C. UNE NÉCESSITÉ CLIMATIQUE
1. Des bâtiments inégalement adaptés aux enjeux climatiques
Répondant à la fois aux évolutions législatives dans le domaine scolaire, qu'il s'agisse de l'instruction obligatoire ou du collège unique, et aux évolutions démographiques, les quelque 60 000 écoles et établissements du second degré couvrant le territoire (51 000 s'agissant des établissements de l'enseignement public) ont été construits à des périodes diverses.
Aux écoles de type « Jules Ferry » et aux grands lycées du XIXe siècle, qui présentent aujourd'hui un intérêt patrimonial certain, s'opposent les bâtiments plus récents édifiés dans un tout autre contexte, avec des techniques et des matériaux différents. Il en résulte aujourd'hui des besoins variables en matière de consommation énergétique, d'amélioration de la résilience face au risque de températures extrêmes et plus généralement d'entretien, les bâtiments les plus anciens n'étant d'ailleurs pas les plus inadaptés aux enjeux climatiques actuels57(*).
Ainsi, les années 1960-1970 ont été marquées par la construction d'un nombre important de bâtiments scolaires, portée par la démographie, l'allongement de la scolarité (obligation de scolarité jusque 16 ans, contre 14 ans précédemment) et les modifications du système scolaire (principe du collège unique). La construction d'« un collège par jour » dans la décennie 1960 devait répondre à ces nouvelles priorités : entre 1964 et 1969, 1 150 établissements du second degré ont été construits58(*).
Selon les chiffres du ministère de l'éducation nationale, les deux tiers de la surface-plancher59(*) des cités scolaires et près de la moitié de celle des lycées d'enseignement général et technologique (LEGT) sont antérieurs à 1970.
C'est par des méthodes industrielles qu'il a été possible de répondre aux exigences de l'époque, comme l'a analysé l'historien Antoine Prost, spécialiste de l'éducation : d'où des collèges conçus selon un plan-type, déclinant dans chaque établissement des mesures uniformes, dans une « logique d'ingénieur ».
La construction industrielle des collèges pendant les années 1960 selon Antoine Prost60(*)
« La construction industrielle fonctionnait comme un meccano. Sur la structure en métal ou en béton61(*) - les deux cas sont aussi fréquents - on montait des éléments de plancher et des panneaux de façade, incluant les fenêtres dans leur cadre. De même, les cloisons étaient préfabriquées, avec leurs portes : c'est la technique des cloisons sèches, par opposition aux cloisons enduites de plâtre qu'il fallait laisser sécher. Pour que ces divers éléments s'ajustent, il fallait qu'ils fussent exactement aux mêmes dimensions. »
« Ces procédés constructifs sont mis au service de programmes très rigoureusement normés en fonction des effectifs prévus. Ils fixent le nombre de salles de classes, leurs dimensions et même leur localisation, le nombre de salles spécialisées (physique, chimie, sciences naturelles, dessin et musique au dernier étage à cause du bruit), les permanences (au rez-de-chaussée), les sanitaires (à proximité des escaliers, eux-mêmes situés aux extrémités du bâtiment, ainsi qu'au centre quand il est très long). Des plans-types, affectant à chaque local un nombre de trames, déclinent ce programme, réparti sur quatre niveaux en général (rez-de-chaussée plus trois étages), de part et d'autre d'un couloir central. Les préaux sont réalisés par évidement de plusieurs trames au rez-de-chaussée. Aucun lieu de vie, aucun centre de documentation. Une logique d'ingénieur, au service d'un programme minimum. »
Plus récemment, l'objectif de conduire 80% d'une classe d'âge au baccalauréat, affiché en 1985, a provoqué une forte croissance des lycées. Comme le rappelle l'historien de l'éducation Antoine Prost, « les régions ont dû construire 250 lycées en 15 ans »62(*) ; le tableau ci-dessous montre que 20% des lycées d'enseignement général et technique ont été construits pendant les années 1990.
S'agissant des établissements d'enseignement secondaire, plus de 58% des bâtiments (collèges lycées d'enseignement général, lycées professionnels, cités scolaires) ont été construits avant 1980, et moins de 7% datent de 2010 ou sont plus récents. Si 29% des collèges ont été construits pendant les années 1970, ce sont aussi les bâtiments les plus récents : un collège sur cinq a été construit après l'année 2000 - contre 13% des lycées, comme l'indiquent les statistiques ci-après.
Époques de construction des bâtiments
de l'enseignement secondaire public
en 2021-2022
Période de construction |
Collèges (%) |
Lycées d'enseignement général et technique (%) |
Lycées professionnels |
Cités scolaires |
Ensemble (%) |
Construits avant 1970 |
24 |
46 |
37 |
65 |
37 |
Construits de 1970 à 1979 |
29 |
12 |
22 |
15 |
21 |
Construits de 1980 à 1989 |
11 |
9 |
13 |
4 |
10 |
Construits de 1990 à 1999 |
15 |
20 |
14 |
9 |
16 |
Construits de 2000 à 2009 |
13 |
7 |
8 |
3 |
9 |
Construits depuis 2010 |
8 |
6 |
5 |
4 |
7 |
Source : Repères et références statistiques 2022, MENJ
En conséquence de ces époques de construction diverses, l'état actuel du bâti scolaire varie : certains bâtiments sont des « passoires thermiques » ou des « gouffres énergétiques », de l'aveu même d'élus locaux consultés par la mission d'information63(*) ; d'autres au contraire répondent aux normes des bâtiments basse consommation (BBC).
Dans son rapport de 1995 relatif à la décentralisation et l'enseignement du second degré, la Cour des comptes soulignait qu' « à la date du transfert, le patrimoine était souvent dans un état médiocre »64(*). Les régions ont consacré aux lycées des « budgets incomparativement supérieurs à ceux que l'État acceptait de dégager »65(*). Notre collègue Max Brisson a insisté sur ce point lors de la réunion constitutive de la mission d'information : « Les bâtiments scolaires étaient autrement plus dégradés en 1982 qu'aujourd'hui. Grande a été la chance des établissements du second degré d'être transférés par les lois de décentralisation aux conseils départementaux et régionaux. On sait combien les maires sont attachés à leur école, et les conseils municipaux ne rechignent jamais à y investir ».
La mission d'information tient à souligner l'investissement important de toutes les collectivités en faveur du bâti scolaire depuis que cette compétence leur a été transférée en 1986. S'agissant des collèges, la Cour des comptes note d'ailleurs dans un rapport de 202366(*) que « nombreux sont les départements qui, pour répondre aux attentes des usagers, ont assumé dans la durée un effort de rénovation » du patrimoine des collèges.
Confrontés à une hausse du nombre d'élèves, en raison d'une massification de l'enseignement ou d'une densification de l'habitat à proximité des établissements scolaires, nombre de ceux-ci ont dû augmenter leurs capacités d'accueil, avec parfois des conséquences négatives en termes énergétiques. L'exemple de La Réunion, entendu lors des auditions, est loin d'être anecdotique et cette évolution des cours de récréation est constatée dans de nombreux territoires de métropole.
L'installation d'un inconfort thermique au fils
des ans :
l'exemple d'établissements de La
Réunion67(*)
Si les premières constructions datant de l'époque coloniale et les suivantes, construites pendant les Trente Glorieuses, offraient quelques dispositions architecturales de protection et de confort thermiques, notamment grâce à la forte présence d'arbres dans les cours et autour des écoles et bâtiments scolaires, un vrai tournant s'est opéré dans les dernières décennies.
Une densification urbaine a entraîné des constructions supplémentaires dans les cours, l'abattage d'arbres ayant été induit par la nécessité d'installer des bâtiments provisoires. Cet abattage répondait également aux craintes exprimées par des parents d'élèves quant à la dangerosité des racines des arbres dépassant du sol, ou des feuilles tombant sur celui-ci et impliquant un nettoyage régulier. Du fait d'une bétonnisation ou d'un revêtement d'enrobé, « pour faire propre », ce sol a été rendu imperméable.
L'ensemble de ces actions, ajoutées à la construction massive autour du bâtiment scolaire, a contribué à dégrader très fortement le confort thermique qui était effectif auparavant.
De même, les problèmes d'isolation thermique - hiver comme été - sont récurrents. Selon une enquête du CNESCO de 201768(*), 92% des chefs d'établissement ont déjà été interpellés au sujet de la température des salles (et 55% sur l'isolation phonique). Si la hausse des prix de l'énergie et les craintes d'une rupture d'approvisionnement à l'automne 2022 ont posé avec une actualité nouvelle la question de la température dans les salles de classe, les problèmes de froid ne datent pas de cette année.
Paradoxalement, les périodes hivernales et l'impossibilité d'une régulation thermique du bâtiment sont également propices à la surchauffe de certaines pièces, rendant nécessaire l'ouverture des fenêtres : c'est autant de gaspillage énergétique à combattre.
2. Le risque caniculaire et la nécessaire adaptation des bâtiments scolaires aux vagues de chaleur
Les récentes canicules qui ont touché la quasi-totalité de la France métropolitaine dès le mois de juin posent avec une urgence nouvelle la question de l'adaptation du bâti scolaire aux vagues de chaleur.
Ces vagues de chaleur sont appelées à se répéter et à s'intensifier sur des périodes de l'année scolaire jusqu'alors peu touchées (dès le mois de juin et jusqu'en septembre).
Vers une nette augmentation du nombre de jours de canicule d'ici 2085
Le rapport de novembre 2022 de l'Organisation mondiale météorologique sur l'état du climat en Europe, produit conjointement avec le service Copernicus, montre que les températures en Europe augmentent deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale.
L'augmentation des températures risque d'être plus particulièrement ressentie dans les villes, où le phénomène des îlots de chaleur a jusqu'à une date récente été peu pris en compte par les modèles climatiques. Selon le rapport Paris face au changement climatique, publié en septembre 2021, la température moyenne à Paris, de 13,1°C actuellement, pourrait atteindre 14,5°C en 2085, soit une augmentation de 2,5 par rapport à 1985. Le nombre de jours où la température dépasse 30°C est également en nette augmentation : de 13,6 en 2010, il pourrait s'élever à 19,7 en 2031 et atteindre 34,1 en 2085. De même, le nombre de « nuits tropicales », où la température ne descend pas en-dessous de 20°C, passerait de 5 en 2010, à 17,8 en 2030 puis à 34,8 en 2085.
Vagues de chaleur observées en France
métropolitaine de 1947 à 2017
et projections 2017-2100
En 2019, pour la première fois, un épisode caniculaire a conduit au report des dates d'un examen national : les épreuves du brevet national des collèges ont été décalées de quatre jours, afin de « garantir la sécurité des élèves ». Pour Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'éducation nationale, il était « impensable de laisser les élèves composer dans des salles surchauffées durant plusieurs heures »69(*).
En 2022, une canicule a frappé l'hexagone à la mi-juin, au moment où commençaient les épreuves du baccalauréat pour les lycéens professionnels. Quant au bac de français, cette session s'est déroulée dans des conditions particulièrement difficiles pour les lycéens du sud de la France : la température avoisinait les 39 degrés - avec plus de 35 degrés dans certaines salles d'examen.
De plus, les vagues de chaleur peuvent causer des coupures d'électricité susceptibles d'affecter la capacité des établissements à accueillir les élèves.
Une conséquence des températures
extrêmes : le risque de coupure d'électricité
et
ses conséquences dans les établissements scolaires
Les craintes de tensions sur le réseau électrique cet hiver en raison du conflit en Ukraine, et les plans de « délestage » envisagés à cette occasion, ont mis en lumière les conséquences d'une coupure d'électricité dans les établissements scolaires. Ce risque est réel en cas de très fortes chaleurs : pour rappel, en 2003, 230 000 Parisiens ont été privés d'électricité lors de la canicule, en raison de la défaillance de boîtiers de jonction permettant de relier entre eux les fils électriques.
Or, selon les syndicats des personnels de direction de l'éducation nationale auditionnés par la rapporteure, une coupure de courant de deux heures peut empêcher d'accueillir les enfants toute la journée. Une coupure peut en effet entraîner le déclenchement d'alarmes d'urgence, notamment incendie. L'accueil des élèves ne peut se faire qu'une fois celles-ci réenclenchées - et pas seulement éteintes. Or, il s'agit d'une manipulation qui doit être réalisée par du personnel qualifié. Cette problématique présente une acuité spécifique dans les établissements disposant d'un internat, notamment si la coupure intervient en soirée ou la nuit.
Ces vagues de chaleur ont mis en exergue, de façon brutale, la mauvaise adaptation de nombreux bâtiments scolaires aux fortes chaleurs : absence de volets ou de stores dans les salles de classe, impossibilité d'ouvrir les fenêtres, grandes verrières absorbant la chaleur, absence de préau ou d'espace ombragé dans la cour de récréation, îlot de chaleur créé par le revêtement du sol de la cour, renforçant la hausse des températures - un syndicat enseignant allant jusqu'à évoquer « l'effet four solaire des cours bitumées »70(*). Certains témoignages d'élus locaux consultés par la mission d'information font ainsi état de bâtiments « mal pensés en termes d'orientation - pas de brise-soleil pour l'été, de longs couloirs vitrés au nord... ».
Parmi les bonnes pratiques partagées par les associations d'élus sollicitées par la mission d'information, la région Auvergne-Rhône-Alpes71(*) a indiqué prendre en compte le confort d'été dans la construction de nouveaux lycées, avec la mise en place du « freecooling » (ventilation intelligente) pour renouveler l'air la nuit et calfeutrer le bâtiment en journée pour préserver la fraîcheur, l'installation de brises-soleil, l'utilisation de peinture réflective et la création d'îlots de fraicheur, que ce soit dans les cours ou par des toitures végétalisées.
Dans le même esprit, les travaux de rénovation de l'école Saint Louis Gare72(*) à Marseille, visitée par la mission d'information, ont permis la construction d'une coursive extérieure pour faire circuler l'air et permettre une ventilation naturelle.
Construction d'une coursive le long de l'ancien
bâtiment Jules Ferry
de l'école Saint Louis Gare
(Marseille)
Néanmoins, certains bâtiments scolaires se révèlent peu adaptés au confort d'été malgré une date de construction relativement récente, ce que l'on peut imputer à des préoccupations centrées sur la « beauté du geste architectural, plus que la performance énergétique », ainsi que notre collègue Max Brisson l'a relevé au cours de la réunion constitutive de la mission d'information.
Comme l'a souligné Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire à Marseille, chargé du plan écoles, du bâti, de la construction, de la rénovation et du patrimoine scolaire, lors de l'audition des associations d'élus de l'échelon municipal : des architectes « se font plaisir en dessinant de magnifiques baies vitrées orientées plein sud ! C'est le cas d'une école qui a été construite à Marseille : c'est beau, mais il fait 35 degrés dans les salles de classe dès le mois d'avril ... Il nous faut adapter l'architecture au climat »73(*). Cette remise en cause de la conception de bâtiments récents fait écho à un témoignage d'élu local recueilli sur la plateforme du Sénat : « Les bâtiments les plus énergivores et inconfortables sont généralement ceux d'architectes qui "se sont fait plaisir" ».
Selon l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), au-delà de 30 degrés pour une activité sédentaire - et de 28 degrés pour un travail physique - la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salariés. Celui-ci est particulièrement accru chez les personnes fragiles, notamment les enfants.
Certains élus consultés par la mission d'information expriment une inquiétude bien compréhensible pour la santé des élèves pendant les périodes de forte chaleur : « Les températures extrêmes sont ingérables. Un de nos bâtiments est une vraie passoire thermique, au point que certains élèves saignent du nez ou font des malaises lors des pics de canicules ». Ce risque doit d'autant plus être pris en compte que depuis 2019, la scolarisation est obligatoire dès trois ans : l'année scolaire se finit en juillet - le 8 juillet en 2023 - avec une fréquentation des écoles qui reste forte en primaire jusqu'aux derniers jours de classe.
De fait, le recours à des techniques anciennes de construction, comme les murs épais, fait partie des bonnes pratiques encouragées par la région Auvergne-Rhône-Alpes contre les fortes chaleurs. De même, le maire de Versailles faisait observer lors d'une table ronde organisée par la commission de la culture le 1er février 2023 sur la transition écologique du bâti ancien que « Les murs épais d'un immeuble du XIXe siècle constituent la meilleure climatisation ».
De manière générale, cette mission d'information est l'occasion de mettre en lumière les bonnes pratiques en matière de bâti scolaire conduisant à privilégier des savoir-faire traditionnels dans des territoires soumis à de fortes chaleurs, tant en outre-mer qu'à l'étranger, où des établissements français présentent des exemples intéressants de techniques de construction adaptées à des climats variés74(*). Ainsi, une réflexion est actuellement en cours au lycée français d'Addis-Abeba sur la réutilisation des eaux, notamment l'eau de pluie, pour l'alimentation des sanitaires.
Les solutions élaborées et réalisées par les concepteurs et maîtres d'ouvrage de ces territoires, où la prise en compte de la chaleur est ancienne peuvent servir de références en métropole.
À titre d'exemple, la rénovation récente du Lycée français de Lisbonne relevait un défi immense : une très forte chaleur en été, provoquant des effets de serre et des éblouissements, ainsi qu'un grand froid en hiver.
Le lycée français de Lisbonne : une rénovation ambitieuse sans climatisation75(*)
Les importants travaux de rénovation dont le lycée français Charles Lepierre de Lisbonne a récemment fait l'objet intègrent des enjeux de sobriété énergétique, avec notamment une « conception bioclimatique » et l'absence de climatisation.
La circulation de l'air a été améliorée et l'effet de serre minimisé par l'installation de brise-soleil amovibles qui permettent d'atténuer les effets du soleil et de s'isoler du froid si nécessaire. Des châssis fixes équipés de jalousies amovibles ont été mis en place afin de faire circuler l'air la nuit, lorsque le bâtiment est fermé, ce système permettant d'emmagasiner de l'air frais en été.
Pour éviter de recourir à la climatisation, des ventilateurs au plafond contribuent eux aussi à la circulation de l'air.
Différents matériaux ont été utilisés dans une logique de « circuit court » : le liège pour l'isolation des murs ; la brique, intéressante pour son inertie, pour la maçonnerie ; la pierre locale, qui vient de Lisbonne, plaquée sur les façades extérieures ; le liège également comme revêtement de sol afin d'améliorer la sonorisation des salles de classe. La cour de récréation a été entièrement repensée, pour mieux gérer l'infiltration de l'eau.
Les établissements scolaires construits à Mayotte illustrent également l'intérêt des techniques de construction traditionnelles, privilégiant la ventilation naturelle des bâtiments.
Mayotte : des techniques de construction privilégiant la ventilation naturelle76(*)
La conception des bâtiments scolaires mahorais77(*) intègre le rafraichissement naturel de la majorité des locaux. Ceux-ci sont orientés selon les vents dominants afin d'autoriser la ventilation traversante. Cela impose un principe de coursive plutôt qu'un couloir central. Associé à une bonne gestion du facteur solaire par la mise en oeuvre de brise-soleil, à la végétation environnante et à la mise en oeuvre de brasseurs d'air, le principe de la coursive suffit à obtenir un confort satisfaisant, sans climatisation.
Les pistes en cours de développement sont de « supprimer la façade » et de la remplacer par un simple brise-soleil, afin d'économiser les menuiseries et les parois et, ainsi, de maximiser la ventilation naturelle. Mais ces réflexions se heurtent à certaines normes du code de la construction (acoustique, stabilité au feu, etc.)
Un travail sur les puits dépressionnaires (permettant une circulation de l'air sur le principe de la cheminée) est également en cours. Ces puits permettent une ventilation naturelle quelle que soit l'orientation du bâtiment. Le principe est celui constaté sur le tirage d'une cheminée, à l'échelle d'un bâtiment.
Le principal écueil peut résider dans l'environnement d'un établissement et dans le risque de conflits d'usage : la ventilation naturelle implique un environnement acoustique approprié. Par exemple, un bâtiment scolaire en ventilation naturelle doit être situé suffisamment loin des équipements sportifs.
De même, un certain nombre de territoires sont pionniers dans l'utilisation des panneaux photovoltaïques : à Mayotte, 50% des sites en sont équipés. Les bonnes pratiques en termes de durabilité et de maintenance devraient donc être partagées avec les collectivités territoriales souhaitant se lancer dans ces investissements financiers conséquents.
De manière générale, les auditions des associations d'élus locaux ont mis en lumière leur intérêt pour les bonnes pratiques susceptibles d'être partagées par les établissements d'enseignement français à l'étranger, à bien des égards transposables sur le territoire national. La mission est également convaincue de la nécessité de mieux faire connaître les bonnes pratiques de certaines collectivités ultramarines, dont pourraient s'inspirer nombre de collectivités de l'Hexagone.
La mission d'information recommande donc que les bonnes pratiques des établissements d'enseignement français à l'étranger en matière de rénovation ou de construction de bâtiments scolaires soient diffusées auprès des collectivités territoriales. Elle plaide également, dans le même esprit, pour que le savoir-faire des collectivités ultramarines en matière d'amélioration du confort d'été soit mieux connu des collectivités de l'Hexagone.
3. La question de l'eau
À la problématique des vagues de chaleur s'ajoute celle de l'accès à l'eau que connaissent déjà certains établissements en outre-mer ou du réseau français à l'étranger.
La raréfaction de l'eau est devenue un défi. Les ruptures d'alimentation en eau potable entraînent généralement la fermeture de l'établissement scolaire. Pour faire face à ces coupures d'eau, en Guadeloupe, en lien avec la préfecture, des citernes d'eau « tampons » sont en cours d'installation dans les établissements scolaires, afin de disposer d'une autonomie de quelques heures et éviter la fermeture immédiate de l'établissement.
À Mayotte, la question des coupures d'eau connait une acuité particulière. Elles impactent la scolarisation des enfants puisque les classes sont fermées dès lors que la coupure dure quatre heures. Dans le cycle 1, une coupure d'eau entraîne automatiquement le retour des enfants à la maison. À partir du cycle 2 (CP, CE1, CE2), les élèves sont invités à aller aux toilettes avant de partir pour l'école de manière à ne pas avoir à utiliser les sanitaires sur une demi-journée78(*). Une réflexion est en cours pour l'installation en urgence de cuves permettant a minima de répondre aux besoins essentiels, notamment l'utilisation des sanitaires. Les projets de constructions neuves intègrent des cuves de récupération d'eau de pluie qui permettent d'économiser l'eau potable. Ce système est également en cours de généralisation dans l'ensemble des établissements du second degré. Cette optimisation des ressources doit permettre de réduire la sollicitation des réservoirs de l'île, même si elle ne reste néanmoins qu'une solution partielle, puisqu'en période sèche les cuves demeureront vides.
L'épisode de sécheresse printanière entraînant des coupures d'eau potable dans quatre villages des Pyrénées-Orientales en avril 2023 montre que la réflexion sur une utilisation optimisée de l'eau doit aussi être intégrée lors de la rénovation du bâti scolaire en métropole, comme l'illustre l'exemple du collège Georges Pompidou de Courbevoie, visité par la rapporteure le 18 avril 2023.
L'exemple du collège Georges Pompidou de
Courbevoie :
la récupération de l'eau de pluie pour
l'entretien de la cour végétalisée
Le collège Georges Pompidou de Courbevoie a bénéficié d'un réaménagement d'ampleur de sa cour, dans le cadre du programme « îlots verts » du conseil départemental des Hauts-de-Seine (34 collèges doivent bénéficier d'un « verdissement » de leur cour d'ici 2027). Le projet doit répondre à quatre objectifs : rafraîchir de façon durable l'espace urbain dense, favoriser l'infiltration des eaux pluviales, prendre en compte l'usage spécifique d'une cour de récréation tout en permettant d'autres utilisations de cet espace public, et sensibiliser la communauté éducative aux thématiques du réchauffement climatique.
La cour a fait l'objet de travaux importants entre juin 2022 et avril 2023, d'un montant de deux millions d'euros, pour permettre de gérer et récupérer l'ensemble des eaux pluviales (toitures du bâtiment et espaces extérieurs), notamment pour l'arrosage automatique des végétaux plantés dans le cadre de ce projet. Un bassin d'infiltration de 300 m3 et une cuve de 15 000 litres, enterrés sous le sol de la cour, ont été installés, ainsi qu'un réseau complet de drainage et d'arrosage. En surface, un béton drainant a été installé.
Fosse pour cuve de 15 000 litres enterrée dans le sol pour arroser les plantes de la cour avec les eaux pluviales
De même, dans le collège Simone Veil de Saint-Renan (Finistère), visité par la mission d'information le 25 mai 2023, a été installée une cuve de récupération des eaux de pluie d'une capacité de 30 m3, à destination du bloc sanitaire principal et du système d'arrosage79(*).
4. Un enjeu longtemps sous-estimé : l'aménagement des espaces extérieurs
L'aménagement des espaces extérieurs est longtemps resté le parent pauvre de l'aménagement des bâtiments scolaires. Les cours des écoles et des établissements scolaires répondent traditionnellement à des caractéristiques communes : « présence très massive de l'enrobé et celle de quelques arbres », comme l'ont rappelé lors de leur audition les paysagistes concepteurs : ainsi, « Les cours sont faciles à entretenir et permettent la présence d'un maximum d'enfants »80(*).
Or, comme l'a indiqué le directeur du CAUE (conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) des Pyrénées-Atlantiques, « une cour d'école participe également aux économies d'énergie car l'asphalte en surchauffe provoque des îlots de chaleur urbains qui se répercutent à l'intérieur des bâtiments : végétaliser apporte en revanche de la fraîcheur externe et interne. ». Selon un paysagiste concepteur, « repenser ces cours revient tout d'abord à les "décroûter" : il s'agit de retirer l'enrobé. La revitalisation des sols reste la clef du rafraîchissement de nos villes à travers la rétention des eaux pluviales. Les sols ont aussi la capacité de stocker le carbone. Un autre enjeu est de remettre les enfants au contact de la nature afin de leur permettre de mieux la respecter. La cour d'école est ainsi un lieu d'apprentissage à la biodiversité »81(*).
« Faire des espaces extérieurs de véritables îlots de fraicheur » 82(*)
Le rôle des espaces extérieurs pour lutter contre l'inconfort d'été et les vagues de chaleur est mis en avant dans les guides du ministère de l'éducation nationale. Celui qui est consacré à l'amélioration du confort thermique des bâtiments scolaires pendant les vagues de chaleur souligne la nécessité de limiter la minéralisation des cours de récréation : « les revêtements bitumineux peuvent être remplacés par des revêtements perméables et de couleur claire ou des espaces en pleine terre. La végétalisation des espaces permet également d'éviter que les rayons solaires n'atteignent les surfaces minérales ».
La végétalisation des cours de récréation est une préoccupation croissante des collectivités territoriales, dont témoigne le projet Oasis lancé dans le cadre de la stratégie de résilience, votée par le conseil municipal de Paris en septembre 2017. Il s'articule autour de quatre points : attention particulière au sol (meilleure gestion de l'eau de pluie, éviter l'effet du bitume surchauffé), augmentation des surfaces végétalisées, adaptation du mobilier pour permettre un meilleur partage de l'espace, présence plus forte de l'ombre et de l'eau (fontaine notamment). En outre, ce programme s'inscrit dans une réflexion autour de l'ouverture de cet espace en dehors des heures scolaires et périscolaires : en cas de forte chaleur, les cours peuvent être identifiées comme îlots de fraicheur par le plan canicule de la ville ; certaines cours Oasis sont ouvertes le samedi. Enfin, dans le cadre d'appels à projets, des associations peuvent bénéficier de ces espaces. En 2022, 100 cours parisiennes ont été transformées en cours Oasis.
D'autres collectivités territoriales ont mis en place des démarches similaires, à l'image du département des Hauts-de-Seine, qui a créé un programme pluriannuel « îlots verts » de végétalisation des cours de récréation de 34 collèges.
Trop souvent, les projets de végétalisation sont envisagés une fois les travaux de rénovation du bâtiment scolaire lancés, voire lorsqu'ils sont sur le point d'être finis.
Dans l'idéal, ces aménagements devraient être pensés en amont, en concertation avec les équipes pédagogiques, notamment pour prendre pleinement en compte les spécificités du bâti scolaire, qui se caractérise par des périodes d'inoccupation pendant les vacances scolaires, plus particulièrement les congés d'été (huit semaines), ce qui peut poser des problèmes au regard de l'arrosage des plantes.
Par ailleurs, ces aménagements doivent intégrer, comme le soulignent plusieurs syndicats enseignants, la pratique de l'éducation physique et sportive, à laquelle doit être réservé un espace dédié, ou a minima un large espace dégagé. Le collège Georges Pompidou de Courbevoie, précédemment évoqué, offre un exemple d'un tel aménagement puisqu'il comporte des espaces dédiés à la pratique sportive (terrain de basket, tables de ping-pong).
* 57 Comme le faisait observer le maire de Versailles lors d'une table ronde organisée le 1er février 2023 par la commission de la culture sur la transition écologique du bâti ancien, « de nombreux bâtiments anciens sont construits intelligemment par rapport au climat ».
* 58 Entre l'année scolaire 1958-1959 et l'année scolaire 1973-74, les effectifs des collégiens et des lycéens ont presque triplé, passant respectivement de 1,174 million à 3,901 millions et 340 000 à 939 000 élèves, tandis que ceux des établissements secondaires doublaient, passant de 322 000 à 683 000 élèves. Ce sont ainsi plus de 2,8 millions d'élèves supplémentaires qui ont été accueillis en quinze ans.
* 59 La surface de plancher correspond à la somme des surfaces de tous les niveaux construits, clos et couverts, dont la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80m. Elle ne comprend ni les combles non aménageables pour l'habitation ni les surfaces intérieures aménagées pour le stationnement des véhicules. C'est à cette donnée que se réfère ce rapport.
* 60 Antoine Prost, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, Institut national de recherche pédagogique, 2005.
* 61 Pour les établissements à structure métallique, il s'agit des établissements désignés sous la terminologie GEEP - groupement d'études et d'entreprises parisiennes - plus connus sous le nom d'établissement « Pailleron », du nom du collège du 19e arrondissement de Paris dont l'incendie tragique, en 1973, causa la mort de 20 personnes, dont 16 élèves ; la terminologie Effier renvoie aux établissements à structure en béton.
* 62 Antoine Prost, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, Institut national de recherche pédagogique, 2005.
* 63 Voir en annexe la synthèse de cette consultation.
* 64 Cour des Comptes, La décentralisation et l'enseignement du second degré, Rapport public particulier, février 1995.
* 65 Antoine Prost, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », in Lycées, lycéens, lycéennes, deux siècles d'histoire, Institut national de recherche pédagogique, 2005.
* 66 Cour des comptes, « La construction, la rénovation et l'entretien des collèges : mieux articuler les actions de l'Éducation nationale et des départements », Rapport public annuel, mars 2023.
* 67
Source : audition par la rapporteure du CIRBAT et du CAUE de La Réunion.
* 68 CNESCO, Enquête sur la restauration et l'architecture scolaires, 2017. Dans la moitié des cas, cette interpellation est du fait des personnels.
* 69 Communiqué de presse du 24 juin 2019.
* 70 Réponses écrites au questionnaire de la rapporteure.
* 71 Idem.
* 72 Les travaux comportent à la fois un volet rénovation de l'ancienne école Jules Ferry, mais aussi une extension avec la création d'un bâtiment neuf de l'autre côté de la cour. En effet, plus de 1 000 logements se sont construits autour de l'école sur une ancienne friche industrielle.
* 73 Compte rendu du 30 mars 2023.
* 74 S'agissant des établissements relevant de la Mission laïque française, le lycée français international André Malraux de Rabat répond à la norme Haute qualité environnementale (HQE), de même que l'établissement d'Alexandrie dont la reconstruction est programmée.
* 75 Compte rendu du 22 mars 2023.
* 76 Réponses écrites du rectorat de Mayotte au questionnaire de la rapporteure.
* 77 Les constructions et rénovation des écoles relèvent des communes et du département, mais ils bénéficient d'un financement prélevé sur le budget du ministère de l'outre-mer. Les établissements du second degré de Mayotte sont restés à la charge de l'état, de même que ceux de Saint Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna, soit 46 établissements.
* 78 Actuellement, l'eau est coupée dans le territoire à raison de deux nuits par semaine (de 18h à 7h), mais le contexte pourrait conduire à quatre nuits de fermeture, le choix de couper l'eau la nuit s'expliquant par la volonté de limiter l'incidence des coupures sur les activités (éléments recueillis lors de l'audition du recteur de l'académie de Mayotte par la rapporteure).
* 79 Voir en annexe le compte rendu de ce déplacement.
* 80 Compte rendu du 4 avril 2023.
* 81 Idem.
* 82 Guide du ministère de l'éducation nationale : améliorer le confort thermique des bâtiments scolaires pendant les vagues de chaleur.