a. Permettre au ministre des Armées de s'opposer au recrutement par un État ou une entreprise étrangère de militaires nationaux détenteurs de savoir-faire militaires opérationnels rares
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de programmation militaire 2024-2030, aucun dispositif juridique ne permettait d'empêcher a priori le départ de militaires recrutés par un État ou une entreprise étrangère. Or les tentatives de recrutement de militaires français par des puissances étrangères se multiplient. On estime à une dizaine le nombre de pilotes français de Rafale ayant été approchés ces dernières années en raison de leur maîtrise de savoir-faire opérationnels rares comme le décollage par catapulte ou encore l'appontage.
Le code pénal (art. 411-6 à 411-8) punit le fait d'entretenir des intelligences avec une entité étrangère et le fait de recueillir ou de rassembler des informations ou supports en vue de la livraison à une entité étrangère. Mais pour caractériser l'infraction d'intelligence avec une entité étrangère, il importe de recueillir des éléments matériels prouvant que l'auteur a agi volontairement et ayant pleinement conscience de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation dont il est ressortissant.
Or la collecte et conservation de données au profit d'une entité étrangère punies ne correspondent pas par exemple à la livraison d'un savoir-faire militaire opérationnel comme la technique d'appontage pour un pilote de Rafale. Ainsi, l'ensemble de ces dispositifs ne permettent pas de prévenir le départ d'un militaire vers une puissance étrangère en vue de lui livrer un savoir-faire militaire opérationnel.
Aussi, la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 permet désormais, à l'instar de ce qui existe notamment aux États-Unis, la mise en oeuvre d'un régime préventif de contrôle des départs des militaires recrutés par des puissances étrangères. Il instaure, pour les militaires exerçant des fonctions présentant une sensibilité particulière ou requérant des compétences techniques spécialisées, un régime de déclaration préalable obligatoire au Ministre des Armées lorsqu'ils souhaitent « exercer une activité en échange d'un avantage personnel ou d'une rémunération dans le domaine de la défense ou de la sécurité au bénéfice d'un État étranger ou d'une entreprise ou d'une organisation ayant son siège en dehors du territoire national ou sous contrôle étranger ». Ce régime de déclaration préalable obligatoire s'applique dans les dix ans suivant la cessation des fonctions, cette durée correspondant à la durée moyenne au terme de laquelle le savoir-faire des intéressés est présumé devenu obsolète.
Les militaires concernés sont ceux qui occupent des emplois sensibles relevant par exemple du commandement dans le domaine naval, de la cyberdéfense, du secteur du nucléaire ou encore du renseignement. Le ministre
des Armées pourra désormais s'opposer au recrutement par une entité étrangère d'un ancien militaire français dans deux cas :
- S'il estime que cet exercice comporte le risque d'une divulgation par l'intéressé de renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers auxquels il a eu accès dans le cadre de ces fonctions.
- Si cette divulgation est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation
Le périmètre du dispositif est large puisqu'il inclue « le bénéfice direct ou indirect à un État ou une entreprise étrangère, les collectivités territoriales étrangères ». Il concerne également les agents civils de l'État ou de ses établissements publics participant au développement de savoir?faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires. En revanche, ne sont pas concernés les militaires qui souhaiteraient exercer une activité au sein d'une entreprise titulaire d'une autorisation d'exportation de matériel de guerre français.