II. SYSAT : UN PROGRAMME EN ÉCHEC

A. UNE CARICATURE DES ERREMENTS PASSÉS DE LA DSNA

Le rapporteur spécial tient à rappeler qu'à l'origine, le programme Sysat G1 devait se concrétiser par l'acquisition « sur étagère » d'un système industriel standard. Il avait d'ailleurs eu l'occasion de se féliciter de ce choix qui rompait avec les habitudes de la DSNA et qui allait dans le sens de ses recommandations.

Toutefois, il regrette que le naturel soit « revenu au galop » et que la DSNA n'ait pas respecté son choix initial. En effet, retombant dans ses travers historiques de sur-spécification, dans le cadre de l'appel d'offre, elle a rédigé un cahier des charges d'environ 10 000 pages, excluant de fait tout produit industriel existant.

Ce péché originel a probablement sonné le glas du projet avant même qu'il ne démarre. Cette sur-spécification caricaturale a rapidement conduit l'industriel SAAB dans une impasse en faisant rapidement considérablement dériver la base technique du produit, les coûts et les délais. Les capacités de déploiement nécessaires avaient par ailleurs été manifestement très sous-estimées dans le cahier des charges comme dans la phase de sélection.

Si les défaillances de l'industriel, qui avait lui aussi manifestement surestimé ses capacités à mener à bien ce projet ne doivent pas être ignorées, force est de constater que l'organisation interne de la DSNA avec une maîtrise d'ouvrage trop dispersée, faisant intervenir de multiples intervenants aux mandats non coordonnés, parfois même incohérents et contradictoires, a créé une forte entropie néfaste à la bonne exécution du programme qui a connu maintes restructurations contractuelles avant que son échec ne soit finalement définitivement acté au cours de l'hiver 2021-2022.

Les principaux défauts organisationnels de la DSNA que le rapporteur avait pointés dans son rapport précité de juin 2018, à savoir un tropisme beaucoup trop prononcé sur les aspects techniques, parfois les plus détaillés, au détriment de la maîtrise contractuelle, industrielle et de pilotage des programmes et donc, in fine, du respect des délais et de l'enveloppe budgétaire prévisionnelle, ont irrémédiablement conduit le projet dans un mur.

Dans un retour sur expérience sans complaisance sur le projet Sysat G1, la DSNA elle-même a dressé en 2022 un constat très sévère sur ses propres lacunes. Constat qui pointe notamment les insuffisances du cadrage initial, l'incohérence entre le contenu du cahier des charges et l'objectif d'une acquisition « sur étagère », des défaillances organisationnelles majeures ne permettant pas de distinguer les fonctions d'expertise technique et opérationnelle des fonctions décisionnaires ou encore un pilotage contractuel lacunaire.

Le programme Sysat G2 était quant à lui intenable et irréaliste, sa première mouture envisageant même de moderniser l'ensemble des tours de contrôle de la DSNA à horizon 2020. Il a été abandonné et repart aujourd'hui complètement de zéro. Revenu au stade de la réflexion, ses perspectives restent floues tant en terme de choix techniques que de calendrier (voir infra).

Si cette « opération vérité » et ce constat douloureux devaient être dressés pour stopper la fuite en avant, sur les deux volets du programme Sysat, le rapporteur est frappé par l'ampleur du choc des réalités et à quel point celui-ci révèle les dysfonctionnements qui ont longtemps prévalu à la DSNA. Sur les deux volets du programme Sysat, la DSNA s'était engagée dans une « voie de garage » manifeste et devait au plus vite s'en dégager pour éviter d'y laisser trop de « plumes budgétaires ».

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