C. LA COMPLEXITÉ DES INVESTISSEMENTS À RÉALISER POUR MODERNISER LE BÂTI SCOLAIRE
1. Divers freins à la mise en oeuvre de travaux
- Sans surprise, le calendrier scolaire est mentionné parmi les difficultés compliquant l'organisation des travaux : « Les coûts sont considérables pour les collectivités et les périodes de travaux sont de plus en plus réduites (sortie des classes vers le 8 juillet, centre de loisirs souvent dans les établissements scolaires) ».
- La menace de fermeture de classes et l'absence de transparence en matière de carte scolaire sont, elles aussi, mentionnées régulièrement comme limitant la pertinence des investissements : « Pour nous, petite commune rurale, 600 habitants, l'enjeu est considérable (gouffre énergétique ; occupation très intermittente ; pôle de développement et d'animation du village), mais il est exclu d'investir fortement tant que la pérennité de notre école (maternelle) ne sera pas garantie, sur plusieurs années, ce que la DASEN ne nous assure pas à ce jour - et même loin de là : menace permanente de fermeture, soit au niveau de l'école communale, soit au niveau du RPI avec la commune voisine » ; « Les charges d'entretien sont très élevés et il est difficile de discuter avec l'éducation nationale qui propose une carte scolaire (avec ouverture et fermeture de classe) sans concertation préalable en lien avec les bâtiments ».
- Le manque de moyens en matière d'ingénierie constitue un autre obstacle, très fréquemment cité, plus particulièrement par des élus de petites communes :
« La rénovation des bâtiments coûtent très cher. Il faut avant tout passer par une phase d'étude thermique de l'existant, réaliser les diagnostics. Ensuite, il faut à la fois réaliser les travaux sur l'enveloppe des bâtiments et en même temps prévoir des systèmes de chauffage plus vertueux (Géothermie...). Il faut également prévoir le bon fonctionnement de l'école durant toute la durée du chantier. »
« Je dois faire le choix entre rénover notre école (qui date de 1866) ou construire une nouvelle école répondant aux nouvelles normes. J'ai donc besoin de soutien en ingénierie pour mener cette étude et d'assistance à maîtrise d'oeuvre. »
« C'est très chronophage et assez compliqué : je ne suis pas spécialiste, et personne ne l'est dans mon conseil. La secrétaire de mairie n'a ni le temps ni la compétence pour gérer les demandes de subventions, et autres marchés publics. Cette tâche est assez stressante, car cela engage beaucoup d'argent (...) et j'ai peur de faire des erreurs. »
« Les projets dans une commune sont nombreux et complexes à mener. Il faut nous aider. Une expertise de nos écoles, des recommandations, le montage d'un dossier comprenant un cahier des charges, un plan de financement, une identification des entreprises capables de réaliser les travaux, serait la solution pour que les communes s'engagent plus facilement dans ces projets de transition écologique et de sobriété énergétique. »
- Les marchés publics sont considérés, sans surprise, comme une contrainte importante pour les petites communes : « Pour les communes qui ne sont pas dotées des services ad hoc, le montage du marché public reste un parcours du combattant ainsi que le montage financier ».
2. Le poids de normes parfois concurrentes
Nombre de réponses soulignent l'« augmentation constante de nouvelles normes ou des obligations impactant les finances des collectivités », des « législations trop mouvantes », des « changements trop rapides » (« On dit tout et son contraire. Ce qui était vrai il y a deux ans ne l'est plus maintenant »).
D'autres déplorent « l'absurdité de certaines réglementations qui se contredisent même parfois ! Par exemple, je souhaitais que nous mettions des récupérateurs d'eau pour économiser l'eau et arroser tous les végétaux que nous mettons dans les cours pour les rafraichir, or il est interdit dans une école d'utiliser l'eau de pluie pour arroser... »
De même est mal comprise l'impossibilité d'utiliser les eaux de pluie pour les sanitaires dans les écoles.
Selon un autre témoignage, les contrôles techniques font obstacle au recours à certains matériaux biosourcés : « L'utilisation de matériaux biosourcés est très compliquée, car les contrôles techniques ne sont pas capables d'estimer correctement ces matériaux, le CNTB n'ayant pas validé leur résistance au feu, leur pouvoir d'isolation... Exemple récent : + 10 000 euros d'alarme incendie suite à l'utilisation du Cottonwool, à base de jeans recyclés... »
Dans une logique similaire, ces contrôles semblent exclure l'utilisation de panneaux photovoltaïques d'occasion, ce qui accroit le coût de l'énergie solaire : « Il est aussi impossible de mettre des panneaux photovoltaïques d'occasion sur les bâtiments publics, car les contrôles techniques refusent d'associer du neuf et du vieux : une nouvelle structure => il faut des nouveaux panneaux... C'est bien dommage, alors que nous avons l'usine de recyclage de panneaux sur notre commune, nous ne pouvons pas produire d'énergie avec eux, qui sont 3 à 4 fois moins chers que les neufs ! ».
Enfin, des élus s'interrogent sur la compatibilité entre les normes de préservation du patrimoine historique et les normes environnementales : « Comment faire évoluer les architectes des bâtiments de France ? Le plus urgent est-il des critères esthétiques subjectifs et personnels ou la baisse urgente de l'empreinte carbone ? ».
Les difficultés liées à l'intervention des architectes des bâtiments nationaux reviennent du reste régulièrement :
- « La pose de volet roulant fonctionnant au solaire est une avancée, mais cela a été un combat avec l'ABF » ;
- l'isolation peut s'effectuer à moindre coût par l'extérieur, mais elle est exclue sur les bâtiments de caractère : les exigences de préservation du patrimoine historique conduisent donc à un renchérissement des coûts parfois mal compris ;
- la pose de panneaux photovoltaïques n'est pas admise lorsqu'un bâtiment scolaire est « situé dans le périmètre des ABF ». À cet égard un élu évoque, à propos du bâtiment à énergie positive d'une maison France service, la nécessité de poser des panneaux photovoltaïques « rouges comme les tuiles : surcoût de 30% ! ».
3. La mise en cause des professionnels
Diverses réponses expriment une certaine défiance à l'égard des professionnels : « Nous sommes confrontés à de multiples problèmes liés au chantier, aux malfaçons, aux manquements de notre architecte, c'est pourquoi nous hésiterons à relancer des travaux importants sur notre commune ». Sont relevés notamment les prix élevés pratiqués par les professionnels du bâtiment, les entreprises ne respectant pas leurs contrats (appel d'offres « non honorés »), voire des « travaux réalisés avec malfaçons sur plusieurs bâtiments, procès en cours depuis plusieurs années ».
Dans une école de haute qualité environnementale (HQE) de dix ans seulement, un élu relève de « gros problèmes de pièces à changer, cartes électroniques, fuites de pression d'eau, sondes en panne, moteur à changer, etc. »