ou à l'extension et des coûts prévisionnels liés aux charges à long terme (article L. 337-14 du même code). Une méthode d'identification et de comptabilisation des coûts doit être précisée par décret (article L. 337-15 du même code).

Les conditions dans lesquelles s'effectue cette vente, ainsi que les stipulations de l'accord-cadre, sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'énergie, sur proposition de la CRE (articles L. 336-2 et L. 336-5 du même code).

Dans ce contexte, un arrêté du 17 mai 201120(*) a fixé le niveau du prix de l'Arenh à 42 € / MWh21(*).

La décision précitée du 12 juin 2012 a confirmé ce prix de 42 € / MWh et a interdit toute évolution, tant qu'une mesure précisant la méthode de calcul pour l'établir, soumise pour approbation préalable à la Commission européenne à l'état de projet, n'est pas entrée en vigueur.

Ce montant est demeuré quasi-inchangé depuis lors, en l'absence du décret, prévu à l'article L. 337-15 du code de l'énergie, définissant la méthode d'identification et de comptabilisation des coûts.

Récemment, un décret22(*) et un arrêté du 11 mars 202223(*) ont relevé le plafond de l'Arenh, de 100 à 120 TWh, et, dans une moindre mesure, son prix, de 42 à 46,2  / MWh24(*), pour l'année 2022.

D. LES MODALITÉS D'ACCÈS AU GUICHET

Les modalités d'accès au guichet de l'Arenh ont été initialement déterminées par des arrêtés du 17 mai 201125(*) et du 28 avril 201126(*).

Ce guichet est ouvert en novembre de l'année n et les livraisons sont effectuées en novembre de l'année n+ 1. Pour en bénéficier, les fournisseurs alternatifs ou les gestionnaires des réseaux de distribution ou de transport d'électricité27(*) doivent faire une déclaration d'identification, signer l'accord-cadre et faire une demande d'Arenh.

Leurs droits sont calculés sur une période de référence correspondant aux heures creuses d'avril à juin et de septembre à octobre28(*) et aux heures des mois de juillet et août, et après application d'un coefficient de bouclage, de 0,964 en 2023, correspondant à la part de la production d'électricité nucléaire dans la consommation électrique totale.

Selon la CRE, l'accord-cadre en vigueur compte environ 125 titulaires29(*) et 105 bénéficiaires30(*) en 2023.

E. LES MODALITÉS DE CONTRÔLE A PRIORI ET A POSTERIORI

1. Les pouvoirs de la CRE et du CoRDiS

La CRE contrôle l'accès à l'Arenh, en surveillant les transactions effectuées par les fournisseurs d'électricité et en s'assurant de la cohérence entre les volumes d'électricité nucléaire historique bénéficiant de l'Arenh et la consommation des consommateurs finals desservis sur le territoire métropolitain continental (article L. 336-9 du code de l'énergie).

Pour ce faire, elle peut saisir le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), qui consiste en une formation de 4 membres31(*), chargée de régler les différends portant sur l'accès aux réseaux publics d'électricité et de gaz naturel et leur utilisation entre gestionnaires et utilisateurs, ainsi que de sanctionner les infractions au code de l'énergie.

Le président de la CRE peut, à tout moment, saisir en urgence le CoRDiS d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'interruption de tout ou partie de la livraison des volumes d'Arenh à un fournisseur alternatif, pour une durée qui ne peut excéder celle de la période de livraison en cours (même article). Le président du CoRDis peut mettre l'auteur de l'abus, de l'entrave ou du manquement en demeure de se conformer aux dispositions législatives ou règlementaires, ou aux décisions, règles et obligations, dans un délai déterminé, le cas échéant en rendant publique cette mise en demeure (article L. 134-26 du même code).

Le même article L. 134-26 définit l'abus du droit d'Arenh comme : « tout achat d'électricité nucléaire historique dans le cadre du dispositif d'accès régulé à celle-ci sans intention de constituer un portefeuille de clients y ouvrant droit, en particulier tout achat de quantités d'électricité nucléaire historique excédant substantiellement celles nécessaires à l'approvisionnement de sa clientèle et sans rapport avec la réalité du développement de son activité et les moyens consacrés à celui-ci, et plus généralement toute action participant directement ou indirectement au détournement des capacités d'électricité nucléaire historique à prix régulé. »

Plus largement, le CoRDiS peut être saisi par le ministre chargé de l'énergie, le président de la CRE, certaines personnes morales32(*) ou s'auto-saisir de différends relatifs à l'accès aux réseaux33(*) (article L. 134-25 du même code). Il peut également être saisi par le ministre chargé de l'énergie, le président de la CRE ou s'auto-saisir de différends relatifs aux réseaux de transport (même article). Après mise en demeure, il peut interdire temporairement l'accès à ces réseaux, pour une durée n'excédant pas un an, et appliquer une sanction, dans la limite de 8 % du chiffre d'affaires hors taxes (HT) voire 10 % en cas de récidive (article L. 134-27 du même code). Pour l'exercice de ces missions, le président du CoRDiS a autorité sur les services de la CRE (article L. 133-5 du même code).

Enfin, comme l'a indiqué la CRE, « le CoRDiS peut également saisir les juridictions pénales s'il estime que les infractions constatées relèvent de leurs compétences. »

2. Le dispositif de contrôle a posteriori

Il existe un dispositif de contrôle a posteriori ; en effet, en cas de souscriptions de volumes d'Arenh supérieurs à leurs droits théoriques ou à leurs besoins réels, les fournisseurs alternatifs doivent s'acquitter de deux compléments de prix (article L. 336-5 du code de l'énergie) :

- le « complément de « prix 1 », dit « CP1 », vise à neutraliser la situation d'un fournisseur ayant demandé une quantité excédentaire d'Arenh par rapport à ses droits théoriques, pour la revendre sur le marché de gros de l'électricité34(*) ; il est réparti entre les fournisseurs alternatifs, au prorata de la perte causée à chacun d'eux, dès lors que la somme de leurs droits constatée ex-post dépasse le plafond de l'Arenh35(*) ;

- le « complément de « prix 2 » dit « CP2 »36(*) consiste à pénaliser la situation d'un fournisseur ayant demandé une quantité excédentaire d'Arenh par rapport à ses besoins réels, au-delà d'une marge de tolérance de 10 %37(*) ; il revient à l'État, dans la mesure où les recettes sont versées à EDF puis déduites de sa compensation des charges de service public de l'énergie.

Un décret du 19 novembre 202038(*), a défini les modalités d'application règlementaires de ces dispositifs.

La CRE est chargée, tous les ans, de contrôler l'écart ex-post entre les prévisions faites par les fournisseurs et les consommations constatées de leurs portefeuilles et de leur notifier les compléments de prix ; de plus, Réseau de transport d'électricité (RTE) calcule ces consommations constatées et les transmet à la CRE.

3. Le dispositif de contrôle a priori

Il existe également un dispositif de contrôle a priori ; en effet, la CRE peut corriger les demandes d'Arenh des fournisseurs, lorsque les hypothèses de consommation ou de développement commercial présentent un risque de surestimation ou lorsque les demandes sont manifestement disproportionnées par rapport à la consommation antérieure ou aux prévisions d'évolution (article R. 336-14 du code de l'énergie).

La CRE a précisé que le développement commercial, ainsi pris en compte, renvoie notamment à « la croissance du portefeuille de clients ».

4. Les signalements complémentaires du MNE

Des signalements complémentaires peuvent être réalisés par le Médiateur national de l'énergie (MNE) (article L. 122-1 du même code), auprès de la CRE39(*), de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)40(*) et de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)41(*).

Le MNE a d'ailleurs indiqué qu'il « a même effectué, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, un signalement concernant le fournisseur Eni en avril 2021 au procureur de la République pour des pratiques délictuelles dans le cadre d'un démarchage à domicile frauduleux. »

II. LE RELÈVEMENT EXCEPTIONNEL DU PLAFOND DE L'ARENH

Pour répondre à la flambée du prix de l'électricité, le plafond de l'Arenh a été relevé à titre exceptionnel en 2022 - sous la dénomination usuelle d' « Arenh + » - ce qui a nécessité de nouvelles modalités de contrôle et généré de possibles cas d'abus.

A. UNE FLAMBÉE DU PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ, AYANT CONDUIT CERTAINS FOURNISSEURS ALTERNATIFS A PROCÉDÉ À DES ARBITRAGES SAISONNIERS

La flambée du prix de l'électricité, observée en 2021 et 2022, a engendré des « arbitrages saisonniers » de la part de certains fournisseurs alternatifs, dans la mesure où l'Arenh est calculé sur une période réduite de l'année, d'avril à octobre.

Plus précisément, lorsque le prix de l'électricité est élevé, certains fournisseurs alternatifs peuvent souhaiter maximiser leurs portefeuilles de clients pendant l'été puis s'en départir pendant l'hiver, afin de concentrer les droits à l'Arenh et les revendre sur le marché de gros de l'électricité, sans que les contrôles via les compléments de prix ne puissent être appliqués.

Comme l'a rappelé la CRE, « la flambée des prix de gros à partir de l'hiver 2021-2022 a augmenté les perspectives de gain financier rapide pour des fournisseurs qui réaliseraient des "arbitrages saisonniers" ».

Ce constat est corroboré par la DGEC, qui a indiqué que « la forte augmentation récente du prix de marché a pu entraîner [ce type de] comportement [chez] certains fournisseurs ».

B. UN RELÈVEMENT DU PLAFOND DE L'ARENH EN COURS D'ANNÉE, AYANT POSÉ LA QUESTION DE SA RÉPERCUSSION AU PROFIT DES CONSOMMATEURS

Le relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh, de 19,5 TWh en 2022, par les décret et arrêté précités du 11 mars 2022, a posé la question de la répercussion du montant de l'Arenh, car la livraison est intervenue en cours d'année, après le guichet de novembre 2021, et donc après la signature d'une partie importante des contrats.

La CRE a rappelé le caractère tardif du relèvement du plafond de l'Arenh ainsi opéré en 2022 : « Dans les faits, la décision des pouvoirs publics est intervenue tardivement début 2022, après le guichet de novembre 2021, qui a attribué les volumes d'Arenh pour l'année 2022. EDF avait donc déjà finalisé la couverture de ses positions pour l'année 2022 et se trouvait dans l'obligation de racheter les volumes correspondants. »

Ce constat a été confirmé par l'Association nationale des opérateurs détaillants d'énergie (Anode) : « La question de la redistribution de l'Arenh s'est posée en 2022 car les 20 TWh d'Arenh supplémentaires décidés par le Gouvernement ont été attribués en cours d'année de livraison, après le guichet de novembre 2021, et donc après la signature d'une partie importante des contrats. »

Dans ce contexte, 160 TWh d'Arenh ont été demandés et 119,5 TWh attribués aux consommateurs finals en 2022, selon la CRE ; le relèvement précité a atteint 19,5 TWh et bénéficié à 72 fournisseurs42(*).

Pour le Gouvernement, 145,9 TWh d'Arenh ont ainsi été attribués en 2022, contre 126,2 en 2020, 126,3 en 2021 et 126,6 en 2023.

À la demande des rapporteurs, la CRE a transmis des éléments complémentaires sur le dispositif de l'Arenh. Tout d'abord, la liste actuelle des signataires de l'accord-cadre et des bénéficiaires de l'Arenh a été rendue publique.

Plus encore, les volumes d'Arenh demandés et attribués depuis 2020 figurent dans le tableau ci-après :

 

Volumes d'Arenh demandés et attribués depuis 202043(*)

 

Arenh demandé

Arenh attribué

 

Pour les consommateurs finals

Pour les pertes des gestionnaires de réseau

Pour les consommateurs finals

Pour les pertes des gestionnaires de réseau

2020

147 TWh

26,2 TWh

100 TWh

26,2 TWh

2021

146,2 TWh

26,3 TWh

100 TWh

26,3 TWh

2022

160,05 TWh

26,4 TWh

119,5 TWh*

26,4 TWh

2023

148,3 TWh

26,6 TWh

100 TWh

26,6 TWh

*Dont 19,5 TWh d'Arenh additionnel livrés entre le 1er avril 2022 et le 31 décembre 2022, au prix de 46,2 €/MWh.

C. DE NOUVELLES MODALITÉS DE CONTRÔLE

Ce contexte, inédit, a justifié de nouvelles modalités de contrôle.

En premier lieu, des modalités de contrôle a priori ont été introduites par un décret du 29 octobre 202244(*) et la délibération de la CRE du 10 novembre 202245(*).

Ainsi, la CRE peut dorénavant corriger la quantité de produit théorique du fournisseur lorsque les hypothèses de consommation ou de développement commercial présentent un risque de surestimation manifeste de cette quantité ou lorsque cette quantité est manifestement disproportionnée par rapport à la consommation des consommateurs finals antérieurement constatée et aux prévisions d'évolution de cette consommation, en particulier pendant les heures ne servant pas à la détermination des droits théoriques, en fonction de critères définis par une délibération (article R. 336-14 du code de l'énergie).

Dans sa délibération précitée, la CRE a défini des seuils d'alerte et des critères d'évaluation permettant d'établir un faisceau d'indices, afin d'identifier les potentielles incohérences quant aux demandes d'Arenh formulées par les fournisseurs au guichet de novembre 2022. Le dépassement d'un ou plusieurs de ces seuils constitue une présomption obligeant le fournisseur à se justifier et conduisant la CRE à corriger ou non les quantités d'Arenh.

En second lieu, une possibilité de suspension des livraisons a également été introduite par l'article 181 de la « LFI pour 2023 »46(*).

Ainsi, le président de la CRE peut dorénavant saisir en urgence le CoRDiS d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'interruption de tout ou partie des livraisons des volumes d'Arenh, pour une période ne pouvant excéder la période de livraison en cours, lorsqu'un fournisseur connaît des difficultés de nature à compromettre la poursuite de son activité ou lorsque les volumes d'électricité effectivement fournis par ce fournisseur sont manifestement inférieurs aux hypothèses de consommation communiquées dans sa demande, y compris pendant les heures ne servant pas à la détermination des droits théoriques, sans que cette circonstance soit justifiée par des motifs extérieurs au comportement de ce fournisseur (article L. 336-9 du code de l'énergie).

En troisième lieu, dans ses délibérations du 11 mars 202247(*), du 31 mars 202248(*) et du 27 juillet 202249(*), la CRE a défini les modalités de répercussion des volumes d'Arenh vers les offres de fourniture.

Les modalités de répercussion ne sont pas nécessaires pour les consommateurs aux TRVE ou en offres indexées sur ces tarifs, compte tenu du « bouclier tarifaire », limitant la hausse du prix de l'électricité à 4 % toutes taxes comprises (TTC). Ces modalités sont explicites pour les consommateurs professionnels ayant un contrat indexé sur l'Arenh ou implicites, et dans la limite d'un effet d'aubaine, pour ceux disposant d'autres types d'offres.

Cet effet d'aubaine est défini comme le niveau de facture payé si les prix de gros étaient restés au niveau observé en 2021.

Au total, la répercussion doit s'effectuer en trois tours :

- le 1er tour « répercussion », par lequel l'Arenh est intégralement répercuté sur la base des droits générés par chaque client, dans la limite de l'effet d'aubaine ;

- le 2ème tour « couverture des surcoûts », autorisant le fournisseur alternatif à conserver une partie de l'Arenh non répercuté, afin de couvrir les surcoûts inévitables liés au maintien des contrats à prix fixe durant la crise ;

- le 3ème tour « sur-répercussion », par lequel les montants résiduels de l'Arenh sont sur-répercutés vers les consommateurs les plus touchés par la crise.

Les surcoûts des fournisseurs alternatifs pouvant être couverts par l'Arenh ont été limités à 50 % des montants non répercutés en raison de l'effet d'aubaine. La nature des surcoûts non répercutés a été précisée et une attestation par un tiers de confiance a été introduite.

Un suivi a de surcroît été imposé à chaque fournisseur sur 5 catégories de consommateurs, incluant les volumes additionnels correspondants : consommations prévisionnelles des clients résidentiels en offres indexées sur les TRVE ; consommations prévisionnelles des clients résidentiels dans d'autres offres ; consommations prévisionnelles des petits clients professionnels en offres indexées sur les TRVE ; consommations prévisionnelles des clients petits, moyens et grands professionnels en offres faisant explicitement référence à l'Arenh ; consommations prévisionnelles des clients petits, moyens et grands professionnels dans d'autres offres.

Très concrètement, les fournisseurs doivent transmettre à la CRE les données et informations qu'elle estime nécessaires à ce suivi50(*).

De plus, ils doivent fournir une méthodologie de répercussion et des bilans d'avancement, certifiés par des tiers de confiance51(*), et répondre à l'organisation d'échanges bilatéraux.

Au total, ces nouvelles modalités de contrôle satisfont la CRE, qui a indiqué : « Ces nouveaux dispositifs de contrôle a priori donnent à la CRE un périmètre de contrôle bien dimensionné pour prévenir les abus d'Arenh, et les sanctionner le cas échéant ».

Elles ne nécessitent pas d'évoluer, selon le Gouvernement, qui a ajouté : « la CRE dispose déjà de larges compétences pour la surveillance du marché de détail, qui inclut la surveillance de l'utilisation de l'Arenh. Par ailleurs, pour répondre aux risques d'abus d'Arenh, et protéger les consommateurs, le Gouvernement a renforcé les pouvoirs de la CRE ».

D. DE POSSIBLES CAS D'ABUS DU DROIT D'ARENH

Malgré ces contrôles renforcés, de possibles cas d'abus du droit d'Arenh peuvent subsister, qui correspondraient aux faits, pour un fournisseur alternatif, de surévaluer ce droit ou de ne pas en faire bénéficier le consommateur.

Selon la CRE, les éventuelles pratiques frauduleuses peuvent être de deux ordres. D'une part, un fournisseur peut augmenter artificiellement sa demande totale d'Arenh, ce qui a pour conséquence d'augmenter le taux d'écrêtement du dispositif, et donc l'exposition de l'ensemble des consommateurs français aux prix de gros de l'électricité. D'autre part, un fournisseur peut augmenter le nombre de clients sur la période de calcul des droits à l'Arenh puis les minimiser - par exemple en appliquant de fortes hausses tarifaires - pour revendre ses droits sur les marché de gros de l'électricité, ce qui a pour effet de priver ses propres consommateurs du bénéfice de ces droits.

C'est pourquoi la CRE a indiqué : « Un des cas identifiés ici est celui d'un fournisseur ayant pour objectif de gonfler son portefeuille clients sur la période de calcul des droits Arenh (1er avril au 31 octobre), avant d'appliquer à son portefeuille de fortes hausses tarifaires à l'entrée à l'automne, et ce pour se séparer d'une partie de ses clients et revendre les volumes d'Arenh en surplus sur les marchés. Ces derniers seraient bien directement impactés par ces hausses de factures ou seraient dans l'obligation de trouver un nouveau fournisseur, pouvant éventuellement proposer des conditions tarifaires moins attractives que ce dont ils bénéficiaient jusque-là ».

La DGEC a corroboré ce type de pratiques : « Certains fournisseurs [ont pu] tenter de maximiser leur portefeuille de clients pendant l'été et d'inciter ces clients à souscrire chez d'autres fournisseurs pendant l'hiver car le volume d'Arenh que les fournisseurs peuvent demander ne dépend que de la consommation estivale. Cette stratégie leur permet alors de revendre leurs volumes d'Arenh sur les marchés, à un prix très élevé sans que les contrôles du réalisé (compléments de prix visant à s'assurer que les fournisseurs demandent un volume d'Arenh cohérent avec la consommation de leurs clients) ne puissent opérer. »

III. LES DIFFICULTÉS LIÉES AU RELÈVEMENT EXCEPTIONNEL DU PLAFOND DE L'ARENH

Pour les acteurs institutionnels comme pour ceux économiques, le relèvement à titre exceptionnel du plafond de l'Arenh en 2022 est ambivalent ; si ce relèvement a maintenu des prix faibles, il a engendré des abus possibles et des coûts avérés.

A. LE POINT DE VUE DES ACTEURS INSTITUTIONNELS

Interrogée par les rapporteurs, la CRE a rappelé que le relèvement exceptionnel de l'Arenh a eu des effets balancés : il a contenu la hausse du prix de l'électricité, du point de vue des consommateurs, mais a généré de possibles abus, de la part de fournisseurs alternatifs, ainsi que des coûts importants, pour le groupe EDF. Ainsi, les consommateurs éligibles aux TRVE n'ont connu qu'une hausse de 4 % TTC du prix de l'électricité52(*) et seuls 6 % des autres (professionnels comme particuliers) ont vu leurs factures alourdies53(*). De plus, le régulateur a estimé que « la quasi-totalité des fournisseurs ont correctement appliqué les principes de répercussions de l'Arenh + et respecté le concept de répercussion dans les limites de l'effet d'aubaine ». Pour autant, au titre de 2022, la CRE a échangé avec la moitié des fournisseurs alternatifs et a procédé à 11 relances54(*),55(*) et 4 enquêtes56(*),57(*), dont 3 pourraient conduire à la saisine du CoRDiS et 1 à celle du procureur de la République. Les fournisseurs concernés par ces enquêtes représentent 0,5 % du marché de détail. De plus, au titre de 2023, la CRE a demandé 14 corrections58(*) aux fournisseurs alternatifs et 3 suspensions auprès du CoRDiS. Enfin, le relèvement tardif de l'Arenh, qui est passé de 100 à 120 TWh, de 2011 à 2022, couplé au net affaiblissement de la production d'électricité nucléaire, qui a diminué de 361 à 279 TWh sur la même période59(*), sous l'effet notamment du phénomène de corrosion sous contrainte (CSC), a obligé le groupe EDF à acquérir des volumes d'électricité onéreux sur le marché de gros de l'électricité.

Aussi la CRE a-t-elle précisé que : « La mise en oeuvre de l'Arenh en 2022, du fait du relèvement tardif du volume maximal à 120 TWh et du faible niveau de production du parc électronucléaire, a conduit EDF à devoir racheter des volumes à prix élevés afin de les revendre à ses concurrents (ou répercuter à ses propres clients) au prix régulé, entrainant des coûts importants pour la société. »

Si des pratiques frauduleuses étaient avérées, leur impact serait le suivant, pour la CRE. S'agissant des consommateurs, ceux des fournisseurs en cause seraient lésés au premier chef, en l'absence de répercussion vers eux des droits à l'Arenh ; l'ensemble des consommateurs seraient également lésés, en cas de déclarations artificielles ayant conduit à une surévaluation de la demande globale d'Arenh et à une augmentation du taux d'écrêtement. Concernant le groupe EDF60(*), en tant que vendeur d'Arenh, l'impact direct pourrait être nul, car les volumes et les prix de vente sont définis à l'avance, quelles que soient les pratiques des fournisseurs alternatifs. De plus, l'impact indirect pourrait être positif, dès lors que le plafond de l'Arenh est atteint et si le taux d'écrêtement était surévalué : en effet, plus le taux d'écrêtement est élevé, plus le prix facturé aux consommateurs finals est fort61(*), plus la part d'Arenh dans les offres du groupe est faible et plus le volume de production d'électricité nucléaire valorisable au prix de marché est important.

Depuis son audition par les rapporteurs, la CRE, dans sa délibération du 29 juin 202362(*), a relevé que la demande d'Arenh au titre de 2022 à excédé de 5,8 TWh, soit 5,6 %, le niveau de droits constatés ex-post, cet excédant étant de 4,9 % après retraitement63(*). À titre de comparaison, la demande d'Arenh au titre de 2021 avait été inférieure de 4 % au niveau des droits constatés ex-post.

Pour l'autorité de régulation, cette surestimation résulte d'un contexte de marché fortement perturbé, avec une inversion des dynamiques concurrentielles, qui n'étaient pas prévisibles au moment du guichet de novembre 2021, telles que le lancement par la Russie de la guerre contre l'Ukraine ou la découverte par le groupe EDF du phénomène de CSC. Preuve de cette dégradation du marché, elle a observé, en 2022, une baisse de la consommation nationale d'électricité brute de 4 %, par rapport à celle de 2021 ou encore une perte de 374 000 clients, sur un total de 10,3 M, chez les fournisseurs alternatifs.

De plus, dans la délibération précitée, la CRE a confirmé que certains comportements individuels sont susceptibles de constituer un abus d'Arenh, et pourront donner lieu à la saisine du CoRDiS et au prononcé d'une sanction financière.

En revanche, l'autorité de régulation a précisé que les écarts entre la consommation demi-horaire déclarée au moment du guichet et celle réalisée excluent l'hypothèse d'un comportement d'arbitrage saisonnier généralisé, comme l'illustre le tableau ci-après, tiré de sa délibération :

Au total, la CRE a estimé que « l'excédent de demande d'Arenh de 5,6 % constaté par rapport au droit final constaté ne résulte donc ni d'une surdemande volontaire de la part des fournisseurs, ni d'un comportement général d'arbitrage saisonnier de l'Arenh ».

Enfin, dans cette même délibération, la CRE a considéré que, sur la centaine de fournisseurs alternatifs, 58 sont redevables du CP1 - et même 74 avant redistribution - et 14 du CP2. Parmi ces fournisseurs, 40 ont effectué une demande 20 % trop élevée par rapport à leurs droits et 14 une demande supérieure au double. Le montant du CP1 au titre de 2022 atteint 1,6 Md€ et celui du CP2 21,9 M€.

Pour l'autorité de régulation, ce différentiel résulte d'un « effet volume » - l'inversion précitée des dynamiques concurrentielles de marché - et d'un « effet prix » - un prix sur le marché de gros de l'électricité64(*) 3 fois supérieur à celui de 2021.

En définitive, la CRE a indiqué que « la combinaison de ces deux effets “ prix ” et “ volume ” a généré un montant global de CP1 exceptionnellement élevé ».

Compte tenu du montant exceptionnel de CP1 au titre de 2022, la CRE a admis que les modalités contractuelles liant les fournisseurs aux consommateurs ne sont pas toujours adaptées pour permettre une bonne répercussion du CP1 vers ces derniers : « Les clauses contractuelles entre les fournisseurs et leurs clients relatives à la gestion du complément de prix CP1 ne sont pas nécessairement adaptées à la situation exceptionnelle rencontrée en 2022. »

Outre la CRE, le CoRDiS a indiqué aux rapporteurs avoir été saisi en mai dernier par cette dernière de 3 demandes d'interruption de la livraison au titre de 2023, devant être instruites d'ici mi-juillet ; il n'a pas été saisi de demande portant sur la répercussion vers les consommateurs finals du volume de 20 TWh au titre de 2022.

Depuis son audition par les rapporteurs, la CRE, par voie de presse le 29 juin 2023, a fait savoir que le CoRDiS a procédé à l'interruption de la livraison d'Arenh pour 3 fournisseurs au titre de 2023 : Blanka, ComparElec et Hellio Solutions65(*).

De son côté, le MNE a indiqué aux rapporteurs avoir procédé au signalement de 2 fournisseurs, dont 1 a prospéré ; 16 % des litiges portés devant lui sont liés à une interprétation abusive de l'article L. 224-10 du code de la consommation, par laquelle certains fournisseurs modifient les contrats en cours.

À la demande des rapporteurs, la DGEC a dressé le bilan du relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh en 2022. 145,9 TWh ont été attribués en 2022, dont 19,5 TWh de manière supplémentaire, à compter du 1er avril. C'est davantage que les précédentes années (126,2 TWh en 2020, 126,3 en 2021 et 126,6 en 2023). Certains fournisseurs ont effectivement eu une stratégie de maximisation des portefeuilles pendant l'été puis de désincitation pendant l'hiver, afin de revendre l'Arenh sur le marché de gros de l'électricité à des prix élevés, et sans que les compléments de prix ne puissent opérer. Cette stratégie n'a pas eu d'impact direct sur le groupe EDF car le plafond de l'Arenh était de toute façon atteint. 14 fournisseurs ont fait l'objet d'une correction pour le guichet de 2023, ce qui représente 0,56 TWh sur un total de 148,9 TWh. De plus, pour le guichet de 2021, le droit à l'Arenh a été supérieur de 2,5 TWh et les montants de CP1 de 161,7 M€ et de CP2 de 18,6 M€66(*). Enfin, 4 enquêtes ont été lancées pour le guichet de 2022, sans mise en évidence de pratique frauduleuse à ce stade.

B. LE POINT DE VUE DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

Le groupe EDF a insisté sur l'impact financier et les comportements opportunistes liés au relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh en 2022. Ce relèvement représente pour le groupe un manque à gagner de 8,1 Mds€ au principal, dont 4,1 Mds€ pour les volumes supplémentaires - vendus à un prix de 46,2 € / MWh et achetés à un prix 256,98 € / MWh -, et 4,1 Mds€ de moindres recettes commerciales67(*), du fait de la réplication stricte et contrôlée du dispositif sur ses propres offres, qu'il s'agisse des TRVE ou des offres de marchés. Le groupe estime que de tels changements de règlementation en cours d'année l'obligent à acheter ou à conserver des volumes sur le marché de gros de l'électricité dans des conditions parfois très défavorables. S'il admet que le relèvement de l'Arenh a contribué à limiter la hausse du prix de l'électricité à 4 % TTC en 2022, cela s'est surtout traduit par un montant moindre pris en charge par l'État et par un impact positif sur la trésorerie des fournisseurs alternatifs. Dans ce contexte, le groupe a engagé une procédure indemnitaire, le 27 octobre 2022. Il a constaté des comportements opportunistes, voire des situations de défaillance, de la part de certains fournisseurs alternatifs. De plus, il craint des effets d'aubaine, car les prix de marché excèdent très largement les compléments de prix.

C'est pourquoi le groupe EDF a indiqué : « EDF craint que le calcul par la CRE en juin 2023 des compléments de prix pour l'année 2022 entraîne des effets d'aubaine majeurs (compte tenu des prix de marché actuellement très élevés) pour certains fournisseurs alternatifs : en effet, les montants de CP1 sont reversés aux fournisseurs alternatifs alors qu'il est peu probable qu'ils soient ensuite reversés aux clients. »

De leur côté, les fournisseurs alternatifs ont modéré les critiques sur l'impact financier du relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh. L'Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg) a indiqué que le prix d'achat de l'Arenh précité de 256,98 € / MWh est demeuré inférieur au prix de marché de 305 € / MWh et l'Anode que ce relèvement a permis de limiter la hausse des prix à hauteur de 14 à 16 % pour les professionnels peu consommateurs, 20 % pour les autres entreprises et 60 à 100 % pour les industriels électro-intensifs, contre 23, 40, 100 et 130 % en l'absence de relèvement. Les deux associations ont estimé que ce relèvement ne constitue pas une perte pour le groupe EDF.

Pour autant, plusieurs fournisseurs alternatifs interrogés, dont l'ensemble des positions sont présentées dans l'encadré ci-après, ont constaté des comportements opportunistes de la part d'une minorité d'entre eux.

Ainsi, pour l'Afieg, il peut exister de rares cas d'arbitrages ou de reventes, neutralisés ou pénalisés via les compléments de prix : « L'Afieg déplore et condamne vigoureusement la présence (toutefois extrêmement minoritaire) d'acteurs frauduleux sur le marché de fourniture d'électricité. Les comportements incriminés relèvent d'un arbitrage saisonnier aboutissant à une logique de fournisseurs dits "d'été “ s'appuyant de manière dévoyée sur la définition des heures creuses Arenh au détriment d'autres fournisseurs (alternatifs ou historiques) chez qui sont renvoyés les clients concernés pendant l'hiver. [...] Reste que globalement, les reventes d'Arenh sont marginales en volume et simplement liées à des ajustements de prévisions, et par ailleurs neutralisées ou pénalisées par les compléments de prix. »

Dans le même esprit, le groupe TotalÉnergies a relevé des comportements opportunistes, liés à des arbitrages saisonniers, ne devant toutefois pas pénaliser l'ensemble des fournisseurs alternatifs : « Les dispositions retenues par la CRE sur l'encadrement des demandes Arenh, qu'il s'agisse des contrôles en amont du guichet ou en aval, sont satisfaisantes et doivent être soutenues. Elles visent à éviter des comportements opportunistes de fournisseurs qui ne disposeraient pas d'un parc client réel et pourraient pénaliser l'ensemble des fournisseurs alternatifs et consommateurs. Elles doivent en parallèle ne pas restreindre le développement de la concurrence sur le marché de la fourniture, en permettant aux fournisseurs de réaliser leurs demandes d'Arenh dans les meilleures conditions, au bénéfice des consommateurs. »

Quant à la société Vattenfall, elle a aussi constaté des comportements opportunistes, ne devant cependant pas être généralisés, le marché de l'électricité fonctionnant, tout comme sa régulation : « Bien que nous désapprouvions fermement les comportements opportunistes de certains fournisseurs minoritaires, nous déplorons aussi l'amalgame qui est fait sur l'ensemble des fournisseurs et l'ouverture du marché de la fourniture d'énergie à la concurrence. Il faut cesser cette présomption de culpabilité des fournisseurs suspectés à tort d'être des " voyous “. Le système fonctionne : la CRE effectue correctement son travail de contrôle car elle dispose de tous les outils à sa disposition pour le faire. »

Ne partageant pas l'analyse des fournisseurs alternatifs, ni d'ailleurs celle de la CRE, l'association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) a indiqué évaluer la surestimation de l'Arenh à 24 TWh en 2022 et 12 TWh en 2023. Pour 2022, cette surestimation aurait un impact de 16 points sur les TRVE. L'association a indiqué avoir été saisie d'un grand nombre de plaintes et avoir alerté la CRE et la DGCCRF dès janvier, ce qui n'a abouti qu'en septembre. Elle a précisé que certains comparateurs d'offres, dont celui du MNE, ont mis en avant des fournisseurs qui se sont relevés opportunistes. Dans ce contexte, l'association a formé un recours devant le Conseil d'État, à l'encontre du guichet de l'Arenh pour 2023.

La position de différents fournisseurs alternatifs

Les rapporteurs ont entendu différents fournisseurs d'électricité alternatifs, qui leur ont indiqué leur point de vue sur le relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh en 2022.

Engie a estimé que ce relèvement a un impact bénéfique sur les TRVE. Elle a précisé avoir attribué la totalité des bénéfices de l'Arenh aux consommateurs et n'avoir fait l'objet d'aucun contrôle supplémentaire, ni d'aucune sanction.

Eni a considéré que ce n'est pas ce relèvement, mais les difficultés de la production d'électricité nucléaire, du fait du phénomène de CSC notamment, qui pénalisent EDF. La société perçoit un volume d'Arenh stable et une part importante de ses clients sont protégés par un contrat fixe. Elle n'a fait l'objet d'aucun contrôle supplémentaire, ni d'aucune sanction.

Green Yellow a stoppé son activité de fourniture, à raison du manque de synergie avec ses autres activités et de la volatilité des prix des énergies. Elle a attribué la totalité des bénéfices de l'Arenh aux consommateurs. Elle n'a fait l'objet d'aucun contrôle supplémentaire, ni d'aucune sanction.

Iberdrola n'a pas demandé de volumes additionnels d'Arenh pour 2022, compte tenu de la hausse des prix des énergies. Elle a fait l'objet d'un contrôle, mais d'aucune sanction.

Mega Énergie a renoncé aux volumes additionnels d'Arenh pour 2022, compte tenu de la hausse des prix des énergies. Elle a fait l'objet d'un contrôle, mais d'aucune sanction.

Mint Énergie a acquis et revendu des volumes additionnels d'Arenh, conformément selon elle au cadre légal et règlementaire mis en place à cet effet. Elle a attribué la totalité des bénéfices de l'Arenh aux consommateurs. Elle a fait l'objet d'un contrôle, mais d'aucune sanction.

Ohm Énergie est l'objet d'une enquête de la CRE, à raison de l'évolution de son portefeuille de clients. Elle a indiqué avoir transmis les éléments démontrant selon elle la conformité de ses demandes d'Arenh avec les projections de son portefeuille.

TotalÉnergies a attribué la totalité des bénéfices de l'Arenh aux consommateurs. Le groupe n'a fait l'objet d'aucun contrôle supplémentaire, ni d'aucune sanction. Cependant, il a constaté des comportements frauduleux, avec des logiques de « fournisseurs d'été ».

Pour Vattenfall, le relèvement tardif de l'Arenh a mis les fournisseurs, alternatifs comme historiques, en difficulté. Il a été neutre pour les consommateurs résidentiels, compte tenu du « bouclier tarifaire », mais protecteur pour les consommateurs industriels. La société a attribué la totalité des bénéfices de l'Arenh aux consommateurs. Elle n'a fait l'objet d'aucun contrôle supplémentaire, ni d'aucune sanction. Elle a observé des comportements opportunistes de la part de certains fournisseurs, sans pour autant les généraliser.

IV. LES DIFFICULTÉS LIÉES À L'ARENH EN TANT QUE TEL

Arrivant à échéance le 31 décembre 2025, l'Arenh fait l'objet de travaux de réflexion, aux échelons national - avec le projet de nouvelle régulation économique du nucléaire - et européen - avec le projet de réforme du marché européen de l'électricité : son bilan est discuté, tant pas les acteurs institutionnels que par ceux économiques.

A. DES TRAVAUX DE RÉFLEXION AUX ÉCHELONS NATIONAL ET EUROPÉEN

En France, le projet de nouvelle régulation économique du nucléaire a envisagé plusieurs dispositifs alternatifs à l'Arenh. À l'occasion de son audition devant la commission des affaires économiques, le 13 janvier dernier, la ministre chargé de la transition énergétique a ainsi indiqué : « Un schéma de régulation post-Arenh doit être négocié avec la Commission européenne. La France a pris position en faveur d'un découplage des marchés du gaz et de l'électricité, afin que les consommateurs paient un prix reflétant objectivement la réalité de notre mix énergétique. La Commission européenne a formulé des propositions allant en ce sens le 19 décembre dernier. ». Dans ce contexte, la DGEC a indiqué à la commission68(*) qu'« il est à présent nécessaire d'envisager la mise en oeuvre, au plus tard le 31 décembre 2025, d'une nouvelle organisation du marché », précisant que « fin 2021, il a chargé un groupe de travail interministériel de proposer un schéma cohérent de mécanismes régulatoires ». Le Gouvernement avait initialement envisagé un corridor de prix, avec un prix plancher et un prix plafond, appliqué à l'ensemble de la production d'EDF69(*), devant être établi selon une étude de la CRE. La CRE a précisé à la commission70(*) avoir proposé de fixer le prix de l'Arenh à 49€ / MWh et son niveau à 130 TWh pour 2023, 2024 et 2025. Actuellement, le Gouvernement envisage de recourir aux contrats d'écarts compensatoires bidirectionnels - ou Contracts for Difference (CfD) -, pour s'y substituer, comme l'a rappelé la DGEC à la commission71(*) : « Nous saluons en particulier l'inclusion des moyens de production nucléaire dans la liste des moyens susceptibles de faire l'objet de tels CfD. La mise en oeuvre de cette mesure sur le parc nucléaire existant serait un dispositif qui pourrait prendre le relai de l'Arenh. Compte tenu de la taille et de la durée de vie du parc nucléaire, les paramètres de ce CfD seront toutefois délicats à définir. »

En Europe, la réforme de l'organisation du marché européen de l'électricité est à l'agenda, dans le cadre du plan RePowerEU, du 8 mars 202372(*). Le paquet comporte une proposition de modification de règlements et directives sur l'organisation du marché de l'électricité dans l'Union73(*), une proposition de modification de règlements sur la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie74(*) ainsi qu'une recommandation et un document de travail sur le stockage de l'énergie75(*). Ce paquet pose la question de la question de l'évolution de la régulation du marché de l'électricité, et notamment de l'énergie nucléaire, après l'expiration de l'Arenh. Tout d'abord, il institue des contrats de long terme pour financer les investissements liés à la transition énergétique : les CfD76(*) et les accords d'achats d'électricité - ou Power Purchase Agreements (PPA)77(*). Plus encore, le paquet prévoit que les États membres obligent les fournisseurs d'électricité à instituer des stratégies de couverture appropriées, incluant le recours aux PPA, et garantissent l'accès des communautés énergétiques citoyennes et des communautés d'énergie renouvelable à ces produits de couverture. Autre avancée, il applique des protections aux consommateurs d'électricité qui doivent disposer d'un service universel d'électricité78(*), peuvent bénéficier en cas de crise79(*) d'interventions publiques ciblées80(*), peuvent accéder aux programmes de partage d'énergie et doivent recevoir une information s'agissant des contrats à tarification dynamique81(*). Enfin, le paquet transfère des compétences en matière de contrôle, d'enquête et de sanction des autorités de régulation nationales vers l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et relève les sanctions pécuniaires, jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires, pour les personnes morales, et 5 M€, pour les personnes physiques. Dans sa position sur la réforme du marché de l'électricité, la CRE a fait part de son intérêt pour les CfD : « Les Cfd sont largement utilisés aujourd'hui dans l'Union européenne pour assurer le développement des technologies bas-carbone qui nécessitent un soutien public. En France, ils pourraient notamment être utilisés pour permettre le transfert aux consommateurs des coûts du parc nucléaire existant après la fin de l'Arenh fin 2025 ». Elle a aussi salué les obligations de couverture : « L'obligation de couverture minimale contre les prix élevés présente l'avantage d'offrir une protection à la hausse au moment où elle s'exerce contre le paiement d'une prime d'assurance, tout en faisant profiter les consommateurs des périodes de prix bas. Sous réserve de son paramétrage fin, et d'être compatible avec les changements de fournisseur, l'obligation de couverture contre les prix élevés préserve la concurrence dans le marché de détail. »

B. UN AVIS GLOBALEMENT POSITIF DES ACTEURS INSTITUTIONNELS

Face à cette situation, mouvante, les acteurs institutionnels interrogés ont fait part d'un avis globalement positif sur l'Arenh, insistant sur le renforcement des contrôles et des sanctions applicables.

Tout d'abord, la CRE a estimé que l'Arenh a rempli son rôle protecteur depuis 2011. En revanche, le relèvement tardif de son plafond, en 2022, dans un contexte de faible production d'électricité nucléaire, a représenté des coûts élevés pour le groupe EDF. Par ailleurs, ses paramètres sont demeurés inchangés depuis 2011, alors que les marchés de détail et de gros d'électricité ont évolué. En tout état de cause, une nouvelle régulation du nucléaire à partir de 2026 est nécessaire.

De son côté, le CoRDiS a rappelé que sa formation est indépendante de la CRE, sur le modèle des commissions de sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) et de l'Autorité des marchés financiers (AMF), plutôt que d'autorités intégrées : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le CoRDiS dispose de pouvoirs de mise en demeure (article L. 134-26 du code de l'énergie), d'interdiction de l'accès aux réseaux (article L. 134-27 du même code), et d'interruption de tout ou partie de la livraison des volumes d'Arenh (article L. 336-9 du même code). De plus, il peut recourir aux services de la CRE en tant que de besoin (article 133-5 du même code). Dans l'exercice de ces pouvoirs, le CoRDiS cherche à comprimer les délais d'instruction, avec une exigence de 4 mois pour le règlement des différends et d'urgence pour la possibilité d'interruption de la livraison. En revanche, il ne dispose pas de pouvoir d'auto-saisine, d'enquête ou de contrôle, en matière d'abus du droit d'Arenh, qui relèvent de la CRE.

Interrogée par les rapporteurs, la DGEC a mis en avant les outils d'information et de contrôle institués. Elle a fait valoir l'exigence de transmission des données et des informations des fournisseurs bénéficiant de l'Arenh vers la CRE, afin de permettre à cette dernière de suivre la répercussion des cessions vers leurs clients finals. Elle a aussi rappelé l'existence, en cas d'erreur dans la prévision de portefeuille au cours de la période de référence, du mécanisme de neutralisation (CP1), réparti par la CRE entre les fournisseurs alternatifs, et de celui de pénalisation (CP2), alloué à l'État82(*). Elle a enfin insisté sur les pouvoirs de la CRE : la possibilité de contrôler et de limiter la part de la demande d'un fournisseur alternatif qui présente un risque de surestimation manifeste ou un caractère disproportionné ; la possibilité de saisir le CoRDiS d'un abus de droit d'Arenh ou d'une entrave à l'exercice de ce droit ; la possibilité de saisir le CoRDiS d'une suspension de tout ou partie des livraisons d'Arenh ; la possibilité pour ce dernier de prononcer une interdiction d'accès aux réseaux, n'excédant pas une durée d'un an, ou un sanction pécuniaire, jusqu'à 8 % du chiffre d'affaires HT.

C. UN AVIS PLUS ÉQUIVOQUE DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

Pour autant, les acteurs économiques ont livré un bilan plus équivoque du dispositif de l'Arenh, la position d'EDF et des associations ou syndicats s'opposant à celle des fournisseurs alternatifs et de RTE.

Tout d'abord, le groupe EDF a rappelé être très exposé à l'Arenh, à hauteur de 248 TWh en 2022, se décomposant comme suit : 146,4 TWh pour la quantité livrée dans le cadre de l'Arenh, dont 120 TWh pour les consommateurs finals et 26,4 TWh pour les gestionnaires des réseaux83(*) ; 70 TWh valorisés au prix de l'Arenh dans les offres de marché ; 50 TWh valorisés au prix de l'Arenh dans les TRVE, 3 TWh vendus au prix de l'Arenh par EDF à ses filiales. De plus, le groupe constate des difficultés régulières avec certains fournisseurs alternatifs, telles que des arbitrages84(*) entre achat sur le marché et achat à l'Arenh en 201585(*), l'invocation de la clause de force majeure dans le cadre de la crise de la Covid-19 en 202086(*), ou encore des comportements intermittents voire des faillites en 2021 et 202287(*) ; ainsi le groupe indique-t-il que « plusieurs fournisseurs (Hydroption, Hydroption Collectivité, Oui Energy, E-Pango) ont fait faillite ». Juridiquement, l'Arenh présente des failles, selon EDF : le « CP1 » n'est pas répercuté aux consommateurs finals mais aux fournisseurs alternatifs, ce qui peut créer un effet d'aubaine (article L. 336-5 du code de l'énergie) ; le volume de l'Arenh évolue régulièrement, parfois tardivement, ce qui affecte les conditions d'achat ou de maintien des volumes sur les marchés (article L. 336-2 du même code) ; les obligations des fournisseurs d'électricité n'ont pas été suffisamment renforcées, les garanties financières prévues par l'accord-cadre ne couvrant que les factures émises au titre des livraisons et non les compléments de prix (article L. 333-1 du même code) ; enfin, les sanctions n'ont pas été suffisamment appliquées (article L. 136-25 du même code).

De son côté, RTE a fait observer que les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité88(*) sont bénéficiaires de l'Arenh pour la compensation des pertes d'électricité. Celles-ci sont estimées à 11 TWh / an, soit 464 M€. En l'absence d'Arenh, le recours au prix de marché aurait entrainé une hausse des coûts de 12 % en 2022 et 6 % en 2023. C'est pourquoi RTE souhaite le maintien du bénéfice de l'Arenh ; il plaide également pour disposer de la faculté d'acheter directement son électricité sur les marchés, sans recours à un fournisseur. En tout état de cause, la crise actuelle de l'énergie témoigne, selon lui, de la nécessite d'une intervention publique dans ce domaine.

Pour ce qui concerne les fournisseurs alternatifs interrogés, dont l'ensemble des positions sont rappelées dans l'encadré ci-après, l'Afieg a indiqué que le calcul de l'Arenh, d'avril à octobre, peut avoir des « effets de bord ». Pour autant, l'association estime que les compléments de prix sont vertueux, jusqu'à 24 M€ ayant été prélevés au titre du CP1 en 2011. De son côté, l'Anode a également estimé que ce calcul de l'Arenh présente une complexité, en termes de bénéfice pour les consommateurs d'électricité et d'efficacité pour les compléments de prix. Selon elle, les compléments de prix peuvent conduire des fournisseurs à surestimer leurs besoins, par excès de prudence. Pour autant, l'association a ajouté que l'absence d'Arenh aurait augmenté de 70 € / MWh la facture d'électricité des particuliers et de 90 € celle des professionnels. Dans ce contexte, elle a fait observer que l'absence de visibilité sur l'après-2025 pénalise les fournisseurs et les consommateurs.

S'agissant des associations de consommateurs, l'Union française de la consommation (UFC) - Que Choisir a regretté le caractère asymétrique de l'Arenh, qui oblige EDF à vendre à pertes ou sans gain, de même que son caractère insuffisamment protecteur, dans la mesure où sa prise en compte dans la construction des TRVE expose les consommateurs aux fluctuations du marché. Dans le même esprit, la CLCV a critiqué la complexité des règles et l'existence de fraudes. Pour elle, l'Arenh engendre des effets d'aubaine, la toxicité des comportements, le laxisme de la règlementation et la passivité de la régulation étant pointés du doigt. En somme, l'ouverture à la concurrence et le principe de contestabilité du marché de détail de l'électricité n'ont, pour cette association, pas rempli leurs promesses.

Concernant les syndicats du secteur de l'énergie, la Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail (FNME-CGT) a rappelé que l'Arenh présente un caractère asymétrique, faisant porter tous les risques à EDF. De plus, elle a ajouté que son prix, de 42 € / MWh est inférieur aux coûts de production, estimés par le syndicat à 57 €/ MWh. Au-delà, elle a constaté ce qu'elle considère être des « dévoiements » de la part de certains fournisseurs alternatifs, tels que la revente de l'Arenh sur les marchés de gros, la résiliation abusive d'accords-cadres, l'actionnement de la clause de force majeure ou la diminution opportuniste du portefeuille de clients. Dans le même ordre d'idées, la Fédération nationale de l'énergie et des mines - Force Ouvrière (FNEM-FO) a regretté que l'Arenh induise des effets d'aubaine compte tenu de sa saisonnalité. En outre, elle a précisé que son prix n'a pas été révisé depuis 2012. Enfin, elle a déploré son impact inflationniste sur les TRVE, qui l'intègrent, dans leur construction, depuis 2015. Quant à l'Union syndicale solidaire - Énergie (Sud-Énergie), elle a estimé que l'Arenh joue un rôle d'amortisseur des fluctuations des prix de marché. Pour autant, son prix plafonné conduit, selon elle, EDF à vendre à perte. De plus, le syndicat a dénoncé ce qu'il estime être des « dérives » de la part de certains fournisseurs alternatifs, comme les arbitrages ou les fraudes.

La position de différents fournisseurs alternatifs

Les rapporteurs ont entendu différents fournisseurs d'électricité alternatifs, qui leur ont indiqué leur point de vue sur le dispositif de l'Arenh en tant que tel.

Engie a estimé que l'Arenh est un facteur de stabilité et de compétitivité, ayant fait bénéficier les consommateurs d'un prix inférieur à celui du marché, dans 50 % des cas. Si le groupe a salué les nouveaux dispositifs de contrôle de la CRE, il a regretté l'absence du décret définissant la méthodologie des prix et l'incapacité des compléments de prix à prévenir le risque de disparition des fournisseurs. Plus largement, il a ajouté que l'absence de visibilité sur l'après-2025 pénalise les fournisseurs comme les consommateurs.

Eni a rappelé que le calcul de l'Arenh, d'avril à octobre, constitue pour un « non-sens ». Une difficulté provient de l'estimation du portefeuille de clients l'année n-1 pour l'année n. Pour autant, le groupe a considéré que les compléments de prix et les dispositifs de contrôle sont suffisants. En revanche, l'ouverture à la concurrence du marché français de l'énergie n'est, selon lui, pas complète.

Pour Green Yellow, Iberdrola et Mega Énergie, une des difficultés de l'Arenh provient de l'estimation du portefeuille de clients l'année n-1 pour l'année n. La première société a estimé que le calcul de l'Arenh, d'avril à octobre, présente des risques et des difficultés, tandis que la dernière a indiqué que l'utilisation de l'Arenh ou des TRVE, dans un souci de protection des consommateurs, a des répercussions sur les fournisseurs, touchant ainsi à la libre concurrence.

De son côté, Mint Énergie a indiqué que la hausse des TRVE a été limitée à 15 % TTC grâce au « bouclier tarifaire ». Elle a relevé que les difficultés actuelles ne sont pas liées à la régulation, c'est-à-dire au dispositif de l'Arenh en tant que tel, mais plutôt à l'économie, en l'espèce à la crise de l'énergie. Elle a ajouté que le principe d'écrêtement de l'Arenh contraint les capacités d'approvisionnement sur le marché. Au total, elle a appelé à reconduire l'Arenh au-delà de 2025.

Pour Ohm Énergie, les 80 fournisseurs alternatifs sont utiles. Ils répercutent l'intégralité de l'Arenh vers les consommateurs et ne sont pas responsables de la situation financière d'EDF. La société a ajouté qu'une suppression de l'Arenh, ou la modification de son prix ou de son volume, aurait un impact sur le prix de détail. Elle a plaidé pour que la CRE définisse des règles de régulation claires.

TotalÉnergies a estimé que le calcul de l'Arenh, d'avril à octobre, génère des « effets de bord ». Le groupe a regretté que les volumes d'Arenh soient plafonnés, indépendamment du niveau de production réel. Il a ajouté que ce plafonnement a un effet bénéfique pour le groupe EDF : en cas de dépassement de ce plafond, le volume écrêté est valorisé au prix de marché. Il a aussi déploré que le CP2 soit plafonné à 20€ / MWh, ce qui érode son caractère dissuasif. Il a ajouté que les certificats de capacité associés sont incohérents. Au total, il a appelé à substituer un nouveau dispositif à l'Arenh au-delà de 2025.

Quant à Vattenfall, la société a considéré que le niveau de l'Arenh est insuffisant, au regard des besoins, tout comme son prix, au regard des coûts. Elle a rappelé que, ni ces niveau et prix, ni l'écrêtement, ne peuvent être anticipés. De plus, elle a relevé que le CP1 incite les fournisseurs à réaliser des estimations précises. S'agissant des moyens de contrôle de la CRE, elle a indiqué qu'ils ont déjà été renforcés. Enfin, les offres à tarification dynamique sont, pour elle, perfectibles.

4  PROPOSITIONS POUR
MIEUX PRÉVENIR ET RÉPRIMER LA FRAUDE À L'ARENH

I. CORRIGER LES « EFFETS DE BORD » DE LA MÉTHODOLOGIE DE L'ARENH

En premier lieu, les rapporteurs sont convaincus de la nécessité de corriger les « effets de bord » de la méthodologie de l'Arenh, qui est perfectible aux yeux de la quasi-totalité des personnes auditionnées.

Si l'Arenh doit s'achever d'ici le 31 décembre 2025, il reste deux guichets à couvrir, au titre de 2024 et de 2025. Par ailleurs, on ne peut pas exclure qu'il soit prolongé à titre provisoire, dans l'attente du prochain dispositif de régulation.

C'est pourquoi l'ajustement de sa méthodologie est, non seulement utile, mais plus encore, urgente.

Pour ce faire, plusieurs ajustements sont souhaitables.

Tout d'abord, il est crucial d'offrir davantage de visibilité sur le prix et le niveau de l'Arenh. Si la loi « Pouvoir d'achat » de 2022 a prévu un relèvement de ce prix à 49,5 € / MWh, elle a réservé son application dans un délai d'un mois suivant la réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ce relèvement comme étant conforme au droit de l'Union européenne. De plus, si cette même loi a abaissé son plafond légal à 120 TWh, celui-ci s'est établi jusqu'à 150 TWh en 2019.

Dans ce contexte, les rapporteurs estiment important que le Gouvernement relève à 49,5 € / MWh le prix de l'Arenh, mentionné à l'article L. 336-16 du code de l'énergie, et ne modifie pas le plafond légal de 120 TWh, prévu à l'article L. 336-2 du même code.

Il peut et doit solliciter la Commission européenne au sujet du prix : or, le groupe EDF a indiqué que « l'État français n'a, à notre connaissance, pas sollicité la Commission sur ce point » et la FNME - CGT qu'« aujourd'hui ce n'est toujours pas mis en application. »

Cet ajustement est une urgence, au regard de la situation financière du groupe EDF, dont l'endettement est passé de 43 Mds€ fin 2021 à 64,5 Mds€ fin 2022 (+ 50 % en un an), selon les résultats annuels pour 2022 publiés en 202389(*).

C'est également une urgence, compte tenu de l'état de la production du parc nucléaire, qui s'est établie à 279 TWh en 2022, contre 361 TWh en 2021 (- 23 % en un an), avec une disponibilité minimale de 22 GW en 2022, contre 36 GW en 2021 (- 39 % en un an)90(*), selon le bilan électrique de RTE91(*).

Le graphique ci-après, issu des travaux de RTE, rappelle cette évolution :

Autre ajustement souhaité, les rapporteurs retiennent l'intérêt d'envisager de redéfinir le coefficient de bouclage, qui représente la part de la production d'électricité nucléaire dans la consommation électrique totale.

C'est pourquoi le groupe EDF a indiqué : « Ce coefficient n'a pas été revu depuis 2011 alors même que les prévisions de production d'électricité du parc avoisinaient à l'époque les 400 TWh et que la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim n'était pas envisagée. La révision de ce coefficient réduirait le volume des droits des fournisseurs et donc de leurs demandes. Il en résulterait les mêmes quantités livrées aux fournisseurs mais avec un écrêtement moindre. Ceci augmenterait la visibilité des prix et réduirait les risques pour tous les clients, pour les fournisseurs et pour EDF. Ceci aurait notamment pour effet de stabiliser le calcul des TRVE en baissant la part marché liée à l'écrêtement au profit de la part marché lissée sur une période plus longue. »

Si l'ensemble des acteurs auditionnés ne soutiennent pas une hausse du prix, une baisse du plafond et une révision du coefficient de bouclage de l'Arenh, qui sont demandés par le groupe EDF, la plupart de ces acteurs plaident en revanche pour davantage de visibilité.

Ainsi, l'Anode, l'Afieg, Engie, Eni, Green Yellow, Ohm Énergie, TotalÉnergies et Vattenfall sont désireux de disposer d'un prix et d'un volume d'Arenh clairs, d'ici 2025. Engie propose même de prolonger l'Arenh d'un an. Quant à l'Anode, l'Afieg, Mint Énergie, Eni, TotalÉnergies, Vattenfall et l'UFC-Que Choisir, ils souhaitent un dispositif proche de l'Arenh après 202592(*).

Ces propositions ne sont pas partagées par la FNEM-FO et Sud Énergie, qui demandent une sortie de l'Arenh. De leur côté, la Confédération française démocratique du travail - Fédération Chimie Énergie (CFDT-FCE)93(*) et la CLCV94(*) proposent des dispositifs alternatifs.

Si les rapporteurs estiment qu'il est trop tôt pour trancher entre ces différentes hypothèses, ils considèrent en revanche crucial de prévenir le risque de saisonnalité, en envisageant de modifier la période de calcul de l'Arenh, définie par l'arrêté du 17 mai 201195(*),96(*).

En effet, en calculant l'Arenh sur les heures de faibles consommation d'électricité, concentrées sur les mois d'avril à octobre, cet arrêté peut générer des comportements opportunistes ; les fournisseurs peuvent être incités à maximiser leur portefeuille de clients sur cette période, afin de bénéficier de droits à l'Arenh, puis à s'en séparer, pour revendre ces droits sur les marchés.

La CRE, EDF97(*) et l'Afieg, Eni, Omh Énergie, TotalÉnergies et Vattenfall ont plaidé pour modifier cette période de calcul.

Cependant, il faut bien évaluer l'impact d'une telle modification avant d'y procéder, car elle présente des avantages - en réduisant les arbitrages saisonniers - mais aussi des inconvénients - en induisant des effets distributifs, au bénéfice des ménages et au détriment des industriels, comme l'a indiqué la CRE : « La concentration des heures de calcul des droits Arenh sur un nombre réduit de mois peut inciter certains acteurs à procéder à des arbitrages entre l'approvisionnement de consommateurs ou la revente d'Arenh sur les marchés pendant la période hivernale. Une extension de la période de calcul des droits Arenh sur une période plus large permettrait, par exemple, de limiter ces incitations. Cette mesure entrainerait néanmoins des effets redistributifs de la valeur de l'Arenh entre segments de consommateurs (moins pour les industriels et plus pour les ménages), qui devront être pris en compte si cette mesure était mise en oeuvre. »

Dans ce contexte, la CRE a aussi évoqué l'éventualité de remplacer le volume de l'Arenh par un taux, plus favorable aux industriels : « Une autre proposition, qui est en cours de réflexion, serait, pour les consommateurs industriels, de ne pas attribuer les quantités d'Arenh en fonction d'un volume défini à l'avance, mais plutôt de définir un taux d'Arenh chaque année dans leur approvisionnement qui ferait varier à la hausse ou à la baisse le volume d'Arenh. Ce serait pour les industriels un gage de visibilité important et dans l'optique où le taux d'Arenh serait défini plusieurs mois en amont, cela leur permettrait de mieux anticiper leur couverture complémentaire. La proposition est encore en instruction pour déterminer toutes ses conséquences économiques et juridiques. »

Autre évolution attendue, les rapporteurs estiment utile de modifier l'allocation du produit du CP1, qui vise à reprendre les gains réalisés par un fournisseur ayant demandé une quantité d'Arenh excédentaire par rapport à son portefeuille de clients. Actuellement, ce produit est reversé à l'ensemble des fournisseurs alternatifs, tandis que celui du CP2 revient à l'État. Son montant s'est élevé à 161,7 M€ en 2021, selon la DGEC et à 1,6 Md en 2022, selon la CRE.

Cette situation n'est pas optimale : d'une part, le caractère peu dissuasif du dispositif peut être source d'effets d'aubaine pour les fournisseurs alternatifs évaluant mal leur quantité d'Arenh par rapport à leur portefeuille de clients ; d'autre part, son caractère complexe ne garantit pas que le bénéfice soit reversé par ces fournisseurs aux consommateurs.

Dans sa délibération du 29 juin 202398(*), compte tenu du montant exceptionnel du CP1 au titre de 2022, la CRE a d'ailleurs invité à revoir les modalités contractuelles liant les fournisseurs aux consommateurs pour permettre une bonne répercussion du CP1 vers ces derniers : « La CRE invite les fournisseurs, dans le cadre de leur relation commerciale, à rechercher des modalités contractuelles adaptées avec leurs clients concernés, au cas par cas et en fonction de ce contexte ».

Dans ce contexte, les rapporteurs appellent à ce que l'allocation du CP1, prévue à l'article L. 336-5 du code de l'énergie, revienne aux consommateurs.

À l'occasion de son audition, EDF a ainsi fait l'analyse suivante99(*) : « Lorsque la demande d'un fournisseur alternatif s'avère supérieure à ses droits effectifs, celui-ci doit rembourser les gains indus tirés de la revente de ces volumes en excès, c'est ce que l'on appelle le complément de prix " CP1 ". Les montants de CP1 sont ensuite reversés à l'ensemble des fournisseurs alternatifs et non pas à l'État. Ces montants ne correspondent pourtant pas à un préjudice subi par les fournisseurs (les sur-demandes conduisent à augmenter le taux d'écrêtement mais ce dernier est en principe répercuté aux clients) mais à un préjudice subi par les clients. De plus, en pratique, ces montants sont peu susceptibles d'être restitués aux clients et pourraient ainsi constituer un effet d'aubaine pour les fournisseurs alternatifs, amplifié par les niveaux de prix actuellement très élevés, de l'ordre du milliard d'euros s'agissant des CP1 qui seront calculés en 2023 au titre de 2022. En effet, les montants touchés individuellement par le fournisseur ne sont pas publics et aucune trame contractuelle liant les fournisseurs à leurs clients n'en prévoit sa restitution. Pour limiter cet effet d'aubaine et rendre possible une éventuelle utilisation de ces montants à des fins de protection des consommateurs, la loi pourrait être modifiée afin que le CP1 soit reversé intégralement à l'État, plutôt qu'aux fournisseurs alternatifs. »

C'est également l'analyse faite par la FNME-CGT, qui a indiqué : « Enfin, le résultat de consommation montre que l'ARENH a été sursouscrite. Autrement dit, les fournisseurs ont demandé un volume supérieur à leurs droits réels en Arenh calculés sur la base de la consommation constatée de leurs clients. À ce titre, ils sont redevables d'un complément de prix CP1 qui est reversé aux fournisseurs alternatifs ” vertueux ”. Nous exigeons que ce complément de prix soit restitué d'une manière ou d'un autre (effet de rattrapage) aux consommateurs car la formule du TRVE (part écrêtement) a été biaisée en aboutissant à un prix vers le haut. Quand les fournisseurs sont redevables d'un montant au titre du complément de prix CP2 (surestimation excessive de son besoin en Arenh), c'est restitué à EDF dans la limite des montants effectivement recouvrés. Nous trouvons que la sanction est mal calibrée et on doit s'interroger sur son droit à l'Arenh pour l'année suivante. »

Les rapporteurs entendent aussi faire évoluer le niveau du produit du CP2, qui vise à pénaliser un fournisseur alternatif dont la marge d'erreur excède 10 %. Actuellement, ce produit est plafonné à 20 € / MWh, alors que le CP1 ne fait l'objet d'aucun plafonnement. Pour la DGEC, le montant du CP2 s'est élevé à 18,6 M€ en 2021 et, pour la CRE, à 21,9 M€ en 2022.

Ici encore, le caractère peu dissuasif du dispositif peut être source d'effet d'aubaine : tout d'abord, le plafond peut conduire à ce que la pénalité soit très inférieure au montant de l'erreur ; ensuite, ce plafond apparaît d'autant moins adapté, en période de forte hausse du prix de l'électricité.

Pour rappel, en 2022, le prix moyen de l'électricité en France a été de 275,9 € / MWh, contre 109,2 € MWh en 2021 (+ 153 %), avec des pics de 369 € en mars, 612 € en août et 399 € en décembre, selon le bilan électrique de RTE100(*).

Le graphique ci-après, tiré des travaux de RTE, rappelle cette évolution :

Dans ce contexte, les rapporteurs souhaitent que le plafond de 20 € / MWh, issu de la délibération de la CRE du 7 octobre 2021101(*), soit relevé ou supprimé, au moins à titre temporaire, face à la crise du prix de l'électricité.

Ce faisant, les rapporteurs font leur l'observation de TotalEnergies, qui a indiqué : « TotalÉnergies soutient également une révision des modalités de calcul des compléments de prix (CP), et notamment un déplafonnement du CP2, actuellement toujours fixé à 20 euros/MWh. »

Face à une matière très technique et très fluctuante, les rapporteurs estiment essentiel de disposer d'une évaluation exhaustive de l'impact du relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh de 2022.

En effet, au cours de leurs travaux, les rapporteurs se sont trouvés dans l'incapacité de disposer d'éléments chiffrés consolidés : la DGEC a décliné sa compétence au profit de celle de la CRE ou de RTE102(*) ; si la CRE a transmis la liste des signataires de l'accord-cadre et des bénéficiaires de l'Arenh, elle n'a pu communiquer davantage de chiffres, qui constituent, selon elle, des données commerciales confidentielles ; enfin, une même confidentialité a été opposée par le groupe EDF103(*) et la plupart des fournisseurs alternatifs.

Si les rapporteurs ne contestent pas la protection des données commerciales confidentielles, et saluent la transmission de données utiles par la présidente de la CRE, ils considèrent que la représentation nationale doit pouvoir disposer d'une évaluation exhaustive. Cette évaluation pourrait être réalisée par la CRE avec, le cas échéant, un appui du ministère de la transition énergétique (MTE). Elle devrait permettre d'apprécier cet impact sur les consommateurs, résidentiels comme industriels, le groupe EDF et les fournisseurs alternatifs.

Enfin, les rapporteurs estiment fondamental de défendre l'énergie nucléaire, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

Sans préjuger de l'organisation qui résultera de cette réforme, l'énergie nucléaire doit bénéficier d'une neutralité technologique par rapport aux énergies renouvelables, en particulier dans les outils de financement de long-terme, tels que les CfD.

L'intérêt des CfD, dans le cadre d'une future régulation du nucléaire, a été relevé par la CRE, la DGEC, EDF, RTE, l'Anode, l'Afieg, Engie, Eni, la FNME-CGT et la CFDT-FCE104(*). Dans ce contexte, la CLCV a fait part du besoin de consultation du public.

En tout état de cause, de tels outils de financements doivent conserver un caractère national, en demeurant de la compétence des États membres, et volontaire, en respectant la latitude des fournisseurs d'électricité.

La CRE a rappelé aux rapporteurs la nécessité de substituer un nouveau dispositif de régulation à l'Arenh après 2025 : « L'Arenh s'arrête fin 2025, et si aucun mécanisme alternatif n'est trouvé, les consommateurs français seront totalement exposés aux prix de gros à partir de 2026. Il revient aux autorités françaises, Gouvernement et Parlement, de décider si elles souhaitent donner une suite à l'Arenh et dans ce cas de mettre en place une nouvelle régulation du nucléaire existant à partir de 2026. Cette nouvelle régulation devra d'inscrire dans les travaux européens sur la réforme du marché européen de l'électricité. Dans sa réponse à la consultation publique de la Commission européenne sur [cette] réforme, la CRE a indiqué plusieurs pistes de réflexion (CfD, contrats de long terme) l'objectif étant de disposer d'un cadre qui permette de faire bénéficier l'ensemble des consommateurs français des coûts du parc nucléaire et autres sources d'électricité décarbonées. »

EDF s'est exprimée en ces termes sur l'intérêt des CfD105(*) : « Les CfDs [...] sont un moyen de sécuriser de nouveaux investissements. EDF considère que leur définition doit rester suffisamment large afin de prendre en compte le cycle de vie des différents actifs : à cet égard les propositions des législateurs européens apparaissent en l'état trop restrictives pour les investissements nécessaires à l'extension de la durée de vie des installations [ou à] l'inclusion des futures innovations [...] Par ailleurs, les CfDs doivent se conclure sur une base volontaire des parties prenantes. Enfin, des CfDs bilatéraux bien conçus doivent inciter les producteurs à adapter leur programme de production en fonction des conditions d'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité. »

Au total, le groupe a indiqué que106(*) : « À compter de 2026, EDF appelle de ses voeux une valorisation de son parc de production nucléaire existant dans un cadre reposant notamment sur le développement de contrats de long terme, librement négociés entre EDF et ses cocontractants. Ce type de contrats doit se développer [...] pour apporter de la visibilité à la fois aux consommateurs, en stabilisant le montant de leurs factures, et aux producteurs, en instaurant un cadre propice aux investissements de long terme. En tout état de cause, les conditions de revenus du nucléaire existant devront permettre la couverture des coûts d'exploitation du parc existant, le remboursement et la rémunération du capital engagé, ainsi que le financement des investissements de prolongation et de renouvellement de l'outil industriel. »

Tout comme le groupe EDF, la CFDT-FCE a fait part de son intérêt pour les CfD : « Le mécanisme qui émerge dans les cadre de la réflexion sur le market design à l'initiative de la Commission Européenne laisse imaginer que l'Arenh sera remplacé par des CfD avec un corridor de prix. La CFDT adhère à cette idée avec surtout un enjeu fort sur la fixation du prix du CfD protecteur du consommateur mais apte à assurer une juste rémunération des producteurs. »

Dans le même esprit, la FNME-CGT a indiqué sa préférence pour les CfD aux PPA : « Nous sommes par ailleurs extrêmement inquiets par la réforme du marché européen proposée par la commission. La réforme va favoriser les contrats de type PPA entre producteurs et fournisseurs ou gros consommateurs à la maille européenne. [...] C'est pour cela que dans ce cadre, la FNME-CGT préfère les CfD laissant à l'État un moyen d'agir. »

Concernant Eni, elle a appelé à privilégier un prix unique dans les CfD : « La proposition de 2019 du Gouvernement qui visait à mettre en place un contrat pour différence est une option intéressante sous réserve que les modalités de mise en oeuvre respectent les prérequis cités ci-dessus. La définition de deux références de prix (plafond et plancher) est un facteur de complexité inutile. Le dispositif fonctionnerait tout aussi bien avec une seule référence de prix. »

Quant à la DGEC, elle a rappelé que la réforme est en cours : « Le Gouvernement appelle depuis 2021 à une réforme structurelle du marché européen de l'électricité. Dans ce cadre, la Commission européenne a lancé une consultation publique, achevée en février 2023 et à laquelle la France a répondu, et a publié une proposition de règlement le 14 mars 2023. Le Gouvernement participe activement à ces réflexions dans l'objectif de pouvoir faire converger le prix payé par le consommateur du coût de long terme de production et non plus du prix des combustibles fossiles, extrêmement volatile. Cela permettrait par ailleurs d'améliorer la prévisibilité des producteurs quant à leurs revenus. »

Recommandation n° 1 : Corriger les « effets de bord » de la méthodologie de l'Arenh, en :

- Relevant le prix de l'Arenh à 49,5 € par MWh et ne modifiant pas le plafond légal de 120 TWh (articles L. 336-2 et L. 337-16 du code de l'énergie) ;

- Tenant compte de la production nucléaire, en envisageant la révision du coefficient de bouclage (Arrêté du 11 mai 2011) ;

- Prévenant le risque de saisonnalité, en envisageant l'élargissement de la période de calcul, voire le remplacement du volume par un taux (Arrêté du 11 mai 2011) ;

- Reversant le produit du « CP1 » aux consommateurs (article L. 336-5 du code de l'énergie) ;

- Déplafonnant le niveau du « CP2 », actuellement limité à 20 € /MWh (même article) ;

- Faisant évaluer, par la CRE et le MTE, l'impact exhaustif de « l'Arenh + » sur les consommateurs, résidentiels comme industriels, le groupe EDF et les fournisseurs alternatifs ;

- Intégrant le nucléaire dans les outils de financement de long terme, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

II. RENFORCER LES CONTRÔLES ET LES SANCTIONS LIÉS À L'ARENH

En second lieu, les rapporteurs sont conscients du besoin de renforcer les contrôles et les sanctions liés à l'Arenh, qui ont été éprouvés par de possibles abus en 2022.

À cette fin, plusieurs évolutions sont nécessaires.

Tout d'abord, les rapporteurs appellent à faire évoluer la notion d'abus du droit d'Arenh, afin notamment de pouvoir réprimer dans ce cadre les comportements de fournisseurs intermittents.

Actuellement, l'article L. 134-26 du code de l'énergie définit l'abus du droit d'Arenh comme « tout achat d'électricité nucléaire historique dans le cadre du dispositif d'accès régulé à celle-ci sans intention de constituer un portefeuille de clients y ouvrant droit, en particulier tout achat de quantités d'électricité nucléaire historique excédant substantiellement celles nécessaires à l'approvisionnement de sa clientèle et sans rapport avec la réalité du développement de son activité et les moyens consacrés à celui-ci, et plus généralement toute action participant directement ou indirectement au détournement des capacités d'électricité nucléaire historique à prix régulé ».

Cette définition peut se révéler insuffisante pour réprimer les comportements abusifs des fournisseurs, dont les arbitrages saisonniers.

C'est pourquoi le CoRDiS a indiqué que « pour améliorer la répression des manquements liés à l'Arenh, il pourrait être intéressant d'élargir la notion d'abus du droit d'Arenh pour pouvoir y intégrer de nouveaux types de manquement ».

Dans le même esprit, EDF a suggéré « de préciser la notion d'abus du droit d'Arenh afin d'appréhender en particulier les comportements des fournisseurs alternatifs intermittents et ainsi permettre au régulateur de se saisir pleinement de son pouvoir de sanction ».

Plus encore, les rapporteurs estiment crucial de compléter les sanctions pouvant être appliquées en cas d'abus du droit d'Arenh, de manière notamment à en supprimer le bénéfice en cas d'abus avéré.

Selon le droit en vigueur, le CoRDiS dispose de pouvoirs de mise en demeure et de sanction des abus (article L. 134-26 du code de l'énergie), d'interruption de la fourniture (article L. 336-9 du même code), ainsi que d'interdiction de l'accès aux réseaux, pour une durée ne pouvant excéder un an, et de sanction, jusqu'à 8 % du chiffre d'affaires HT (article L. 134-27 du même code).

Dans ce contexte, le CoRDiS a estimé qu' « il pourrait être intéressant [...] aussi s'agissant des sanctions pouvant être prononcées, de supprimer le bénéfice de l'Arenh en cas d'abus de l'acteur reconnu coupable d'un manquement. »

Dans le même ordre d'idées, EDF a relevé que « des modifications pourraient être apportées [à l'article] 134-27 du code de l'énergie en vue notamment d'ajouter une sanction par le CoRDiS en cas d'abus avéré (interdiction temporaire de bénéficier de l'Arenh à l'instar de ce qui est prévu en cas de défaut de paiement). »

Au-delà de la définition de l'abus du droit d'Arenh et de sa répression, les rapporteurs considèrent prioritaire d'accélérer les procédures devant le CoRDiS et de formaliser les signalements reçus par la CRE.

Actuellement, le CoRDiS doit répondre en urgence à la saisine du président de la CRE portant sur l'interruption de la livraison d'Arenh (article L. 336-9 du code de l'énergie).

De plus, il tâche de réduire les délais d'instruction et d'appliquer les meilleures pratiques, comme il l'a indiqué aux rapporteurs : « Sa pratique générale est de respecter, lorsqu'ils existent, les délais légaux même lorsqu'ils ne sont pas fixés à peine de dessaisissement ou d'illégalité (cas du règlement des différends, le délai maximum de quatre mois est désormais respecté de manière systématique sauf demande des parties elles-mêmes) ; un même effort de compression des délais de procédure a été entrepris pour les différents types de sanction, sachant que la très grande complexité de certains dossiers et les exigences du procès équitable interdisent de réduire excessivement le temps de procédure. »

Pour autant, davantage de célérité peut être encore recherchée.

C'est une préoccupation identifiée par la CRE : « Une réflexion est en cours pour proposer une accélération des procédures du CoRDiS afin de sanctionner, le cas échéant, plus rapidement les acteurs. Ces modifications nécessiteraient des modifications législatives. »

C'est aussi une préoccupation intéressant le CoRDiS lui-même : « De manière générale, le CoRDiS estime, en accord sur ce point avec le collège de la CRE, qu'une refonte des procédures de sanction par le législateur pourrait utilement intervenir en réduisant les éléments redondants de contradictoire, permettant de diviser par deux, sans réduction de garantie, les délais séparant la décision de la CRE de rechercher une sanction et la date à laquelle le CoRDiS se prononce. »

Pour réaliser concrètement cette accélération, plusieurs procédures pourraient être instituées, telles qu'une procédure de référé, comme l'a suggéré le CoRDiS : « De même, la recherche de l'établissement de pouvoirs d'urgence, permettant (à l'instar de la procédure de référé devant les juridictions) à un membre du CoRDiS au terme d'une audience après une instruction accélérée de prononcer des mesures provisoires, jusqu'à l'intervention d'une décision de fond dans un délai inférieur à deux mois, pour les cas les plus manifestes pourrait utilement être mise à l'étude. »

Parmi les autres procédures, une possibilité de transaction ou de clémence est aussi évoquée par le CoRDiS : « Une révision de la procédure de sanction pouvant comporter l'introduction d'une possibilité de transaction (sanction négociée), ou encore de clémence (sur le modèle de l'autorité de la concurrence) permettrait à la CRE et à son comité de compléter utilement ses outils de régulation, de contrôle et de sanction. Ce moyen est largement employé par certaines autorités administratives indépendantes françaises (AMF, ADLC) ainsi que par des autorités nationales de régulation au niveau européen. »

Autre point, si le CoRDiS ne demande pas à disposer de pouvoirs et de moyens d'enquête et de contrôle, il souhaite que la CRE bénéficie à cette fin de moyens complémentaires, le cas échéant mutualisés : « Le CoRDiS ne souhaite pas, de manière à respecter la logique du choix opéré par le législateur de confier à un comité séparé du régulateur le pouvoir de sanction, disposer de pouvoirs d'enquête ou de contrôle. Il est en revanche éminemment souhaitable, dans le domaine de l'Arenh et plus généralement dans tous les domaines pour lesquels le CoRDiS dispose d'un pouvoir de sanction, que les moyens de contrôle et d'enquête et les moyens mis à la disposition des enquêteurs (tels que les systèmes d'intelligence artificielle pour la surveillance des comportements de marché), soit considérablement renforcés. De manière à ménager les ressources de l'État, et alors que les besoins peuvent être conjoncturels, une mutualisation de certaines compétences (informatiques économiques, juridiques) permettrait d'obtenir un renforcement collectif des autorités de contrôle de marchés de toute nature. Le modèle du PEReN (Pôle d'expertise de la régulation numérique, service à compétence nationale qui peut être mobilisé par les autorités de régulation sur une base conventionnelle respectant leur autonomie) est un bon exemple de renforcement fondé sur la synergie et la maitrise des couts. »

Une extension de la saisine du CoRDiS dans les différentes procédures prévues en matière d'Arenh pourrait aussi être étudiée, de manière à ce que le comité puisse être plus largement saisi, au-delà de la CRE, par le ministre chargé de l'énergie, les parties à l'accord-cadre, des associations agréées d'utilisateurs, des organisations professionnelles ou encore d'office, à l'instar des procédures applicables aux réseaux d'électricité notamment (article L. 134-25 du code de l'énergie).

Cependant, sans pouvoir d'enquête ou de contrôle, l'impact d'une telle réforme pourrait être limité, comme l'a indiqué le CoRDiS : « Si l'article L. 134-25 du code de l'énergie prévoit que le CoRDiS peut procéder d'office à des sanctions, le législateur n'a attribué pour autant aucun pouvoir de contrôle au comité, seule la CRE étant en mesure d'utiliser les moyens dont elle dispose et les pouvoirs d'enquête qui lui sont reconnus par la loi. Il est donc, dans les faits, impossible au CoRDiS de sanctionner d'office comme la loi le lui permet. »

Parmi les personnes auditionnées, certaines ont regretté l'absence de retour formel sur les saisines en matière d'Arenh.

Ainsi, le MNE a relevé le retard avec lequel la CRE a été répondu à ses signalements : « Olivier Challan Belval, le médiateur national de l'énergie, a immédiatement adressé un courrier le 13 décembre 2021 à l'ancien président de la CRE, Jean-François Carenco, pour lui signaler cette affaire. Le médiateur national de l'énergie n'a pas été tenu informé par la CRE des suites qui auraient été données à son courrier de signalement ; elle n'en a même pas accusé réception... De nouveau alerté en août 2022 par des pratiques suspectes du même fournisseur [...] le médiateur national de l'énergie a pris contact avec Emmanuelle Wargon, la nouvelle présidente de la CRE, qui s'est immédiatement saisie du sujet ; elle a notamment mandaté un représentant de la CRE à la réunion organisée par le médiateur national de l'énergie [...] le 25 août 2022. ».

Plus largement, le MNE a rappelé ne pas toujours avoir de retour sur ces alertes de la part des différents services : « Le MNE ne dispose pas de pouvoir contraignant, d'enquête ou de sanction. Lorsqu'il identifie qu'une pratique d'un opérateur lui semble être en infraction avec la réglementation en vigueur, il effectue un signalement auprès des autorités compétentes : DGCCRF principalement, pour les infractions au code de la consommation (plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'infractions par mois), DGEC en cas d'infraction au code de l'énergie, ou CRE en cas de manquement aux règles de fonctionnement du marchés. Le MNE n'est généralement pas informé des suites données par les autorités compétentes à ses signalements, qui alimentent des enquêtes, lesquelles peuvent durer plusieurs mois, voire plusieurs années. »

Si l'Anode a estimé utile de centraliser le suivi et le contrôle de l'Arenh autour de la CRE, elle a relevé le rôle des signalements complémentaires du MNE : « Il nous paraît préférable de centraliser cette activité au sein d'une seule autorité pour garantir l'efficacité du dispositif de suivi et de contrôle. De plus, la CRE dispose de prérogatives larges au titre de la surveillance du marché de détail et, depuis 2022 au titre du mécanisme Arenh, pour enquêter et, le cas échéant, demander l'application de sanctions au CoRDiS. Le MNE, pourra compléter ce travail de surveillance en signalant à la CRE les cas qu'il juge " anormaux ” ou “ suspicieux ”, comme il le fait déjà avec la CRE ou la DGCCRF sur d'autres sujets. »

De son côté la CLCV a regretté, à l'instar du MNE, le délai avec lequel il lui a été répondu : « Notre association avait publiquement prévenu dès janvier 2022 (communiqué de presse et lors des auditions TRV par la CRE) du risque de faille spéculative sur l'Arenh. Il a fallu attendre septembre pour avoir un début de réaction publique. [...] Notez que la CRE n'a jamais répondu à nos courriels qui détaillent nos calculs. [...] Le guichet Arenh de 2022 a été complément dysfonctionnel et la CRE fait preuve d'une passivité très problématique et son attribution 2022 pose de nombreuses questions sur les objectifs du régulateur : [Pourquoi] attribuer 20 TWh de plus alors que le besoin réel était surestimé de 24 TWH ? Le problème s'est reposé sur le guichet Arenh 2023 dans une moindre mesure (plutôt 10/12 TWh de surestimation) [...] L'inaction de la DGCCRF sur le marché de détail énergie est un sujet important mais tout autre. »

S'il est nécessaire d'accélérer les procédures et d'élargir leur sanction, les rapporteurs estiment utile une plus grande reddition des comptes au profit des consommateurs.

Selon la législation applicable, la CRE rend compte de son activité via un rapport trimestriel sur le marché de détail, un rapport annuel sur l'évolution des contrats à tarification dynamique (article L. 134-15-1 du code de l'énergie), un rapport annuel sur les gestionnaires des réseaux, un rapport bisannuel sur les réseaux électriques intelligents (article L. 134-15 du même code) ou encore un bilan de sa mission de surveillance des PPA (II de l'article 86 de la loi « EnR », de 2023107(*)).

De son côté, le MNE gère le comparateurs des offres de fourniture de gaz naturel et d'électricité (article L. 122-3 du même code).

Ensemble, la CRE et le MNE doivent organiser des campagnes d'information sur l'introduction des offres à tarification dynamique (B du VI de l'article 96 de la loi « Climat-Résilience », de 2021108(*)) ou l'extinction des tarifs réglementés de vente du gaz (VIII de l'article 63 de la loi « Énergie-Climat », de 2019109(*)).

Il faut appliquer effectivement le régime de contrôle et de sanction.

À cette fin, une meilleure reddition des comptes sur l'application du dispositif de l'Arenh, dans le cadre des rapports annuels de la CRE et du MNE serait nécessaire.

Quant aux ministres chargés de l'énergie et de l'économie, ils devraient organiser une présentation sur le même sujet, et notamment de l'activité de la DGEC et de la DGCCRF dans ce cadre, devant le Parlement.

EDF a ainsi proposé une plus grande reddition des comptes de la CRE et du MNE : « EDF n'identifie pas, à date, de nécessité de renforcement des attributions ou des moyens de la CRE ou du MNE. Ces deux organismes pourraient, en revanche, faire évoluer leur pratique, afin de faire davantage de publicité aux comportements dévoyés de certains fournisseurs, notamment concernant ceux suspendant leur développement commercial ou encourageant leurs clients à rejoindre le fournisseur historique pendant les périodes hivernales. »

Autre sujet, les rapporteurs considèrent nécessaire de tirer les conclusions des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh en 2022, dans le but d'appliquer les meilleures pratiques en termes de contrôle et de sanction ou encore d'information.

Ce bilan pourrait être établi par la CRE, avec le cas échéant, l'appui du MTE. Il devrait faire l'objet d'une publication sur le site du régulateur et du Gouvernement et d'une transmission au Parlement.

Ce besoin d'évaluation a notamment été signalé par Vattenfall : « Il serait utile que la mission d'information sénatoriale demande un retour d'expérience à la CRE sur l'application de l'Arenh+ pour étudier la manière dont les fournisseurs ont agi et comment cela a aidé l'industrie à faire face à la crise des prix de l'énergie. »

Enfin, à l'heure de la réforme du marché européen de l'électricité, les rapporteurs jugent essentiel de conserver les compétences des autorités de régulation ou juridictions nationales dans la recherche ou la répression des comportements frauduleux dans le secteur de l'électricité.

C'est une nécessité au regard des principes de subsidiarité mais aussi d'indépendance et d'impartialité.

Dans ce contexte, l'analyse faite par la DGEC leur semble appropriée : « La réforme européenne du marché de l'électricité envisage également d'améliorer le fonctionnement de la régulation des acteurs et, si les autorités françaises ne sont pas convaincues de la pertinence des solutions envisagées par la Commission - elles passeraient par un renforcement des pouvoirs du régulateur européen, l'ACER, au détriment des pouvoirs des régulateurs nationaux -, cela montre que cet enjeu est actuellement discuté au niveau européen. La France porte dans les négociations une amélioration de ces dispositions. »

Recommandation n° 2 : Renforcer les contrôles et les sanctions liés à l'Arenh, en :

- Élargissant la notion d'abus d'Arenh, pour réprimer les comportements intermittents des fournisseurs (article L. 134-26 du code de l'énergie) ;

- Ajoutant une sanction auprès du CoRDiS, pour supprimer le bénéfice de l'Arenh en cas d'abus avéré (article L. 134-27 du code de l'énergie) ;

- Accélérant les procédures devant le CoRDiS (référé, transaction, clémence, saisine) et formaliser les signalements du MNE vers la CRE, la DGEC ou la DGCCRF ;

- Rendant compte, auprès des consommateurs, de l'activité de contrôle et de sanction de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF ;

- Faisant établir, par la CRE et le MTE, un retour d'expérience sur les contrôles et les sanctions mis en oeuvre dans le cadre de l' « Arenh + » ;

- Refusant le transfert de compétences des autorités ou juridictions nationales vers l'ACER, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

III. RENFORCER LES OBLIGATIONS DES FOURNISSEURS

En troisième lieu, les rapporteurs sont convaincus de la nécessité de renforcer les obligations des fournisseurs, de manière à conjurer le risque de défaillance, actuellement peu pris en compte.

Tout d'abord, les rapporteurs estiment crucial de renforcer les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture.

Actuellement, l'article L. 333-1 du code de l'énergie prévoit que les fournisseurs d'électricité ou les producteurs d'électricité concluant un contrat de vente directe d'électricité doivent être titulaires d'une autorisation délivrée par l'autorité administrative.

Cette autorisation ne peut être accordée qu'aux ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou, dans le cadre d'accords internationaux, d'un autre État, en fonction des capacités techniques, économiques et financières du demandeur et de la compatibilité du projet avec les obligations pesant sur les fournisseurs d'électricité.

Un décret du 11 mars 2021110(*) est venu préciser les conditions d'application de cette autorisation.

L'article R. 333-1 du code de l'énergie prévoit ainsi que le demandeur soumette notamment son immatriculation, son actionnariat, sa compatibilité, sa cote de crédit, l'absence de situation d'impayé, de défaut ou de procédure collective, ses projections financières, la description de ses activités industrielles et commerciales, ses obligations fiscales et sociales, la description de ses caractéristiques commerciales, ses moyens humains, matériels et financiers ou son plan approvisionnement en électricité.

À l'évidence, ces conditions ne sont pas suffisantes pour conjurer le risque de défaut des fournisseurs.

La CRE, le MNE, EDF, Engie, l'Afieg et la CFDT-FCE ont donc appelé à renforcer les conditions requises pour l'obtention et la conservation d'une autorisation de fourniture.

La CRE a ainsi indiqué être favorable au renforcement des conditions d'obtention et de conservation de l'autorisation de fourniture : « Dans un cadre plus large que le seul dispositif Arenh, la CRE est favorable au renforcement des conditions requises pour obtenir et conserver l'autorisation de fourniture d'électricité. »

Dans le même esprit, EDF a estimé utile une révision du décret précité : « Selon EDF, il semble effectivement utile que l'État puisse aller plus loin dans la définition des obligations incombant aux fournisseurs d'électricité en France. À ce sujet, le décret n° 2021-631 a contribué à faire évoluer les choses dans ce sens, sans que cela ne soit pour autant tout à fait suffisant. »

À titre d'exemple, les garanties bancaires sont insuffisantes selon le groupe : « Les garanties bancaires prévues par l'accord-cadre couvrent les factures émises au titre des livraisons réalisées mensuellement, mais ne permettent pas nécessairement de couvrir les éventuels compléments de prix (venant compenser, sinon sanctionner les demandes excessives), calculés dans le courant de l'année suivant la livraison. »

Plus substantiellement, l'Afieg a appelé à instituer un contrôle a priori de la situation financière des acteurs : « Une des mesures susceptibles de limiter ces risques d'abus, serait de renforcer les conditions à remplir pour être titulaire de l'autorisation d'achat pour revente d'électricité, attribuée par la DGEC. Ainsi, l'Afieg est favorable à un renforcement du contrôle pour l'attribution de cette autorisation administrative. En particulier, l'Afieg suggère de favoriser un contrôle a priori de la situation financière des acteurs souhaitant bénéficier d'une autorisation d'achat pour revente plutôt qu'un contrôle a posteriori pouvant s'avérer à la fois plus lourd et moins efficace pour le régulateur. »

Ce constat est convergent avec celui d'Engie, qui a plaidé pour l'institution de stress tests comme condition préalable à l'autorisation de fourniture : « Engie promeut la mise en place de stress tests sous l'égide des autorités de tutelle, comme condition préalable à l'octroi d'une licence de vente d'électricité. À l'instar des règles prudentielles applicables aux acteurs financiers, cette mesure pourrait renforcer les fournisseurs et la confiance que leur accordent les clients. Cela ne devrait pas aller jusqu'à prescrire un modèle précis de couverture, car contrairement à l'objectif recherché, imposer un modèle différent de celui correspondant au portefeuille d'un fournisseur donné pourrait l'affaiblir. Il s'agit plutôt de tester la robustesse des pratiques par lesquelles les fournisseurs garantissent l'approvisionnement de leurs clients sur les durées standard des offres (= 3 ans). Avoir une supervision par le régulateur des pratiques de couverture des fournisseurs pourrait ainsi être bénéfique pour répondre aux préoccupations actuelles. Cette vérification des conditions d'autorisation pourrait en outre être menée sur une base régulière. Lors de ce contrôle, les fournisseurs devraient montrer comment ils ont appliqué leur politique de risque et/ou l'ont modifiée. Nous suggérons ainsi qu'une liste minimale de contrôles financiers, opérationnels et techniques soit définie pour l'approbation des licences [...] au niveau national. »

Quant au MNE, il s'est dit favorable à un renforcement des obligations requises pour l'autorisation de fourniture : « Tout d'abord, le MNE est favorable à un ” durcissement “ des critères d'autorisation de fourniture d'énergie [...] Si la loi a prévu que, pour exercer l'activité de fourniture d'énergie, il fallait disposer d'une autorisation délivrée par les pouvoirs publics, c'est parce qu'il s'agit d'un bien de première nécessité (ou équivalent pour le gaz), ce qui implique des disposer de garanties particulières. »

Enfin, la CFDT-FCE a indiqué que « la mise en oeuvre de règles prudentielles appliquées aux fournisseurs est très importante pour protéger les consommateurs. »

De plus, les rapporteurs jugent souhaitable de centraliser les demandes et les contrôles des autorisations de fourniture auprès de la CRE.

Selon le droit applicable, l'article R. 333-2 du code de l'énergie confie au ministre chargé de l'énergie l'octroi des autorisations de fourniture et l'article R. 333-6 du même code leur retrait ou leur suspension.

Ce n'est pas optimal, dans la mesure où les contrôles en matière d'abus du droit d'Arenh relèvent de la CRE et du CoRDiS, selon l'article L. 134-26 du même code.

Dès lors, la CRE, l'Afieg, l'Anode, Engie, TotalÉnergies et Vattenfall ont suggéré de confier les autorisations de fourniture à la CRE.

La CRE s'est ainsi exprimé en ces termes : « La CRE estime qu'elle dispose d'une expertise fine des marchés de détail qui lui permettrait d'instruire les attributions, suspensions et suppressions d'autorisation de fourniture d'électricité. En revanche, cette nouvelle mission devrait obligatoirement s'accompagner d'effectifs supplémentaires pour la mener à bien. »

De leur côté, l'Afieg et TotalÉnergies « sont favorables à ce que la CRE prenne en charge la mission d'attribution et de contrôle des autorisations de fourniture, lesquelles pourraient être renforcées au niveau des compétences techniques et financières, en incluant par ailleurs des obligations prudentielles en termes de couverture. »

Il en va de même de l'Anode : « Il nous paraît préférable de centraliser cette activité au sein d'une seule autorité pour garantir l'efficacité du dispositif de suivi et de contrôle. De plus, la CRE dispose de prérogatives larges au titre de la surveillance du marché de détail et, depuis 2022 au titre du mécanisme Arenh, pour enquêter et, le cas échéant, demander l'application de sanctions au CoRDiS. »

Un même constat a été fait par Vattenfall : « La CRE a déjà vu des attributions de contrôle renforcées dans le cadre de l'Arenh+. Nous sommes aussi [...] favorables à ce que la CRE étende ses compétences à l'attribution de l'autorisation de fourniture (art. L333-1 et s. du code de l'énergie). »

Plus encore, les rapporteurs considèrent impératif de mieux encadrer l'application des autorisations de fourniture d'électricité, en permettant leur réexamen, leur suspension ou leur retrait notamment.

En l'état actuel de la législation, l'article R. 333-6 du code de l'énergie permet, en cas de manquement, la suspension ou le retrait de l'autorisation. Ce retrait peut être total ou partiel. Il peut s'appliquer par catégorie de client ou par zone de desserte. Cette suspension peut ne concerner que les nouveaux contrats.

Ses possibilités devraient être effectivement appliquées.

C'est pourquoi le Médiateur de l'énergie a indiqué : « Le MNE est favorable à ce que les fournisseurs coupables de pratiques frauduleuses se voient retirer leur autorisation de fourniture. Une autre sanction possible est de leur interdire d'activer des contrats pour de nouveaux clients, comme cela été fait par l'OFGEM111(*) au Royaume-Uni. [...] A noter que depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2021-273 relatif à la fourniture d'électricité ou de gaz naturel (article 5), le retrait ou la suspension d'une autorisation de fourniture, pouvant se limiter à la souscription de nouveaux contrats, est rendu possible. »

Autre point, les rapporteurs estiment nécessaire de consolider les fournisseurs de secours en électricité.

Depuis la loi « Énergie-Climat », de 2019112(*), il est prévu que des fournisseurs de secours pallient les fournisseurs défaillants ou ceux dont l'autorisation de fourniture a été retirée.

L'article R. 333-25 du code de l'énergie prévoit que le fournisseur de secours est désigné pour une période de 5 ans. La fourniture de secours doit être assurée jusqu'au terme du contrat ; elle est constituée d'une offre de marché, assortie d'une majoration, ne pouvant excéder un an.

Le groupe EDF a été désigné fournisseur de secours pour la zone de desserte de RTE et les entreprises locales de distribution (ELD) pour leurs zones de desserte respectives, par un arrêté du 5 novembre 2021113(*).

Pour autant, cette désignation a été faite à titre provisoire, jusqu'à la publication de l'arrêté du ministre de l'énergie, pris à l'issue de la procédure d'appel à candidatures, mentionnée à l'article R. 333-22 du code de l'énergie.

Aussi convient-il de conforter la situation juridique mais aussi les conditions financières des fournisseurs de secours d'électricité.

Plus largement, les rapporteurs appellent à relever les moyens de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF.

La CRE, le MNE, le CoRDiS mais aussi TotalÉnergies et Vattenfall, ou encore la CFDT-FCE, ont fait part de cette nécessité.

La CRE a rappelé, en ces termes, que les moyens de sa direction relative aux marchés nécessitent d'être consolidé : « Au niveau des moyens humains, la direction du développement des marchés et de la transition énergétique dispose de plusieurs agents dédiés à la mise en oeuvre et au contrôle de l'Arenh, qui travaillent en liaison étroite avec les équipes de la direction des affaires juridiques. Néanmoins, les effectifs de cette direction, également responsable de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire, sont extrêmement sollicités et la CRE verrait d'un bon oeil des renforts supplémentaires. »

De son côté, le MNE a précisé ne disposer d'aucun moyen pour répondre possibles abus d'Arenh : « Le MNE n'a pas de compétence, ni de pouvoir pour enquêter ou sanctionner des pratiques frauduleuses. Il ne dispose donc d'aucun moyen pour y répondre. »

Dans ce contexte, plusieurs acteurs ont appelé à un renforcement des moyens de la CRE, en cas de transfert vers cette autorité des autorisations de fourniture.

C'est le cas de l'Afieg et Total : « Au regard de ses missions sans cesse croissantes, la question des moyens budgétaires et salariaux de la CRE se pose »

C'est aussi le cas de Vattenfall : « Cela impliquerait en parallèle d'en renforcer significativement les moyens. ».

Même en l'absence tout transfert, un renforcement des moyens des acteurs précités est crucial.

Ainsi, si la CFDT-FCE a plaidé pour que « la CRE reste le gendarme du marché et que la DGEC [reste] avec les services de l'État et le législateur à l'origine des lois et des règles. », elle a ajouté que « la CRE et le MNE manquent cruellement de moyens pour assurer un rôle de “ police ” des marchés. »

Pour autant, la FNME-CGT a appelé à renforcer les moyens du MNE, plutôt que de la CRE : « La CRE - compte tenu de sa mission - ne peut contrôler la vision qu'elle impose de manière objective. [...] Le MNE est probablement mieux placé pour apporter une vue sincère d'éventuels écarts. »

Dans le même esprit, la FNEM-FO a indiqué : « De plus, le rôle de la CRE ne peut pas jouer totalement sa carte de l'indépendance dans la mesure où elle promeut un système totalement libéral et donc favorise une concurrence qui n'en est en réalité pas une. [...] Les services de l'État français auraient sûrement une partition différente dans ce paysage s'ils en avaient la charge exclusive. »

Enfin, les rapporteurs plaident pour appuyer l'institution de règles de couverture, prévue dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

La CRE, la DGEC, EDF, Engie, TotalÉnergies, Vattenfall et la CFDT-FCE ont indiqué que cette réforme constitue une opportunité sur ce sujet.

La CRE s'est dite favorable aux règles de couverture envisagées dans le cadre de cette réforme : « La proposition de réforme du marché européen de l'électricité publiée par la Commission européenne prévoit des obligations de nature prudentielle pour les fournisseurs, concernant notamment la couverture en amont des engagements (notamment les offres à prix fixe) pris vis-à-vis des consommateurs. La CRE est favorable à cette proposition. »

De son côté, la DGEC a indiqué son souhait d'une régulation prudentielle : « Nous souhaitons que soit créée une régulation prudentielle qui viserait à vérifier que les fournisseurs soient couverts en cohérence avec leurs offres de fourniture. Au-delà de la protection des consommateurs que cela assurerait, cela permettrait de limiter les risques d'abus d'Arenh ou de tout autre mécanisme qui lui succèderait. »

Plusieurs acteurs économiques ont montré leur intérêt pour une telle régulation prudentielle, EDF ayant rappelé que « dans sa consultation sur la réforme de l'architecture du marché, la Commission européenne a évoqué des pistes de renforcement des obligations incombant aux fournisseurs d'électricité. »

Il en va de même de Total Énergies : « TotalÉnergies soutient enfin une régulation prudentielle des fournisseurs d'électricité reposant sur des obligations de couverture minimale. La définition de cette régulation prudentielle de l'activité des fournisseurs d'électricité' serait à définir en lien avec la DGEC et la CRE, dans un cadre européen en cours de redéfinition avec la présentation le 14 mars 2023 du règlement Electricity Market Design (EMD)114(*). »

Il en va également ainsi de Vattenfall : « Cette évolution vers une régulation prudentielle sera de nature à assainir le marché et à protéger les consommateurs des comportements abusifs de certains acteurs minoritaires observés lors de l'hiver 2021-2022 ».

Recommandation n° 3 : Renforcer les obligations des fournisseurs, en :

- Confortant les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture, avec l'imposition d'obligations prudentielles et la réalisation de stress tests (article L. 333-1 du code de l'énergie) ;

- Centralisant les demandes et les contrôles des autorisations de fourniture auprès de la CRE, plutôt que du MTE ;

- Encadrant mieux l'application des autorisations de fourniture (réexamen des autorisations, retrait des autorisations, interdiction de fourniture) ;

- Consolidant les fournisseurs de secours (article 63 de la loi « Énergie-Climat ») ;

- Relevant les moyens de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF ;

- Soutenant l'imposition d'obligations prudentielles aux fournisseurs, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

IV. AMÉLIORER LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

En dernier lieu, les rapporteurs estiment indispensable de mieux protéger les consommateurs, qui pâtissent encore beaucoup de la hausse du prix de l'électricité et, au-delà, de ceux des autres énergies.

Selon le Baromètre Énergie-Info 2022 du MNE115(*), les consommateurs d'énergie font face à de lourdes difficultés : 89 % d'entre eux sont préoccupés par les prix de l'énergie (contre 84 % en 2021) et 82 % estiment qu'elle représente une part importante du budget (contre 79 % en 2021) ; de plus, 43 % d'entre eux estiment que les TRVE sont plus stables (contre 32 % en 2021) et 31 % plus protecteurs (contre 20 % en 2021).

De plus, selon le MNE, les litiges portant sur les interprétations contractuelles abusives sont de 16 % en 2022 (contre 8 % en 2021) ; les mauvaises pratiques commerciales ont représenté 3 % des litiges en 2022 (contre 5 % en 2021) et le démarchage électronique a concerné 47 % des consommateurs en 2022 (contre 55 % en 2021).

Dans ce contexte, les rapporteurs estiment nécessaire de mieux encadrer l'évolution des contrats de fourniture.

En effet, l'article L. 224-10 du code de la consommation a donné lieu à des interprétations litigieuses.

Cet article prévoit que tout projet de modification envisagé par le fournisseur des conditions contractuelles est communiqué au consommateur par voie postale ou, à sa demande, par voie électronique, au moins un mois avant la date. En matière d'électricité ou de gaz, les projets de modification des modalités de détermination du prix de la fourniture, ainsi que les raisons, les conditions et la portée de cette modification, sont communiqués de manière transparente et compréhensible. Le consommateur dispose d'un délai maximal de trois mois pour résilier le contrat.

Or, selon le MNE, « cette disposition législative, qui permet de déroger au principe que toute modification d'un contrat doit faire l'objet d'un accord des deux parties, a permis d'assouplir les conditions dans lesquelles les fournisseurs d'énergie peuvent faire évoluer leurs tarifs ; mais elle a donné lieu à une application et à des interprétations particulièrement défavorables pour les consommateurs. »

Parmi ces interprétations abusives, le MNE relève une mauvaise information sur les évolutions tarifaires, des offres dont les prix ont été attractifs puis ont augmenté ou encore des offres dont les prix ont été indexés sur les TRVE puis les offres de marché.

C'est pourquoi il a indiqué : « Certains fournisseurs d'énergie ont ainsi mal informé leurs clients sur les évolutions tarifaires, soit parce que l'information ne leur parvenait pas du tout, soit parce que cette information n'était pas suffisamment claire sur les conséquences de l'évolution contractuelle qu'ils envisageaient. [...] Certains fournisseurs ont également proposé de manière systématique des offres à activation différée avec des prix très (trop) attractifs, qui ont été augmentés substantiellement une fois le contrat activé. Certains fournisseurs ont même tenté, en se fondant sur cette disposition, de modifier le prix appliqué en vertu de contrats de fourniture d'énergie conclus à un prix fixe pour une période déterminée ! De même, il y a lieu de s'interroger sur la pratique consistant à faire évoluer les conditions d'indexation des prix en se fondant sur les dispositions de l'article L. 224-10 du code de la consommation ; de nombreux fournisseurs d'énergie ont ainsi informé leurs clients un mois avant sa mise en application de la modification des conditions d'indexation des prix, pour passer d'une indexation sur les tarifs réglementés à une indexation sur les prix des marchés de gros. »

Pour répondre à ces difficultés, le MNE a proposé d'allonger le délai de prévenance d'1 à 3 mois, d'exiger une information loyale, complète et circonstanciée et d'interdire la modification des conditions d'indexation.

Aussi a-t-il précisé : « Le MNE propose trois mesures, afin de mieux protéger les consommateurs d'énergie contre les excès que peut engendrer cet article L. 224-10 du code de la consommation : tout d'abord, le délai de prévenance du consommateur apparaît trop court pour permettre au consommateur de prendre les mesures adaptées ; ce délai pourrait ainsi être allongé et porté à deux, voire trois mois, ce qui aurait également l'intérêt de limiter un peu la tentation de certains fournisseurs ; ensuite, devrait être expressément exigée une “ information loyale, complète et circonstanciée ” des consommateurs, afin d'éviter des pratiques abusives, dans lesquelles le consommateur découvre trop tard toutes les conséquences de la modification à laquelle il n'a pas été en mesure de porter suffisamment d'attention ; enfin, il ne devrait plus être permis de modifier les conditions d'indexation des prix en se fondant sur l'article L. 224-10 du code de la consommation ; il est proposé de considérer qu'il ne s'agit pas d'une simple modification du contrat, mais bien d'un nouveau contrat, ce qui nécessite de recueillir le consentement explicite du consommateur. À titre d'illustration, en Belgique, depuis le 1er janvier 2022, les fournisseurs d'énergie doivent informer clairement leurs clients de l'expiration de leur contrat [...] en leur envoyant une nouvelle proposition de contrat deux mois au moins avant l'expiration du contrat [...] et en leur demandant d'accepter expressément la nouvelle proposition. Si le client ne répond pas, le fournisseur doit attribuer à son client le produit équivalent le moins cher. »

Les rapporteurs partagent les positions précitées du MNE, les évolutions proposées étant de nature à mieux protéger les consommateurs face à la hausse du prix de l'électricité.

Autre évolution, les rapporteurs jugent indispensable de renforcer l'information des consommateurs sur le caractère risqué ou non des offres.

En effet, l'article D. 332-2 du code de l'énergie assimile à des contrats à prix fixes et à durée déterminée ceux pour lesquels le prix de la fourniture de l'énergie est fixé pour un volume et une ou des puissances et ne varie pas en fonction des évolutions des prix sur le marché de gros sur la durée déterminée, sauf notamment pour tenir compte de l'écrêtement de l'Arenh, prévu au deuxième alinéa de l'article L. 336-3 du même code.

Or, selon le MNE, l'assimilation de telles offres à des offres à prix fixe induit les consommateurs en erreur : « Le MNE considère en effet qu'une " offre de fourniture d'électricité avec écrêtement Arenh “ ne devrait pas pouvoir être considérée comme une " offre à prix fixe “, car ce mécanisme, qui entraîne des frais de résiliation anticipée si le consommateur souhaite rompre le contrat avant la date d'échéance compte tenu de l'augmentation des prix appliqués au contrat, est susceptible d'induire les consommateurs en erreur. Tel a notamment été le cas de professionnels ayant souscrit quelques semaines avant le guichet Arenh une “ offre à prix fixe avec écrêtement Arenh “, et qui se sont vus annoncer le mois suivant une augmentation des prix de 30 %, que le fournisseur a justifiée par le fait que les résultats (pourtant prévisibles) de l'octroi de son quota Arenh moins élevés que ce qu'il avait demandé. Dans un tel cas, les consommateurs sont engagés vis-à-vis du fournisseur pendant toute la durée déterminée de son contrat, et peuvent se voir facturer des frais en cas de résiliation anticipée d'un montant très élevé, parfois plusieurs dizaines de milliers d'euros, alors qu'il est loin d'être évident qu'il s'agisse bien juridiquement d'un “ prix fixe “. »

Plus encore, les rapporteurs estiment souhaitable de compléter le comparateur d'offres du MNE.

Prévu à l'article L. 122-3 du code de l'énergie, le comparateur d'offres a été récemment consolidé. D'une part, dès la loi « Énergie-Climat », de 2019116(*), il a été prévu que ces critères de tri rendent compte de la part d'énergie dont l'origine est renouvelable. D'autre part, depuis la loi « Climat-résilience », de 2021117(*), il a été prévu que ces critères de tri distinguent les offres à tarification dynamique.

Il serait souhaitable d'aller plus loin aujourd'hui, par exemple, en distinguant les offres fixes de celles bénéficiant d'un écrêtement de l'Arenh, ou encore en faisant état des sanctions notamment du CoRDiS frappant certains fournisseurs, selon une logique de name and shame.

Cela répondrait à la position de la CRE, qui s'est dite « également favorable à l'instauration d'obligations de transparence et d'information des consommateurs plus importantes, par exemple sur le caractère risqué ou non des offres proposées. »

Cela répondrait aussi à celle d'EDF, qui plaide pour « davantage de publicité aux comportements dévoyés de certains fournisseurs, notamment concernant ceux suspendant leur développement commercial ou encourageant leurs clients à rejoindre le fournisseur historique pendant les périodes hivernales. »

Selon la CLCV, tous les comparateurs d'offres, dont celui du MNE, ont fait l'objet de difficultés, qui doivent maintenant être corrigées : « Quant à l'optimisation Arenh “ avril août ” elle ridiculise tout simplement le secteur, y compris l'ensemble des comparateurs qui ont mis en avant ce type d'offre au classement au printemps 2022. Nous regrettons beaucoup que le comparateur du médiateur ait fait de même plutôt que de préconiser la sécurité du TRV. »

Un autre enjeu pour les rapporteurs est la nécessité de protéger les TPE, à l'instar des consommateurs résidentiels.

Actuellement, les TPE sont mises sur le même plan que les consommateurs résidentiels pour l'application des TRVE : l'article L. 337-7 du code de l'énergie prévoit que ces tarifs bénéficient, à leur demande, pour les sites souscrivant une puissance inférieure à 36 kVA aux consommateurs finals domestiques118(*) et aux consommateurs finals non domestiques employant moins de 10 personnes et dont le CA, les recettes ou le total de bilan annuels n'excède pas 2 M€.

Pour autant, les TPE, qui relèvent du code de commerce, ne bénéficient pas de la même protection que celle prévue pour les consommateurs finals domestiques, au titre du code de la consommation.

C'est pourquoi le MNE a proposé de leur étendre ces protections en ces termes : « Le MNE suggère également de mieux protéger les TPE, en les faisant bénéficier de la protection reconnue par le code de la consommation aux consommateurs domestiques. Il apparaît en effet que les très petits professionnels, qui consomment et se comportent à bien des égards comme des consommateurs particuliers, ne bénéficient pas de toutes les protections édictées pour les particuliers par le code de la consommation. »

Parmi les différences de traitement relevées par le MNE figurent les frais liés à la résiliation anticipée du contrat de fourniture : « À la différence des particuliers qui peuvent changer de fournisseur d'électricité ou de gaz naturel à tout moment, les TPE sont, comme tout consommateur professionnel, le plus souvent engagées auprès d'un fournisseur d'énergie pour une durée fixe, d'une ou plusieurs années, avec facturation de frais en cas de résiliation anticipée du contrat de fourniture. Ces frais sont souvent d'un montant très élevé, de l'ordre de plusieurs milliers d'euros, parfois plus : ces petits professionnels peuvent donc se retrouver dans l'impossibilité de résilier un contrat particulièrement désavantageux, comme on l'a vu pour des contrats souscrits au cours de l'été 2022, alors que les prix étaient particulièrement élevés. »

Hormis les TPE, les rapporteurs préconisent de conserver la spécificité des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution d'électricité119(*) dans le cadre du dispositif de l'Arenh.

Ces derniers bénéficient en effet de l'Arenh pour couvrir leurs pertes, selon l'article L. 336-2 du code de l'énergie.

Il est essentiel que cette spécificité, qui est destinée à compenser les pertes d'électricité sur les réseaux, soit conservée. Elle est d'autant plus légitime que son niveau est modique, de 26,4 TWh en 2022, contre 119,5 TWh pour les fournisseurs alternatifs. Ce montant est toutefois en légère augmentation, avec 26,6 TWh en 2023, contre 26,2 TWH en 2020 (+ 1,53 %).

Dans ce contexte, RTE a indiqué souhaiter « conserver les modalités de calcul et d'attribution de l'Arenh pour les gestionnaires de réseaux, notamment l'absence d'écrêtement et le maintien du coefficient de bouclage à son niveau actuel de 0,964, permettant de conserver une part relativement faible (20 %) de nos achats de pertes exposés aux prix de marché ».

Plus encore, cette spécificité pourrait être facilitée, en envisageant que ces gestionnaires puissent s'approvisionner directement en Arenh, sans nécessiter de fournisseur d'électricité.

Aussi RTE a-t-il précosé vouloir « bénéficier le cas échéant de ses droits Arenh directement sans passer par un fournisseur intermédiaire. En effet, actuellement, RTE doit acheter son volume Arenh auprès d'un fournisseur qualifié à l'aide d'un produit spécifique (96,4 % Arenh pur + 3,6 % spot) ce qui complexifie le dispositif, et donne lieu à une commission auxdits fournisseurs. »

Enfin, les rapporteurs plaident pour que la réforme du marché européen de l'électricité soit l'occasion de protéger les consommateurs.

Tout d'abord, il faut élargir les TRVE, que la directive du 5 juin 2019120(*) réserve aux consommateurs finals domestiques et aux consommateurs finals non domestiques, employant moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excède pas 2 M€.

Si le projet de directive121(*), proposé par la Commission dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité, permet des interventions publiques dans la fixation des prix, en situation de crise des prix, plusieurs difficultés subsistent : tout d'abord, ce serait la Commission européenne, et non les États membres, qui en auraient l'initiative ; plus encore, ils ne seraient appliqués que pour une durée d'un an au maximum ; de surcroît, ils nécessiteraient une situation de crise, avec une hausse des prix de gros de 2,5 fois le prix moyen et une hausse des prix de détail 70 % ; enfin, ils ne permettraient des interventions ciblées que dans la limite de 70 % de la consommation des PME et de 80 % de celle des ménages.

La question des TRVE est prégnante pour les acteurs auditionnés.

Ainsi, la FNME-CGT a plaidé pour appliquer les TRVE « aux usagers résidentiels, aux PME et ETI et aux collectivités », la FNME-FO pour « revenir au système initial du vrai TRVE » avec « une tarification fondée sur le mix énergétique français » et la CFDT-FCE pour que ces tarifs soient « fixés par la puissance publique [...] et pas sur l'historique empilement des coûts. »

Dans le même esprit, l'UFC-Que Choisir a estimé « indispensable de maintenir un tarif réglementé » reflétant « les coûts du mix-électrique français » et la CLCV « nécessaire de réformer le système de calcul du TRV que la CRE manipule pour faire vivre la concurrence et saper la pertinence du TRV ».

Plus encore, il faut encadrer les contrats à tarification dynamique, que la directive précitée présente comme un droit pour tout consommateur équipé d'un compteur intelligent ou dont le fournisseur d'électricité dispose de plus de 200 000 clients122(*).

Si le projet de directive prévoit que les États membres veillent à ce que les clients disposent d'une obligation d'information sur les contrats à tarification dynamique (opportunités, couts, risques, compteurs), il importe de garantir leur caractère national, plutôt européen, et facultatif, plutôt qu'obligatoire.

C'est pourquoi la CFDT-FCE a indiqué : « [Avec] le développement d'offres innovantes et en particulier avec le développement des offres à tarification dynamique, il y a clairement un besoin très fort d'accompagnement des consommateurs. »

Enfin, il faut garantir la fourniture d'électricité, en appliquant à davantage de consommateurs les fournisseurs de secours, la protection contre les coupures et l'accès au service universel.

Si le projet de directive prévoit que les États membres mettent en place un fournisseur de secours et un service universel, ce n'est que pour les clients résidentiels ; et si ce projet prévoit l'interdiction des coupures, ce n'est que pour les clients vulnérables.

Recommandation n° 4 : Améliorer la protection des consommateurs, en :

- Encadrant mieux l'évolution des contrats de fourniture (délai de prévenance, exigence d'information loyale, complète et circonstanciée, interdiction de modification des conditions d'indexation) (article L. 224-10 du code de la consommation) ;

- Renforçant l'information des consommateurs sur le caractère risqué ou non des offres, notamment celles bénéficiant d'un écrêtement de l'Arenh (article D. 332-2 du code de l'énergie) ;

- Complétant le comparateur d'offres du MNE (article L. 122-3 du code de l'énergie) ;

- Protégeant les TPE comme des consommateurs résidentiels ;

- Conservant la spécificité des gestionnaires de réseaux de distribution et de transport d'électricité ;

- Soutenant l'élargissement des TRVE et l'encadrement des contrats à tarification dynamique dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Corriger les « effets de bord » de la méthodologie de l'Arenh, en :

- Relevant le prix de l'Arenh à 49,5 € par MWh et ne modifiant pas le plafond légal de 120 TWh (articles L. 336-2 et L. 337-16 du code de l'énergie) ;

- Tenant compte de la production nucléaire, en envisageant la révision du coefficient de bouclage (Arrêté du 11 mai 2011) ;

- Prévenant le risque de saisonnalité, en envisageant l'élargissement de la période de calcul, voire le remplacement du volume par un taux (Arrêté du 11 mai 2011) ;

- Reversant le produit du « CP1 » aux consommateurs (article L. 336-5 du code de l'énergie) ;

- Déplafonnant le niveau du « CP2 », actuellement limité à 20 € / MWh (même article) ;

- Faisant évaluer, par la CRE et le MTE, l'impact exhaustif de « l'Arenh + » sur les consommateurs, résidentiels comme industriels, le groupe EDF et les fournisseurs alternatifs ;

- Intégrant le nucléaire dans les outils de financement de terme, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

Ministère de la transition énergétique (MTE), Commission de régulation de l'énergie (CRE), Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (RPFUE) et Parlement

1 an

Modification du code de l'énergie à l'occasion de la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, modification de l'arrêté du 11 mai 2011, réforme du marché européen de l'électricité, pratique administrative

2

Renforcer les contrôles et les sanctions liés à l'Arenh, en :

- Élargissant la notion d'abus d'Arenh, pour réprimer les comportements intermittents des fournisseurs (article L. 134-26 du code de l'énergie) ;

- Ajoutant une sanction auprès du CoRDiS, pour supprimer le bénéfice de l'Arenh en cas d'abus avéré (article L. 134-27 du code de l'énergie) ;

- Accélérant les procédures devant le CoRDiS (référé, transaction, clémence, saisine) et formaliser les signalements du MNE vers la CRE, la DGEC ou la DGCCRF ;

- Rendant compte, auprès des consommateurs, de l'activité de contrôle et de sanction de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF ;

- Faisant établir, par la CRE et le MTE, un retour d'expérience sur les contrôles et les sanctions mis en oeuvre dans le cadre de l' « Arenh + » ;

- Refusant le transfert de compétences des autorités ou juridictions nationales vers l'ACER, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

Ministère de la transition énergétique (MTE), Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN), Commission de régulation de l'énergie (CRE), Comité de règlement des différents et des sanctions (CoRDiS), Médiateur national de l'énergie (MNE), Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (RPFUE) et Parlement

1 an

Modification du code de l'énergie à l'occasion de la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, réforme du marché européen de l'électricité, pratique administrative

3

Renforcer les obligations des fournisseurs, en :

- Confortant les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture, avec l'imposition d'obligations prudentielles et la réalisation de stress tests (article L. 333-1 du code de l'énergie) ;

- Centralisant les demandes et les contrôles des autorisations de fourniture auprès de la CRE, plutôt que du MTE ;

- Encadrant mieux l'application des autorisations de fourniture (réexamen des autorisations, retrait des autorisations, interdiction de fourniture) ;

- Consolidant les fournisseurs de secours (article 63 de la loi « Énergie-Climat ») ;

- Relevant les moyens de la CRE, du MNE, de la DGEC et de la DGCCRF ;

- Soutenant l'imposition d'obligations prudentielles aux fournisseurs, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité

Ministère de la transition énergétique

(MTE), Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN), Commission de régulation de l'énergie (CRE), Médiateur nationale de l'énergie (MNE), Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (RPFUE) et Parlement

1 an

Modification du code de l'énergie à l'occasion de la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, réforme du marché européen de l'électricité, pratique administrative

4

Améliorer la protection des consommateurs, en :

- Encadrant mieux l'évolution des contrats de fourniture (délai de prévenance, exigence d'information loyale, complète et circonstanciée, interdiction de modification des conditions d'indexation) (article L. 224-10 du code de la consommation) ;

- Renforçant l'information des consommateurs sur le caractère risqué ou non des offres, notamment celles bénéficiant d'un écrêtement de l'Arenh (article D. 332-2 du code de l'énergie) ;

- Complétant le comparateur d'offres du MNE (article L. 122-3 du code de l'énergie) ;

- Protégeant les TPE comme des consommateurs résidentiels ;

- Conservant la spécificité des gestionnaires de réseaux de distribution et de transport d'électricité ;

- Soutenant l'élargissement des TRVE et l'encadrement des contrats à tarification dynamique dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité.

Ministère de la transition énergétique (MTE), Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN), Médiateur de l'énergie (MTE),

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (RPFUE) et Parlement

1 an

Modification du code de l'énergie à l'occasion de la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, modification du décret du 6 mai 2022, réforme du marché européen de l'électricité, pratique administrative

TRAVAUX EN COMMISSION

Examen en commission

(mercredi 5 juillet 2023)

Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, nous avons deux points à l'ordre du jour ce matin.

Nous allons prendre connaissance des conclusions de la mission d'information conduite par nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Fabien Gay sur les conditions d'utilisation de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Puis nous recevrons la présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) Emmanuelle Wargon.

Sans plus tarder, je cède la parole à nos collègues rapporteurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Merci Mme la Présidente. Mes chers collègues, comme vous le savez, notre commission nous a confié, à mon collègue Fabien Gay et à moi-même, une mission d'information sur les conditions d'utilisation de l'Arenh, et notamment sur les possibles cas de fraudes, le 31 janvier dernier.

C'est un sujet ô combien important : en effet, le relèvement exceptionnel du plafond l'Arenh, de 19,5 térawattheures (TWh), décidé par le Gouvernement au mois de mars 2022, pour endiguer la hausse du prix de l'électricité, a généré des comportements opportunistes de la part de certains fournisseurs alternatifs ; 4 enquêtes, toujours pendantes, ont ainsi été lancées par la CRE.

Dans ce contexte, nous avons auditionné 45 personnalités, issues de 25 organismes, recueillant ainsi le point de vue de l'ensemble des parties prenantes : les acteurs du marché - EDF et les fournisseurs alternatifs -, les acteurs de la régulation - la CRE, le Médiateur national de l'énergie (MNE), la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - ou les acteurs de la consommation - les associations de consommateurs et les syndicats de l'énergie.

Le constat que nous dressons est le suivant : si l'Arenh a été peu modifié depuis 2011, le relèvement exceptionnel de son plafond en 2022 a induit de possibles cas de fraudes et son devenir après 2025 fait d'ores et déjà l'objet d'une réflexion.

Depuis 2011, l'Arenh consiste en un dispositif de régulation obligeant le groupe EDF à vendre une partie de sa production aux fournisseurs alternatifs, aux gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité ainsi qu'aux entreprises locales de distribution (ELD). Cette vente intervient en contrepartie d'un prix, de 42 € / mégawattheure (MWh) et dans la limite d'un plafond, de 120 TWh.

L'Arenh vise à favoriser la concurrence sur le marché de détail de l'électricité, afin de faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire existant et d'inciter les fournisseurs à développer de nouveaux moyens de production d'électricité. Il a été imposé comme une mesure compensatoire à l'existence des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE), par la Commission européenne, dans sa décision du 12 juin 2012.

L'Arenh a été introduit par la loi « Nome » de 2010 et modifié par la loi « Énergie-Climat » de 2019 et - tout récemment - par la loi « Pouvoir d'achat » de 2022. Lors de l'examen de cette loi « Pouvoir d'achat », le Sénat dans son ensemble et notre commission en particulier ont d'ailleurs bataillé ferme pour desserrer le dispositif, en relevant son prix et en abaissant son plafond.

La CRE est chargée, quant à elle, de proposer son prix et son volume global, mais aussi de calculer, de répartir et de contrôler les volumes cédés. Les volumes d'Arenh sont calculés sur l'année n-1 et livrés sur l'année n, dans le cadre d'un guichet annuel. Lorsque les volumes demandés excèdent le volume global, la CRE procède à un écrêtement. Tous ces volumes tiennent compte de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, via l'application d'un coefficient de bouclage. L'accord-cadre sur l'Arenh comprend actuellement environ 125 titulaires et 105 bénéficiaires. En 2022, 149,5 TWh d'Arenh ont ainsi été alloués, dont 119,5 TWh pour les fournisseurs et 26,4 TWh pour les gestionnaires et les ELD.

L'Arenh fait l'objet de deux dispositifs de contrôle a posteriori : les compléments de prix (CP). Si le volume demandé par un fournisseur excède ses droits théoriques, il est neutralisé par l'application du CP1, dont le produit est réparti entre les fournisseurs. Si ce volume excède ses besoins réels, au-delà d'une marge de tolérance de 10 %, le fournisseur est alors pénalisé par l'application du CP2, dont le produit est alloué à l'État.

L'Arenh fait aussi l'objet d'un dispositif de contrôle a priori ; en effet, depuis un décret - tout récent - du 29 octobre 2022, la CRE peut corriger le volume demandé par un fournisseur, s'il apparaît surestimé ou disproportionné.

Enfin, des sanctions existent, mises en oeuvre par le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) placé auprès de la CRE. Ce comité indépendant peut mettre en demeure et réprimer les manquements des fournisseurs, dont l'abus d'Arenh. Il peut régler les différends dans l'accès aux réseaux, notamment d'électricité. Il peut interdire l'accès à ces réseaux, dans la limite d'un an, et appliquer une sanction, sans toutefois dépasser 8 % du chiffre d'affaires. Depuis la loi de finances initiale pour 2023 (LFI 2023), le CoRDiS peut être saisi en urgence d'une demande d'interruption de la livraison d'Arenh.

Pour lutter contre la hausse du prix de l'électricité, le Gouvernement a donc procédé à un relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh, par un décret et un arrêté du 11 mars 2022. Cela s'est traduit par une livraison additionnelle, de 19,5 TWh, à un prix de 46,2 € / MWh, et cela d'avril à décembre 2022.

Ce relèvement, parfois qualifié « d'Arenh + », a permis - reconnaissons-le - de contenir la hausse du prix de l'électricité pour les consommateurs résidentiels ou professionnels non éligibles aux TRVE : cette hausse n'a pas dépassé 6 %, contre 4 % pour les consommateurs relevant des TRVE, selon la CRE.

En revanche, ce relèvement a eu un impact considérable, de 8,1 milliards d'euros, pour le groupe EDF, qui a dû acheter des volumes d'électricité au prix de 256,7 € / MWh en moyenne pour les revendre à celui de 46,2 €. Au total, le groupe est exposé à l'Arenh à hauteur de 248 TWh, dont 146,4 TWh liés aux livraisons d'Arenh, 70 TWh valorisés dans ses offres de marché, 50 TWh valorisés dans les TRVE et 3 TWh vendus à ses filiales.

Pire, certains fournisseurs alternatifs sont soupçonnés d'abus d'Arenh. Ces abus correspondraient aux faits, pour un fournisseur, soit de surévaluer ses droits à l'Arenh en amont, ce qui léserait l'ensemble des consommateurs, via une hausse du taux d'écrêtement global, soit de ne pas répercuter ces droits à l'Arenh en aval, ce qui léserait ses propres consommateurs.

Nous avons eu connaissance de tels cas d'arbitrages saisonniers. En effet, certains fournisseurs maximiseraient leur portefeuille de clients, sur la période d'avril à octobre, afin de bénéficier de droits à l'Arenh, qui sont justement calculés sur cette période, puis se sépareraient de ce portefeuille de clients, en augmentant fortement leurs prix, pour revendre leurs droits à l'Arenh, sur le marché de gros de l'électricité.

Si la CRE a indiqué que la quasi-totalité des fournisseurs alternatifs respectent les règles, excluant ainsi des surévaluations de droits volontaires ou des arbitrages saisonniers généralisés, elle a observé des comportements individuels susceptibles de constituer des abus d'Arenh.

Dans ce contexte, et comme je l'ai indiqué au début de mon propos, la CRE a procédé à 11 relances et 4 enquêtes, au titre de 2022, avec 3 saisines possibles du CoRDiS et 1 du Procureur de la République. Les fournisseurs faisant l'objet de ces enquêtes ne représentent cependant que 0,5 % du marché de détail de l'électricité.

De plus, la CRE a effectué 14 corrections et 3 saisines du CoRDiS, au titre de 2023. Cela a d'ailleurs abouti à la suspension de la livraison d'Arenh à 3 fournisseurs, pas plus tard que la semaine passée.

Au total, 5,8 TWh d'Arenh ont été pénalisés a posteriori pour 2022 et 0,56 corrigé a priori pour 2023. En 2022, 58 fournisseurs sont redevables du CP1, pour 1,6 milliard d'euros, et 14 du CP2, pour 21,9 millions d'euros ; les demandes d'Arenh ont été supérieures de 5,6 % aux droits, la surévaluation atteignant 20 % chez 40 fournisseurs ou le double chez 15 d'entre eux.

En dehors de la CRE, dont les travaux font autorité, d'autres acteurs ont avancé des estimations encore plus élevées : ainsi, selon l'association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV), la surestimation de l'Arenh serait de 24 TWh en 2022 et de 12 TWh en 2023, ce qui a conduit l'association à former un recours devant le Conseil d'État à l'encontre du guichet de l'Arenh pour 2023.

En définitive, si l'Arenh a joué son rôle pour contenir les prix, ses paramètres sont restés inchangés depuis 2011, alors que les marchés de détail et de gros de l'électricité ont quant à eux beaucoup évolué ; le relèvement exceptionnel de son plafond en 2022 a induit inévitablement des comportements opportunistes de la part les fournisseurs alternatifs et des coûts très importants pour le groupe EDF. Sur une longue période, outre les arbitrages saisonniers, l'Arenh a aussi été marqué par des cas de résiliations, en 2015 et 2020, ou de faillites, en 2021 et 2022.

Dans la mesure où l'Arenh expire fin 2025, une réflexion a été engagée pour trouver un dispositif de substitution, à l'échelon national, avec le projet de nouvelle régulation économique du nucléaire de 2019, et à l'échelon européen, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité de 2023.

Les contrats d'écarts compensatoires bidirectionnels - ou Contracts for Difference (CfD) - sont une piste qui est aujourd'hui à l'étude. Il s'agit de contrats de long terme, mis en oeuvre par l'État pour soutenir les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité ainsi que dans le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont reversées aux consommateurs.

Sans plus tarder, je cède la parole à mon collègue Fabien Gay que je remercie sincèrement de son expertise. J'ai été ravie de ce travail en collaboration.

Pour conclure, je voudrais ajouter que le champ de la mission d'information qui nous a été confiée ne concerne que les abus d'Arenh et non le devenir de ce dispositif après 2025, que je n'ai fait qu'évoquer, à la fin de mon propos. Nous faisons le même constat sur ces abus, mais avons, pour ce qui est de ce devenir, et dans le respect des uns et des autres, des positions différentes.

Je vous remercie.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Merci Mme la Présidente. Mes chers collègues, à mon tour, je veux vous dire le plaisir que j'ai eu à conduire ces travaux avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone. Nous l'avons fait avec sérieux, et parfois un peu de rire. Car certaines réponses nous ont étonnés : ainsi, sur l'allocation du CP1, nous avons mené 45 auditions ... et entendu autant de réponses différentes !

J'en viens maintenant aux quatre séries de propositions, déclinées en ving-cinq mesures législatives ou réglementaires opérationnelles, que nous proposons, afin de mieux prévenir et réprimer les fraudes à l'Arenh.

En premier lieu, nous sommes convaincus de la nécessité de corriger les « effets de bord » de la méthodologie de l'Arenh, d'ici son extinction. Il est nécessaire d'offrir davantage de visibilité sur ce prix, qui doit être relevé à 49,5 € / MWh, comme sur le plafond, qui ne doit pas aller au-delà de 120 TWh ; l'enjeu est, en somme, d'appliquer la loi « Pouvoir d'achat » de 2022, le Gouvernement devant saisir la Commission européenne de ce relèvement de prix. S'agissant des autres critères techniques de l'Arenh, il faut envisager, d'une part, de modifier sa période de calcul, pour éviter les arbitrages saisonniers, et, d'autre part, d'actualiser le coefficient de bouclage, pour correspondre à la production nucléaire. Naturellement, il faut évaluer, au préalable, l'impact de ces évolutions sur les consommateurs, pour ne pas générer d'effets redistributifs, des industriels vers les ménages. Pour rendre les dispositifs de contrôle a posteriori plus efficients, il importe, tout d'abord, d'allouer le montant du CP1 - que vous a présenté ma collègue Dominique Estrosi Sassone - aux consommateurs plutôt qu'aux fournisseurs alternatifs et, plus encore, de supprimer le plafond du CP2, actuellement limité de 20 € / MWh, alors que les prix ont atteint 275,9 € / MWh en moyenne en 2022. La CRE a d'ailleurs admis que les contrats liant les fournisseurs aux consommateurs ne sont pas toujours adaptés pour garantir la répercussion vers ces derniers du montant du CP1, a fortiori de son montant exceptionnel de 1,6 milliard d'euros en 2022. Face à l'absence de chiffrage exhaustif sur le relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh en 2022, une évaluation doit être conduite par la CRE et le ministère de la transition énergétique (MTE). Enfin, il faut intégrer l'énergie nucléaire aux outils de financement à terme, dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité, pour permettre à d'autres dispositifs, plus équilibrés et plus protecteurs, de se substituer à l'Arenh après 2025.

En second lieu, nous sommes désireux de renforcer les contrôles et les sanctions liés à l'Arenh, qui ont été mis à l'épreuve par le relèvement de 2022. Pour ce faire, il faut faire évoluer la notion d'abus d'Arenh, afin qu'elle puisse réprimer l'ensemble des comportements opportunistes, dont les arbitrages saisonniers. Dans le même esprit, il faut compléter les sanctions à la disposition du CoRDiS, pour lui permettre de supprimer le bénéfice de l'Arenh, en cas d'abus avéré. Au-delà de la définition de l'abus d'Arenh et de sa répression, l'accélération des procédures devant le CoRDiS est une nécessité. À cette fin, des procédures de référé, de transaction ou de clémence peuvent être instituées ; une plus large saisine peut aussi être recherchée. Quant aux signalements du MNE, ils doivent être davantage formalisés pour ne plus rester sans réponse ; qu'on en juge, le MNE nous a indiqué avoir alerté la CRE sur un possible abus d'Arenh en décembre 2021 et avoir reçu une réponse, au terme d'une relance, en août 2022, c'est-à-dire 8 mois après ! Si cela est avéré, c'est un dysfonctionnement, évidemment à corriger ! Il faut appliquer effectivement le régime de contrôle et de sanction. Une plus grande reddition des comptes doit donc être recherchée par la CRE et le MNE, mais aussi par la DGEC et la DGCCRF. Pour promouvoir les meilleures pratiques en matière de contrôle, de sanction ou encore d'information, la CRE et le MTE doivent également tirer le retour d'expérience des contrôles et des sanctions mis en oeuvre dans le cadre du relèvement exceptionnel du plafond de l'Arenh de 2022. Enfin, la réforme du marché européen de l'électricité ne doit pas conduire à des transferts de compétences dans ces domaines, des autorités de régulation ou juridictions nationales vers l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER).

En troisième lieu, nous sommes déterminés à consolider les obligations des fournisseurs, de manière à conjurer le risque de défaillance, aujourd'hui peu pris en compte. Les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture doivent être sérieusement consolidées, avec l'imposition d'obligations prudentielles et la réalisation de stress tests. De plus, il faut centraliser les demandes et les contrôles liés aux autorisations de fourniture auprès de la CRE, plutôt que du MTE, dans un souci de rationalité et d'efficacité. C'est bien la CRE qui dispose de l'expertise nécessaire ! Une fois délivrées, ces autorisations de fourniture doivent être mieux encadrées, avec des réexamens, des retraits ou des suspensions effectifs. Autre point important, les fournisseurs de secours en électricité, qui ont été confiés à titre provisoire à EDF, nationalement, et aux ELD, dans leurs ressorts respectifs, doivent être pérennisés, en consolidant leur situation juridique, mais aussi leur indemnisation financière. Sans moyens complémentaires attribués à la CRE, au MNE, à la DGEC et à la DGCCRF, il est illusoire d'espérer réguler efficacement le marché de l'électricité. Enfin, la réforme du marché européen de l'électricité doit être l'occasion d'instituer des obligations prudentielles, non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à celle européenne, ce qui est crucial pour mieux réguler un marché intégré.

En dernier lieu, nous appelons à améliorer la protection des consommateurs. Le MNE nous a indiqué que 16 % des litiges portés devant lui concernent une interprétation litigieuse de l'article L. 224-10 du code de la consommation, qui autorise les modifications contractuelles, notamment liées aux prix. Pour les éviter, il est nécessaire d'allonger le délai de prévenance, d'un à trois mois, d'exiger une information loyale, complète et circonstanciée et d'interdire les modifications des conditions d'indexation par ce biais. L'information des consommateurs sur le caractère risqué des offres peut également progresser, en cessant d'assimiler les offres faisant l'objet d'un écrêtement à l'Arenh à des offres à prix fixes. Dans le même esprit, le comparateur d'offres du MNE pourrait être complété, en précisant les fournisseurs ayant fait l'objet de sanctions de la part du CoRDiS, selon une logique de name and shame. Les TPE devraient se voir appliquer les mêmes protections que celles prévues pour les consommateurs résidentiels, par le code de la consommation, s'agissant notamment des frais de résiliation. Quant aux gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité, leurs spécificités dans l'accès à l'Arenh, qui intervient en compensation des pertes d'électricité, doivent être préservées ; ils souhaiteraient de surcroît bénéficier de l'Arenh, directement, sans fournisseur. Enfin, la réforme du marché européen de l'électricité peut constituer une opportunité pour renforcer les protections à destination des consommateurs, avec un élargissement des TRVE, un encadrement des contrats à tarification dynamique, une consolidation des fournisseurs de secours et un encadrement des interruptions de fourniture notamment.

En définitive, nous invitons notre commission à soutenir ces propositions, qui doivent répondre aux difficultés posées par l'Arenh, dont nous voyons bien qu'il s'agit d'un dispositif à bout de souffle.

Ces propositions sont concrètes, pratiques, techniques ; si nous les adoptons, nous en débattrons juste après avec la présidente de la CRE Emmanuelle Wargon.

Pour conclure, comme l'a indiqué ma collègue Dominique Estrosi Sassone, la mission d'information qui nous a été confiée concerne les abus d'Arenh. Beaucoup de personnes auditionnées ont souhaité débattre avec nous du devenir de l'Arenh, après 2025, qui est dans toutes les têtes. Mais ce n'est pas le sujet. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans l'année qui vient. Par ailleurs, vous connaissez nos positions respectives dans domaine.

La pénalité de 1,6 milliard d'euros qui va être infligée, pour la première fois, à 58 fournisseurs alternatifs pose une vraie question ; nous défendons le fait qu'elle revienne aux consommateurs et non que ces fournisseurs se partagent le gâteau !

Je vous remercie.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je vous remercie de ce travail, mené de manière transpartisane et qui se prolongera à travers le groupe d'études  « Énergie » ainsi que la préparation de l'examen de la loi quinquennale sur l'énergie et de la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Je crois que ce rapport d'information n'y est sans doute pas pour rien dans les contrôles liés à l'Arenh qui ont été déclenchés par la CRE.

M. Daniel Gremillet, président du groupe d'étude « Énergie ». - Merci de cette présentation très intéressante. Si on veut bien comprendre le contexte, il convient à mon sens de distinguer trois phases : la période avant la pandémie, la pandémie elle-même, puis la reprise. L'un des enseignements, c'est la situation assez incroyable dans laquelle EDF a dû racheter de l'électricité au prix fort pour la revendre au prix de l'Arenh. Pendant la pandémie, dans le cadre de notre cellule de suivi de l'impact de la crise de la Covid-19 sur le secteur de l'énergie, on était harcelés pour que l'on baisse le prix de l'Arenh ou que l'on permette de sortir de l'Arenh, dans une période où le prix de l'énergie était faible voire négatif. La spéculation qui en a découlé, au moment de la reprise, doit nous rappeler à l'ordre.

Pendant la pandémie, on a arrêté de faire l'entretien des centrales nucléaires. Au décalage du calendrier de cet entretien s'est également ajouté le phénomène - imprévisible - de corrosion sous contrainte (CSC), ce qui a induit une situation de sous-production. Il y a une leçon à tirer de l'ampleur de la spéculation que vous avez identifiée : quelles que soient les situations que nous vivons, nous ne pouvons pas nous permettre de retarder ou d'arrêter les entretiens programmés d'installations de production d'énergie - que ce soit les centrales nucléaires ou les installations hydroélectriques.

Une remarque également sur les fournisseurs alternatifs, qui ne respectaient plus leur signature et affirmaient qu'EDF, selon leurs propres mots, se faisaient de l'argent sur leur dos. Je crois qu'on se doit de sanctionner ceux qui ont abusé du système. Je signale au passage que nous n'avions rien dans notre arsenal législatif, lorsqu'un fournisseur alternatif abandonnait en rase campagne ses clients, comme c'est arrivé récemment pour plus de 150 000 consommateurs. Il n'y avait aucune procédure, avant le dispositif de fourniture de secours, que nous avons institué dans le cadre de la loi « Énergie-Climat » de 2019.

Cette situation de crise doit enfin nous conduire à envisager une réflexion pour le futur : la rentrée 2023 et les perspectives pour 2024-2025 vont être passionnantes, d'autant que se pose, en plus, le défi du financement. On est face à un mur d'investissements, dans le renouvelable et le nucléaire, qui va nous obliger à prendre des positions courageuses. La production énergétique nécessite beaucoup de sérieux, et non une vision uniquement tournée vers le business, comme le font certains fournisseurs alternatifs.

Je vous remercie de votre rapport d'information et en voterai les conclusions.

M. Franck Montaugé. - Merci aux rapporteurs de leur travail très intéressant. Si j'ai bien compris, l'Arenh a été voulu comme un instrument de contestabilité du marché de l'électricité, contribuant ainsi à la mise en place d'une diversité de fournisseurs. On a souvent entendu dire que ces fournisseurs alternatifs se limitaient finalement à du pur négoce. Vous êtes-vous penchés sur cet aspect ? Leur rôle n'est-il pas aussi d'investir dans les différents modes de production possibles ?

M. Daniel Salmon. - Merci de ce travail qui me semble d'autant plus essentiel en ces temps de crise, où les dysfonctionnements sont encore plus visibles. Vos préconisations me semblent vraiment aller dans le bon sens car, depuis l'ouverture du marché, on assiste à une forme de spéculation sur l'énergie.

Je le dis avec un petit peu de malice, mais dans Arenh, il y a « nucléaire » et on voit bien que la part du nucléaire a été très variable ces dernières années puisque, sur une capacité de 460 TWh du parc, on est descendu à 275 TWh. Ce constat interroge sur la sous-évaluation du coût de l'énergie nucléaire qui a longtemps été présentée comme bon marché. Cela remet un peu les pendules à l'heure.

Je vous remercie de votre rapport d'information et en voterai les conclusions.

M. Serge Mérillou. - Je ne suis pas un spécialiste de l'Arenh, j'ai donc écouté avec attention la présentation de nos collègues rapporteurs. Il me semblait qu'un des objectifs de l'Arenh était que les producteurs alternatifs développent une capacité de production. Qu'en est-il vraiment ? La CRE s'est-elle inquiétée des conséquences pour EDF, qui doit faire face à des investissements colossaux et à de lourdes pertes tout en subissant de plein fouet l'impact de l'Arenh ?

M. Jean-Jacques Michau. - Merci aux rapporteurs de ce travail très intéressant. Au fil des auditions, on s'est aperçu que certains fournisseurs alternatifs s'étaient débarrassés de dizaines de milliers de clients. EDF a dû leur fournir de l'électricité au prix fort ; ce coût a-t-il été intégré dans les 8,1 milliards de pertes du groupe ou la note est-elle beaucoup plus salée ?

Mme Sophie Primas, présidente. - Je laisse nos collègues rapporteurs répondre à ces différentes interrogations.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Je vais tout d'abord répondre à nos collègues Franck Montaugé et Serge Mérillou sur l'investissement : ce n'était pas le champ de notre mission d'information. C'est un tout autre débat, qui amène une appréciation politique. Il faudra un bilan sérieux de l'Arenh et nous engagerons un débat politique. Ce qui est certain c'est que, mis à part TotalÉnergies et Engie, les fournisseurs alternatifs n'ont pas investi dans la production.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je comprends donc que certains fournisseurs alternatifs ont pu continuer de bénéficier de l'Arenh, alors même qu'ils ne répondaient pas à leurs engagements ; même un contrôle que je qualifierais de « continu » n'a pas pu être opéré. Est-ce exact ?

M. Fabien Gay, rapporteur. - C'est un autre débat, mais je partage personnellement vos propos.

Que l'on soit pour ou contre le marché, nous sommes tous pour la mise en place de règles. Avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone, nous nous sommes aperçus que les règles étaient plutôt floues et n'avaient pas été appliquées pour l'heure. Par exemple, le CoRDis - avec lequel nous avons eu un peu de mal car il n'a pas souhaité être auditionné et nous avons dû l'interroger par contribution écrite -, nous a indiqué n'avoir jamais été saisi ces dernières années.

Lors de nos premières auditions, on nous a dit qu'il était impossible de revendre l'Arenh sur les marchés et que, de toute manière, les CP1 et CP2 trouvaient à s'appliquer. Mais personne n'a su si ces compléments de prix avaient été appliqués et à qui ils étaient alloués : EDF, l'État, les fournisseurs alternatifs, les consommateurs...

Nous devons rester humbles, mais, comme l'a indiqué notre Présidente, le lancement de notre mission d'information a accéléré le fait que la CRE applique 1,6 milliard de CP1 et 21,9 millions de CP2. C'est énorme !

La proposition que nous faisons de rendre le CP1 aux consommateurs, qu'ils soient résidentiels ou professionnels, dont les petites PME et les collectivités territoriales, est utile. Lorsque l'on voit la crise énergétique et l'explosion des prix que nous avons connus, on peut parler de « racket », d'argent qui aurait dû revenir aux consommateurs et qui leur a échappé. C'est une sacrée question !

Sur la saisonnalité, nous avons constaté que beaucoup de fournisseurs alternatifs, d'avril à octobre, gonflent leur portefeuille car, le calcul de l'Arenh portant sur les mois de juillet-août et les jours fériés, leur objectif est d'avoir le portefeuille le plus fourni ; à partir de septembre, on dégraisse ! Nous l'avons vu. Beaucoup l'ont fait. Certains ont même dit à leurs clients de retourner chez EDF. Aux 8,1 milliards d'euros de pertes pour EDF, il faut aussi ajouter les quelques 150 000 personnes - évoquées par nos collègues Daniel Gremillet et Jean-Jacques Michau - qui sont revenus chez ce groupe, qui a donc dû acheter des volumes d'électricité sur les marchés pour les fournir. C'est pourquoi nous formulons des propositions sur le calcul de l'Arenh pour éviter cette saisonnalité.

Dernier point, il faut veiller au sérieux des fournisseurs d'électricité, en les soumettant à des stress tests. Aujourd'hui - j'exagère un peu - n'importe lequel d'entre nous peut s'associer et devenir fournisseur d'électricité en créant une start up. Si nous n'avons pas les reins solides, ce n'est pas grave car nous prendrons l'argent et nous en irons. Je ne parle pas de TotalÉnergies et d'Engie qui ont les reins solides et exercent leur activité de manière sérieuse. Mais il existe une myriade d'acteurs sur le marché ! Tout le monde nous demande de faire le ménage ! Nous souhaitons donc en donner les moyens à la CRE, pour arrêter ce Far West. Il y a même des cas de faillites et de reventes ! Ce sont quelques acteurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Oui, ce ne sont pas la totalité des acteurs.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Il faut renforcer les contrôles. Tout le secteur, quoi qu'on en pense, est plutôt pour faire le ménage.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Je n'ai rien à ajouter aux propos de mon collègue Fabien Gay. Ce que je souhaiterais dire et ce que nous avons voulu démontrer, c'est qu'une partie de l'électricité a été détournée de son usage initial. Et les sommes sont conséquentes. La CRE doit assumer son rôle de gendarme, en allant au bout de ses contrôles, ce qu'elle n'a pas fait jusqu'alors. Car, aujourd'hui, les contrôles ne sont pas achevés. Quand ils le seront, ils donneront raison à notre analyse et de véritables sanctions devront être prises, ce qui, à nouveau, n'était pas le cas. Cela permettra d'assainir le marché ; tous les fournisseurs alternatifs ne doivent pas être mis dans le même sac, mais certains causent du préjudice aux autres car ils ont fait sciemment du chiffre à travers un détournement de l'électricité, en tordant le dispositif de régulation initialement prévu qu'est l'Arenh.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je remercie à nouveau nos collègues rapporteurs et mets aux voeux leur rapport d'information et ses conclusions.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information et en autorise la publication.

C'est un bonheur d'être au Sénat et de travailler ensemble, par-delà nos différences. Nous avons bien vu que, sur le sujet de fond de l'Arenh, nos positions divergent. Je félicite donc les rapporteurs pour avoir trouvé cet équilibre, s'agissant des abus d'Arenh ; il démontre que nous sommes capables d'adopter à l'unanimité des rapports d'information de cette nature. Enfin, je le redis, les sanctions prises par la CRE ne me semblent pas étrangères au lancement de cette mission d'information.

Je vous remercie.

Audition de Mme Emmanuelle Wargon,
présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)

(mercredi 5 juillet 2023)

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE), pour échanger avec elle sur l'actualité de la régulation des marchés de l'électricité et du gaz.

Cette actualité est riche en France avec, ces derniers jours, l'application d'une pénalité de 1,6 milliard d'euros aux fournisseurs alternatifs dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ou la substitution d'un prix de référence aux tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG) ou encore la préparation des futures loi quinquennale sur l'énergie et programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

C'est aussi une actualité riche en Europe, avec, depuis quelques mois, les négociations en cours sur la réforme du marché européen de l'électricité ou le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ».

Notre commission, et son groupe d'études « Énergie », sont très mobilisés sur ce sujet. Nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Fabien Gay ont rendu les conclusions de leur mission d'information sur les conditions d'utilisation de l'Arenh, juste avant votre audition. Leur rapport a été voté à l'unanimité, par tous les groupes politiques. De plus, notre collègue Daniel Gremillet a fait adopter deux propositions de résolution européenne sur la réforme du marché européen de l'électricité : la première sur les pouvoirs des autorités de régulation, la seconde sur les outils de financement et de protection. Enfin, nous avons beaucoup légiféré cette année, avec la loi d'accélération des énergies renouvelables, confiée à notre collègue Patrick Chauvet et celle d'accélération de l'énergie nucléaire, dont notre collègue Daniel Gremillet a eu aussi la charge. Ils vous interrogeront.

Quant à moi, je souhaiterais vous poser deux questions introductives, sur la protection des consommateurs.

Tout d'abord, quelle appréciation portez-vous sur le « bouclier tarifaire » et l' « Arenh + » ? Ont-ils vraiment permis de protéger les consommateurs résidentiels soumis aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE), dans le premier cas, et les autres consommateurs, résidentiels et professionnels, dans le second cas ? Le coût du « bouclier tarifaire » de 45 milliards d'euros, selon l'État, et celui du relèvement de l' « Arenh + », de 8 milliards d'euros, selon le groupe EDF, sont-ils justifiés ?

Plus encore, quel jugement portez-vous sur l'extinction des TRVG ? Comment s'effectue la sortie de ces tarifs, qui ont concerné trois millions de clients résidentiels, c'est-à-dire 7,5 % de notre consommation de gaz en 2021 ? La CRE et le Médiateur national de l'énergie (MNE) ont-ils organisé une campagne d'information du grand public, comme le prévoit l'article 63 de la loi « Énergie-Climat » de 2019 ? Et le futur dispositif de prix de référence est-il suffisant pour protéger les consommateurs de la flambée du prix du gaz ?

Mme Emmanuelle Wargon, présidente de la CRE. - Madame la présidente, mesdames et messieurs les rapporteurs, sénatrices et sénateurs, merci de me donner l'opportunité de cette audition.

Vous l'avez dit, madame la présidente, nous entretenons des relations de proximité approfondies que je tiens vraiment à maintenir. Cela me paraît très important. Vous êtes donc les premiers à recevoir, ce jour même, notre rapport d'activité 2022.

Nous sommes actuellement très mobilisés sur la préparation des éléments qui permettront de soumettre au vote la prochaine loi de programmation « Énergie-Climat » et des textes réglementaires associés : la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) notamment.

Trois grands objectifs sont, de mon point de vue, les principaux enjeux des années à venir.

Le premier consiste à engager le pays vers la neutralité carbone en 2050, par conséquent dans la transition écologique, mais surtout à franchir un palier, autour des années 2030 à 2035, qui promet d'être difficile à passer.

Le deuxième vise à renforcer la sécurité d'approvisionnement. C'est un sujet que nous avons vu apparaître lors de la crise liée à la guerre en Ukraine et qui présente encore des défis.

Le troisième tend à permettre à tous les consommateurs - les particuliers, les entreprises ou les industriels - de bénéficier d'une énergie suffisamment abondante à des prix raisonnables qui permettent de maintenir le pouvoir d'achat, d'un côté, et la compétitivité, de l'autre.

Ces trois objectifs ambitieux devront être atteints.

Concernant la production décarbonée et le mix énergétique, nous disposons maintenant, grâce à Réseau de transport d'électricité (RTE), d'éléments sur la trajectoire énergétique qui montrent l'ambition et les paliers à atteindre. Dans la précédente PPE, les hypothèses concernaient la stabilité du besoin d'électricité. Les questions se concentraient donc sur la répartition à l'intérieur d'un besoin et d'une production stables du mix électrique. Ces hypothèses sont dépassées. À chaque fois que RTE effectue des prévisions et les actualise, le besoin d'électricité du pays s'en trouve revu à la hausse. Alors qu'il se situe actuellement à 460 térawattheures (TWh), les prévisions atteignent 800 TWh en 2050 avec une première étape à 650 TWh dès 2035. Le seul secteur industriel verrait son besoin passer de 120 à 180 TWh d'électricité.

Nos besoins électriques sont donc considérables et l'enjeu se situe ainsi au niveau de notre système de production, de distribution, de transport et de réseau. En termes de production, il consiste, du point de vue de la CRE, à développer à la fois l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables. La CRE s'avère peu compétente sur le développement des infrastructures nucléaires, même si, à travers la tarification, nous avons évidemment un rôle à jouer.

Concernant les énergies renouvelables, la CRE fait partie des principaux acteurs, puisqu'elle supervise les appels d'offres pour le compte du Gouvernement. Nous serons par conséquent l'un des acteurs directement concernés par l'ambition visant à accroître de 40 gigawatts (GW) de puissance nos capacités en matière d'éolien offshore, comme nous serons en première ligne sur le développement maîtrisé de l'éolien terrestre et du photovoltaïque, que ce dernier soit sur toiture ou au sol, en tenant compte, bien sûr, des préoccupations liées à la non-artificialisation et au développement d'un agrivoltaïsme qui permette de protéger notre modèle agricole.

Nous sommes évidemment à la fois volontaristes et un peu inquiets : volontaristes en accompagnant tous ces appels d'offres et en travaillant très précisément avec le Gouvernement sur les modalités des appels d'offres et des guichets tarifaires, et inquiets, parce qu'il est impératif d'accélérer. Nous n'y sommes pas encore, mais la volonté existe. La question de l'acceptabilité se pose et il faut parvenir à trouver les moyens de développer à la bonne vitesse le photovoltaïque, le solaire et l'éolien en particulier.

Concernant le mix énergétique, l'enjeu est la complémentarité des énergies. Pour nous, elle est essentielle. Nous sommes le régulateur, non seulement de l'électricité, mais aussi du gaz et, demain peut-être, de l'hydrogène et de la capture du CO2. Nous avons besoin de toutes les sources d'énergies. Nous avons besoin d'électricité et d'un gaz de plus en plus décarboné. Cependant, pour l'instant, nous ne tenons pas notre équilibre énergétique sans gaz.

Nous avons également besoin de réseaux de chaleur, probablement avec un travail de grande proximité à accomplir sur la complémentarité entre gaz et réseaux de chaleur que nous pourrions encore développer. Nous l'avons assez largement mis en évidence dans le rapport que nous avons récemment publié sur les infrastructures gazières. Le gaz a vocation à être totalement décarboné. Le facteur limitant réside dans notre capacité à produire du gaz vert sur le territoire français avec des dispositifs de méthanisation et, potentiellement, d'autres procédés de production, qui eux-mêmes nécessitent, soit de l'électricité, pour produire de l'hydrogène en vue de pouvoir réaliser de la méthanisation, soit d'autres types de techniques.

Dans les hypothèses les plus élevées de production de gaz vert, celle-ci se situe à peu près à la moitié de la consommation actuelle en 2050. Une division par deux de notre consommation de gaz est donc nécessaire pour atteindre notre objectif de décarbonation en 2050. Cela implique une évolution des usages maîtrisée, et dans la durée, car les usages de gaz ne peuvent pas être reportés brutalement vers l'électricité pour des questions de gestion de la pointe et de réseaux.

Les réseaux vont rapidement devenir le facteur bloquant de toute la transition écologique. Ils sont au coeur du métier de la CRE puisqu'elle a été créée pour les réguler.

Nous sommes en pleine négociation des tarifs des réseaux gaziers pour les quatre prochaines années. Nous examinerons les tarifs des réseaux électriques en 2024. Les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. Dans le domaine de l'électricité, la question porte sur l'accompagnement le plus rapidement possible du développement des investissements qui doivent couvrir les raccordements des très grosses installations de type éolien offshore, ainsi que des installations extrêmement modestes de production d'énergies renouvelables décarbonées. Les investissements sont considérables et vont passer pour RTE de 1,5 milliard d'euros à 2,5 milliards d'euros par an, tandis que, pour Enedis, ils augmenteront de 4 milliards d'euros à plus de 5 milliards d'euros par an. Les tarifs doivent pouvoir absorber ces besoins d'investissements complémentaires.

Se pose également la question du délai de faisabilité - une question qui renvoie à la filière industrielle nécessaire pour accompagner la filière réseaux. Du renouvellement et des interconnexions devront également être réalisés. Sur le réseau électrique, un développement massif est nécessaire. Sur le réseau de gaz, la situation diffère. Dans ce second cas, nous sommes à ce niveau confrontés à un effet ciseau : nous allons conserver des infrastructures jusqu'à 2050, dans leur très grande majorité, alors que la consommation va baisser. Le tarif unitaire va donc mécaniquement augmenter puisque les mêmes coûts devront être répartis sur une consommation plus faible.

Les enjeux d'évolution de la régulation tarifaire doivent donc être pris en compte dès maintenant pour que cet effet ciseau soit acceptable et supportable du point de vue des consommateurs. Je voudrais insister ici sur la notion de flexibilité. En électricité, en particulier, une partie de la réponse réside dans le développement des réseaux. Une autre partie de la réponse réside dans le développement des moyens de flexibilité de tout type : le stockage, dont les batteries, l'effacement, le déplacement de la consommation, la réduction de la consommation à la pointe et, bien sûr, la sobriété. La CRE a d'ailleurs fait de la sobriété un de ses axes d'action. Cela représente une nouveauté puisque nous sommes indirectement concernés par la sobriété, mais dans les incitations tarifaires, nous pouvons travailler sur ce sujet ; nous allons continuer à soutenir tous les moyens de flexibilité parce que le développement des réseaux ne sera pas suffisant si nous ne l'associons pas à la sobriété et à la flexibilité.

J'en viens maintenant à la question du fonctionnement du marché et de la protection du consommateur. Cela me permettra de répondre à vos deux questions, madame la présidente. Pour que tout ceci fonctionne, il faut parallèlement que les prix de l'électricité et du gaz soient supportables pour nos concitoyens, les entreprises et les industriels. Cet enjeu est au coeur de la réforme du marché européen de l'électricité, avec la volonté de faire émerger des prix de long terme sur le marché de gros et qu'ils se répercutent sur le marché de détail. Cette discussion n'est pas achevée à Bruxelles. La présidence suédoise n'a pas permis d'aboutir. Le sujet est donc repris sous la présidence espagnole. En parallèle, nous sommes en train d'actualiser le rapport que nous avions produit en 2020-2021 sur le coût complet du nucléaire pour permettre au Gouvernement français de proposer au Parlement les modalités de régulation nationale du nucléaire.

Du point de vue de la CRE, l'Arenh constitue un mécanisme qui protège effectivement le consommateur final et non pas un mécanisme qui enrichit les fournisseurs alternatifs. Nous veillons, en mobilisant tous les outils dont nous disposons, dont ceux que vous nous avez donnés, à lutter contre les éventuels abus. Cette préoccupation revêt une grande importance. L'Arenh permet d'assurer un prix de vente modéré, probablement insuffisamment élevé à ce jour puisque les 42 euros ne sont pas représentatifs du coût actuel du nucléaire. Pour autant, il permet de transférer un prix plus bas au consommateur final.

Dans ce cadre, du point de vue de la CRE, l' « Arenh+ » a contribué à limiter un peu les prix, moins pour les consommateurs individuels qui étaient couverts par le « bouclier tarifaire », que pour les entreprises durant l'exercice 2022. J'estime que le « bouclier tarifaire » a réellement couvert très efficacement les consommateurs individuels et tous ceux qui étaient susceptibles de profiter des TRVE avec une dépense budgétaire importante. Nous sommes en train de réévaluer les charges de service public de l'énergie (CSPE). La délibération sera prise le 13 juillet 2023.

Le montant des charges du « bouclier tarifaire » qui vont peser sur l'exercice budgétaire 2023, soit au titre de l'année 2023, soit au titre des rattrapages des années précédentes, approche les 30 milliards d'euros. Cet investissement de la Nation, extrêmement important, a permis de limiter les hausses à 4 % en 2022 et 15 % en 2023. Pour le consommateur individuel, le prix de l'électricité reste en France parmi les plus bas d'Europe.

L'extinction des TRVG, représentait également une préoccupation très importante à mon arrivée. Il me semble que l'accompagnement réalisé par le MNE et par nous-mêmes fonctionne plutôt bien.

Nous avons beaucoup travaillé sur de nombreux points. Le premier concerne l'offre passerelle. Il s'agit de vérifier avec Engie que l'offre par défaut, vers laquelle basculent les consommateurs qui n'ont pas choisi de sortir des TRVG ou, en tout cas, qui n'ont pas choisi un nouveau fournisseur, est acceptable. Elle reste très proche des TRVG actuels. Les consommateurs qui passent en offre passerelle seront, de mon point de vue, dans une situation satisfaisante.

Par ailleurs, nous avons cherché à éclairer les consommateurs pour qu'ils puissent choisir un fournisseur dans de bonnes conditions. Au-delà de tous les courriers formels qui ont été envoyés par les gestionnaires des tarifs réglementés, conformément à la loi, nous avons décidé de produire un prix repère qui permet au consommateur d'avoir une idée de la situation du marché en choisissant son fournisseur.

Ces choix de fournisseurs ont lieu en cette période. Nous pourrons donc disposer au deuxième semestre 2023 des chiffres concernant le nombre de personnes qui ont récemment choisi un fournisseur. Néanmoins, ce prix repère est connu et repris par le comparateur d'offres du MNE avec lequel nous travaillons étroitement. Cette information permet d'éclairer les clients dans le choix de leurs fournisseurs.

Je rappelle que les TRVG ont été fixés par la CRE à partir d'une formule de calcul : 85 % du prix était mensuel, et le reste trimestriel, c'est-à-dire que ce prix variait tous les mois. En 2021, avant le « bouclier tarifaire », les TRVG pour les particuliers ont augmenté d'un peu plus de 50 % entre le 1er janvier et le 1er octobre 2021. Les TRVG en eux-mêmes n'étaient pas particulièrement protecteurs des variations du marché puisqu'ils reflétaient ces variations. Les prix réglementés ont augmenté de 50 % en moins d'un an en 2021 jusqu'à ce que le Gouvernement mette en place un « bouclier tarifaire » pour le gaz. La mécanique mensuelle des TRVG s'est révélée peu protectrice des consommateurs, contrairement aux TRVE fixés avec une formule différente, fondée sur les prix des deux années précédentes essentiellement, à laquelle s'ajoutent l'Arenh et l'écrêtement.

M. Daniel Gremillet. - Madame la présidente, je souhaiterais recueillir votre avis sur deux sujets d'actualité.

Tout d'abord, quel est votre point de vue sur la réforme du marché européen de l'électricité ? Les nouveaux outils de financement de long terme - les Contracts for Difference (CfD) et les Power Purchase Agreements (PPA) - sont-ils pertinents ? Pensez-vous qu'un dispositif de CfD puisse se substituer à l'Arenh après 2025 ? Si oui, dans quelles conditions ? Par ailleurs, les interventions ciblées dans la fixation des prix en cas de crise sont-elles satisfaisantes ? Estimez-vous leurs critères de mise en oeuvre - l'initiative de la Commission européenne, l'exigence de hausses de prix ou la limitation de volumes de consommation - suffisamment opérationnels ? Plus encore, quelle appréciation portez-vous sur les futures loi quinquennale sur l'énergie et PPE ? Avez-vous un point de vue sur le mix électrique idéal ? Le Sénat s'est positionné pour un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, ainsi que pour un couplage de la production nucléaire avec celle d'hydrogène : partagez-vous cette position ?

Enfin, quel est votre avis sur l'évolution CSPE, qui sous-tendent les dispositifs de soutien publics aux énergies renouvelables ? L'automne dernier, la CRE avait évalué ces charges à - 35 milliards d'euros, compte tenu de la hausse du prix de l'électricité. Où en est-on ? Quels seront leur niveau effectif pour 2023 et celui prévisionnel pour les années à venir ?

M. Patrick Chauvet. - Madame la présidente, je souhaiterais vous poser une question sur l'application de la loi « Accélération des énergies renouvelables ».

Cette loi a modifié les critères de sélection des projets d'énergies ou d'hydrogène renouvelables soutenus par appels d'offres, en leur appliquant un « bilan carbone » et une « contribution territoriale ».

Cette loi a également conforté les attributions de la CRE s'agissant des raccordements, dont la modification de l'ordre de priorité, la mutualisation des travaux de renforcement, ou de la révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR).

Cette loi a enfin élargi les attributions de la CRE concernant les énergies renouvelables, dont le déploiement de l'hydrogène bas-carbone ou renouvelable, la surveillance des contrats de long terme en électricité et gaz renouvelables ou la mise en oeuvre d'opérations d'autoconsommation étendue en gaz renouvelable.

Quel est votre avis sur ces novations et leur application ?

M. Fabien Gay. - Madame la présidente, je voudrais tout d'abord vous dire publiquement que, même si nous avons des débats, le travail que vous effectuez depuis un an est d'extrême qualité. Je n'étais pas présent l'an dernier lors de ces débats, je ne sais pas ce que j'aurais voté, mais j'aurais probablement voté contre votre nomination. En revanche, si j'avais à voter à l'heure actuelle, je voterais pour que vous poursuiviez votre tâche. Même si nous avons des désaccords, je trouve que vous avez pris les questions en main.

Mme Emmanuelle Wargon. - Je vous remercie beaucoup. Cela a beaucoup de valeur pour moi.

M. Fabien Gay. - Naturellement, nous avons toujours des débats car je pense : à titre personnel, que l'Arenh ne protège absolument pas les consommateurs. Vous avez annoncé une pénalité de 1,6 milliard d'euros sur le CP1 et de 21,9 millions d'euros sur le CP2. Nous avons été assez surpris dans les auditions conduites, dans le cadre de notre mission d'information, que l'ensemble des personnes auditionnées ne connaissent pas l'allocation du CP1. Or des règles précises doivent être fixées. Il semble en effet plutôt curieux que les personnes qui commettent des fraudes ou des abus puissent tirer avantage d'un « pot commun » ainsi constitué. Si je commets un délit, je dois payer une amende à l'État. Je ne paye pas une amende qui alimente un « pot commun » dont tous ceux qui auraient fraudé dans l'année se verraient attribuer une part. Cette situation est complètement surréaliste. Êtes-vous d'accord avec une des propositions que nous vous faisons, à savoir que cet argent retourne aux consommateurs et aux consommatrices, qu'ils soient résidentiels, TPE, PME notamment ?

Par ailleurs, à titre personnel, je conteste le mode de calcul, qui aboutit à une application du CP1 à partir de 232 euros. 70 % de l'électricité fournie représente l'Arenh au prix de 42 euros. Les 30 % restants, si nous retenons les 232 euros utilisés par vous pour constituer le CP1, approcheraient les 700 euros. Même si un pic à 1 000 euros s'est produit au coeur du mois d'août 2022, je conteste que les fournisseurs, au cours d'une année, aient dû racheter 30 % de l'électricité à un prix moyen de 700 euros. Je pense donc que ces 1,6 milliard d'euros de CP1 sont nettement sous-évalués.

Enfin, nous vous proposons un certain nombre de préconisations pour renforcer les sanctions et les contrôles, notamment concernant les abus d'Arenh et les comportements opportunistes liés à la saisonnalité.

Qu'en pensez-vous ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Madame la présidente, je voudrais m'associer aux propos de mon collègue Fabien Gay. Lorsque nous vous avons auditionné, dans le cadre de cette mission d'information, vous nous avez apporté un certain nombre d'informations qui nous ont permis d'aller plus loin dans nos travaux.

Nous avons élaboré une série de propositions qui visent à consolider les obligations des fournisseurs. Nous suggérons de renforcer les conditions requises pour bénéficier d'une autorisation de fourniture avec l'institution d'obligations prudentielles. Nous souhaitons également centraliser ces autorisations de fourniture auprès de la CRE, plutôt que du ministère de la transition énergétique (MTE). Une fois délivrées, ces autorisations de fourniture doivent être mieux encadrées, avec des réexamens, des retraits ou des suspensions effectifs.

Notre dernière série de propositions a trait à l'amélioration de la protection des consommateurs. Nous appelons à modifier l'article L. 224-10 du code de la consommation, qui autorise les modifications contractuelles, en allongeant le délai de prévenance, en instituant une information loyale, complète et circonstanciée et en encadrant les évolutions liées aux indexations de prix. Nous proposons aussi de renforcer l'information des consommateurs sur le caractère risqué des offres, en cessant d'assimiler, à des prix fixes, celles faisant l'objet d'un écrêtement d'Arenh. Dans le même esprit, nous voulons compléter le comparateur d'offres du MNE, notamment en envisageant d'y mentionner les fournisseurs ayant fait l'objet de sanctions de la part du CoRDiS, selon une logique de name and shame.

Quel est votre avis ?

Mme Emmanuelle Wargon. - Permettez-moi de remercier M. le rapporteur Fabien Gay pour son propos introductif, qui me touche beaucoup. Je mets de la volonté et de l'énergie à conduire cette belle institution qu'est la CRE. J'en profite pour saluer l'action du collège, du directeur général et des services de cette institution.

Monsieur le sénateur Daniel Gremillet, selon moi, la réforme du marché européen de l'électricité va dans le bon sens parce qu'elle comporte un élément très important qui consiste à faire en sorte que le prix de marché final pour le consommateur ne soit plus le prix de court terme. Le marché de court terme fonctionne et permet de faire de l'ajustement offre-demande à quelques mois, quelques semaines, voire quelques jours, mais le prix final du consommateur ne devrait pas être aussi dépendant de ce prix de court terme.

Il faut donc privilégier tous les outils de long terme, c'est-à-dire un marché plus liquide avec des échéances à cinq ans, des CfD, qui sont des contrats dans lesquels une contrepartie, en général publique, garantit un prix d'achat et donc de revente aux producteurs et les PPA, qui sont des contrats privés, de gré à gré, entre le consommateur final et le producteur. Le développement de ces outils devrait nous permettre de ramener les prix finaux plus proches du coût de production, donc plus proches de la réalité du mix énergétique sur le territoire national.

De plus, le renforcement des obligations prudentielles des fournisseurs est un élément très important pour la protection du consommateur, mais aussi parce que si les fournisseurs sont obligés d'avoir une partie de leur approvisionnement à long terme, alors le marché long terme se développera encore plus. Le consommateur est ainsi encore plus protégé contre la volatilité des prix.

Le règlement européen actuellement en discussion va dans cette direction. Les discussions portent beaucoup sur les types d'actifs qui peuvent être sous CfD, notamment les actifs existants et en particulier l'énergie nucléaire française. Les discussions ne sont pas achevées. L'Arenh se termine au 1er janvier 2026. La suite doit donc être envisagée, qu'il s'agisse d'un CfD ou d'un plafond de prix. EDF pourrait ainsi commercialiser en toute liberté jusqu'à ce plafond de prix, qui protégerait les consommateurs si les prix devenaient trop élevés. Qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre, un mécanisme devra prendre le relais.

Les critères de mobilisation de crise, tels qu'ils ont été rédigés, visent à lutter contre une éventuelle nouvelle crise telle que celle que nous avons traversée. Ils ne sont pas applicables en routine sur le marché. Des outils de routine sur le marché doivent donc être élaborés pour atteindre cet objectif de développement des énergies électriques décarbonées et de protection des consommateurs.

Concernant la loi de programmation et la PPE, sur le mix énergétique, je ne sais pas si le rôle de la CRE consiste à prendre une position en opportunité sur la répartition du mix. Évidemment, la CRE soutient un mix décarboné ; c'est l'enjeu des cinquante années à venir. Il s'agit de décarboner, non seulement notre production électrique, qui l'est déjà très largement, mais aussi notre économie, c'est-à-dire les transports, le bâtiment et l'industrie.

Au sein d'un mix décarboné, nous avons besoin d'une fraction de pilotable significative. En effet, équilibrer l'offre et la demande s'avère compliqué, au-delà d'un certain volume d'énergies renouvelables. Je ne me risquerai pas à donner une indication chiffrée, c'est pour cette raison que nous avons besoin d'énergie nucléaire, qui est une énergie de base, et d'énergie hydraulique, qui est une énergie assez largement pilotable. Nous pouvons et devons développer des énergies renouvelables classiques, solaire et éolien. Plus nous disposons d'énergies renouvelables classiques, plus les mécanismes de stockage et de flexibilité deviennent très importants. En effet, plus les énergies sont intermittentes, plus il faut trouver une réponse au décalage entre la production intermittente et la consommation à des moments qui ne correspondent pas forcément aux périodes de production. Nous avons besoin d'électricité, de gaz vert, de réseaux de chaleur, en somme, d'un équilibre global des sources d'énergies.

Concernant la CSPE, nous allons délibérer le 13 juillet 2023, et procéder de nouveau à une analyse, à une hypothèse sur la contribution des énergies renouvelables aux CSPE. Cette contribution ne sera pas à la hauteur de ce qu'on avait calculé en novembre 2022, puisqu'elle avait alors été calculée avec les prix de marché de septembre 2022. Les prix ont été divisés plus que par deux. La nouvelle hypothèse devrait donc être l'équivalent de notre précédente hypothèse, divisée par deux. Je ne dispose pas encore du chiffre définitif, puisque la délibération aura lieu la semaine prochaine.

Monsieur le sénateur Patrick Chauvet, concernant l'application de la loi « Accélération des énergies renouvelables », la CRE était favorable aux différentes évolutions de ses compétences. Nous allons donc essayer d'y répondre au mieux avec des équivalents temps plein (ETP) limités. Se pose toujours la même question : comment faire sans disposer de plus de personnes et de plus d'agents ? Cette question est récurrente.

Réussir à intégrer dans les appels d'offres le « bilan carbone », d'un côté, et la « contribution territoriale », de l'autre, est très important. Nous avons besoin, dans les appels d'offres, de pouvoir favoriser un écosystème français et européen. Les Américains le font massivement avec l'Inflation Reduction Act (IRA). La France n'a aucune raison d'être la seule zone de développement qui n'essaie pas de développer et de maintenir des filières industrielles absolument stratégiques. Pour l'instant, nous sommes très limités par ces critères. Si les critères pouvaient être rédigés de façon plus ouverte et plus opérationnelle, nous nous en réjouirions.

Nous travaillons énormément sur la mutualisation du raccordement avec Enedis et RTE, à la fois pour anticiper les travaux de raccordement quand c'est possible - nous l'avons réalisé à Dunkerque - et pour gérer avec eux la modification de la file d'attente dans les zones où les demandes sont trop importantes, afin de choisir des projets matures. L'objectif est de ne pas bloquer la puissance de raccordement pour des projets qui, en fait, ne se réaliseraient pas. Dans la zone de Fos-Marseille en particulier, où j'étais ces jours derniers, les besoins de raccordement sont immenses, en raison de nombreux projets industriels de décarbonation en attente.

Nous souhaitons une surveillance des contrats de long terme. Nous sommes absolument convaincus de la nécessité de développer les contrats de long terme sur le marché. Nous avons également besoin d'une visibilité sur les conditions contractuelles, concernant les prix et les autres conditions, afin de pouvoir ajuster la partie appel d'offres à la réalité du marché. Nous avons souhaité pouvoir être mobilisés pour réaliser un rapport d'évaluation sur ce sujet. Vous nous avez donné partiellement cette compétence. Je dis « partiellement », parce que nous voulions pouvoir demander à tous ceux qui signent des PPA, c'est-à-dire à tous les fournisseurs, de nous procurer les informations, pas seulement quand il s'agit des installations en partie régulées, mais cette possibilité n'a pas été retenue dans la version définitive de la loi. Nous considérons que nos pouvoirs de police généraux nous permettent de le faire, et nous verrons bien si les fournisseurs refusent ou acceptent.

L'auto-consommation est également un sujet que nous allons reprendre. Elle doit être développée dans des conditions qui permettent toujours la solidarité nationale sur les réseaux. Cela représente un enjeu.

Concernant les CP1 et CP2, je partage assez largement votre analyse. Tout d'abord, nous n'avons pas encore vu vos propositions, Mme le rapporteur, M. le rapporteur, parce que vous avez adopté le rapport d'information tout récemment. Nous les découvrirons donc quand le rapport d'information sera rendu public et nous les lirons avec beaucoup d'intérêt. Le CP1 va des fournisseurs qui avaient exagéré leur demande aux fournisseurs dont la demande était plus mesurée.

Je partage votre point de vue sur le fait que, in fine, le CP1 devrait retourner aux consommateurs. Nous l'avons d'ailleurs écrit dans la délibération sur les CP1 et CP2. Quand il s'agit de consommateurs, en dehors des mécanismes de tarifs réglementés et de « boucliers tarifaires », nous avons invité les fournisseurs à restituer cet argent aux consommateurs. Nous n'avons pas pu faire plus, parce que nous ne disposons pas des éléments légaux pour agir. Mais dans une période pendant laquelle les prix ont énormément augmenté et où certains fournisseurs in fine récupèrent de l'argent, cela nous semblerait normal.

Par conséquent, je le dis à nouveau, nous souhaitons vraiment que les fournisseurs rendent à leurs clients, en fonction des conditions contractuelles et en fonction de leur situation, la quote-part du CP1 que les fournisseurs, qui avaient moins demandé, ont reçue. Les consommateurs protégés par le « bouclier tarifaire » n'ont pas été pénalisés par le fait que l'écrêtement s'est finalement avéré un peu plus élevé que prévu. Il faudrait en fait le rendre au budget de l'État, mais aucun mécanisme dans les textes actuels ne permet de le faire.

Nous disposons de plus de marge de manoeuvre sur le bouclier 2023, puisqu'il prévoit que les fournisseurs sont compensés dans la limite de leur coût d'approvisionnement. Nous pourrions ainsi considérer que leur récupération de CP1 fait baisser leur coût d'approvisionnement. Cette mécanique est un peu complexe de notre côté, mais nous pourrions considérer que nous saurions l'appliquer sur le bouclier 2023. Les textes n'ont pas été conçus dans une période où il y avait autant de CP1 et, selon l'analyse de la CRE, la situation était vraiment difficile à prévoir. Ainsi, nous enregistrons 5,6 % de surdemande dans une période où la consommation a in fine baissé de 4 %, de manière imprévue, tandis que les fournisseurs alternatifs ont massivement perdu des clients. Je vous rappelle que le guichet de l'Arenh a eu lieu avant le phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) et avant la déclaration de guerre de la Russie à l'Ukraine. À ce moment-là, prévoir une baisse de consommation et une répartition du marché de ce type n'apparaissait pas comme une évidence. Si le système était maintenu, le CP1 aurait vocation à retourner vers les consommateurs.

Concernant l'abus d'Arenh, nous mobilisons tous les outils dont nous disposons. Nous avons requalifié les demandes d'Arenh au guichet 2023, envoyé trois fournisseurs au comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) en demandant une suspension des livraisons d'Arenh courant 2023, grâce aux nouvelles compétences que vous nous avez données dans la dernière loi de finances pour 2023. Trois enquêtes se déroulent actuellement : un procès-verbal (PV) est chez le fournisseur pour contradictions ; j'ai déjà procédé à un signalement article 40 ; je dois signer le deuxième PV la semaine prochaine et le troisième dès que possible. Ces dossiers seront ensuite transmis au CoRDiS, et des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont en cours. Actuellement, nous mobilisons vraiment tous les outils en notre possession pour lutter contre les abus d'Arenh.

Une question sous-jacente porte sur la saisonnalité des droits d'Arenh comparée à l'utilisation. Le mécanisme de l'Arenh va durer encore deux exercices et a vocation à être remplacé. Si l'Arenh était pérenne, cette question mériterait d'être posée à nouveau. Je rappelle que le dispositif a été conçu pour privilégier les industriels dans les droits Arenh, c'est-à-dire pour privilégier les gros consommateurs au détriment, si je peux dire, des consommateurs individuels. La raison d'un déséquilibre entre la période qui génère des droits et la période d'utilisation, visait à essayer de donner proportionnellement un peu plus de droits aux gros consommateurs industriels, et un petit peu moins aux consommateurs individuels.

Pour répondre à Mme le rapporteur Dominique Estrosi Sassone, nous aimerions récupérer les autorisations de fourniture et durcir les textes. Si cela se produit, nous le ferons avec vigilance et rigueur parce que les obligations prudentielles sur les fournisseurs doivent être durcies et les autorisations de fourniture, révisées à intervalles réguliers. La fourniture d'électricité ou de gaz, diffère de la fourniture de n'importe quel autre produit. La capacité du fournisseur à assumer son activité doit donc être vérifiée. Certains fournisseurs commencent, arrêtent, transfèrent des portefeuilles clients à d'autres filiales, qui émergent à nouveau. Vous avez dû les repérer également. Nous essayons de lutter, avec les moyens dont nous disposons, dans ces situations-là.

Nous considérons également avec intérêt le sujet de l'amélioration de la protection des consommateurs et l'information des consommateurs, notamment concernant les modifications contractuelles. Nous discutons de ces sujets avec la DGCCRF pour déterminer comment elle peut, elle aussi, agir pour la protection des consommateurs. Je serais à première vue favorable, même si je n'ai pas encore lu les propositions, à un renforcement des dispositions du code de la consommation.

Les consommateurs n'ont pas l'habitude de regarder de près leur contrat d'électricité et de gaz, contrairement à leur contrat de téléphonie et de box Internet. Le simple fait de savoir que leur contrat est à prix variable n'est pas du tout une évidence. Une grande partie des contrats se base sur un prix variable indexé. Les modes d'indexation restent mal connus et les conditions dans lesquelles les conditions contractuelles peuvent changer le sont également. Nous devons donc transmettre beaucoup d'informations au consommateur, concernant le choix d'un contrat. Par ailleurs, renforcer les obligations pour éviter les modifications, de façon unilatérale ou dans des délais trop courts notamment, me paraît tout à fait une bonne idée.

M. Franck Montaugé. - Madame la présidente, merci de votre présentation, ainsi que de votre travail. J'aimerais aborder trois sujets.

Quels enseignements tirez-vous, dans le cadre de votre mission de fonction de contrôle, des déficiences de la CRE en matière de contrôle des fournisseurs alternatifs, en tout cas, de certains qui ont bénéficié de l'Arenh ? Des sanctions ont été prises, très tardivement, et nous savons par ailleurs que la plupart des bénéficiaires de l'Arenh en tant que fournisseurs n'ont pas, par exemple, contribué à la production.

Quelle est votre contribution en termes de propositions et d'échanges avec les autres autorités de contrôle européennes en matière de market design ? Les Français ont intérêt à ce que les prix se forment au plus près des composantes diverses de notre mix énergétique national. Quelles sont vos propositions en rapport avec ce sujet ?

Si cela fait partie de vos compétences, mais je n'en suis pas certain, quelle analyse ou évaluation faites-vous à ce stade de la mise en oeuvre de la loi « Accélération des énergies renouvelables » ? Elle est récente, mais les choses sont en train de se mettre en place dans les territoires, et je pense qu'il ne faut pas manquer le début. Avez-vous examiné la situation et éventuellement pouvez-vous formuler des propositions pour que les choses se passent au mieux et le plus rapidement possible ?

M. Pierre Louault. - Madame la présidente, le développement des pompes à chaleur (PAC) est encouragé, ce qui est logique. Dans le même temps, la suppression des chaudières à gaz est exigée, alors que nul ne sait quand la production d'électricité s'avérera suffisante pour répondre à toutes les demandes. De plus, personne ne sait si les réseaux seront adaptés. Ne serait-il pas sage de garder en secours des chaudières à gaz au moment où nous ne tiendrons plus le réseau électrique ?

M. Serge Mérillou. - Madame la présidente, ma question porte sur l'inquiétude face à l'augmentation de consommation d'électricité et les investissements nécessaires, d'une part, pour la production d'électricité via le nucléaire et les EnR et, d'autre part, pour les réseaux qui représentent un point fragile et sensible. Sommes-nous sereins face à cette augmentation dans la capacité de production et de transport ? Quel sera l'impact sur l'augmentation du coût de l'électricité qui, en France, reste quand même plutôt abordable et constitue un atout pour l'activité industrielle ?

Si j'ai bien compris, la loi ne vous donne pas toutes les possibilités de contrôle sur l'Arenh. Souhaitez-vous que la législation évolue pour que le contrôle de l'Arenh devienne beaucoup plus strict ? Pourrions-nous notamment imaginer que les producteurs alternatifs soient réellement obligés de construire des capacités de production ou de participer financièrement aux programmes d'investissement des industriels ? Je pense notamment à EDF qui, lui, produit et investit pour produire de l'énergie électrique.

M. Jean-Jacques Michau. - Les moyens dont vous disposez seront-ils suffisants pour atteindre tous les objectifs assignés à la CRE ?

J'aimerais revenir sur le rapport d'information que notre commission vient d'adopter sur l'Arenh. Il semble qu'il existe un « fatras » d'organismes qui interviennent : EDF, RTE, la CRE, la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Une simplification pourrait-elle être envisagée, au moins pour une meilleure lisibilité des sommes qui sont en jeu ?

Dans votre propos liminaire, vous avez parlé des enjeux du développement des énergies renouvelables et de l'énergie nucléaire : existe-t-il une hiérarchie entre ces sources d'énergies ? En effet, il me semble que, dans le mix énergétique, nous avons besoin d'une offre d'électricité de base. Si elle est produite par les énergies renouvelables, parviendrons-nous à financer l'énergie nucléaire ?

M. Bernard Buis. - Madame la présidente, j'aimerais vous poser deux questions rapides concernant la souveraineté et la sobriété. À l'heure de la guerre en Ukraine, ne faudrait-il pas envisager assez rapidement une Union européenne de l'énergie ?

Ma deuxième question porte sur les perspectives d'inflation en matière d'évolution des tarifs pour nos collectivités locales, les régies et les délégations de service public. Disposez-vous d'une lisibilité ?

M. Olivier Rietmann. - Dans mon département, qui constitue un petit territoire rural, nous possédions jusqu'à maintenant des réseaux adaptés à la population, et à notre capacité de production très limitée. En effet, nous ne disposions ni d'unités hydrauliques, ni de capacités de production d'énergies fossiles ou nucléaire. Nous avons désormais un potentiel assez important en termes d'EnR. En effet, en matière de gaz, la Haute-Saône atteindra avant tout le monde 50 % de production de gaz vert dans les deux ans à venir, notamment grâce aux méthaniseurs. Nous avons par ailleurs un potentiel de développement en matière d'énergies renouvelables électriques. La semaine dernière, j'ai accompagné des membres de notre commission, pour la visite d'une canopée agrivoltaïque sur grandes cultures, une première au monde. Elle est installée en Haute-Saône sur trois hectares.

Les opérateurs présents nous ont confirmé que nous possédons une capacité de production d'énergie, notamment photovoltaïque ou de méthanisation, très importante. Cependant, nos réseaux seront complètement saturés dans les dix ans à venir. Transporter cette électricité via des raccordements coûte très cher. Cette difficulté empêche tous les projets qui pourraient être mis en place. Je comprends que de gros accompagnements soient prévus pour des projets importants, mais projetez-vous également d'accompagner financièrement les petits territoires dans le développement de leurs réseaux ?

M. Christian Redon-Sarrazy. - Merci madame la présidente de vos propos. Je reviendrai rapidement sur la fin des TRVG et en particulier les conséquences pour les collectivités territoriales qui sont, pour nombre d'entre elles, très dépendantes du gaz et rencontrent des difficultés pour évoluer vers d'autres sources d'énergies. Les organismes en charge des habitations à loyer modéré (HLM) sont également concernés. Les collectivités territoriales se trouvent actuellement dans des difficultés budgétaires majeures, très inquiétantes pour les exercices à venir. Quel accompagnement prévoyez-vous pour éviter que ce poste de dépense ne grève la capacité d'action de nombreuses collectivités territoriales ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Madame la présidente, le bois-énergie, première énergie renouvelable pilotable en France, représente entre 36 et 40 % de la production renouvelable et un équivalent de 125 TWh. J'aimerais connaître votre stratégie concernant cette énergie renouvelable notamment, comme cela a été évoqué, en matière de soutien financier aux réseaux liés aux chaufferies biomasse bois dans les territoires.

M. Daniel Salmon. - Merci madame la présidente de cette présentation. Nous savons que les dix à quinze années à venir s'annoncent difficiles s'agissant de l'équilibrage du réseau électrique. Le remplacement de toutes les chaudières à gaz par des pompes à chaleur (PAC) provoquerait une pointe de 20 GW, ce qui s'avère impossible à tenir. J'aimerais connaître votre position sur ce sujet des chaudières à gaz, ainsi que sur la question des réseaux, déjà évoquée, mais fondamentale. À ce jour, la tendance s'inverse pour passer d'une production très centralisée vers des productions très diffuses. La question des réseaux se révèle donc légitime et soulève le sujet de l'investissement.

Par ailleurs, vous avez parlé de l'effacement qui s'annonce crucial dans les années à venir. Une hiérarchisation devra être réalisée. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Quels contrats sont mis en place à ce niveau ?

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci mes chers collègues, madame la présidente. Vous savez que les producteurs qui possèdent des méthaniseurs ont signé des contrats correspondant à un certain niveau de production. Pendant cette crise qui a vu le prix de l'électricité augmenter, ils étaient obligés d'acheter très cher de l'énergie sur le marché, en remettant en cause l'équilibre budgétaire de leur production issue des méthaniseurs. Ils ont demandé à pratiquer l'autoconsommation et à passer au-dessus de leur niveau de contrat sur la partie qui leur sert à produire. Mais cela s'est avéré impossible.

La CRE pourrait-elle se pencher sur ce sujet ?

Mme Emmanuelle Wargon. - Merci madame la présidente, je vais essayer de répondre à toutes ces questions.

Monsieur le sénateur Franck Montaugé, en ce qui concerne les fournisseurs alternatifs, le système a été construit dans une période où les besoins d'investissement étaient moins importants. Surtout, la crise des prix et l'évolution des prix différaient de celles que nous avons connues. Selon moi, les grands éléments de modification du système se traduiront par plus de rigueur au niveau des fournisseurs alternatifs, avec des autorisations de fourniture revues et rendues plus strictes, et des obligations prudentielles, sous une forme qui reste à définir, mais dans laquelle les fournisseurs alternatifs seront incités à s'approvisionner en partie à long terme, quel que soit le type d'obligations mis en place.

Ils seront ainsi incités, soit à s'intégrer avec de la production en amont, en produisant eux-mêmes, soit à contractualiser à moyen ou long terme avec de la production en amont, s'ils sont trop petits pour produire eux-mêmes. Ce système s'avérera bénéfique pour les producteurs qui disposent d'un débouché à long terme, ainsi que pour les consommateurs des fournisseurs alternatifs, parce que la fourniture sera adossée à la production qui elle-même se trouve verrouillée, d'une certaine manière, à long terme. Selon moi, il faudrait vraiment adopter ce système.

Le mécanisme de l'Arenh lui-même s'avère asymétrique car la période de constitution des droits ne correspond pas à la période d'utilisation des droits et cela crée des difficultés. Les outils juridiques se sont renforcés. Cela prend simplement du temps. J'ai lancé les premières enquêtes en septembre 2022, mais il faut un agent enquêteur dédié qui enquête par écrit, récupère des réponses, les analyse, établisse ensuite un procès-verbal, et constate donc qu'il y a des manquements ; ce procès-verbal part à la contradiction puis au CoRDiS qui va réinstruire et tout cela va prendre beaucoup de temps.

Le CoRDiS, présidé par Thierry Tuot, qui est la formation de jugement de la CRE et demeure autonome par rapport au collège, est en train de faire aboutir un travail sur des propositions législatives pour simplifier et accélérer les sanctions. Pour l'instant, nous instruisons trois fois. Un vecteur législatif devra donc être trouvé, éventuellement la loi de transposition de la réforme du marché européen de l'énergie. Nous nous retrouvons bloqués, alors même, qu'au bout de longues procédures, nous avons les éléments pour constater des abus. La prochaine modification, devra donc concerner les procédures et nous fera gagner beaucoup de temps.

Concernant le market design, si les obligations des fournisseurs sont vraiment adossées à de l'approvisionnement long terme, les prix de marché se rapprocheront des outils de production sur sol français, donc du mix national. Les fournisseurs concluront des contrats de long terme et les interconnexions étant limitées - de notre côté, nous souhaitons aussi que des contrats de long terme soient conclus sur les interconnexions, mais c'est impossible - ils iront forcément chercher de l'électricité là où elle est produite, ce qui rapprochera le prix final du prix long terme.

La question sur l'application de la loi « Accélération des énergies renouvelables », est un peu prématurée. Nous travaillons sur une partie, mais le plus important, est vraiment de réaliser les schémas territoriaux, les zones d'accélération territoriale pour déterminer les zones dans lesquelles cela se révèle difficile, ainsi que les zones dans lesquelles cela est faisable. Nous sommes concernés au deuxième niveau parce que nous réalisons les S3REnR. Nous ne sommes pas partie prenante de la discussion locale, puisque la CRE est essentiellement un organisme national. À titre personnel, je commence à consacrer un temps important à des visites de terrain, parce que je pense qu'il est utile d'aller à la rencontre des élus et des producteurs locaux. Les schémas de raccordement doivent être cohérents avec les zones d'accélération. Nous devons donc les réaliser ensemble, car nous ne pouvons pas établir des schémas de raccordement avant de savoir où les énergies renouvelables seront installées.

Concernant les PAC et les chaudières à gaz, je fais preuve d'une grande prudence. Le chauffage doit bien sûr être décarboné. J'ai d'ailleurs porté dans mes fonctions antérieures le dossier sur la fin des chaudières au fioul, un sujet difficile et délicat à mettre en oeuvre. Les chaudières à gaz ne représentent pas le même volume. Le rapport que nous avons réalisé sur les infrastructures montre que, dans le cadre des pires hypothèses, c'est-à-dire, si nous n'effectuons pas assez de rénovations, cela pourrait provoquer une pointe supplémentaire jusqu'à 35 GW qui ne serait pas du tout acceptable pour le réseau électrique.

La solution consiste donc à réussir à faire monter en puissance le réseau électrique, à la bonne vitesse par rapport à l'évolution des chaudières à gaz. Dans un premier temps, cela se traduira par la fin des aides avant d'imposer une interdiction pure et simple. Cette évolution ne peut se faire qu'en coordination avec l'évolution de la capacité électrique et celle des réseaux. Se pose également la question des PAC classiques ou des PAC hybrides qui permettent d'aller chercher du gaz, soit quand il fait vraiment très froid et qu'elles fonctionnent moins bien, soit quand le flux d'électricité se trouve trop tendu. La crise précédente a ainsi montré la complémentarité des réseaux.

Concernant le réseau, nous ne sommes pas totalement sereins car nous avons un énorme pic d'investissement à passer. Le sujet porte à la fois sur le financement et la faisabilité opérationnelle. Nous discutons également au quotidien avec Enedis et RTE de leur capacité à s'approvisionner en postes sources ou en câbles pour les équipements et de leur capacité à détenir leurs propres compétences, ainsi que celles des entreprises sous-traitantes et partenaires. La trajectoire d'investissement est élevée, les tarifs d'utilisation des réseaux qui vont augmenter, représentent un énorme sujet pour la prochaine campagne tarifaire.

Nous sommes déterminés. 40 GW de puissance d'éolien offshore doivent être raccordés, ce qui n'est pas du tout comparable à ce que nous avons réalisé jusqu'à présent. Je voudrais saluer RTE qui a assuré les raccordements sur l'éolien offshore. Le volume de raccordement est énorme. Nous sommes extrêmement conscients qu'il existe des raccordements gros, moyens et petits. Notre système simple, cartésien, centralisé et descendant reposait sur 56 réacteurs nucléaires qui produisaient l'essentiel de l'électricité, ainsi qu'un maillage qui l'acheminait jusqu'au consommateur final. Quant au gaz, il était importé et son réseau permettait d'acheminer ces flux d'import jusqu'au consommateur final.

Notre futur système doit être maillé complètement différemment en tenant compte de la production un peu partout et doit être bidirectionnel. Cette évolution représente une révolution culturelle chez GrDF qui est extrêmement mobilisé. Ce sujet est au coeur des projets stratégiques du distributeur qui accepte désormais du gaz sur le réseau et odorise alors qu'il ne s'était jamais posé la question de l'odorisation auparavant. Il a désormais des clients producteurs et pas uniquement consommateurs. Un changement complet de culture est en train d'advenir, et je voudrais saluer la motivation des équipes de GrDF.

De notre côté, nous devons valider des investissements de renforcement de maillage et de rebours. Nous restons très vigilants sur ce point. Chaque trimestre, nous délibérons pour valider les investissements proposés - en général une vingtaine ou une trentaine - et désormais nous passons tout le reste de la séance à discuter des projets d'investissement que les services ne veulent pas retenir. Concrètement, le collège challenge les services, leur demande d'expliquer les raisons de leur refus et la façon de faire évoluer la solution pour répondre aux besoins.

Nous souhaitons vraiment accompagner le développement des réseaux de gaz et d'électricité. Dans certains endroits, il n'a pas du tout été conçu pour supporter autant de trafic notamment en électricité, en raison du faible nombre d'habitants. Peu de maillage électrique et peu d'habitants égalent beaucoup de possibilités d'EnR et donc une transformation du réseau à réaliser rapidement. Nous suivons les délais de raccordement avec Enedis, mais nous ne sommes pas totalement d'accord. En effet, Enedis prend en compte toute la chaîne de délais de raccordement et considère qu'elle s'améliore, tandis que de notre côté, nous considérons la chaîne sous la responsabilité d'Enedis et considérons qu'elle s'améliore, mais pas assez rapidement. Nous discutons donc des indicateurs. Nous devons mener une révolution des réseaux autant qu'une révolution de la production. Nous ne sommes pas totalement sereins, mais mobilisés.

Pour être honnête, nous n'avons pas suffisamment d'effectifs pour mener à bien toutes ces missions. Notre budget est discuté chaque année, 160 personnes travaillent pour la CRE. J'en profite à nouveau pour saluer leur motivation, leur engagement et leur professionnalisme. Nous récupérons régulièrement beaucoup de nouvelles missions, nous souhaitons également être acteurs dans le domaine de l'hydrogène et de la capture du CO2, mais la situation s'avère tendue. Nous avons beaucoup de missions très diverses, chacune gérée par une petite équipe de chargés de missions. Cela représente beaucoup de travail. Nous vous adresserons probablement une demande de budget complémentaire.

Concernant les circuits Arenh, les calculs sont réalisés par la CRE, puis la CDC paye, en tant qu'opérateur et acteur des droits Arenh. Nous ne rencontrons pas de difficulté particulière avec ce fonctionnement. Ni RTE, ni EDF ne sont impliqués.

M. Dominique Jamme, directeur général de la CRE. - RTE fournit les données de consommation. Nous reprenons entièrement l'année 2022 demi-heure par demi-heure pour l'ensemble des clients français. M. le rapporteur Fabien Gay disait que les acteurs ne disposent pas de l'information. C'est normal, car tous ces calculs doivent être réalisés. RTE intervient donc en tant que fournisseur de l'ensemble des données de consommation sur le territoire national.

Mme Emmanuelle Wargon. - Les EnR et le nucléaire ne relèvent pas de la même temporalité. Le projet du nouveau nucléaire a été lancé. Les mécanismes de son financement sont actuellement à l'étude, pour qu'une décision soit prise rapidement. Les prochains réacteurs nucléaires seront installés autour de 2035, dans une hypothèse favorable. D'ici là, le besoin électrique présentera un pic majeur auquel peuvent répondre les énergies renouvelables. Les énergies renouvelables et le nucléaire ne doivent donc pas être opposés, car nous avons vraiment besoin des deux. Au cours des dix prochaines années, nous avons, entre autres, besoin de l'éolien offshore. Quand le nouveau parc nucléaire sera exploitable, une partie des réacteurs actuels pourra être prolongée jusqu'à soixante ans ou pas. À ce moment-là, nous disposerons peut-être d'un peu plus de flexibilité au niveau du choix du parc. Mais pour l'instant, toutes les énergies renouvelables confondues nous permettront de passer le pic à venir, qui s'annonce extrêmement important pour la période 2030-2035.

Monsieur le sénateur Bernard Buis, votre question très ouverte sur l'Union européenne de l'énergie mériterait une audition à part entière. Pour l'instant, il existe un marché unifié mais un mix énergétique qui reste sous compétence nationale. Il est important pour moi de maintenir cette compétence nationale, sinon une Union européenne de l'énergie irait probablement un cran plus loin.

Les prix de l'électricité et du gaz ont baissé. Le gaz est vraiment revenu à un niveau assez bas, tandis que l'électricité est revenue à un niveau intermédiaire avec une prime de risque pas négligeable entre l'Allemagne et la France. Les tarifs de réseaux vont finir par peser de façon non négligeable sur les tarifs finaux.

Monsieur le sénateur Christian Redon-Sarrazy, concernant la fin des TRVG, nous avons proposé une offre de service aux organismes HLM et aux collectivités territoriales. Nous travaillons avec l'Union sociale pour l'habitat (USH) sur un appui à la contractualisation et un guide pratique, qui sera publié fin juillet 2023. Nous aidons donc les organismes comme les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et les offices publics de l'habitat (OPH) à contractualiser. Nous avons proposé la même offre de services à l'Association des maires de France (AMF) pour travailler avec les collectivités locales. Nous prévoyons de collaborer avec d'autres associations de collectivités pour travailler sur le mode de contractualisation et aider, en particulier, les petites collectivités.

Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, nous ne sommes pas directement compétents sur le bois-énergie. Nous sommes compétents quand nous voyons la biomasse arriver dans le mix énergétique, en cogénération ou sur de la production électrique, parce que le bois-énergie, pour les réseaux de chaleur en particulier, représente probablement une vraie solution. Se pose la question du travail de façon transversale sur toutes les énergies à l'échelle locale. Nous possédons une vision nationale, alors que la cohérence des approvisionnements des réseaux de chaleur, les approvisionnements en gaz et en biogaz, les éventuels développements locaux en électricité et en bois-énergie, se jouent à l'échelle locale. Il s'agit, selon moi, d'une filière indispensable dans la PPE.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Le sujet de la cogénération existe pour les industries de la filière bois qui peuvent produire leur propre électricité et disposer ainsi d'un élément de compétitivité décisif pour ces entreprises.

Mme Emmanuelle Wargon. - Ce point est partiellement couvert par les tarifs et nous y serons vigilants. Nous essayons d'accompagner au mieux les prochaines dix à quinze années difficiles sur les réseaux.

Monsieur le sénateur Daniel Salmon, concernant l'effacement, nous avons recommencé à travailler sur tous les mécanismes de flexibilité pour trouver comment les positionner. Tout le mécanisme de capacité peut également entrer en jeu. Nous avons vraiment besoin de la production, des réseaux et de la flexibilité au sens large du terme.

Madame la présidente, s'agissant des méthaniseurs, de nombreux ajustements ont récemment été réalisés pour essayer de permettre le dépassement de la consommation maximale d'énergie (Cmax), plusieurs fois sur une période de deux ans, contre un an auparavant, et pour apporter plus de flexibilité. Le MTE y travaille avec la CRE. Nous avons récemment délibéré sur un certain nombre de décrets et d'arrêtés en donnant un avis favorable. Nous avons effectivement besoin de donner un peu de flexibilité au monde de la méthanisation qui, lui aussi, a été très frappé par les variations de consommation et de prix.

Mme Sophie Primas, présidente. -Madame la présidente, je vous remercie beaucoup d'avoir répondu de façon complète à l'ensemble des questions de mes collègues. Je vous souhaite une bonne continuation dans vos fonctions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 15 mars 2023

- Électricité de France (EDF) : MM. Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques, Patrice BRUEL, directeur des régulations, Nicolas VARLET, chef du service Régulation.

- Médiateur national de l'énergie (MNE) : Mmes Frédérique FÉRIAUD, directrice générale des services et Caroline KELLER, Cheffe du service Information et communication.

Table ronde d'associations de consommateurs :

· Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) : M. Claude COTTET, conseiller litiges ;

· Union française des consommateurs (UFC) - Que Choisir : M. Benjamin RECHER, chargé des relations institutionnelles.

Mardi 21 mars 2023

- Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : Mme Sophie MOURLON, directrice de l'énergie, M. Timothée FUROIS, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales.

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : Mme Nadine MOUY, sous-directrice Services, réseaux et numérique, MM. Joël TOZZI, chef de bureau Énergie et environnement et Ludovic HEHN, adjoint au chef de bureau Énergie et environnement.

- Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode) : Mmes Naima IDIR, présidente, Marine GRALL, cheffe de projet senior Affaires publiques chez Total Direct énergie et Marion BRULÉ, cheffe de projet Affaires publiques et réglementaires chez Eni Gas & Power.

Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg) : MM. Géry LECERF, président, Stéphane RADUREAU, président du collège électricité et Gabin GUILPAIN, chargé de mission.

- Commission de régulation de l'énergie (CRE) : Mme Emmanuelle WARGON, présidente, MM. Aodren MUNOZ, chargé de mission à la direction de la communication et des relations institutionnelles et Paul Octave TOLLU, chargé de mission du département Tarification et concurrence.

Mercredi 29 mars 2023

- Engie : MM. Julien MIRO, directeur des relations parlementaires, et Jean-Baptiste SÉJOURNÉ, directeur régulation.

- Réseau de transport d'électricité (RTE) : MM. Philippe PILLEVESSE, directeur des relations institutionnelles, Laurent MARTEL, directeur général du pôle finances achats risques, Hugo MARCIOT, responsable concertation Mécanisme de capacité et Mme Claire ROUSSEL, attachée de cabinet.

Table ronde de syndicats de l'énergie :

· Confédération française démocratique du travail - Fédération Chimie Énergie (CFDT-FCE) : M. Christophe BÉGUINET, chargé de mission Énergie ;

· Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) : MM. Alexandre GRILLAT, secrétaire national Affaires publiques et relations institutionnelles France, Europe et International et André PALU, membre du Conseil supérieur de l'énergie (CSE) ;

· Fédération nationale de l'énergie et des mines - Force Ouvrière (FNEM-FO) : Mme Sandrine LHENRY, administratrice ;

· Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail (FNME-CGT) : Mme Karine GRANGER, conseillère énergie ;

· Union syndicale solidaire - Énergie (Sud-Énergie) : Mme Anne DEBREGEAS, porte-parole de la fédération.

Mardi 4 avril 2023

- TotalEnergies : MM. Romain VERDIER, directeur Énergie management et Théo SOULET, chargé des affaires publiques de TotalÉnergies Électricité et Gaz France.

- Ohm Énergie : MM. François JOUBERT, président et Julien MARÉCHAL, chef gestionnaire du portefeuille.

- GreenYellow : M. Otmane HAJJI, président fondateur, M. Romain BUTTE, directeur et responsable des activités de sourcing et Mme Karine Anne HUBERFELD, secrétaire générale.

- Mint Énergie : MM. Kaled ZOURRAY, directeur général, Gaël JOLY, directeur général délégué et José CABALLERO, directeur général adjoint.

- Eni : Mme Naima IDIR, présidente, directrice Affaires réglementaires et institutionnelles d'Eni Gas & Power France.

Mardi 11 avril 2023

- Vattenfall : M. Henri REBOULLET, président-directeur général et Mme Marie-Laetitia GOURDIN, responsable Affaires publiques et relations médias France.

- Iberdrola : MM. Emmanuel ROLLIN, directeur général et Christian MONTOYA, directeur Clients et marchés de l'énergie.

- Méga Énergie : M. Michael CORHAY, directeur général.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Association française indépendante de l'électricité et du gaz (Afieg) 

- Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Énergie (Anode)

- Confédération française démocratique du travail - Fédération Chimie Énergie (CFDT-FCE) 

- Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS)

- Commission de régulation de l'énergie (CRE)

- Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) 

- Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

- Électricité de France (EDF)

- Engie

- Eni

- Fédération nationale de l'énergie et des mines - Force Ouvrière (FNEM-FO)

- Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail (FNME-CGT)

- GreenYellow 

- Eqinov 

- Iberdrola

- Médiateur national de l'énergie (MNE)

- Méga Énergie

- Mint Énergie

- Ohm Énergie

- Réseau de transport d'électricité (RTE)

- Union syndicale solidaire - Énergie (Sud-Énergie)

- TotalÉnergies

Union française des consommateurs (UFC) - Que Choisir

- Vattenfall


* 1 Le dispositif a été institué par la loi « Nome » de 2010 et modifié par les lois « Énergie-Climat » de 2019 et « Pouvoir d'achat » de 2022.

* 2 Décision du 12 juin 2012.

* 3 Le dispositif a été institué par un décret du 29 octobre 2022.

* 4 Le dispositif a été institué par la « LFI pour 2023 », de 2022.

* 5 La modification a été réalisée par un décret et un arrêté du 11 mars 2022.

* 6 En augmentant le taux d'écrêtement.

* 7 Une enquête porte aussi sur des faits antérieurs.

* 8 Ces contrats doivent être mis en oeuvre par les États membres, dès lors qu'ils optent pour un régime de soutien direct des prix. Ils englobent les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité, ainsi que le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes, dans les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique ou nucléaire. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont reversées aux consommateurs.

* 9 Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Article 1er).

* 10 Ainsi qu'aux entreprises locales de distribution (ELD).

* 11 Décision de la Commission européenne du 12 juin 2012, concernant l'aide d'État n° sa.21918 (c17/2007) (ex nn 17/2007) mise à exécution par la France, Tarifs réglementés de l'électricité en France, p. 41.

* 12 Décret n° 2011-466 du 28 avril 2011 fixant les modalités d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (abrogé par le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l'énergie).

* 13 Corse, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Guyane, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre et

Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, les îles de Molène, d'Ouessant, de Sein et de Chausey.

* 14 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 62).

* 15 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (Articles 37 à 41).

* 16 Sous réserve d'une notification auprès de la Commission européenne.

* 17 Le contenu de ce décret est développé au point C du présent I.

* 18 Ainsi que des entreprises locales de distribution (ELD).

* 19 Il peut y avoir un écart entre le volume demandé et le volume attribué, compte tenu de la suspension de livraisons, en cas de défaut de paiement, de décision du régulateur ou d'une juridiction, ou encore de cessation d'activité.

* 20 Arrêté du 17 mai 2011 fixant le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique à compter du 1er janvier 2012 (Article 1er).

* 21 Après un premier montant de 40  / MWh à partir du 1er juillet 2021.

* 22 Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d'attribution d'un volume additionnel d'électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

* 23 Arrêté du 11 mars 2022 fixant le volume global maximal d'électricité devant être cédé par Électricité de France au titre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, pris en application de l'article L. 336-2 du code de l'énergie.

* 24 Sur les volumes additionnels délivrés.

* 25 Arrêté du 17 mai 2011 relatif au calcul des droits à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Articles 2 et 4).

* 26 Arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (Article 2 et annexes).

* 27 Ainsi que les entreprises locales de distribution (ELD).

* 28 Définies comme les heures comprises entre 1 heure et 7 heures en semaine et toutes les heures des samedis, dimanches et jours fériés nationaux.

* 29 Le document est consultable ci-contre.

* 30 Le document est consultable ci-contre.

* 31 4 titulaires - dont 2 Conseillers d'État et 2 membres de la Cour de cassation - et 4 suppléants.

* 32 Un gestionnaire des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ; un gestionnaire de réseaux fermés de distribution d'électricité ; un opérateur d'ouvrages de transport ou de distribution de gaz naturel ; un exploitant d'installations de stockage de gaz naturel ; un exploitant d'installations de gaz naturel liquéfié (GNL) ; un exploitant d'installations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone ; un utilisateur de ces réseaux, ouvrages ou installations, y compris les fournisseurs d'électricité et de gaz naturel.

* 33 Réseaux publics de distribution et de transport d'électricité ou de gaz naturel ; installations de stockage de gaz naturel ; installations de gaz naturel liquéfié (GNL) ; installations de transport et de stockage géologique du dioxyde de carbone.

* 34 C'est pourquoi l'article L. 336-5 du code de l'énergie dispose que « ce complément, qui tient compte du coût de financement lié au caractère différé de son règlement, est au moins égal à la partie positive de l'écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique ».

* 35 Dans le cas contraire, c'est-à-dire si le plafond de l'Arenh n'a pas été atteint, ou si le plafond a été atteint lors du guichet de demande mais que la somme des droits des fournisseurs constatée ex-post est inférieure à ce plafond, c'est EDF qui fait l'objet d'une compensation, ainsi que l'a rappelé la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération n°2020-251 du 1er octobre 2020 portant avis sur le projet de décret modifiant la partie réglementaire du code de l'énergie relative à l'Arenh et la partie réglementaire du code de l'énergie relative à la compensation des charges de service public de l'énergie et sa délibération n°2020-285 du 2 décembre 2020, portant décision relative aux modalités de calcul et de répartition du complément de prix Arenh en cas d'atteinte du plafond.

* 36 Cumulable avec le CP1.

* 37 C'est la raison pour laquelle l'article L. 336-5 du code de l'énergie dispose que « [ce complément] tient également compte de l'ampleur de l'écart entre la prévision initialement faite par le fournisseur et la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, et de l'effet du plafonnement mentionné à l'article L. 336-2 ».

* 38 Décret n° 2020-1414 du 19 novembre 2020 modifiant la partie réglementaire du code de l'énergie relative à l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique et à la compensation des charges de service public de l'énergie.

* 39 S'agissant de l'Arenh et des autres règles de fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz.

* 40 Au titre du code de la consommation.

* 41 Au titre du code de l'énergie.

* 42 EDF a évoqué plus largement 73 bénéficiaires de l'Arenh en 2020, 81 en 2021 et 2022 et 87 en 2023.

* 43 Source : Commission de régulation de l'énergie (CRE).

* 44 Décret n° 2022-1380 du 29 octobre 2022 modifiant les modalités d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Article 1er).

* 45 Délibération n°2022-287 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 10 novembre 2022 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d'Arenh en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant communication sur les critères d'évaluation des demandes d'Arenh.

* 46 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 (Article 181).

* 47 Délibération n°2022-74 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 11 mars 2022 portant communication des modalités de répercussion des volumes additionnels d'Arenh que la CRE retiendra dans ses propositions de tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 48 Délibération n°2022-98 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 31 mars 2022 portant orientations et décision sur les modalités de répercussion des volumes additionnels d'Arenh dans les offres de fourniture.

* 49 Délibération n°2022-216 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 27 juillet 2022 portant orientations complémentaires à la délibération du 31 mars 2022 sur les modalités de répercussion des volumes additionnels d'Arenh dans les offres de fourniture.

* 50 Délibération précitée du 11 mars 2022.

* 51 Délibérations précitées des 31 mars et 27 juillet 2022.

* 52 Contre 35 % en l'absence du « bouclier tarifaire ».

* 53 Par rapport aux prix atteints en mai 2021.

* 54 Dont 8 entreprises locales de distribution (ELD).

* 55 92 % des fournisseurs alternatifs, dont les plus importants, ont répondu.

* 56 Dont 1 contre Ohm Énergie.

* 57 Dont 1 pour des faits antérieurs.

* 58 Qui ont donné lieu à 3 recours d'Ohm Énergie, Sagiterre et Elmy.

* 59 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2022, 2023 ; Bilan électrique 2021, 2022.

* 60 Ce constat est partagé par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 61 Car EDF réplique cet écrêtement dans ses offres.

* 62 Délibération n°2023-176 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 29 juin 2023 portant décision sur le calcul du complément de prix Arenh sur l'année 2022.

* 63 Soit la prise en compte de l'écrêtement, des volumes additionnels d'Arenh et des interruptions de livraison en cours d'année.

* 64 Indice SPOT.

* 65 Erwan BENEZET, « Électricité d'EDF revendue au prix fort : trois fournisseurs rappelés à l'ordre », Le Parisien, 29 juin 2023.

* 66  Délibération n°2022-187 de Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 30 juin 2022 portant décision sur le calcul du complément de prix Arenh sur l'année 2021.

* 67 En mars 2022, l'impact du bouclier tarifaire sur le groupe EDF avait été estimé à 10,2 Mds€ par le groupe EDF, entre 8 et 9 Mds€ par la Commission de régumation de l'énergie (CRE) et 8 Mds€ par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 68 En avril 2022.

* 69 Avec une consultation du 17 janvier au 17 mars 2020, dont la synthèse figure ci-après.

* 70 En juin 2022.

* 71 En mars 2023.

* 72 Le document est consultable ci-contre.

* 73 Le document est consultable ci-contre.

* 74 Le document est consultable ci-contre.

* 75 Le document est consultable ci-contre.

* 76 Ces contrats doivent être mis en oeuvre par les États membres, dès lors qu'ils optent pour un régime de soutien direct des prix. Ils englobent les investissements dans les nouvelles installations de production d'électricité, ainsi que le rééquipement, l'agrandissement ou la prolongation de celles existantes, dans les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique ou nucléaire. Lorsque le prix d'exercice est supérieur au prix de marché, leurs recettes excédentaires sont reversées aux consommateurs.

* 77 Ces contrats peuvent être utilisés pour soutenir l'achat d'électricité renouvelable. Ils peuvent être appuyés par un régime de garantie des prix.

* 78 C'est-à-dire le droit d'être approvisionnés en électricité, sur leur territoire, à une qualité définie et à des prix compétitifs.

* 79 La Commission européenne peut déclarer, pour une durée d'un an au maximum, une situation de crise des prix de l'électricité, au niveau régional ou l'échelle de l'Union, dès lors que plusieurs conditions sont remplies : une hausse des prix sur les marchés de gros de l'électricité, sur 6 mois, atteignant au moins 2,5 fois le prix moyen au cours des 5 dernières années ; une hausse des prix sur les marchés de détail, sur 6 mois, atteignant au moins 70 % ; une incidence négative des hausses des prix de l'électricité sur l'ensemble de l'économie.

* 80 Les États membres peuvent, dans la durée précitée, effectuer des interventions publiques ciblées dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité, dès lors que plusieurs conditions sont remplies : une limitation à 70 % de la consommation des PME ; une limitation à 80 % de la consommation des ménages ; le maintien d'une incitation à la réduction de la demande ; le cas échéant, l'indemnisation des fournisseurs pour la fourniture à perte.

* 81 Opportunités, coûts, risques et compteurs.

* 82 Comme indiqué plus haut, les recettes sont versées à EDF puis déduites de la compensation de ses charges de service public de l'énergie.

* 83 Ainsi que les entreprises locales de distribution (ELD).

* 84 Ayant pu aboutir à des résiliations.

* 85 Qui ont conduit à une révision de la clause de résiliation en 2016 et de monotonie en 2017.

* 86 Qui a conduit à la modification de la clause de force majeure en 2020.

* 87 Qui ont conduit à la suppression du guichet infra-annuel en 2022.

* 88 Ainsi que les entreprises locales de distribution (ELD).

* 89 Le document est consultable ci-contre.

* 90 Et une disponibilité maximale d'environ 50 GW, dans les deux cas.

* 91 Le document est consultable ci-contre.

* 92 Se posera aussi la question de l'évolution du mécanisme de capacité, selon RTE et TotalÉnergies.

* 93 Proche du dispositif de CfD.

* 94 Où les droits à l'Arenh seraient perçus directement par les consommateurs, sans fournisseur.

* 95 Arrêté du 17 mai 2011 relatif au calcul des droits à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique.

* 96 A l'inverse, l'Anode a proposé de tenir compte de la modulation toute l'année du parc nucléaire, Iberdrola un calcul mensuel, plutôt qu'annuel et Méga Énergie un calcul semestriel, plutôt qu'annuel.

* 97 EDF a ajouté avoir formulé des propositions en ce sens, lors du Conseil supérieur de l'énergie (CSE) du 8 septembre 2022.

* 98 Délibération n°2023-176 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 29 juin 2023 portant décision sur le calcul du complément de prix Arenh sur l'année 2022.

* 99 A l'inverse, l'Anode a appelé à une symétrisation du CP1.

* 100 Le document est consultable ci-contre.

* 101 Délibération n°2021-313 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) du 7 octobre 2021 portant décision sur la méthode de calcul du complément de prix Arenh.

* 102 Voire de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

* 103 En application de l'article L. 336-3 du code de l'énergie, les échanges d'information sont organisés, dans le cadre de l'Arenh, de sorte qu'EDF ne puisse pas avoir accès à des positions individuelles.

* 104 A l'inverse, Green Yellow a relevé le risque financier pour l'État.

* 105 En mai 2023.

* 106 En mars 2023.

* 107 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Article 86).

* 108 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 96).

* 109 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 63).

* 110 Décret n° 2021-273 du 11 mars 2021 relatif à la fourniture de gaz naturel et d'électricité.

* 111 The Office of Gas and Electricity Markets.

* 112 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 63).

* 113 Arrêté du 5 novembre 2021 portant nomination à titre transitoire d'un fournisseur de secours en électricité sur les zones de dessertes des entreprises locales de distribution (Article 1er).

* 114 En l'espèce, la réforme du marché européen de l'électricité.

* 115 Le baromètre est consultable ci-contre.

* 116 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (Article 66).

* 117 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Article 96).

* 118 Y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d'immeubles uniques à usage d'habitation.

* 119Ainsi que des entreprises locales de distribution (ELD).

* 120 Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) (Article 5).

* 121 Le document est consultable ci-contre.

* 122 Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) (Article 11).

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