EXAMEN EN COMMISSION
28 JUIN 2023
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle à présent l'examen du rapport préparé par Jacques Grosperrin sur le dispositif Parcoursup et le vote de ses recommandations.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, cette mission d'information s'inscrit dans la continuité des travaux que j'ai déjà menés sur Parcoursup et auxquels plusieurs d'entre vous ont toujours activement participé, ce en quoi je les remercie vivement, et plus particulièrement Pierre Ouzoulias.
Quel était son objectif ? Dresser un état des lieux de la plate-forme cinq ans après son lancement, dans un contexte marqué par plusieurs nouveautés procédurales pour la session 2022-2023, mais aussi par une anxiété croissante des usagers - constat dont nous sommes tous témoins dans nos entourages et dont les médias se font largement l'écho.
Nous sommes en effet devant un paradoxe : alors que la plateforme s'améliore d'année en année sur le plan technique et informationnel, elle est perçue comme de plus en plus anxiogène par les lycéens et leurs parents. Depuis 2018, le site Parcoursup a indéniablement gagné en ergonomie, ses contenus ont été quantitativement et qualitativement développés, le calendrier du processus a été revu pour intégrer la réforme du baccalauréat et réduire les délais d'attente.
J'identifie trois améliorations principales :
- une offre de formation élargie : pour son édition 2023, Parcoursup regroupe 21 000 formations, dont 7 500 par la voie de l'apprentissage. Ont été intégrées cette année des écoles publiques d'art et de design, qui recrutaient jusqu'alors en dehors du portail ;
- une information enrichie : le moteur de recherche et la fiche de présentation des formations ont été rénovés pour permettre d'identifier plus rapidement les informations essentielles, de disposer de chiffres clés et de mieux comprendre les critères d'analyse des candidatures ;
- un calendrier plus cohérent et accéléré : l'année 2023 voit converger les calendriers du baccalauréat et de Parcoursup, avec la prise en compte, dans le dossier de candidature, des notes obtenues aux épreuves des enseignements de spécialité qui se sont tenues en mars. Cette année marque aussi une accélération de la procédure, avec l'avancement de la période à laquelle les candidats ayant conservé des voeux en attente devront les ordonner (du 30 juin au 3 juillet, en lieu et place du 15 au 18 juillet l'année dernière) et de la date à laquelle la phase principale d'admission prendra fin (le 7 juillet, contre une semaine plus tard l'année dernière).
Malgré ces améliorations, l'appréciation portée par les usagers de Parcoursup se dégrade. La dernière enquête d'opinion annuelle, commandée par le ministère de l'enseignement supérieur et réalisée par l'institut de sondages Ipsos, fait ainsi état d'une angoisse croissante et d'une érosion du sentiment de clarté, de fiabilité, de transparence, de justice, de rapidité.
Dans son dernier rapport au Parlement, le Comité éthique et scientifique de Parcoursup met toutefois un bémol à ce constat : il s'agit là d'un ressenti, par définition, difficile à quantifier, et qui peut parfois même être infirmé par les faits. Si les causes exactes de cette appréciation dégradée, en particulier ce qui relève de la procédure elle-même (son degré de transparence, de rapidité, d'équité) et d'autres mécanismes psychologiques et sociaux (l'angoisse de l'avenir, le poids du diplôme dans le devenir professionnel...), sont encore floues, une chose est certaine, c'est que Parcoursup n'a, pour l'instant, pas réussi à inspirer confiance à ses usagers.
Je vois trois obstacles principaux à sa bonne acceptation.
D'abord, les lacunes et l'hétérogénéité de l'information délivrée. Malgré l'augmentation des données disponibles sur la plate-forme, il manque encore des éléments importants pour éclairer entièrement le choix d'orientation des lycéens sur chaque formation : par exemple, le taux de réussite des candidats qui y sont admis - que pourrait illustrer le taux des étudiants ayant par la suite accédé à un master - et les débouchés professionnels qu'elle offre. S'ajoute à cela une hétérogénéité de la qualité de l'information selon les formations. En dépit des instructions nationales données par le ministère, la présentation des formations est en effet loin d'être homogène, certaines réalisant plus d'efforts que d'autres pour rendre leurs informations réellement compréhensibles et exploitables par les candidats.
Ensuite, la longueur de la procédure. Même si, en 2022, 88 % des néo-bacheliers admis ont reçu la proposition qu'ils ont finalement acceptée en moins d'un mois, plus de 17 000 - soit 4 % - ont attendu deux mois la proposition qu'ils ont finalement approuvée. Et cette attente est nettement supérieure pour les bacheliers technologiques et surtout professionnels, alors qu'ils ont souvent besoin de connaître plus tôt leur affectation pour des raisons financières. Ces délais génèrent une anxiété supplémentaire à celle déjà suscitée par le choix de son orientation dans l'enseignement supérieur.
Enfin et surtout, le caractère encore trop opaque
des modalités de classement utilisées par les commissions
d'examen des voeux. Celles-ci étant à la discrétion de
chaque formation, elles donnent lieu à des pratiques très
diverses : emploi ou non d'une formule mathématique de pré
classement, prise en compte ou non du lycée d'origine... Ce manque de
transparence
- notamment en comparaison de certaines pratiques
étrangères (Allemagne, pays scandinaves) -, couplée
à une grande hétérogénéité des
méthodes de classement, suscite toujours une forte suspicion et ne
permet pas aux candidats de bien estimer leurs chances d'admission. Or il est
évident que, sans confiance des jeunes et de leurs familles dans la
façon dont les dossiers sont examinés et classés, le
système ne peut susciter l'adhésion.
C'est pourquoi il me semble que l'impératif est désormais de gagner la confiance des usagers, ce qui passe par la poursuite de l'amélioration de la procédure selon quatre axes.
Premier axe : rendre l'information plus intelligible et encourager son harmonisation entre les formations. La masse d'informations disponible sur Parcoursup n'a de sens que si elle est comprise et exploitable par les usagers. L'enjeu, aujourd'hui, n'est plus celui de la quantité, mais celui de la qualité de l'information, c'est-à-dire son degré de clarté et d'intelligibilité. Les évolutions introduites en 2023 dans la fiche de présentation des formations, notamment s'agissant des critères d'analyse des candidatures, vont dans le bon sens, mais elles nécessitent un temps d'appropriation plus ou moins long selon les formations. Il appartient au ministère de l'enseignement supérieur de les accompagner dans ce travail en mettant à leur disposition, au moment du paramétrage des fiches de présentation, une « boîte à outils » partagée sous la forme d'une base lexicale commune. C'est ma première recommandation.
Je crois aussi qu'une méthodologie commune de présentation et d'évaluation par filière de formation permettrait de gagner en lisibilité et en équité. L'exemple de la licence Staps est, à cet égard, particulièrement intéressant. À ce jour, il s'agit de la seule filière ayant pris l'initiative de mettre au point une procédure nationale de classement des candidatures, basée sur des attendus et un barème communs. D'où ma deuxième recommandation appelant les formations d'une même filière à prendre modèle sur la filière Staps pour harmoniser leurs pratiques.
Deuxième axe d'amélioration : avancer la date de hiérarchisation des voeux en attente pour accélérer la procédure. Suivant une recommandation du Comité éthique et scientifique de Parcoursup, le ministère a introduit, à l'occasion de la session 2022, une hiérarchisation des voeux en liste d'attente, au terme de la phase principale d'admission (à savoir le 15 juillet 2022). Cette évolution est une avancée, car elle permet de stabiliser plus tôt les admissions définitives et de réduire le délai d'attente d'une proposition pour les candidats qui n'en avaient pas. Pour rendre cette accélération plus notable, un pas supplémentaire pourrait être franchi en fixant, aux alentours de la mi-juin, la date de hiérarchisation des voeux en attente. Il s'agit là de ma troisième recommandation.
J'en profite pour vous livrer quelques éléments d'analyse sur la hiérarchisation des voeux - sujet sur lequel notre commission s'était largement penchée lors de la création de Parcoursup. Au cours de mes auditions, il nous a été rapporté par plusieurs interlocuteurs un dilemme. Certes, la hiérarchisation des voeux - a fortiori plus celle-ci est précoce dans le calendrier - présente des avantages certains en termes de réduction des délais, d'efficacité de la procédure, de diminution de l'anxiété des candidats, mais elle est aussi génératrice d'une aggravation des inégalités entre lycéens. En effet, savoir hiérarchiser ses voeux suppose une démarche stratégique, qui n'est pas à la portée de tous, en particulier pour les lycéens les moins informés et les moins accompagnés dans l'élaboration de leur projet d'orientation. La hiérarchisation accroît également le phénomène d'autocensure, dont font généralement preuve les élèves les moins bien dotés socialement. Ces constats posent donc avec acuité la question de l'accompagnement à l'orientation au lycée, qui fera l'objet de mon dernier développement.
Troisième axe d'amélioration, sans doute le plus important : approfondir la transparence des critères d'examen des voeux. Je crois qu'il faut saluer les nouvelles modalités d'information sur les critères de classement dans les fiches des formations en 2023, en particulier l'introduction d'une pondération quantitative des cinq grandes familles de critères généraux d'examen des voeux et d'une pondération qualitative des sous-critères utilisés au sein de chacune d'entre elles.
Je remarque cependant, après avoir échangé avec les représentants de plusieurs catégories d'établissements d'enseignement supérieur (universités, lycées à CPGE, écoles de commerce et d'ingénieur, Sciences Po Paris, Ifsi...), que l'effort de transparence sur les pondérations que les commissions d'examen des voeux utilisent, avec ou sans traitement algorithmique, est très variable d'un établissement à l'autre :
- dans les universités, l'existence d'un algorithme de pré-classement, non rendu public, est quasi systématique au vu du nombre très important de candidatures ;
- dans les lycées à CPGE, le traitement humain est prépondérant, avec un spectre de critères plus large à mesure que la sélectivité de l'établissement augmente, et dont la pondération quantitative reste parfois vague ;
- dans les écoles d'ingénieur partenaires du groupe Institut national des sciences appliquées (Insa), il est fait recours au même algorithme « maison » de pré-classement, pour lequel n'est indiquée que la pondération des trois grandes masses le composant ;
- à Sciences Po Paris, à l'inverse, aucune formule mathématique de pré-sélection n'est utilisée.
À mes yeux, l'enjeu n'est pas de quantifier et de rendre publique l'intégralité des éléments de notation utilisés par les commissions d'examen des voeux. Cette approche un peu excessive pourrait générer des effets pervers, comme une course à l'évaluation quantitative au détriment de l'appréciation humaine et une rigidification du système alors que des ajustements sont parfois nécessaires d'une année sur l'autre.
Je suis toutefois convaincu que la demande d'une plus grande transparence, largement exprimée par les usagers de Parcoursup, est légitime : la transparence est, en effet, la matrice de la confiance dans le dispositif, donc de sa réussite. Ne pas y répondre, c'est alimenter l'anxiété, créer de la frustration, nuire à l'efficience de l'orientation, pénaliser certaines catégories de jeunes.
Des améliorations complémentaires à celles déjà réalisées sont, je crois, possibles. Par exemple, pourquoi ne pas publier le coefficient affecté à telle matière dans une formule de pré-classement ? Pourquoi ne pas préciser quantitativement, et plus seulement qualitativement, certains éléments composant les cinq grandes catégories de critères généraux d'examen des voeux lorsque cette quantification existe ?
D'où ma quatrième recommandation consistant à inciter les formations à davantage préciser quantitativement les critères utilisés par leurs commissions d'examen des voeux.
Je voudrais, à ce stade, faire un rapide focus sur le lycée d'origine comme paramètre de classement. Selon la Cour des comptes, jusqu'à 20 % des filières non sélectives les plus en tension ont eu recours à ce paramètre en 2019. Cette pratique, jugée discriminatoire par le Défenseur des droits, ne fait à ce jour l'objet d'aucune régulation par le ministère. Or le critère de « réputation » d'un lycée ne permet pas de déduire de manière automatique le type de notation qu'il applique. Qui plus est, ce paramètre, essentiellement subjectif, alimente le soupçon d'opacité des méthodes de classement.
J'appelle donc le ministère à clarifier les pratiques en définissant un critère objectif, fondé sur l'écart de notation existant entre la moyenne du contrôle continu de terminale et les résultats au baccalauréat. Telle est ma cinquième recommandation.
Quatrième et dernier axe d'amélioration : mieux prendre en compte certaines catégories de candidats.
La première catégorie que j'identifie est celle des boursiers. Vous le savez, la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) a instauré, dans le cadre de Parcoursup, des quotas de boursiers pour l'accès aux formations non sélectives en tension. Les données statistiques nationales montrent toutefois que ces quotas de boursiers ont globalement eu un faible impact. La seule filière pour laquelle les quotas de boursiers ont eu une incidence statistiquement significative est celle préparant au BTS, formation dans laquelle les boursiers sont déjà sur-représentés.
Pour améliorer la part des boursiers admis dans l'enseignement supérieur, plusieurs pistes d'évolution pourraient être envisagées : un changement de définition de la catégorie de boursiers en retenant celle en vigueur dans l'enseignement supérieur - ce qui permettrait de diversifier davantage les profils ; une refonte des modalités de fixation des quotas de boursiers - par exemple, en relevant le plancher défini pour certaines filières sélectives ; un renforcement de la lutte contre l'autocensure...
Ces différentes options doivent être travaillées et concertées, d'où ma sixième recommandation, appelant le ministère à revoir les modalités d'accès facilité des boursiers à l'enseignement supérieur, pour les rendre plus opérantes.
Deuxième catégorie de candidats à mieux prendre en compte, ceux en reprise d'études. Cette population, qui reste mal identifiée, est de plus en plus nombreuse, sa part atteignant désormais 10 % des inscrits. Du fait de leur parcours particulier, ces étudiants ne disposent pas du même environnement d'information et d'accompagnement que les néo-bacheliers, pour qui Parcoursup a d'abord été conçu.
Ma septième recommandation consiste donc à demander au ministère de lancer une réflexion sur les moyens d'adapter Parcoursup aux candidats en reprise d'études.
Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, mon dernier développement, que j'ai voulu comme une ouverture sur un sujet plus large et cher à notre commission, celui du continuum bac -3/+ 3, portera sur l'accompagnement à l'orientation au lycée.
J'y vois là un chantier urgent pour le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur. Mettre à disposition des lycéens un service public ambitieux de l'accompagnement à l'orientation est en effet le pendant indispensable à Parcoursup et à la réforme du lycée.
Quelle est la situation actuelle ?
Les travaux de recherche disponibles, dont plusieurs m'ont été présentés en audition, montrent clairement que l'accompagnement à l'orientation des lycéens est très inégalitaire. Tous les élèves ne disposent pas du même capital de conseil et d'accompagnement. Le poids du milieu socioculturel familial sur les aspirations d'études et sur l'accompagnement à la construction du projet d'orientation est très important. Une étude révèle ainsi que dans les familles appartenant aux CSP +, 80 % des élèves font appel à leurs proches pour les conseiller dans la maturation de leur projet d'études.
À ces inégalités sociales familiales viennent s'ajouter des inégalités dans la qualité et l'intensité du service d'accompagnement à l'orientation mis en place par les lycées. Les pratiques de suivi des élèves pour leur orientation sont en effet très hétérogènes d'un établissement à l'autre. Alors que certains sont particulièrement impliqués, d'autres renvoient davantage cette question aux familles. Cette hétérogénéité des politiques d'accompagnement à l'orientation s'exprime à trois niveaux :
- au niveau de la précocité du service délivré : certains établissements, notamment ceux situés dans un environnement social favorisé, mettent en place un accompagnement à l'orientation dès la dernière année de collège ou dès la seconde, alors que d'autres, généralement moins favorisés socialement, attendent l'année de première voire de terminale ;
- au niveau de l'intensité de l'accompagnement : c'est également dans les établissements considérés comme favorisés que le suivi des élèves apparaît beaucoup plus serré et régulier que dans les établissements qui le sont moins ;
- au niveau de la qualité de l'accompagnement : toujours dans ces lycées favorisés, le service d'accompagnement est aussi plus individualisé, alors qu'il repose davantage sur des pratiques collectives dans les lycées moins favorisés.
Les raisons à cette hétérogénéité sont multiples : caractéristiques de l'ancrage social et territorial de l'établissement, degré d'implication plus ou moins grand des enseignants, notamment des professeurs principaux, effectifs plus ou moins importants des autres professionnels scolaires (conseillers d'orientation, psychologues scolaires, conseillers principaux d'éducation)...
J'alerte ici sur le fait que les lacunes et l'hétérogénéité du service public de l'accompagnement à l'orientation au lycée alimentent l'essor d'un marché privé, qui, en plus de ne faire l'objet d'aucun contrôle, contribue à aggraver les inégalités entre lycéens, compte tenu des tarifs pratiqués.
Bien sûr, ces inégalités ne sont pas nouvelles, mais elles s'expriment plus fortement depuis la mise en place de Parcoursup. L'usage de la plateforme nécessite en effet de comprendre et de savoir traiter la quantité d'informations disponibles, de saisir les subtilités des différents critères d'examen des candidatures, d'être en capacité de rédiger des lettres de motivation, de faire des choix stratégiques au moment de l'expression des voeux, autant d'aspects que le lycéen, seul, ne peut pas entièrement maîtriser. Parcoursup rend donc encore plus nécessaires le conseil et l'accompagnement à l'orientation.
Cette nécessité se fait également sentir pour le déroulement de la scolarité au lycée. En effet, la réforme du baccalauréat et du lycée, avec notamment la nouvelle organisation des enseignements de spécialité, rendent les choix d'orientation plus précoces - la détermination des spécialités s'effectue dès la classe de seconde - et plus décisifs - les spécialités suivies en première et en terminale conditionnent largement l'orientation post baccalauréat.
Pour toutes ces raisons, il est urgent que l'État revoie les modalités et les moyens du service public d'accompagnement à l'orientation au lycée, condition sine qua non à :
- une mise en oeuvre cohérente de la réforme du lycée et du baccalauréat ;
- une réduction des inégalités entre lycéens dans l'accès à un accompagnement de qualité ;
- une maîtrise de Parcoursup par tous ;
- une meilleure efficience du continuum bac 3/bac + 3.
Il me semble que pour mettre en oeuvre cette huitième et dernière recommandation, plusieurs leviers doivent être activés :
- mieux former, outiller et doter les professeurs principaux pour accomplir leur mission d'orientation ;
- reconsidérer, au regard des besoins, les effectifs des autres professionnels intervenant dans l'orientation : conseillers d'orientation, psychologues de l'éducation nationale, personnels des centres d'information et d'orientation... ;
- revoir l'organisation et la gestion du service public de l'orientation, en retravaillant sa dimension territoriale - notamment le rôle des différents acteurs locaux (région, rectorat, lycées, établissements d'enseignement supérieur...) - la plus à même de répondre au plus près des attentes et des besoins ;
- mettre à profit la période de latence de trois mois entre les épreuves de spécialité du baccalauréat et les épreuves finales pour préparer les lycéens à leur arrivée dans l'enseignement supérieur.
Voilà, mes chers collègues, autant de pistes de réflexion que j'ai voulu soulever et de propositions que j'ai souhaité formuler, et dont j'espère les ministères concernés se saisiront en vue de la prochaine rentrée scolaire et de la session 2024 de Parcoursup.
Je vous remercie pour votre attention.
M. Laurent Lafon, président. - Merci pour ce rapport complet, dans la continuité de ceux que vous avez déjà réalisés sur le sujet. Au-delà du ressenti des usagers, il permet d'avoir une vision précise de Parcoursup et des recommandations qui pourraient encore améliorer cet outil.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci beaucoup pour la qualité de votre travail. Grâce à vos analyses régulières sur Parcoursup, le Sénat a acquis une vraie compétence en la matière. L'Assemblée nationale a d'ailleurs lancé pour la première fois une mission assez comparable. Elle nous copie, preuve de notre excellence.
Je partage intégralement vos observations. J'aimerais revenir sur la question des algorithmes locaux, sur laquelle je travaille depuis six ans. Cette mécanique cachée permet à certaines filières de sélectionner plus rapidement les dossiers. Il faut rappeler que cela est contraire à la loi. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) interdit totalement de faire de la sélection de dossiers sur des critères seulement algorithmiques. Nous discutons en ce moment du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, dans lequel nous tentons d'imposer aux GAFAM le respect du RGPD. Il serait quand même invraisemblable que nous n'arrivions pas à l'imposer aux administrations publiques. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche doit mener un véritable contrôle de légalité en la matière, pour s'assurer que tous les établissements gèrent la sélection de ces dossiers en conformité avec le RGPD. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
Je partage complètement votre sentiment en ce qui concerne les lycées d'origine. J'ajoute qu'on observe une certaine conjonction avec le « Parcoursup » du master, dont c'est la première année. Cela a conduit à une tendance à la métropolisation des filières. Il est très difficile pour des étudiants ayant fait leur licence ou leur master 1 dans des universités de province de rejoindre des universités des métropoles. Des filières se créent sur des bases géographiques. Comme vous l'aviez montré, monsieur le Président, dans votre rapport d'information sur la condition de la vie étudiante, il y a une diminution de la mobilité étudiante. La réforme d'accès aux masters a encore accentué cette tendance.
Un journal du soir a publié récemment une enquête montrant les dégâts de la métropolisation, qui est bien plus importante que nous ne le pensions. L'université renforce encore cette métropolisation, en concentrant l'offre sur un certain nombre de lieux. Il s'agit d'un problème dont il faut absolument s'emparer. Notre mission et le récent rapport de la Cour des comptes sur les universités et les territoires ont montré que nous avions besoin de recréer un réseau d'universités pour mieux drainer les territoires ruraux, aujourd'hui les plus éloignés de ce système.
Très justement, vous rappelez que les réformes de Parcoursup, du lycée et du baccalauréat n'ont pas été pensées de façon cohérente. Les deux ministres doivent travailler de concert et réfléchir à la transformation du calendrier tel que Monsieur Macron, nouveau « ministre » de l'éducation nationale, l'a annoncé. On ne peut pas travailler sur le calendrier du lycée sans travailler sur le calendrier de Parcoursup. Tout un travail de cohérence doit être conduit. Il serait bien que notre commission entende les deux ministres sur ce sujet. Le Sénat doit mettre dans le système de l'interministériel, qui aujourd'hui n'existe plus.
Mme Annick Billon. - J'adresse également mes félicitations au rapporteur pour le travail qui a été mené. Nous sommes tous alertés dans nos territoires sur les difficultés et les incompréhensions liées à Parcoursup. Des témoignages nous reviennent très régulièrement, avec un sentiment d'injustice et une angoisse alimentée par l'opacité. Le groupe Union centriste partage donc les recommandations qui visent à clarifier et à accélérer le processus. L'attente dure parfois jusqu'à mi-juillet et provoque de l'angoisse chez les parents et les élèves. Il faut raccourcir les délais et clarifier le traitement par les algorithmes, qui sont tant décriés.
Nous partageons les recommandations sur la lutte contre les inégalités. Le lycée d'origine ne peut pas être déterminant pour l'orientation. Cela défavorise notamment les territoires ruraux. Certains élèves, malgré des notes tout à fait correctes, n'ont aucune chance d'accéder à certaines filières. Je voudrais en profiter pour soulever la question des places pour jeunes filles en internat, qui m'a été signalée. Certaines filières dans l'enseignement supérieur obligent à l'internat. Or, le nombre de places pour jeunes filles en internat est souvent bien inférieur à celui des places pour garçons. Il y a donc une discrimination et cela rend encore plus difficile l'augmentation de la proportion de jeunes filles dans ces filières, notamment scientifiques. Je songe notamment à des filières en région parisienne, non loin du secteur géographique de notre collègue Laure Darcos...
Je suis également sensible aux propositions sur l'accès des boursiers, ainsi que des personnes en reprise d'études. Les carrières et les parcours professionnels sont amenés à évoluer et un certain nombre de personnes sont dès lors conduites à devoir se former à nouveau.
S'agissant du troisième volet de recommandations sur l'orientation, il ne peut pas y avoir de choix éclairé avec Parcoursup sans un travail d'orientation. Cela implique de dégager du temps pour les enseignants et pour tous les autres acteurs. Cela nécessite aussi de développer des outils. Il faut des compétences particulières pour réussir à orienter les jeunes vers des filières qui non seulement leur correspondent, mais offrent également des débouchés. À ce stade, nous n'avons pas les compétences et le temps pour orienter les jeunes de façon éclairée. Il est notamment important de les renseigner sur les possibilités de passerelles, qui ne sont pas assez mises en avant.
Merci encore pour ce travail utile et nécessaire. Parcoursup est aujourd'hui décrié, car il est vecteur d'angoisses et d'inégalités.
Mme Sylvie Robert. - Je voudrais remercier Jacques Grosperrin et nos collègues experts en la matière pour le travail très intéressant qui nous est présenté. Il s'agit d'une réflexion de plusieurs années et d'un travail très bien documenté. Les propositions ont d'autant plus de force qu'elles sont équilibrées. La question de l'orientation est particulièrement cruciale.
Je voudrais revenir sur la recommandation n° 5 relative au lycée d'origine. Elle appelle à « substituer au critère du lycée d'origine un critère plus objectif, fondé sur l'écart de notation existant entre la moyenne du contrôle continu de terminale et les résultats au baccalauréat ». Je comprends tout à fait la logique, mais je souhaiterais que vous nous expliquiez la méthode d'approche. Cette substitution va prendre du temps puisqu'il faudra regarder, par établissement, l'écart entre la notation qu'il pratique et celle des résultats du baccalauréat. Comment envisagez-vous la méthodologie et selon quel calendrier ?
Je trouve également intéressante la recommandation n° 7 s'agissant des candidats en reprise d'études. Je ne pensais pas qu'ils étaient si nombreux. C'est une catégorie en développement et il est important que Parcoursup s'adapte à cette population. S'agissant du calendrier, il faudra voir comment celui-ci pourra s'adapter aux récentes annonces qui ont été faites.
M. Max Brisson. - Sylvie Robert ayant dressé une couronne de laurier sur la tête de Jacques Grosperrin, j'en suis donc dispensé. J'ai aussi beaucoup apprécié l'écho de l'intervention de Pierre Ouzoulias ; il y a bien eu un binôme dans l'analyse.
L'interministériel en arrive à sa quintessence puisqu'il s'effectue en une seule personne, celle du Président de la République... Je voudrais saluer le travail de notre rapporteur, qui aurait pu tomber dans le piège de l'air ambiant. Dans les rencontres que je fais, j'entends des critiques extrêmement féroces contre Parcoursup. Après tout, le rapport aurait pu appeler à changer de système, celui-ci étant profondément critiqué du nord au sud, et d'est en ouest. Jacques Grosperrin a eu le mérite d'adopter une approche technique et de ne pas répondre avec facilité à une opinion aujourd'hui chauffée à blanc.
Parcoursup est aujourd'hui le lieu où se cumulent tous les stress. Tous ces stress ne sont pas liés obligatoirement à la plateforme. Parcoursup est largement le bouc émissaire de ces stress successifs. Il y a d'abord le stress d'une orientation que les parents considèrent comme nouvellement précoce - cela mérite d'être discuté. Les parents disent ne pas comprendre pourquoi leurs enfants doivent choisir si tôt leur orientation. Il y a ensuite un calendrier chaotique du baccalauréat, qui alterne entre périodes de détente absolue et de stress intense. On ne pouvait pas faire plus idiot. Mais dans ce pays, il est très difficile de reconnaitre ses fautes et d'y remédier rapidement. Changer le calendrier du baccalauréat ne nécessite pas obligatoirement l'arbitrage du Président de la République ; cela pourrait être décidé par un chef de bureau du 110 rue de Grenelle.
Je veux saluer les recommandations de ce rapport concernant l'information, l'harmonisation, le calendrier ou encore les critères d'examen. Je comprends parfaitement la recommandation n° 5, mais je partage aussi ce qu'a indiqué Sylvie Robert sur sa mise en oeuvre. Cette recommandation consiste à essayer d'instiller dans la plateforme ce que faisaient autrefois les commissions d'admission dans les voies sélectives de l'enseignement supérieur. J'y ai participé pendant 30 ans et toutes les commissions savaient parfaitement relativiser les notes en fonction des établissements. Ce travail est beaucoup plus difficile avec une plateforme. Si le rapporteur a des idées techniques à soumettre au débat, il rendrait un immense service à la ministre de l'enseignement supérieur, qui est à mon avis devant un véritable casse-tête.
Cette recommandation n° 5 interroge par ailleurs la pratique de l'évaluation dans les lycées. S'il avait été conçu dans une réforme globale, Parcoursup aurait pu être l'occasion d'interroger les distorsions d'évaluation. Les commissions savaient lisser ces distorsions, ce que ne sait pas faire la plateforme. Se pose donc le sujet d'une harmonisation globale des évaluations. En la matière, l'origine des lycées crée de très fortes distorsions.
Par nature girondine et par esprit décentralisateur et régionaliste, j'ai quelques réticences à l'idée d'un service public national d'orientation. Cela ne m'a pas empêché de proposer un service public national de soutien scolaire ; on n'est pas à une contradiction près... Je serais plutôt favorable à ce que l'on confie la politique d'orientation aux régions. Mais c'est un débat à mener et chaque position est légitime. La réalité est que dans les lycées de petite taille, les heures qui devraient être consacrées à l'orientation sont dédiées à l'enseignement des spécialités. Les proviseurs font ce choix pour permettre à leur lycée de conserver la palette la plus large possible de spécialités, dans un système de concurrence entre les établissements.
Il faut donc inscrire, peut-être de façon plus affirmée que ne le fait le rapport, la nécessité absolue que les heures d'orientation prévues par la loi sur l'école de la confiance soient totalement sanctuarisées et ne puissent pas être utilisées dans d'autres buts. La réforme du lycée et des spécialités pose les questions fondamentales du « quand » et du « comment » de l'orientation. Le rapporteur a beaucoup parlé du « comment » ; je crois qu'il sera aussi nécessaire d'interroger le « quand ».
Cela renvoie au péché originel de la réforme Parcoursup, qui a été réalisée de façon segmentée et avant celle du lycée. La réforme du lycée n'a jamais été débattue, ni dans le monde de l'éducation parce qu'elle est tombée par le haut - malgré quelques débats sur le rapport Mathiot -, ni au Parlement puisque nous n'avons pu arracher que quelques heures de débat au Sénat pour discuter de cette réforme. Sur tous les bancs, nous avions prévenu des risques de mettre la charrue avant les boeufs. En ne prenant pas en compte une réforme bac -3/bac + 3 et en ne faisant pas une réforme lycée/licence, nous sommes passés à côté des sujets essentiels. Parmi ces sujets essentiels, il y a la question du rôle du baccalauréat. Je vous invite à lire l'excellent article de Public Sénat paru hier, où Pierre Ouzoulias et moi-même montrons nos divergences. Si c'est un certificat de fin d'études, tout le dispositif d'orientation doit s'effectuer avant. Comme dans la plupart des pays européens, il sanctionnerait ainsi la fin d'un cycle d'études. S'il reste un grade universitaire, alors il est le pivot de l'orientation.
Je rappelle que la seconde de détermination date des années 1980. Le fait que l'orientation se fasse à partir de la classe de première ne date donc pas d'aujourd'hui. En revanche, la société avait accepté, avec la filière S, un outil particulier qui permettait aux meilleurs élèves - et plutôt des classes favorisées - de retarder le moment de l'orientation. Avec un bac S, on retardait le choix d'orientation. Cela avait été la raison de la suppression du bac C et s'est fait aux dépens du niveau des mathématiques. Mais cela permettait un consensus social. Ce consensus a été cassé sans débat, de manière verticale par le ministre Blanquer, sans jamais le moindre échange sur le sujet.
Je suis favorable au système des spécialités, mais cela officialise le fait que l'orientation s'effectue dès la première. Faudrait-il encore qu'il y ait bien un consensus sur le sujet dans le pays. Nous ne l'avons jamais vérifié. Or, quand on ne vérifie pas les consensus et qu'il n'y a pas de débat, les rancoeurs et les non-dits se cristallisent dans un seul lieu : en l'occurrence ici Parcoursup. On fait porter à la pauvre plateforme bien des responsabilités qui sont d'ordre politique. Cela n'enlève rien au débat sur les algorithmes, dont je ne suis pas spécialiste et que je laisse à Pierre Ouzoulias.
Mme Nathalie Delattre. - Je félicite à mon tour notre rapporteur pour le travail effectué. Les propositions sont très synthétiques et très perspicaces. Vous avez su résumer ce que d'autres mettent plusieurs heures à expliquer.
Il faut que nous arrivions à redonner confiance dans Parcoursup. De toute façon, si ce n'est pas cet algorithme, cela en sera un autre. Nous avons un outil, il faut l'améliorer et il faut redonner confiance. Un nouveau métier, celui de coach en Parcoursup, vient d'émerger tant les parents sont inquiets. Il y en a qui peuvent payer un coach à leurs enfants, et ceux qui ne le peuvent pas. C'est une injustice cruelle. Parcoursup mobilise un couple enfant/parent ; j'en sais quelque chose depuis trois ans avec trois enfants. Aujourd'hui, des formations échappent à Parcoursup et des couples enfant/parent ne s'inscrivent pas sur la plateforme. Ils préfèrent aller vers des écoles très chères aux discours bien rodés et attrayants. Il y a des manoeuvres d'évitement de Parcoursup par peur de la plateforme et du fait du discours ambiant assez féroce.
J'entends la proposition sur la pondération et sur le lycée d'origine. Des amis de mes enfants ont eu des manoeuvres d'évitement de certains lycées ou sont allés en terminale en lycée public après une scolarité en lycée privé, pour avoir de meilleures notes et être sûrs d'intégrer des prépas vétérinaires...Quand on en arrive à devoir déscolariser un enfant pour s'assurer de remplir les critères d'une plateforme, c'est tout de même assez grave. Il faut donc trouver une proposition sur une méthode de pondération.
Par ailleurs, il faut faire une pause dans les réformes et s'assurer que celles-ci sont comprises et acceptées par tous. Il faut une véritable articulation entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur. J'ajoute également l'articulation avec l'enseignement agricole. Certains étudiants de prépas vétérinaires confient que s'ils avaient su qu'existaient des formations d'ingénieurs agronomes, ils n'auraient probablement pas choisi ce cursus. Je me souviens du ministre Blanquer appelant les élèves à se faire plaisir et à choisir les spécialités où ils sont les meilleurs. Un de mes enfants a choisi sciences physiques et sciences économiques. Quelle est l'orientation possible avec ces choix ? Il s'est finalement réorienté en terminale en sciences physiques et mathématiques. Il faut une meilleure compréhension des réformes et celles-ci doivent correspondre aux réalités de l'enseignement supérieur.
J'ai appris à l'occasion de Parcoursup que les écoles d'ingénieurs ont un critère supplémentaire, en faisant payer la participation aux concours. Il faut donc débourser de l'argent pour donner plus de chances à son enfant, ce qui n'est pas acceptable. On voit bien qu'il y a ainsi des inégalités, qu'il faut arriver à corriger le plus vite possible.
La recommandation n° 7 est l'occasion d'évoquer ces élèves qui ont été pris sur Parcoursup, mais sur des choix par défaut. Le nombre de jeunes réorientés est en augmentation. Cette réorientation prend aujourd'hui des proportions trop importantes, dues à la mauvaise orientation au premier choix.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous remercie pour ce rapport, qui était nécessaire, et je salue l'ensemble des recommandations qui pointent tous les écueils de Parcoursup.
J'ai été frappée par le chiffre de 83 % des usagers trouvant Parcoursup stressant. Il faut avoir conscience que ce manque de confiance est aussi le résultat d'un manque de moyens donnés au post-bac, tout particulièrement aux filières en tension. Ce manque de moyens passe aussi par le faible nombre d'heures prévues au lycée pour l'orientation.
Vous appelez dans le rapport à s'occuper de l'orientation tout au long du lycée. Il est évident qu'il n'est pas possible de se préoccuper de l'orientation seulement à partir de la classe de terminale. Je suis même convaincue que l'orientation doit être préparée, par des moyens et des formations, dès le collège. La classe de terminale n'est que le final. Tous les choix effectués auparavant conduisent à l'orientation. Il faut donner les moyens pour permettre d'accompagner nos jeunes dans leur scolarité - au collège et au lycée.
M. Damien Regnard. - Il y a 400 000 élèves parmi les Français de l'étranger, dans plus de 570 établissements. Quand ils arrivent en terminale, ces élèves sont confrontés aux mêmes difficultés que les élèves de l'Hexagone, la distance en plus. Les élèves étrangers suivant la scolarité française doivent en outre surmonter de nombreux défis pour obtenir un visa leur permettant d'effectuer leurs études en France.
En 2021, on estimait à 48 % le nombre de bacheliers français de l'étranger ayant pu intégrer Parcoursup. Il y a de gros problèmes d'adaptation et de transcription des systèmes de notation des lycées français de l'étranger aux paramètres de Parcoursup. À chacune de mes rencontres avec ces parents d'élèves ou avec les équipes de direction, les problèmes de Parcoursup sont mis en avant. Ces difficultés génèrent un départ vers l'étranger (Canada, Royaume-Uni, Suisse...) pour de très nombreux bacheliers de l'enseignement français à l'étranger. Cela est regrettable. D'une certaine manière, nous perdons ces élèves qui seraient pourtant à même d'intégrer le système universitaire français.
Mme Elsa Schalck. - À mon tour, je salue le rapport de notre collègue Jacques Grosperrin, qui travaille de longue date sur Parcoursup. Nous voyons bien à quel point l'orientation continue à être une période anxiogène pour les jeunes et leurs parents. Depuis le lancement de Parcoursup en 2018, cette procédure est toujours aussi stressante et opaque. L'outil a connu des améliorations techniques et procédurales ; c'est un point positif. Mais cet outil doit en rester un. Les algorithmes ne doivent pas remplacer l'humain. Les décisions d'orientation, pour le parcours et pour le choix géographique, sont des choix humains.
Je remercie le rapporteur d'avoir insisté sur l'angoisse et sur l'érosion des sentiments de clarté, de fiabilité et de transparence. Nous comprenons bien ce chiffre très parlant de 83 % de jeunes se disant stressés par la plateforme. Parcoursup ne leur inspire toujours pas confiance, cinq ans après sa mise en place. Cela doit nous conduire à nous interroger et je continue, à titre personnel, à émettre des doutes sur cet outil. L'orientation est avant tout un parcours d'accompagnement sur le long terme, et non uniquement sur un « instant t ». Cela fait des décennies que nous évoquons les difficultés de l'orientation, en raison notamment de la multiplication des acteurs. Pourtant, nous restons dans un pays où l'orientation est de plus en plus complexe, avec un essor des acteurs privés. Cela montre la faiblesse du service public de l'orientation. Des inégalités se creusent ainsi entre les élèves pouvant être accompagnés par leurs parents et ceux qui ne le peuvent pas. Je salue toutes les recommandations, mais j'appelle aussi à une réflexion plus globale sur l'orientation afin de pointer notamment l'essor des acteurs privés.
Mme Sonia de La Provôté. - S'agissant de l'orientation, le paradoxe est que cette question a été abordée dans un texte spécifique alors que nous n'avions pas traité de Parcoursup et de la réforme du lycée. On a fait les choses à l'envers depuis le début. Cela a conduit à un manque de lisibilité et de perspective dans les politiques à mettre en place.
S'agissant du choix des spécialités (trois en première, deux en terminale), il y a clairement en la matière des regrets à l'issue de Parcoursup. On conseille aux lycéens de choisir ce qu'ils aiment. Or, ce qu'ils aiment n'est pas forcément ce qui les amènera aux métiers qu'ils aiment. Par ailleurs, ces élèves méconnaissent certaines de leurs compétences. Il faudrait même plutôt choisir un coach en choix de spécialités qu'un coach en Parcoursup...
Que sont devenus les « oui si », qui faisaient partie des apports audacieux de Parcoursup ? A-t-on mis des moyens dans les universités pour les suivre ? Avec le recul que nous avons désormais, sait-on si ces étudiants ont poursuivi dans ce qu'ils souhaitaient faire et s'ils ont été accompagnés pour cela ?
Nous avions demandé une transparence sur les critères d'évaluation. Il est en effet important pour un jeune de savoir quels ont été les critères qui ont conduit à un refus d'acceptation dans un établissement d'enseignement supérieur. Il s'agit là d'un élément sérieux de transparence, qui aide les jeunes à mieux choisir leur voie.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je voudrais, avec sincérité, féliciter les travaux du rapporteur. Ce rapport est au coeur de l'actualité puisque le Président de la République a reconnu à Marseille que Parcoursup avait des failles. Le Gouvernement a certes l'habitude de le répéter chaque année, mais on peut espérer de nouvelles améliorations pour cette année. Le travail de Jacques Grosperrin permettra de documenter les projets du Gouvernement en la matière.
Aujourd'hui, c'est un fait : plus de la moitié des étudiants de première année de licence échouent. Il y a plus que des ajustements à proposer s'agissant de Parcoursup ; il faut initier une réforme, avec un focus nécessaire sur l'orientation. J'ai eu récemment le témoignage d'un lycéen d'Antibes en classe de première ayant pris comme options mathématiques et sciences économiques. Il a fait ce choix pour disposer, dans le cadre de Parcoursup, d'une matière scientifique et d'une matière économique. Il a décidé par la suite de candidater à la filière Staps. Parcoursup lui a alors demandé d'avoir l'option SVT. Il était prêt à redoubler sa première afin d'avoir cette option SVT. N'étant pas en échec scolaire, le lycée lui a refusé le redoublement, l'empêchant ainsi de pouvoir accéder à son projet...
Les étudiants et les enseignants utilisent toutes les techniques possibles d'évitement de la plateforme, preuve de son échec. Parcoursup a renversé le baccalauréat et a désorganisé l'année de terminale.
M. Laurent Lafon, président. - Nous avons beaucoup parlé de la période bac -3/ bac et relativement peu de la période bac/bac + 3. Or, une orientation ne doit pas systématiquement s'arrêter au niveau du baccalauréat. J'ai le souvenir de discussions avec la ministre au moment de la loi ORE. Le premier cycle avait été relativement peu concerné par cette loi alors même que l'on sait qu'il y a un enjeu important d'orientation dans ce cycle. Il est nécessaire de favoriser les passerelles, de développer les « oui si ». Nous aurions intérêt, à l'avenir, à regarder cette partie « premier cycle », afin de pouvoir compléter le travail réalisé en bac -3 et jusqu'à Parcoursup.
M. Jacques Grosperrin. - Pierre Ouzoulias a raison : le Sénat a acquis une véritable compétence sur le sujet. Je remercie le Président Lafon d'avoir proposé cette mission, qui est d'actualité comme le rappellent les déclarations récentes. Je partage les réflexions sur les algorithmes locaux cachés. Au Lycée Louis le Grand, les dossiers sont examinés manuellement. Nous avons senti une véritable implication de toute l'équipe administrative et éducative. À l'université, la première phase de sélection se fait généralement par algorithme et l'appréciation se fait, dans une seconde phase, de façon manuelle.
Vous êtes plusieurs à avoir insisté sur la métropolisation des filières. Cela va véritablement poser un problème pour nos territoires ruraux. Chacun d'entre vous a également souligné l'attente et l'angoisse générées par Parcoursup. On a beaucoup parlé du poids du lycée d'origine. La Cour des comptes a montré que 20 % des filières non sélectives ont eu recours à ce paramètre en 2019. Cela est discriminatoire.
Je note par ailleurs la remarque d'Annick Billon sur l'insuffisance de places pour les jeunes filles en internat. Cela est simplement inacceptable.
S'agissant de la recommandation n° 5, qui appelle à retenir un critère plus objectif que celui du lycée d'origine ; vous avez raison de pointer ses difficultés de mise en oeuvre. Nous avons formulé cette proposition pour que le ministère de l'enseignement supérieur s'empare de ce sujet. Il est aujourd'hui dans une forme d'hypocrisie, en laissant les établissements faire ce qu'ils veulent ; il faut qu'il se positionne. Notre proposition s'inspire notamment de celle formulée par l'économiste Julien Grenet, que nous avons auditionné. Il doit y avoir des services compétents au ministère pour se pencher sur les modalités techniques permettant de mettre en oeuvre cette recommandation !
S'agissant de la recommandation n° 7, il ne faut en effet pas oublier cette catégorie d'étudiants en reprise d'études, qui atteint désormais 10 % des inscrits à Parcoursup.
Max Brisson a eu raison d'insister sur le défaut d'interministériel, qui est sans doute une des raisons de la faiblesse de notre système éducatif. Nos chefs d'établissement et nos recteurs se demandent souvent qui est le ministre de l'éducation nationale. Comme il l'a rappelé, le calendrier du baccalauréat est en effet chaotique.
L'orientation précoce a certes toujours existé, mais on la ressentait moins. La société est devenue plus sensible, peut-être plus attentive, mais aussi plus fragile. La sélection a toujours existé, même si elle était retardée via le baccalauréat S. La massification de l'enseignement n'a fait que la mettre en lumière.
Lors de l'examen de la loi ORE, nous avions reçu celui qui avait créé le dispositif admission post-bac (APB). Il nous avait appelés à ne pas jeter APB avec l'eau du bain... C'est le tirage au sort - auquel la ministre Vallaud-Belkacem avait fini par avoir recours - qui avait justifié un changement de système. Si l'on décidait de supprimer Parcoursup, on créerait encore de nouvelles angoisses pour les élèves et les parents. Je note qu'il y a une cristallisation de tensions sur le nom même de Parcoursup.
Il faut effectivement que les régions s'emparent de la politique d'orientation. Elles ne peuvent pas servir simplement à financer des salons.
La sanctuarisation des 54 heures d'accompagnement à l'orientation au lycée est en effet indispensable. Les enseignants ne sont pas suffisamment formés en la matière. Parfois, les chefs d'établissement utilisent ces heures pour d'autres missions. Je propose qu'on inscrive cette recommandation au sein de la proposition n° 8.
M. Max Brisson. - Cette sanctuarisation figurait déjà dans les propositions du rapport que j'ai commis sur le bilan des mesures éducatives du précédent quinquennat.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Je crois qu'il serait utile de l'inscrire à nouveau dans ce rapport, afin d'insister sur ce sujet.
Il est vrai que certains élèves échappent à Parcoursup. Dans ma région, qui est limitrophe de la Suisse, les élèves du lycée horloger de Morteau ne s'inscrivent même pas sur la plateforme. Lors des journées portes ouvertes, des entreprises comme Cartier ou Jaeger-LeCoultre viennent les débaucher, avec des propositions de salaire de 7 à 8 000 euros à 18 ans. Cela pose cependant un problème pour leur progression de carrière. Ils progresseraient davantage s'ils faisaient un BTS par exemple. Nous connaissons aussi tous les cas d'élèves allant faire à l'étranger leurs écoles vétérinaires ou leurs études de médecine. Or, tout le monde ne peut pas se permettre de le faire. Je note que ce sont d'ailleurs souvent des enfants d'enseignants, qui disposent en la matière d'informations...
Il manque en effet des moyens tout comme il manque d'informations sur l'orientation. Il est évident qu'il faut renforcer la formation des enseignants sur ce sujet.
Je note la remarque intéressante de Damien Regnard sur les 400 000 élèves Français de l'étranger. Je suis néanmoins un peu moins inquiet pour eux, car les établissements français à l'étranger offrent souvent des formations de grande qualité et très diversifiées. Mais il était utile de pointer ces difficultés parce que nous n'avions pas intégré cette problématique dans notre réflexion.
Je partage les propos tenus sur la présence des acteurs privés dans les salons et sur le développement des coaches en orientation. Cela crée de fait des inégalités.
Une question a été posée sur les « oui si » : certains établissements ont mis en place ce dispositif, d'autres non. Cela reste très hétérogène.
S'agissant de la licence Staps, il s'agit de la seule filière ayant fait un effort d'harmonisation et de transparence au niveau national. Je crois qu'on gagnerait à prendre modèle sur elle.
Le président Lafon a appelé à s'intéresser à la séquence bac/bac+ 3. Outre Parcoursup, il faudrait s'intéresser à Afflenet-lycée, à MonMaster... C'est le rôle du Sénat d'apporter des éclairages sur les accompagnements nécessaires et d'alerter sur les responsabilités des ministères concernés.
M. Laurent Lafon, président. - Êtes-vous d'accord pour adopter les propositions du rapport en un seul vote et pour compléter la recommandation n° 8 avec la sanctuarisation des 54 heures d'accompagnement à l'orientation au lycée ?
Qui est pour ?
Il y a unanimité.
Les recommandations sont adoptées et en conséquence la publication du rapport d'information est autorisée.
Les recommandations sont adoptées à l'unanimité.
La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.