II. UN CONTEXTE INFLATIONNISTE QUI POURRAIT ENCORE DÉGRADER LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DES DROM

A. UNE INFLATION IDENTIQUE À LA MÉTROPOLE MAIS QUI INTERVIENT DANS UN CONTEXTE ANTÉRIEUR DE PRIX PLUS ÉLEVÉS

1. Un niveau d'inflation élevé malgré le bouclier qualité prix

Depuis le début de l'année 2022, les territoires d'outre-mer sont, comme la métropole, touchés par l'inflation même si les niveaux enregistrés sont, en moyenne, plus bas que ceux constatés en métropole.

Ainsi, en janvier 2023, la variation annuelle des prix sur 12 mois est, en moyenne dans les DROM, de 4,18 % contre 6 % en métropole. Cependant, le niveau d'inflation a augmenté dans le DROM de 1 à 2,5 points entre janvier 2022 et janvier 2023.

Évolution de l'inflation entre janvier 2022 et janvier 2023 - comparaison entre la France dans son ensemble (hors Mayotte) et les DROM

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE, ISPF et ISEE

Inflation DROM/France dans son ensemble (hors Mayotte) en glissement annuel entre janvier 2022 et janvier 2023

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE, ISPF et ISEE

Cette tendance inflationniste, moins marquée qu'en métropole, intervient cependant malgré l'existence du bouclier qualité prix (BQP) mis en place à compter de 2012.

Le bouclier qualité prix

Dans les départements et régions d'outre-mer, la loi de régulation économique dite loi Lurel adoptée en novembre 2012 met en place le bouclier qualité-prix (BQP), qui « prévoit qu'un certain nombre de produits de la consommation courante voient leurs prix fixés par négociation, ou, en l'absence d'accord, par le préfet ».

Ce dispositif s'applique en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

Les modalités d'application sont fixées par l'article L.410-5 du code de commerce et par le décret n°2012-1459 du 26 décembre 2012 relatif aux accords annuels de modération de prix de produits de grande consommation.

Les négociations commencent après un avis émis par l' observatoire des prix localement compétent et réunissent les organisations professionnelles du commerce de détail, leurs fournisseurs et le représentant de l'État. Elles doivent aboutir dans un délai d'un mois. L'accord qui en résulte fait l'objet d'un arrêté préfectoral. La liste des produits concernés ainsi que le niveau des prix sont définis pour chaque territoire.

Les négociations sont annuelles, l'accord devant être signé le 1er mars. Une signalétique « BQP » permet d'identifier les produits concernés par ce dispositif.

À La Réunion en 2022, le panier comporte 153 produits, comme en 2021. Il est garanti à un prix global de 348 euros. Ce bouclier qualité-prix est en place dans  63 magasins depuis le 28 mars. Dans les zones rurales de l'île, un dispositif complémentaire a été déployé : 42 produits inscrits au BQP pour un prix global de 98,45 euros sont proposés dans les neuf commerces de proximité.

En Guadeloupe, l'accord a été signé le 7 avril 2022. Il distingue trois listes en fonction de la taille des magasins. Dans les magasins de plus de 2 000 m², 106 produits dont 12 fruits et légumes locaux pour un montant maximum de 320 euros. Entre 1 000 et 2 000 m², 104 produits dont 10 fruits et légumes locaux pour 320 euros également. Enfin, pour les commerces de moins de 1 000 m², 70 produits dont 8 fruits et légumes locaux pour 180 euros. 

Entré en vigueur le 1er mai 2022, l'accord établi en Martinique porte sur 101 produits, comme en 2021. Le prix global maximum autorisé reste inchangé, à 306 euros. Comme à La Réunion et en Guadeloupe, la liste est adaptée à la taille du magasin : entre 1 000 m² et 800 m², une liste de 52 produits de consommation courante au prix maximum de 160 euros et dans les petites surfaces, inférieures à 800 m ² une liste de 27 produits au prix de 86 euros.

En Guyane, les distributeurs et la chaîne logistique se sont entendus pour un gel des prix sur 85 produits de grande consommation pour 265 euros maximum. 120 enseignes sont engagées dans le dispositif. 

Source : Commission des finances du Sénat

2. Des prix dans les départements et régions d'outre-mer historiquement plus élevés qu'en métropole

L'inflation constatée dans les DROM, bien que légèrement inférieure au niveau enregistré en métropole vient cependant s'ajouter à des prix historiquement plus élevés notamment pour les raisons susmentionnées.

En effet, les écarts de prix avec la métropole sont considérables. Selon les données publiées par l'Insee en 201511(*), ces écarts variaient de 12% aux Antilles (12,5 % en Guadeloupe et 12,3 % en Martinique), de 11,6 % en Guyane et de 7,1 % à La Réunion et à Mayotte (6,9 % hors loyers).

Ces écarts prennent en compte les différences de mode de vie des ménages selon les territoires (écart de Fischer). En effet, si tous les ménages consommaient le panier de biens et services moyen d'un ménage métropolitain, les écarts de prix seraient encore plus marqués (colonne A du tableau ci-dessous). En revanche, un ménage d'outre-mer ferait une économie plus limitée en payant son panier habituel aux prix métropolitains (colonne B).

Les écarts de prix s'expliquent essentiellement par la cherté des produits alimentaires en outre-mer (à ces prix, un ménage métropolitain paierait son alimentation de 37 % à 48 % plus cher ; un ménage d'outre-mer, lui, la paierait de 17 % à 23 % moins cher en métropole), mais également des prix des tabacs et alcools (supérieurs de 6 % à 32%), des communications (entre plus 18 % et 40 %), de l'enseignement ou encore de la santé.

Écarts de prix entre les DOM et la métropole - 2015

(en %)

 

Écarts DOM/métropole (panier de consommation métropolitain) A

Écarts métropole/DOM (panier de consommation local) B

Écarts de Fisher DOM/métropole C

Martinique

17,1

-7,1

12,3

Guadeloupe

17

-7,5

12,5

Guyane

16,2

-6,8

11,6

La Réunion

10,6

-3,6

7,1

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale de prix 2015

Typologie des écarts de prix

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale de prix de 2015

Ces niveaux de prix auxquels s'ajoute une inflation relativement élevée devraient donc avoir des conséquences sur les budgets des communes des DROM.


* 11 Il n'existe pas d'étude complète depuis 2015.