C. LA NÉCESSITÉ DE RÉUNIR CONTRACTUELLEMENT DEUX PROGRAMMES DEVENUS INDISSOCIABLES
Pour des programmes démarrés il y a si longtemps et dont l'imbrication avait été décidée dès 2011, le rapporteur spécial s'étonne du constat tardif, suite à une analyse technique réalisée au cours de l'été 2021, de l'interdépendance extrêmement forte entre les systèmes 4-Flight et Coflight. Cette « adhérence quasi-totale », expression désormais employée par la DSNA pour qualifier la porosité entre les deux programmes avait été manifestement sous-estimée. Alors qu'il est apparu que chaque modification dans l'un des deux systèmes implique nécessairement une évolution de l'autre, cette sous-estimation n'a pas été sans conséquences sur les difficultés rencontrées lors du développement de 4-Flight et sur les délais et surcoûts observés.
Articulation schématique actuelle des systèmes 4-Flight et Coflight au sein de l'architecture applicative de la DSNA
Source : DGAC
L'interdépendance des deux programmes apparaît en total décalage avec le fait qu'ils ont jusqu'ici été développés de façon quasi-indépendante. Ainsi résulte-t-il de leur découplage contractuel une situation profondément sous-optimale, et ce à plusieurs titres.
Sur le plan opérationnel, le découplage contractuel nuit à la bonne gestion des programmes. Ce phénomène est d'autant plus pénalisant que la majeure partie des difficultés rencontrées dans les dernières phases du développement de 4-Flight et après son déploiement provenait en fait des paramètres de fonctionnement de Coflight. Or, les processus induits par le cadre contractuel actuel sont tout sauf fluides. En effet, dès lors qu'il apparaît que des paramètres de Coflight doivent être ajustés pour être rendus compatibles avec le fonctionnement de 4-Flight, la DSNA et Thalès doivent d'abord convaincre Leonardo de la nécessité de faire évoluer Coflight. Ensuite Leonardo doit développer et tester ces évolutions avant leur livraison effective. Ainsi, pour le moindre besoin d'évolution du système Coflight, les fortes contraintes de cette architecture contractuelle induisent-elles des délais beaucoup trop longs. Par ailleurs, ces problématiques opérationnelles et de pilotage des programmes se doublent parfois de difficultés juridiques pour coordonner les deux contrats.
Outre les problèmes opérationnels et de pilotage des projets qu'il induit, le découplage contractuel entre les programmes 4-Flight et Coflight est générateur d'une multitude de sources d'inefficience économique. Alors que les gains de performance potentiels en termes de mutualisation entre les deux programmes sont évidents, l'architecture contractuelle actuelle les rend impossibles. Elle conduit ainsi à renchérir significativement les coûts de développement, d'intégration ou encore de qualification.
À la faveur d'une refonte du cadre contractuel de 4-Flight et Coflight, et en se basant sur les estimations de Thalès, la DSNA escompte réaliser des économies d'environ 20 % sur les coûts de développement, d'intégration et de qualification des deux programmes.
La DSNA et Thalès ont d'ores et déjà entamé les démarches pour rapatrier 4-Flight et Coflight à l'intérieur d'un même contrat confié à l'industriel français. Cette procédure implique cependant un travail complexe de rétro-ingénierie pour Thalès22(*) qui doit s'approprier les compétences développées par l'industriel italien Leonardo.
Compte-tenu de l'interdépendance devenue totale de deux programmes qui en pratique ne participent désormais plus qu'à un seul et même système et de l'épilogue annoncé de la coopération franco-italienne sur le projet Coflight, le rapporteur spécial considère légitime, à des fins d'efficience économique et de pilotage, de réunir 4-Flight et Coflight au sein d'un même cadre contractuel.
Recommandation n° 1 : à des fins d'optimisation opérationnelle, technique et financière, ainsi que pour garantir la MCO de ces outils, faire rapidement aboutir l'objectif d'articuler les programmes 4-Flight et Coflight au sein d'une seule architecture contractuelle.
* 22 Une société du groupe Thalès dédiée à cette activité (Thalès services numériques) est notamment mobilisée sur ce projet.