N° 676

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif au métier de secrétaire de mairie,

Par Mme Catherine DI FOLCO, MM. Jérôme DURAIN et Cédric VIAL,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; MM. Rémy Pointereau, Guy Benarroche, Mme Agnès Canayer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Bernard Delcros, Mmes Corinne Féret, Michelle Gréaume, MM. Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Patricia Schillinger, M. Pierre-Jean Verzelen, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Franck Montaugé, Cédric Vial, Jean Pierre Vogel, secrétaires ; Mmes Nadine Bellurot, Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Laurent Burgoa, Thierry Cozic, Mmes Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, MM. Thomas Dossus, Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Jean-Michel Houllegatte, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Philippe Mouiller, Olivier Paccaud, Philippe Pemezec, Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, MM. Jean-Yves Roux, Laurent Somon, Lucien Stanzione.

INTRODUCTION

On les décrit souvent comme les « couteaux suisses » de nos communes rurales. Ces agents municipaux y épaulent le maire, et son équipe municipale, avec beaucoup d'abnégation. Ils y accueillent le public et répondent souvent, en première ligne, aux doléances des usagers, riverains et autres administrés. Ils ne comptent pas leurs efforts pour contribuer à l'avancement des dossiers, surmonter les méandres administratifs et faire opportunément jouer le système D malgré la pénurie de moyens. Ces agents, ce sont les secrétaires de mairie.

Coeur battant des communes en zone rurale, les secrétaires de mairie restent paradoxalement méconnus. Leur titre est trompeur, puisque leur fonction ne consiste nullement en des travaux de secrétariat au sens communément admis du terme. Leur discrétion professionnelle, dans l'ombre du maire, prête parfois à confusion, laissant imaginer un rôle secondaire et guère influent dans la vie municipale.

C'est pourquoi la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation a souhaité mettre en lumière cette fonction éminente, trop peu mise en avant. D'autant plus que la situation des secrétaires de mairie illustre, par bien des aspects, les difficultés rencontrées aujourd'hui dans le monde de la fonction publique territoriale et l'attractivité déclinante des emplois qui y sont offerts.

Alors que ce métier est fréquemment décrit par celles et ceux qui l'exercent comme passionnant, de par la diversité des interlocuteurs rencontrés, la présence au centre de décisions engageant au quotidien le devenir de nos territoires et le sens de la mission qui en découle, les difficultés de recrutement remontent abondamment des mairies.

Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les enjeux de recrutement pour cette profession dans les années à venir ? Quelles sont les barrières à lever, et quels sont les leviers à actionner pour accompagner les communes rurales, leur maire et leur secrétaire de mairie, avant que le malaise ne se fasse crise profonde et durable ? Autant de questionnements ayant guidé vos rapporteurs dans leurs travaux sur un métier à l'importance cruciale pour nos communes et dont l'avenir doit être garanti.

I. I. LES SECRÉTAIRES DE MAIRIE, ENTRE POLYVALENCE ET PERTE D'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER

A. UN MÉTIER INDISPENSABLE AU FONCTIONNEMENT DES COMMUNES RURALES

Les secrétaires de mairie occupent une place essentielle dans les communes rurales et en représentent une spécificité. Il s'agit en effet d'une fonction que l'on ne retrouve que dans les communes de moins de 3 500 habitants, en application du décret n° 87-1103 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des secrétaires de mairie. Les communes de plus de 2 000 habitants et de moins de 3 500 habitants peuvent s'appuyer sur des directeurs généraux des services (DGS), à l'image des communes plus grandes.

À l'instar des fonctions de maire, ce poste est primordial pour le fonctionnement d'une mairie. Les secrétaires de mairie ont un rôle central pour garantir le bon fonctionnement des services publics locaux et l'administration communale. À travers ses fonctions polyvalentes, cet agent « met en oeuvre, sous les directives des élues et élus, les politiques déclinées par l'équipe municipale. [Il] organise les services de la commune, élabore le budget et gère les ressources humaines »1(*). Au quotidien, il a un rôle « d'assistance et de conseils aux élus, élabore des documents administratifs et budgétaires. [Il] gère les affaires générales ainsi que les équipements municipaux, et assure l'accueil et le renseignement de la population ».

Un terme revient communément pour rendre compte de leurs missions, celui de « couteaux suisses », car ces missions sont particulièrement variées. Ainsi, les secrétaires de mairie sont la plupart du temps en première ligne pour l'accueil du public en mairie et se voient confier des tâches primordiales comme l'état civil, l'instruction des autorisations d'urbanisme, la gestion des écoles, la gestion des opérations funéraires ainsi que du cimetière, et, périodiquement, le recensement. Mais ces agents sont également chargés de missions administratives tout aussi indispensables à l'organisation et au fonctionnement des services municipaux, dont notamment la gestion du personnel, l'établissement et le suivi du budget de la commune ainsi que la passation et le suivi de marchés publics, ou encore le montage de dossiers de subventions.

Sans se substituer aux élus, le secrétaire de mairie n'en constitue pas moins très souvent le principal collaborateur et conseiller du maire, chargé de l'application de sa politique. En cela, son aptitude doit être forte à savoir développer une relation de confiance avec le maire et son équipe municipale. Les élus se reposent sur le secrétaire de mairie pour tout ce qui concerne la veille juridique, la préparation et la sécurisation des actes administratifs mais également le respect des différents délais réglementaires.

C'est donc sans surprise que l'on peut affirmer que la fonction de secrétaire de mairie implique, entre autres qualités, une grande polyvalence, le sens de l'adaptation et beaucoup de disponibilité.

L'une des difficultés d'appréhension de ce métier réside dans le fait que l'appellation de « secrétaire de mairie » renvoie à une fonction exercée soit par des fonctionnaires territoriaux issus de quatre cadres d'emploi, soit par des contractuels (20 % des postes occupés en 20212(*)). Les quatre cadres d'emploi concernés sont celui de secrétaire de mairie (catégorie A) mis en extinction en 2001, d'attaché territorial (catégorie A), de rédacteur territorial (catégorie B) et d'adjoint administratif territorial (catégorie C).

La ventilation des recrutements de fonctionnaires territoriaux

sur les postes de secrétaire de mairie

Pour mémoire, les fiches statutaires définissent comme suit les cadres d'emploi de recrutement concernés par les fonctions de secrétaire de mairie :

- les attachés territoriaux (catégorie A) participent à la conception, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques décidées dans les domaines administratifs, financier, économique, sanitaire, social, culturel, de l'animation et de l'urbanisme ;

- les rédacteurs territoriaux (catégorie B) sont chargés de fonctions administratives d'exécution ;

- les adjoints administratifs territoriaux (catégorie C) sont chargés de tâches administratives d'exécution.

On comprend dès lors la difficulté à dresser un portrait type du secrétaire de mairie, les cadres d'emploi de recrutement présentant une réelle diversité de profils.

D'un point de vue strictement statistique, on peut néanmoins observer qu'on dénombre 16,5% de catégorie A, 23,1% de catégorie B et 60,4% de catégorie C1. Les nouveaux recrutements se font principalement en catégorie C.

En pratique, l'une des particularités du métier de secrétaire de mairie est d'être amené à exercer à la fois des tâches d'exécution, d'application et de conception (cf. infra). « Un certain nombre d'adjoints administratifs (catégorie C) exercent des fonctions et endossent des responsabilités qui dépassent la simple exécution, allant même parfois jusqu'à des missions d'encadrement relevant de la catégorie A. »2

1 Cf. « Panorama de l'emploi territorial » publié par le Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et l'association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion de la fonction publique territoriale (ANCDG).

2 Cf. Congrès du Syndicat des secrétaires de mairie (10 mai 2002).

D'un point de vue quantitatif, on compte, toutes catégories confondues, environ 23 000 secrétaires de mairie, très majoritairement des femmes (94 %3(*)), exerçant des missions pour près de 29 600 communes4(*).

Le schéma ci-dessous résume en quelques chiffres les principales caractéristiques du métier de secrétaire de mairie.

B. LA PÉNURIE SUR CES EMPLOIS : DES BESOINS FORTS, UNE ATTRACTIVITÉ FAIBLE

La profession de secrétaire de mairie se caractérise aujourd'hui notamment par une pyramide des âges très défavorable. En 2022, 25 % de ces agents avaient plus de 58 ans et 60 % plus de 50 ans5(*). Sur la décennie à venir, ce sont donc des départs massifs en retraite qui doivent être anticipés.

Or, en l'état, les perspectives de recrutement ne sont pas bonnes. La plupart des communes de moins de 2 000 habitants rencontrent des difficultés pour attirer et fidéliser dans l'emploi de secrétaire de mairie. Au 10 mars 2023, 1 919 postes6(*) étaient à pourvoir et de nombreux postes de secrétaires de mairie sont actuellement vacants, les communes les plus touchées étant souvent les plus petites. L'ampleur des difficultés de recrutement est telle qu'en septembre 2022 le panorama de l'emploi territorial a rangé ce métier au premier rang des professions les plus en tension au niveau de la fonction publique territoriale (ce métier était en
2ème place en 2020 et en quatrième en 2018).

À l'origine de ces problèmes d'attractivité, plusieurs facteurs viennent se cumuler pour décourager ou freiner les candidatures.

Parmi les revendications des secrétaires de mairie aujourd'hui, beaucoup s'attachent à l'absence de cadre d'emplois pour leur métier. Un tel dispositif lui accorderait, selon les secrétaires, une visibilité mieux assurée, une reconnaissance administrative plus nette et un déroulement de carrière plus précisément balisé.

Qu'est-ce qu'un cadre d'emploi ?

Les cadres d'emplois regroupent les fonctionnaires territoriaux qui sont soumis au même statut particulier. Ils comprennent plusieurs grades et sont eux-mêmes regroupés en filière. La fonction publique territoriale compte ainsi 53 cadres d'emplois, répartis en 10 filières.

À titre d'exemples de cadres d'emplois, on peut citer : les attachés territoriaux, les techniciens territoriaux, les infirmiers de sapeurs-pompiers professionnels, les gardes champêtres, les conservateurs territoriaux du patrimoine, les psychologues territoriaux, les agents sociaux territoriaux, les éducateurs territoriaux de jeunes enfants, les animateurs territoriaux...

Par commodité, ces cadres d'emplois sont regroupés en filières, qui désignent le secteur d'activité commun à plusieurs d'entre eux : filières administrative, technique, culturelle, sportive...

La notion de cadre d'emplois est en quelque sorte l'équivalent, pour la fonction publique territoriale, de la notion de corps en vigueur dans la fonction publique d'État et la fonction publique hospitalière. Cette notion n'a cependant pas de valeur juridique à proprement parler.

Source : site www.vie-publique.fr

La « charge mentale » revient régulièrement dans les témoignages recueillis auprès des secrétaires de mairie. Elle vient se cumuler à la charge de travail.

La fonction impose en effet de se frotter constamment aux lourdeurs et à la complexité administratives. L'inflation des normes, dont ont récemment rendu compte nos collègues Françoise GATEL, présidente, et Rémi POINTEREAU, premier vice-président, dans leur rapport « Normes applicables aux collectivités territoriales : face à l'addiction, osons une thérapie de choc ! »7(*), joue ici un rôle incontestablement préjudiciable. Être secrétaire de mairie en milieu rural demande des connaissances à mettre à jour, eu égard aux évolutions sur le plan législatif et réglementaire, ou encore du fait de la dématérialisation des procédures comptables et budgétaires.

Des évolutions institutionnelles contribuant à l'accroissement de la charge de travail des secrétaires de mairie

Nul ne peut contester l'alourdissement insidieux des missions des secrétaires de mairie du fait d'un certain nombre de tendances de fond ayant caractérisé nos territoires sur la période récente.

Tout d'abord, le transfert de compétences de l'État en direction des collectivités territoriales a élargi le champ de responsabilité des communes et de leurs secrétaires de mairie.

De même, le désengagement de l'État dans les territoires s'est traduit par une moindre expertise dans les services déconcentrés et un moindre accompagnement des communes, l'ingénierie territoriale étant abandonnée aux collectivités territoriales.

Enfin, l'émergence du niveau intercommunal et la création d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) a pu engendrer :

- un partage de responsabilité peu clair entre l'EPCI et la commune ;

- une intégration se traduisant par une charge de travail supplémentaire au niveau de la commune ;

- le développement d'un sentiment de déclassement ou de dépossession chez les secrétaires de mairie.

En 2020, le centre de gestion (CDG) de la fonction publique territoriale de Lozère a conduit une enquête auprès des secrétaires de mairie du département. Il en est notamment ressorti parmi les verbatims que « les conditions de travail se dégradent au rythme des réformes qui me font perdre mes repères, changent constamment les méthodes de travail, et demandent une capacité d'adaptation permanente face aux diverses situations [...] ».

Bien que majoritairement exercé par des agents relevant du statut de fonctionnaire et bénéficiant de ce fait d'une garantie d'emploi, le métier de secrétaire de mairie se caractérise cependant par une réelle forme de précarité dans la fonction. La proximité de cet agent avec le maire peut en effet avoir des conséquences en cas de changement de maire : à l'issue de nouvelles élections municipales, un renouvellement de majorité peut faire apparaître des différents à l'origine d'une remise en question du titulaire du poste de secrétaire de mairie.

L'une des spécificités de cette profession réside, en outre, dans le fait que très souvent l'emploi occupé est un emploi à temps non complet. La commune n'a ni les moyens budgétaires ni vraiment le besoin de pourvoir un poste à temps plein. Souvent, dans les communes rurales, les contrats ne donnent ainsi pas un volume suffisant d'heures travaillées et un traitement trop faible, ce qui conduit les secrétaires de mairie à exercer dans plusieurs communes. De fait, le temps de travail moyen d'un secrétaire de mairie est de 25 heures par semaine, 62 % des secrétaires de mairie étant à temps non complet et 38 % sur des postes à temps complet.

Le cumul des postes à temps non complet rime bien évidemment avec un cumul d'employeurs, donc de maires, dont il s'agit de conquérir puis de conserver la confiance, et de logiciels, dont l'usage est spécifique à chaque commune. Autant de facteurs qui viennent alourdir la charge de travail et la charge mentale pesant sur les secrétaires de mairie.

Ces conditions de travail comportent, en zone rurale, un handicap supplémentaire, puisqu'elles induisent des déplacements longs et fréquents. Il n'est pas rare que les secrétaires de mairie doivent, dans la même semaine et avec leur véhicule personnel, se déplacer d'une mairie à l'autre, parfois distantes de plusieurs dizaines de kilomètres. Le télétravail ne constitue pas une alternative à ces déplacements dans la mesure où les fonctions impliquent entre autres des permanences d'accueil du public en mairie.

À la contrainte de mobilité s'ajoutent donc les temps de trajet, les coûts de déplacement et la fatigue accumulée.

Enfin, le niveau de traitement ne constitue guère un encouragement à embrasser sans réserve cette fonction. Ainsi, par exemple, un adjoint administratif (donc un agent de catégorie C) principal de 1ère classe, avec 32 ans d'ancienneté, occupant un emploi de secrétaire de mairie, ne percevra qu'une rémunération de 13,75 euros de l'heure, soit à peine supérieure au SMIC horaire brut (11,52 euros). Ni le niveau de recrutement ni l'ancienneté ne permettent donc d'établir un écart suffisamment notable avec le salaire minimum pratiqué dans le privé, sans parler des rémunérations du privé à même niveau de qualification et d'ancienneté.

II. L'APPORT RÉCENT DU SÉNAT À LA REVALORISATION DU MÉTIER DE SECRÉTAIRE DE MAIRIE : UN PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE À L'UNANIMITÉ

Face à la perte d'attractivité du métier de secrétaire de mairie, le Sénat a adopté, le 6 avril 2023, à l'unanimité, une proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie8(*), à l'initiative de Mme Céline Brulin (Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste, Seine-Maritime) et plusieurs de ses collègues. Resserré et modifié par Mme Catherine Di Folco (Les Républicains, Rhône), rapporteur au nom de la commission des Lois, ce texte a fait l'objet d'un avis de « sagesse » du Gouvernement.

Transmise à l'Assemblée nationale, la proposition de loi (cf. Annexe 1) comprend trois articles portant respectivement sur la prise de poste, la promotion interne et l'élargissement du vivier de candidats.

A. L'INSTAURATION D'UNE FORMATION INITIALE OBLIGATOIRE COMMUNE AUX SECRÉTAIRES DE MAIRIE : FACILITER LA PRISE DE POSTE

Le premier apport de la proposition de loi porte sur la thématique de la formation. Plus précisément, il s'agit d'élever le niveau de formation des agents prenant leur fonction de secrétaire de mairie.

À l'initiative de Catherine Di Folco, cette évolution émane d'un constat : l'offre de formation aujourd'hui dispensée aux agents occupant un emploi de secrétaire souffre d'un double handicap en étant non seulement trop courte mais aussi trop fragmentée. Par conséquent, un socle de connaissances supplémentaires, adaptées à la particularité et à la polyvalence des fonctions exercées, revêt un caractère de nécessité dans le premier temps de la prise de poste.

Ainsi, aux termes de proposition de loi, « outre la formation initiale dont ils bénéficient en application des statuts particuliers dont ils relèvent, les agents qui occupent un emploi de secrétaire de mairie reçoivent, dans un délai d'un an, à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins des collectivités concernées ».

À l'appui de cette disposition, Catherine Di Folco précise que « la spécificité des missions confiées aux secrétaires de mairie [doit conduire] à la création d'une formation obligatoire, commune à l'ensemble des agents concernés, qui serait dispensée par le [Centre national de la fonction publique territoriale] CNFPT »9(*).

Cette formation réalisée au moment de la prise de fonction correspond à un complément à la palette de formations d'ores et déjà ouvertes en cours de carrière pour les agents, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, exerçant les fonctions de secrétaire de mairie. En effet, afin de faciliter le parcours professionnel, la mobilité, la promotion ou encore permettre l'adaptation de l'agent aux évolutions de son métier, des formations sont accessibles10(*), conformément à l'article L. 421-1 du code général de la fonction publique (CGFP). Celui-ci dispose ainsi que « le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie est reconnu à l'agent public ».

Par ailleurs, l'inscription de cette formation supplémentaire dans la loi vise à remédier aux difficultés pratiques limitant l'exercice, par les agents occupants un emploi de secrétaire de mairie, de leur droit à la formation continue. « Manque de temps, nombre de places limitées, éloignement géographique du lieu de formation et, surtout, difficultés à trouver un remplaçant pendant leur absence »11(*) sont autant de motifs soulignés par Catherine Di Folco et justifiant cette formation. En outre, cette mesure doit permettre « de lutter [efficacement] contre l'autocensure des intéressés et de leur faire gagner du temps en leur donnant, dès leur prise de poste, les outils adéquats à l'exercice de leur mission »12(*).

B. LA PRISE EN COMPTE DE L'EXERCICE DES FONCTIONS DE SECRÉTAIRE DE MAIRIE POUR L'ÉTABLISSEMENT DES LISTES D'APTITUDE : ENCOURAGER LA PROMOTION INTERNE

Le deuxième apport de la proposition de loi s'inscrit dans le champ de la promotion interne. Il est ainsi prévu que l'établissement des listes d'aptitude par le président du centre de gestion puisse tenir compte de l'exercice des fonctions de secrétaire de mairie. L'objectif est ici de pallier le manque de perspectives d'évolution de carrière de ces agents.

Certes, le Gouvernement s'est engagé à assouplir les règles de promotion interne dans l'ensemble de la fonction publique territoriale et il mène des travaux préparatoires dans ce sens. Toutefois, sans attendre leur aboutissement et de manière à traiter en priorité le cas des secrétaires de mairie, Catherine Di Folco a estimé nécessaire d'inscrire d'ores et déjà dans le CGFP que, pour leur établissement, « les listes d'aptitude comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie ».

Pour saisir la portée de cette disposition, il convient de rappeler que les conditions d'accès, pour un agent, aux cadres d'emplois relevant de catégories supérieures sont déterminées par les statuts particuliers13(*). Ceux-là déterminent notamment la proportion de postes pouvant être proposée au titre de la promotion interne. Au travers de la mesure introduite par la proposition de loi, les fonctions de secrétaire de mairie se voient accorder une reconnaissance particulière de nature à faciliter le passage à un nouveau cadre d'emploi.

De nature à encourager la mobilité professionnelle des secrétaires de mairie, cette disposition est néanmoins susceptible de s'accompagner aussi de facto d'une nécessité de mobilité géographique pour l'agent concerné. Parfois ressentie comme contraignante, cette conséquence de la promotion interne peut alors représenter un frein objectif à une évolution de carrière. Concrètement, ces considérations renvoient, par exemple, au cas d'un agent secrétaire de mairie qui bénéficierait d'une promotion interne mais pour lequel le conseil municipal n'estimerait pas opportun de créer le nouvel emploi correspondant (pour des motifs budgétaires, par exemple). Tout en se félicitant de l'avancée obtenue au travers de la proposition de loi adoptée, vos rapporteurs ne sous-estiment donc pas cette réalité de terrain qui peut jouer comme un facteur limitant au regard de l'efficacité de la mesure.

C. L'OUVERTURE AUX COMMUNES DE 1 000 À 2 000 HABITANTS DE LA POSSIBILITÉ DE RECRUTER DES CONTRACTUELS POUR LES EMPLOIS À TEMPS PLEIN DE SECRÉTAIRE DE MAIRIE : ÉLARGIR LE VIVIER DE CANDIDATS

Le troisième et dernier apport issu de la proposition de loi traite de la question du recrutement des secrétaires de mairie. Il permet aux communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants d'embaucher des agents contractuels à temps plein sur un emploi de secrétaires de mairie.

Il convient à cet égard de rappeler qu'un tel dispositif est d'ores et déjà en vigueur pour les communes de moins de 1 000 habitants en application de l'article L. 332-8 du CGFP. En revanche, les collectivités comptant plus de 1 000 habitants n'ont le droit de recruter que des agents contractuels à temps non complet plafonné à 50 % d'un temps complet.

L'extension introduite par la proposition de loi, à l'initiative de Catherine Di Folco, vise donc à atténuer les difficultés croissantes de recrutement rencontrées par les mairies. Pour mémoire, « à la date du 10 mars 2023, 1 919 postes de secrétaire de mairie étaient à pourvoir »14(*), et l'on a mis en évidence (cf. Partie I. B.) la problématique de la pyramide des âges de cette profession, alertant sur l'aggravation de la situation dans les prochaines années.

Afin de fixer les idées sur les ordres de grandeur et la portée de cette mesure, il est rappelé que, selon les dernières données chiffrées mises à disposition par la direction générale des collectivités locales (DGCL)15(*), on dénombre 4 518 communes situées entre 1 000 et 2 000 habitants.

I. III. LES RECOMMANDATIONS POUR POURSUIVRE LA MODERNISATION DU MÉTIER DE SECRÉTAIRE DE MAIRIE ET EN FAIRE UN MÉTIER D'AVENIR

A. MIEUX RECONNAÎTRE CE MÉTIER

De manière unanime, les secrétaires de mairie font part d'un manque de reconnaissance dans leur métier. Ce ressenti s'ajoute à de multiples freins rendant difficiles leurs fonctions : une charge de travail importante, des amplitudes horaires larges16(*), des interruptions fréquentes au cours de la journée, une charge mentale et un sentiment d'isolement, mais aussi des astreintes le week-end, notamment avec les mariages, les élections, les baptêmes civils. Et pourtant ces agents mettent aussi en avant de nombreux aspects positifs dans leur mission, comme l'autonomie, la relation avec les élus, la polyvalence et le sens dans leur travail.

Aussi est-il nécessaire de donner un nouvel élan à ce métier en faisant des propositions concrètes pour le valoriser. L'évolution doit être l'occasion de simplifier et clarifier le statut des secrétaires de mairie.

1. Le changement d'appellation : de secrétaire de mairie à « secrétaire général de mairie »

La recherche de reconnaissance juridique et administrative des secrétaires de mairie passe souvent, au sein de la profession, par la revendication d'un statut d'emploi spécifique. Toutefois, vos rapporteurs rappellent les réserves exposées par Catherine Di Folco dans son rapport pour avis précité.

La création d'un statut d'emploi spécifique, une option à écarter

« [...], créer un statut d'emploi dans les communes de moins de 2 000 habitants, qui serait accessible [...] à l'ensemble des catégories de la fonction publique, pose la question de la grille indiciaire à appliquer : si celle-ci était trop éloignée de la catégorie C, elle remettrait en question les équilibres de rémunération entre les trois catégories, tandis que si elle était trop proche de la catégorie C, elle impliquerait une faible évolution salariale.

Par ailleurs, l'accès à un statut d'emploi s'effectue, pour les fonctionnaires, par la voie du détachement. Or, la majorité des secrétaires de mairie travaillent à temps non complet, et ont donc plusieurs emplois. Le fonctionnaire ne pouvant être placé que dans une seule position statutaire, il lui est donc impossible d'être détaché sur plusieurs emplois.

En outre, la procédure de détachement pourrait être une source de complexité administrative et de gestion pour les communes de moins de 2 000 habitants.

Pour le rapporteur, la création d'un statut d'emploi n'apparaît donc pas comme un moyen d'offrir des perspectives de carrière améliorées aux agents visés, ni comme un facteur particulier d'attractivité pour de futurs candidats. »

Source : rapport pour avis précité

Bien que nourrissant beaucoup les imaginations, la création d'un statut d'emploi aurait pour conséquence d'introduire de la rigidité, voire d'enfermer dans un cadre administratif très contraint, là où de la souplesse est aujourd'hui appréciée. Un tel cadre rendrait plus difficile la mobilité et la mutation sur d'autres postes de la fonction publique. Le fait est, en revanche, que les images d'Épinal communément véhiculées par le terme de « secrétaire » contribuent à forger une image en décalage avec la réalité de ce métier. Elles l'ancrent dans un registre désuet, routinier et bureaucratique, très éloigné des attentes des candidats sur le marché de l'emploi, surtout parmi les jeunes générations.

Il s'agit donc aujourd'hui de définir clairement, en droit, les missions des secrétaires de mairie.

On l'a vu (cf. Partie I), compte tenu du contexte et de son évolution, le métier exige de plus en plus de compétences et de polyvalence. Cette évidence amène à considérer que le poste de secrétaire et secrétaire général de mairie devrait être tenu par un agent soit de catégorie B (rédacteur territorial) soit, quand cela se révèle nécessaire, de catégorie A (attaché territorial). Or, une majorité de secrétaires de mairie sont actuellement en catégorie C et la plupart des recrutements s'opère également encore en catégorie C.

Il s'agit donc d'encourager le recrutement de secrétaires de mairie à un niveau au moins équivalent17(*) à la catégorie B. Dans ce cadre, vos rapporteurs préconisent de créer le titre de « secrétaire général de mairie » quand le poste est tenu par un agent de catégorie B, (ou de catégorie A s'il n'est pas DGS).

Dans cette logique, les agents de catégorie A pourraient alors soit être appelés « secrétaire général de mairie » s'ils exercent dans une commune de moins de 3 500 habitants, soit conserver leur titre de directeur général des services (DGS dans les communes de plus de 2 000 habitants). Pour ces agents, il est rappelé que le choix du poste fonctionnel18(*) de DGS relève d'une délibération du conseil municipal et, bien évidemment, de l'acceptation par l'agent.

Le titre ne doit pas être fonction de la strate de la commune, mais bien de l'agent qui exerce la fonction. C'est une reconnaissance de la formation et un encouragement à progresser vers le statut de secrétaire général de mairie qui a vocation à devenir, à moyen terme, le statut majoritaire.

Proposition n° 1 : créer le titre de « secrétaire général de mairie » quand le poste est tenu par un agent de catégorie B. Prévoir que les agents de catégorie A puissent soit devenir « secrétaire général de mairie », quelle que soit la strate (- 3 500 habitants), soit demeurer « directeur général des services » (+ 2 000 habitants).

Délai : 1 an

Acteur(s) : Parlement et direction générale des collectivités locales (DGCL)

La création du « secrétaire général de mairie » sera l'occasion, par mesure de coordination, de toiletter un ensemble de textes règlementaires rattachés, dont l'empilement dans le temps a fini par nuire à la cohérence des missions, statuts, obligations et avantages liés au poste de secrétaire de mairie.

Proposition n° 2 : dans une logique de clarté et de simplification administrative : établir une circulaire cadre recensant les différents statuts, missions, sujétions et avantages des différents postes de direction occupés en collectivité territoriale, et présentant les concordances avec les postes occupés dans les établissements publics de coopération intercommunale.

Délai : 1 an

Acteur(s) : Direction générale des collectivités locales (DGCL)

2. La création d'une prime de responsabilité

Au-delà de la reconnaissance juridique et administrative, se pose aussi la question de la reconnaissance financière des responsabilités assumées et de la polyvalence du poste. La faiblesse relative du niveau de traitement attaché à ce métier nuit incontestablement à son attractivité. Au-delà de la grille indiciaire propre à la fonction publique, deux leviers financiers existent d'ores et déjà pour améliorer la situation financière des secrétaires de mairie, mais il reste à les mettre pleinement en application au niveau des communes. Un troisième levier pourrait utilement compléter l'arsenal et contribuer à la reconnaissance des responsabilités confiées à ces agents.

Le premier levier consiste en la nouvelle bonification indiciaire (NBI), qui est liée à la fonction occupée par l'agent. En application du décret n° 2022-281 du 28 février 2022 relatif à la NBI des secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants, cette bonification a été revalorisée de 15 points le 1er mars 2022. La revalorisation s'est traduite par un gain brut d'un peu plus de 70 euros par mois. Toutefois, elle ne concerne que les agents dans les communes de moins de 2 000 habitants et laisse donc de côté le cas des secrétaires de mairie des communes de 2 000 à 3 500 habitants19(*). Par ailleurs, elle ne bénéficie qu'aux agents ayant le statut de fonctionnaire et pas aux personnels contractuels, creusant ainsi les différences entre les deux types de profil. Enfin, pour entrer en vigueur à l'échelle de la commune, encore faut-il qu'un arrêté soit pris par le maire, ce qui reste à faire dans nombre de communes de moins de 2 000 habitants. En application de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le deuxième levier existant correspond au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP). Il est davantage lié à l'agent (niveau de qualification, motivation, engagement, mobilité sur plusieurs postes, astreintes du week-end) qu'à la fonction.

Qu'est-ce que le RIFSEEP ?

Le RIFSEEP se définit comme un complément facultatif de rémunération. Il a vocation à remplacer progressivement l'ensemble des primes et indemnités existantes attribuées par les collectivités territoriales et leurs établissements.

Il s'applique à l'ensemble des agents publics à l'exception des salariés relevant du code du travail.

Il est versé dans le respect du principe de légalité (ie en fonction de l'existence d'un texte législatif ou réglementaire) et dans la limite des montants versés aux agents de l'État, en application du principe de parité entre les deux fonctions publiques (nationale et territoriale).

Cependant, trois freins viennent réduire l'impact attendu de ce mécanisme sur le niveau de traitement et l'attractivité des postes de secrétaire et secrétaire général de mairie :

- la délibération requise pour son entrée en vigueur au niveau de la commune n'a pas encore été prise partout. Le retard est notamment à signaler parmi les plus petites des communes. Les directions départementales des finances publiques (DDFiP) doivent avoir un rôle pour inciter à la mise en place du RIFSEEP dans l'ensemble des communes ;

- les montants versés au titre du RIFSEEP sont bien en-deçà des plafonds autorisés. Ainsi, par exemple et selon une étude de la direction générale des collectivités locales (DGCL) à partir des montants établis en 2019, le régime indemnitaire moyen s'élevait à 5 408 euros pour les adjoints administratifs territoriaux, contre un plafond autorisé à 12 600 euros ;

- le RIFSEEP ne s'applique pas automatiquement aux personnels contractuels et les délibérations qui instituent le régime indemnitaire ne prévoient pas toujours cette extension à cette catégorie de personnels.

Le décret n° 2022-1362 du 26 octobre 2022 modifiant le décret n° 88-631 du 6 mai 1988 relatif à l'attribution d'une prime de responsabilité à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés précise que les agents publics exerçant un emploi fonctionnel de direction, tels que les DGS d'une commune de plus de 2 000 habitants ou d'une communauté de communes de plus de 10 000 habitants, peuvent cumuler une prime de responsabilité avec le RIFSEEP. Pour le calcul de cette prime de responsabilité, on applique au montant du traitement, soumis à retenue pour pension, un taux individuel, fixé dans la limite d'un taux maximum de 15 %.

Vos rapporteurs proposent de créer une prime équivalente de responsabilité aux secrétaires de mairie et aux secrétaires généraux de mairie, dans la mesure où ces emplois, dans les petites communes, correspondent au même niveau de responsabilité que ceux des emplois fonctionnels de direction institués dans des communes plus importantes. Cette prime pourrait alors être assise sur différents critères (liste non exhaustive, à définir par voie réglementaire) tels que :

- le nombre d'habitants (permanents et/ou saisonniers) ;

- le nombre ou le montant des budgets suivis ;

- le nombre d'agents de la collectivité ;

- la position d'encadrement hiérarchique ou de management ;

- le fait que l'agent soit seul à la mairie ;

- le suivi d'équipements présents sur le territoire de la commune (Maison France Services, bibliothèques, équipements liés à un site touristique, école, agence postale communale...).

Attribuée à tous les secrétaires et secrétaires généraux de mairie, cette prime de responsabilité aura le mérite de prendre en compte les responsabilités que ces agents portent, souvent seul. À cet égard, il faut d'ailleurs rappeler que, depuis le 1er janvier 2023, ils ont également la responsabilité personnelle et pécuniaire de gestionnaires publics. Du point de vue du régime des pensions de retraite de la fonction publique, les primes présentent toutefois un inconvénient bien identifié. Les indemnités sont en effet moins prises en compte dans le calcul des droits à pension que le revenu indiciaire, et ce malgré le dispositif de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP).

Comment se calcule la RAFP ?

La RAFP est une pension de retraite complémentaire à la retraite de base de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

La cotisation à ce régime tient compte des éléments de rémunération que sont les primes et indemnités (quelles qu'elles soient), ainsi que les avantages en nature (logement ou véhicule de fonction, par exemple).

L'ensemble de ces éléments de rémunération est pris en compte dans la limite de 20 % du montant du traitement indiciaire brut annuel. De-là est ensuite calculé le montant de la cotisation, à hauteur de 5 % des rémunérations prises en compte dans le plafond mentionné. Le montant annuel des cotisations patronales de l'administration employeur est identique.

Exemple :

Pour un traitement indiciaire brut de 18 000 euros par an et des primes pour un montant annuel total brut de 5 400 euros, la cotisation sur le montant des primes s'établit dans la limite de 20 % de 18 000 euros, soit 3 600 euros. La cotisation annuelle s'élèvera ainsi à 3 600 euros x 5 % = 180 euros. Le montant annuel des cotisations patronales de l'administration employeur est identique.

Source : d'après le site www.service-public.fr

Pour que les effets positifs de la prime de responsabilité créée et de la revalorisation du RIFSEEP préconisée se fassent sentir sur l'ensemble du cycle de vie de l'agent, y compris au niveau du calcul de la pension de retraite, vos rapporteurs soulignent la nécessité de réviser l'assiette de cotisation du RAFP et son plafond.

De l'analyse menée par vos rapporteurs, il résulte donc les quatre propositions suivantes pour une meilleure reconnaissance salariale.

Proposition n° 3 : créer une prime de responsabilité pour les emplois de secrétaire de mairie et de secrétaire général de mairie désignés par arrêté du maire, dont le montant sera fixé par le maire sur la base de critères objectifs clairement établis par voie réglementaire.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Parlement, direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et direction générale des collectivités locales (DGCL).

Proposition n° 4 : mettre en place une procédure de nomination du secrétaire ou secrétaire général de mairie par un arrêté du maire qui vaut attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et mise en place de la prime de responsabilité pour les communes de moins de 3 500 habitants. Il est rappelé qu'il ne peut y avoir qu'un seul secrétaire de mairie, secrétaire général de mairie ou DGS par collectivité.

Cette préconisation implique l'extension du bénéfice de la NBI pour les secrétaires de mairie et secrétaires généraux de mairie pour les communes de 2 000 à 3 500 habitants.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Maires, direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

Proposition n° 5 : adopter la délibération, lorsqu'elle n'a pas encore été prise par la commune, en vue de l'entrée en vigueur du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Conseils municipaux.

Proposition n° 6 : réviser l'assiette de cotisation du régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) et son plafond (30 % au lieu de 20 %).

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Parlement.

Les propositions du présent rapport ont pour objectif de favoriser l'attractivité de ces postes, notamment avec la NBI (liée à l'exercice de la fonction) et la prime de responsabilité (liée à l'exercice du poste).

Pour autant, il conviendra de veiller à l'équité avec les contractuels en poste : ils ne seront en effet pas impactés par les évolutions proposées, mais ils ne devront pas non plus s'en trouver pénalisés. La mission préconise donc d'engager des négociations avec les agents recrutés sous le statut contractuel pour prendre en compte, le cas échéant, les évolutions ainsi apportées aux agents sous statut de la fonction publique.

Pour conclure sur le volet de la reconnaissance par la rémunération, le schéma ci-dessous reprend la logique d'ensemble.

B. FAIRE MONTER EN COMPÉTENCE CES AGENTS 

La plupart des métiers ont une formation dédiée en vue de préparer les jeunes à les exercer, ou les personnes en reconversion à s'y réorienter. Mais vos rapporteurs regrettent que les secrétaires et les secrétaires généraux de mairie n'aient pas (ou guère), jusqu'à présent, ce type de formation spécifique. Face aux besoins qui se font sentir dans tous les territoires, de nombreuses initiatives territorialisées tendent à se développer, mais de manière disparate et sous forme de diplômes universitaire (DU), aux niveaux de qualification ou aux contenus très différents malgré des intitulés identiques.

Pour faciliter le recrutement sur les postes de secrétaire et secrétaire général de mairie et garantir le niveau de compétences de ces agents, il est aujourd'hui urgent de structurer le parcours de formation initiale mais également tout au long de la carrière.

1. En amont du recrutement : la création au niveau national d'une filière universitaire de formation au métier

Parmi les paradoxes caractérisant la fonction de secrétaire et secrétaire général de mairie, on ne peut manquer de relever qu'aucune formation initiale spécifique ne s'attache à préparer à cette responsabilité, alors que ces agents sont essentiels au bon fonctionnement de nos mairies. L'une des explications tient vraisemblablement au passé de cette fonction, tenue historiquement par l'instituteur de la commune. Implicitement, on a ainsi pu considérer acquis que les secrétaires de mairie arrivent avec leur « bagage » de connaissances générales et se trouvent de fait suffisamment outillés pour faire face aux aléas, la confrontation au terrain permettant ensuite de combler les manques.

Cette croyance ne résiste cependant plus à la réalité des affaires communales, face à leur complexité et leur exigence de technicité dans des champs toujours plus vastes.

Bien que tardive, cette prise de conscience n'en demeure pas moins bien réelle. Elle se traduit d'ailleurs par une multiplicité d'initiatives locales, alliant les communes, les CDG, les associations d'élus, les établissements universitaires et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Le panorama des initiatives locales en matière de formation initiale

Ces initiatives émanent souvent d'universités et prennent la forme d'un DU, plus facilement mis en place qu'une licence professionnelle nécessitant une validation au niveau national. C'est le cas, par exemple, à l'Université catholique de l'Ouest, l'Université de Limoges ou l'Université de Nîmes.

Parfois en partenariat avec des associations d'élus, elles répondent toutes à un besoin pressant et urgent des collectivités territoriales de former du personnel et de susciter des vocations.

Accessibles au niveau BAC ou équivalent, ces formations sont récentes et offrent un nombre de places assez réduit, entre 15 et 30 étudiants par promotion. Cette taille réduite facilite toutefois le suivi pédagogique et l'obtention d'un stage.

L'organisation de ces formations consiste en une recherche d'équilibre entre théorie et pratique, dans l'objectif de répondre à la polyvalence attendue dans l'exercice du métier de secrétaire de mairie. Il s'agit de fournir aux étudiants un contenu à la fois en termes de connaissances générales (droit administratif, finances publiques, décentralisation...) mais aussi « pratico-pratique » (maîtrise des logiciels), ce qui se traduit par des interventions pouvant mêler professionnels et universitaires.

À l'issue de la formation, les étudiants formés partent travailler en collectivité, l'insertion étant facilitée par le stage.

À titre d'exemple, l'Université Catholique de l'Ouest propose dès la rentrée prochaine, en partenariat avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF), une formation initiale spécifiquement destinées aux futurs secrétaires de mairie, en alternance (15 jours en cours / 15 jours en stage dans une mairie), pour un total de 247 heures de cours à la fois théoriques et pratiques.

Face à la multiplicité des initiatives et des formations sur le territoire, il semble pertinent de ne pas perdre de temps pour :

1. uniformiser (niveau d'entrée ou pré-requis, contenus, attendus...) les DU existants et faire que ces formations soient certifiantes, inscrites au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ;

2. créer et uniformiser un diplôme d'État (au niveau BTS, licence professionnelle ou apprentissage).

Dans cette organisation d'ensemble, il conviendrait en outre que ces formations soient accessibles également en formation continue, dans le cadre d'une reconversion professionnelle ou d'un agent en poste en recherche de perfectionnement.

Le financement de ces formations devrait pouvoir s'appuyer sur divers partenaires (Pôle emploi, Régions, CNFPT...) et passer également par le Compte personnel de formation (CPF), en lien avec France compétences.

Afin de préciser ces grandes orientations, vos rapporteurs estiment nécessaire qu'une mission d'évaluation soit diligentée en vue de la création d'une filière universitaire dédiée à la formation au métier de secrétaire général de mairie.

Proposition n° 7 : demander au Gouvernement un rapport d'évaluation des voies et moyens pour créer, au niveau national, une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie.

Délai : 1 an

Acteur(s) : Parlement

2. À la prise de poste : un accompagnement rapproché

Qu'il ait été en poste dans la fonction publique lors de ses précédentes fonctions ou qu'il vienne du secteur privé, le nouvel agent doit être accompagné dans ses premiers pas dans la mairie au moment de sa prise de poste. Cet accompagnement sur les premiers mois constitue autant un gage de réussite dans le poste qu'un accélérateur de prise de responsabilités. Souffrant souvent d'une forme d'isolement, les secrétaires et secrétaires généraux de mairie doivent pouvoir bénéficier d'un environnement de travail attentif aux inévitables difficultés d'une prise de poste.

Tel est d'ailleurs l'un des objectifs visés par la proposition de loi adoptée par le Sénat le 6 avril 2023. Pour faciliter l'intégration dans le poste, on peut imaginer une formation spécifique ordonnée autour de contenus pratico-pratiques et de stages dans les communes (y compris dans de grandes collectivités, au sein des services de l'état-civil, de l'urbanisme...). Cette formation serait organisée par le CNFPT en lien avec le CDG.

En complément de cet accompagnement au démarrage, pourraient être mis en place des dispositifs de soutien continu dans le temps. Paraissent ainsi particulièrement appropriées à l'objectif poursuivi les formules de tutorat, en créant un corps de tuteurs formés, identifiés et rémunérés. Ce tutorat peut prendre la forme d'un accompagnement général (coaching), mais aussi passer par la création de référents thématiques (pour l'état-civil, l'urbanisme, les marchés public, l'organisation des élections...). Le CDG pourrait en être l'organisateur et mettre en relation les agents qui souhaitent être tuteur avec les secrétaires de mairie nouvellement en poste.

Pourrait enfin être instauré un service « Allô Secrétaire de mairie » et, éventuellement, une boîte mail dédiée, soit au niveau national soit au niveau local, pour répondre aux urgences et rendre une réponse de premier niveau.

Proposition n° 8 : pour aider à la prise de poste, encourager le tutorat, développer le service d'accompagnement (grâce notamment aux services de secrétaires de mairie itinérants et à des formations spécifiques dispensées par le centre de gestion - CDG - en lien avec le centre national de la fonction publique territoriale - CNFPT -), instaurer un service « Allô secrétaire de mairie ».

Délai : 3 ans

Acteur(s) : Centres de gestion.

3. Pour les agents en poste : le renforcement de la formation continue

L'accès à une formation continue tout au long de la carrière représente un enjeu essentiel pour l'affirmation et la reconnaissance d'un métier. Or, de manière quasi unanime, les secrétaires de mairie témoignent de difficultés pour participer aux sessions de formation continue. Ces difficultés peuvent tenir à un site de formation trop éloigné de leur lieu de travail ou de leur domicile, une formation annulée par manque de candidats, ou encore une absence du bureau impactant trop lourdement la charge de travail au retour de la formation. Au surplus, il est souvent regretté par les secrétaires de mairie des formations trop théoriques et pas assez pratiques, tout comme le fait que ces formations ne sont pas certifiantes, le CNFPT ne disposant pas encore de la certification dite « Qualiopi »20(*).

Les freins à la formation des secrétaires de mairie

Lieu de la formation trop éloigné

49 %

Manque de temps

33 %

Absence de remplacement

14 %

Refus et annulations de stages

4 %

Source : enquête réalisée en 2021 par le CDG 73 auprès des 216 communes de moins de 2 000 habitants

Souvent, formation initiale et formation continue vont de pair. Les formations de type DU recouvrent en effet fréquemment ces deux volets, s'adressant ainsi à la fois aux étudiants, à des personnes en reprise d'études ou déjà en poste ayant besoin de monter en compétences, ainsi qu'à des demandeurs d'emploi. C'est notamment le cas des formations proposées par l'Université de Nîmes et celle de Limoges.

Au vu de ces constats, il paraît indispensable d'adapter la formation continue pour les secrétaires et secrétaires généraux de mairie en mettant en place une formation spécifique et concrète, délocalisée dans les départements si besoin. Afin de répondre au plus près aux attentes, ces cycles de formation pourraient être créés en lien avec le CNFPT, le CDG et les universités qui ont mis en place une formation initiale (licence professionnelle ou DU). L'objectif consiste à permettre un perfectionnement des pratiques professionnelles et à donner la possibilité aux secrétaires et secrétaires généraux de mairie de ressortir de la formation avec des procédures, des modèles et un enrichissement du réseau professionnel.

Le CNFPT a développé des webinaires à destination des secrétaires de mairie et des MOOCS permettant à ces agents de se former à leur rythme. Certains de ces MOOCS permettent d'obtenir, en fin de session, une certification qui viendra compléter un éventuel dossier de promotion interne. La mission ne peut qu'inciter le développement de ce type de formations, qui font l'objet de retours très positifs des agents les ayant suivis.

Proposition n° 9 : renforcer la formation continue avec un accent porté sur la pratique professionnelle. Favoriser impérativement le rapprochement entre le site de formation et le lieu de travail.

Délai : 3 ans

Acteur(s) : Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), Centres de gestion (CDG) et établissements universitaires

C. OFFRIR DES PERSPECTIVES DE CARRIÈRE

L'agent occupant un poste de secrétaire de mairie doit se voir offrir des possibilités pour poursuivre sa carrière et évoluer, s'il le souhaite, sur un poste équivalent ou dans un grade équivalent. Des points de vue entendus par vos rapporteurs, il ressort une convergence très claire sur le constat suivant : les missions de secrétaire de mairie relèvent davantage de la catégorie B. La complexité de l'environnement de travail et la technicité des dossiers à faire avancer fondent largement cette exigence de niveau.

Pourtant, de facto, peu de postes de secrétaire de mairie sont ouverts en catégorie B. Il convient donc de pouvoir aider les secrétaires de mairie en poste à atteindre ce grade, si cela correspond à leurs aspirations, et, dans le même temps, accompagner les maires à bien prendre en compte la technicité de cet emploi.

La satisfaction de cet objectif passe par un encouragement porté à toutes les initiatives en matière de formation initiale de nature à faciliter les embauches à venir à un niveau de catégorie B a minima. Par ailleurs, il convient de promouvoir les autres initiatives (reconnaissance de l'expérience acquise ou formation qualifiante permettant de progresser sur le grade supérieur) visant à rendre effective l'évolution des secrétaires de mairie de la catégorie C vers la catégorie B.

Afin de permettre cette évolution, il conviendrait de prévoir une promotion auprès des maires, des missions et des responsabilités des secrétaires et secrétaires généraux de mairie.

1. La promotion interne simplifiée

Dans la proposition de loi qu'il a adoptée à l'unanimité (Cf. Partie II), le Sénat a pris soin de prévoir une disposition permettant une meilleure prise en compte des acquis de l'expérience des secrétaires de mairie dans la procédure de promotion interne. Pour rappel, ce texte garantit que « les listes d'aptitude comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie ». Afin d'être en cohérence avec le présent rapport, il conviendrait de rajouter « secrétaire général de mairie ».

Le double intérêt de cette mesure réside dans le fait que, d'une part, elle concerne tous les secrétaires de mairie, quelle que soit leur catégorie (A, B ou C), et, d'autre part, elle présente un caractère pérenne.

Des dispositions proches sont visées par la proposition de loi déposée le 1er mai 2023 sur le Bureau du Sénat21(*), par François Patriat et plusieurs de nos collègues. Soumise à l'avis de la commission des Lois, cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour du Sénat le 14 juin 2023. Cette proposition ouvre une « fenêtre de tir », jusqu'au 31 décembre 2028, de promotion interne pour les agents de catégorie C exerçant les fonctions de secrétaire de mairie, « sans qu'une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée ». Autrement dit, il serait organisé, sur une période limitée (soit jusqu'en 2028), un plan facilité de requalification des secrétaires de mairie de catégorie C dans un cadre d'emploi de catégorie B.

Vos rapporteurs estiment néanmoins nécessaire d'ouvrir par la loi le dispositif de requalification aux agents de catégorie B exerçant les fonctions de secrétaire et secrétaire général de mairie. Ceux-là pourraient ainsi, par analogie avec les agents de catégorie C, espérer une promotion interne dans un cadre d'emploi de catégorie A sans être contraints par le système de quota sur la liste d'aptitude.

Ainsi enrichi, le système de promotion interne pour les agents de catégorie C souhaitant passer en B et ceux de catégorie B souhaitant passer en A se fondera sur la reconnaissance à sa juste valeur de l'expérience professionnelle. Ce dispositif permettra de répondre aux attentes des agents en poste et sera utilement complété par le dispositif pérenne introduit par la précédente proposition de loi, qui répondra aux agents sur ces postes à l'avenir.

Il conviendrait également d'associer la possibilité de bénéficier de la promotion interne simplifiée au fait d'avoir suivi un cycle de formation continue au métier de secrétaire de mairie, validé par un jury ou un examen professionnel (dont le contenu pourrait être fixé par décret). En effet, si elle n'est pas accompagnée d'un effort de formation, la promotion interne des personnels actuellement en poste n'aboutira pas à l'objectif poursuivi, à savoir la montée impérative en compétences des secrétaires de mairie.

Enfin, concernant les agents de catégorie A, il est rappelé qu'en application de l'article 2 de la loi n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut du cadre d'emplois des attachés territoriaux, un attaché principal ne peut pas exercer dans une mairie de moins de 2 000 habitants. Vos rapporteurs recommandent de revenir sur cette interdiction si l'attaché principal y occupe un emploi de secrétaire général de mairie22(*). Cette faculté permettra une évolution de carrière aux agents de catégorie A qui, sans cela, sont contraints de changer de collectivité pour faire évoluer leur carrière.

Proposition n° 10 : ouvrir, par la loi, aux agents de catégorie B et C exerçant les fonctions de secrétaire de mairie et de secrétaire général de mairie une faculté de promotion interne, sans qu'une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée.

Délai : 1 an

Acteur(s) : Parlement

Proposition n° 11 : permettre aux attachés territoriaux principaux d'exercer dans une commune de moins de 2 000 habitants, s'ils exercent les fonctions de secrétaire général de mairie.

Délai : 1 an

Acteur(s) : Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et direction générale des collectivités locales (DGCL)

On peut imaginer que cette promotion interne simplifiée et accélérée comporte une contrepartie pour les agents en bénéficiant. Ainsi, afin de garantir un temps de service minimal dans l'emploi, l'agent promu pourrait, par exemple, avoir à satisfaire une obligation d'au moins trois ans (à compter de la promotion) d'exercice dans le poste.

2. La possibilité d'avoir une progression de carrière

L'un des ressorts pour restaurer l'attractivité du métier de secrétaire et secrétaire général de mairie et pour entretenir la mobilisation des personnels en place réside dans la perspective de pouvoir réellement avoir une progression de carrière. Or, cette perspective est aujourd'hui très largement absente, de l'avis des secrétaires de mairie, car les conditions de cette progression ne sont pas réunies.

Dans le nouveau modèle proposé par vos rapporteurs, un réel déroulement de carrière sera possible, balisé de la manière suivante :

- l'agent de catégorie C sera secrétaire de mairie ;

- l'agent de catégorie B ou A sera secrétaire général de mairie ;

- l'agent de catégorie A pourra être DGS (emploi fonctionnel).

La différence entre un secrétaire de mairie et un secrétaire général de mairie ne sera donc pas liée au nombre d'habitants dans les communes considérées23(*), mais fonction du grade de l'agent.

Outre la lisibilité de la progression de carrière, le modèle proposé sera de nature à permettre d'éviter les confusions entre secrétaire de mairie, secrétaire général de mairie et DGS, et donc à lever les ambiguïtés concernant l'application de la NBI ou encore les conditions de délégation de signature ou de responsabilités.

Au final, l'objectif poursuivi peut se résumer de la manière suivante :

- recruter de plus en plus en catégorie B ou en catégorie A ;

- inciter et accompagner le passage de catégorie C à catégorie B de manière massive ;

- permettre des évolutions facilitées de catégorie C à catégorie B, de catégorie B à catégorie A et de catégorie A au grade d'attaché territorial principal.

Le schéma ci-dessous décrit la cohérence du système proposé.

D. ACCOMPAGNER DANS L'EXERCICE DU MÉTIER

L'exigence de polyvalence, la complexité administrative, l'inflation normative et l'isolement relatif auxquels sont confrontés les agents sur un poste de secrétaire de mairie rendent d'autant plus nécessaires un soutien et un accompagnement rapprochés de ces personnels dans leurs missions au quotidien. Le maire et l'équipe municipale y pourvoient évidemment aussi efficacement qu'ils le peuvent, mais leur aide est très vite freinée par la technicité des questions à traiter. Autant d'arguments qui rendent impératif de développer un arsenal d'aide au service des secrétaires et secrétaire général de mairie.

1. L'effet de réseau à faire jouer

Les secrétaires de mairie apprécient leur métier en ce qu'il est pourvoyeur d'une large autonomie. Toutefois, l'ensemble de ces agents est aussi demandeur d'un accompagnement en cas de besoin, notamment en faisant partie d'un réseau professionnel structuré. En 2020, le CDG de la Lozère a conduit une enquête sur la « qualité de vie du travail et [l'] organisation du travail des secrétaires de mairie ». Il en ressort notamment que « 80 % des secrétaires de mairie déclarent ne faire partie d'aucun réseau professionnel, et en éprouvent le besoin dans l'immense majorité des cas ».

D'ores et déjà, un grand nombre, pour ne pas dire la plupart, des CDG accompagnent les secrétaires de mairie au travers de diverses initiatives. Ces actions peuvent même être conduites de longue date, comme dans le cas du CDG du Territoire de Belfort. Ainsi, ce CDG a mis en place, dès les années 1990, des conventions de « partage d'un savoir-faire ». Le principe en est simple : un secrétaire ou secrétaire général de mairie nouvellement recruté est formé par un secrétaire ou secrétaire général de mairie expérimenté, en s'appuyant sur une convention portée par le CDG24(*).

Dans chaque département, le développement et l'animation du réseau des secrétaires de mairie paraît logiquement devoir relever du CDG, en lien avec les associations représentant les élus (AMF et AMRF).

L'animation du réseau des secrétaires et secrétaire général de mairie : quels chantiers ?

Afin d'orienter la constitution et le développement d'un réseau de secrétaire de et secrétaire général de mairie dans chaque département, vos rapporteurs ont identifié plusieurs pistes de travail. La formalisation d'un tel réseau consisterait ainsi à la mise en place de :

• un répertoire des secrétaires de mairie du département (coordonnées, photos...) avec leurs expertises le cas échéant ;

• un dispositif d'accueil des secrétaires de mairie entrant en poste ;

• une plateforme d'échanges (pratiques, expériences...) proposant des contenus du type « boite à outils » (veille juridique, réglementation applicable, FAQ, modèle d'actes...) ;

• des ateliers thématiques ;

• des congrès départementaux, comme le préconise aussi l'association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion de la fonction publique territoriale (ANDCDG) ;

• un accès à des formations à distance (MOOC, webinaires...).

Il ressort en outre des échanges avec les secrétaires de mairie qu'il existe des disparités dans les documentations proposées par les CDG. Ceux-ci ont en effet des niveaux d'expertise différents. Par exemple, le CDG d'Ille-et-Vilaine a développé une compétence particulière sur les congés, quand celui de la Sarthe a approfondi la thématique des paies. Il pourrait donc être envisagé, pour ce qui concerne la documentation et la veille juridique, la création d'un site unique recensant les principales documentations des CDG.

À cet égard, il faut rappeler que les missions des CDG s'établissent selon une liste fixée en application des articles L. 452-34 à L. 452-48 du CGFP. Il est distingué entre des missions obligatoires25(*) et des missions facultatives attribuées aux centres26(*). Mais aucune de ces missions ne renvoie directement au soutien à apporter aux secrétaires de mairie.

C'est pourquoi vos rapporteurs estiment utiles de compléter la liste des missions des CDG par une mention particulière à l'accompagnement des secrétaires de mairie. Cette mention explicite ne fera d'ailleurs qu'inscrire en droit une pratique déjà répandue parmi les CDG.

De ces considérations, vos rapporteurs ressortent donc les deux propositions suivantes visant à faire efficacement jouer l'effet réseau.

Proposition n° 12 : inscrire dans le code général de la fonction publique (CGFP) une mission obligatoire, pour les centres de gestion, d'animation du réseau des secrétaires de mairie et secrétaires généraux de mairie.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Parlement.

Proposition n° 13 : créer un site unique recensant les principales documentations des centres de gestion.

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Centres de gestion (CDG).

2. Le remplacement des secrétaires de mairie

La spécificité des conditions de travail des secrétaires et secrétaires généraux de mairie engendre un problème délicat à résoudre : en l'absence de cet agent, la charge de travail s'accumule et il peut même être compliqué d'ouvrir la mairie au public. Cette problématique liée aux absences se fait fortement ressentir lors des congés, des arrêts maladie ou des vacances de postes. Elle a aussi des conséquences lourdes sur les choix des secrétaires et secrétaires généraux de mairie, devant souvent se résigner à éviter de s'inscrire à des formations en présentiel.

Certains CDG ont mis en place un service de remplacement des secrétaires de mairie pour remédier aux absences de leur secrétaire de mairie lors de congés, d'arrêt maladie ou de vacances de poste. Ce service de remplacement pourrait être renforcé pour pallier les absences des secrétaires et secrétaires généraux de mairie lors de leur formation.

Le service de remplacement des secrétaires de mairie du CDG du Territoire de Belfort

Le service de secrétariat de mairie itinérant a été fondé en 2019. Il totalise pour l'heure 162 jours d'activité répartis sur 15 communes différentes (sur les 101 que compte le département).

Dans environ 80 % des cas, il s'agit de remplacer le secrétaire de mairie titulaire à l'occasion soit d'un départ, soit d'un arrêt maladie. Le reste des cas correspond à du renfort lors d'un surcroît d'activité.

Les missions confiées par la commune sont la plupart du temps centrées sur la comptabilité et les finances. L'agent étant mis à disposition, il est sous l'autorité fonctionnelle du maire.

En définitive, le service de remplacement déployé par le CDG ressemble à un service d'emploi temporaire : la collectivité désigne l'agent qu'elle veut voir recruter, le CDG le recrute, puis le met à disposition de la commune.

Face aux besoins importants en la matière, il faut remarquer que certains EPCI ont, eux-mêmes, pris des initiatives assez comparables. C'est par exemple le cas de la communauté de communes de Coeur de Savoie où « une secrétaire de mairie mutualisée vient suppléer l'absence momentanée des secrétaires de mairie, en attendant que la commune trouve une solution pérenne (cas d'arrêt de travail, ou de mutation / départ à la retraite avec difficultés de trouver un remplaçant), pour palier la désorganisation qu'engendre un départ ou une absence inopinée ».

En plus des initiatives de remplacement, certains EPCI ont créé des services communs où ils mutualisent les secrétaires de mairie sur l'ensemble du territoire. Cette organisation permet de proposer aux secrétaires de mairie des postes à temps complet, d'avoir des conditions salariales plus avantageuses (aides sociales de la collectivité, gestion de carrière....) mais ces agents peuvent également bénéficier des services « support » de l'EPCI en cas de questionnements (finances, ressources humaines, marché public...).

Vos rapporteurs estiment donc judicieux d'intégrer, dans les compétences facultatives des CDG, le service de remplacement des secrétaires de mairie, pour permettre aux territoires qui en ont besoin, de pouvoir bénéficier de ce service. Cette proposition est d'ailleurs partagée par l'AMF, à la restriction près que l'association souhaiterait la voir devenir une compétence obligatoire. Il résulte du mode de financement des centres qu'ajouter une nouvelle mission obligatoire aux CDG, soit ferait supporter une charge supplémentaire à une enveloppe budgétaire constante, soit pourrait être à l'origine d'une révision à la hausse de la cotisation due par les adhérents au centre. N'estimant pas cela souhaitable, vos rapporteurs optent donc pour un caractère facultatif conféré à cette mission de remplacement.

Proposition n° 14 : généraliser la mission « facultative », pour les centres de gestion, de proposer un service de remplacement des secrétaires de mairie et secrétaires généraux de mairie, ainsi que la possibilité d'offrir un service commun de mutualisation de l'embauche de secrétaire de mairie entre plusieurs collectivités employeuses.

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Centres de gestion (CDG).

3. La création d'un référent dans chaque préfecture

Dans leur rapport d'information « À la recherche de l'État dans les territoires »27(*), nos collègues Agnès Canayer et Eric Kerrouche soulignent que « l'accès au préfet est facilité pour les représentants des collectivités d'une certaine taille : l'importance des enjeux traités ou le poids politique au niveau national, dans le département ou la région, ouvrent plus facilement les portes de la préfecture. Par contre, les élus des « petites » communes, a fortiori isolées en milieu rural, ne disposent généralement ni de la même visibilité ni des mêmes réseaux de connaissances ». Vos rapporteurs ajoutent que ce constat vaut pour le maire d'une commune rurale, mais a fortiori aussi pour son secrétaire de mairie. Par exemple, les élus locaux et les secrétaires de mairie ont observé une disparition progressive des coordonnées des interlocuteurs chargés du suivi des dossiers pour les correspondances de la Préfecture, les laissant la plupart du temps seuls face à leurs interrogations.

Pourtant, pour faire avancer un dossier ou être en mesure de répondre utilement à un administré, l'appui et le soutien des services de l'État représentent fréquemment un élément clef. C'est en principe là où se situe l'expertise précieuse pour les secrétaires de mairie.

Pour éviter que ceux-là soient trop souvent livrés à eux-mêmes et en ressentent comme une forme d'abandon de la part des services de l'État, vos rapporteurs considèrent nécessaire d'instaurer une « porte d'entrée » clairement identifiée auprès de ces services. Un référent au sein de chaque préfecture jouera ce rôle, à la fois de renseignement de premier niveau et de « gare de triage » des demandes éventuellement redistribuées vers les directions et / ou agences compétentes.

Dans l'esprit, cette proposition rejoint d'ailleurs celle de nos collègues Agnès Canayer et Eric Kerrouche visant à « instaurer un numéro d'appel spécialement dédié permettant aux maires d'accéder au sous-préfet de leur arrondissement ». Elle s'inspire également du dispositif mis en place lors de la réorganisation territoriale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) avec la création du conseiller aux décideurs locaux (CDL). Rattaché à la direction départementale ou régionale des finances publiques, ce conseiller est un expert du conseil au service des élus locaux (maires, présidents d'EPCI) et de leurs services.

Proposition n° 15 : créer dans chaque préfecture un poste de référent, rattaché au Cabinet ou au bureau du Cabinet du Préfet, pour les secrétaires de mairie, les secrétaires généraux de mairie et les directeurs généraux des services.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Direction du management de l'administration territoriale (DMAT).

4. La communication pour faire connaître ce métier

Le constat ne souffre aucun doute : les fonctions de secrétaires de mairies sont trop méconnues.

Il en résulte deux conséquences préjudiciables pour ce métier. D'une part, la crise des vocations ne peut que s'aggraver, et avec elle les graves difficultés de recrutement dans un contexte de nombreux départs en retraite à anticiper sur la décennie à venir. D'autre part, dans leur quotidien, les secrétaires de mairie souffrent d'un manque de reconnaissance, leur profession étant tantôt ignorée, tantôt confondue avec d'autres très éloignées de la réalité de ce métier, alors qu'il s'agit d'un beau métier polyvalent, intéressant, pouvant être attractif s'il était mieux connu.

Face à cette situation, il est essentiel de mettre en place des opérations de communication en direction des jeunes et des actifs pour lancer une campagne de recrutement au niveau national. Certaines filières ont déjà mis en place avec succès ce type de campagne, notamment sous forme de serious games.

Comme cela a déjà été le cas pour d'autres métiers, une campagne de communication pourrait être lancée. Cet effort de communication pourrait s'étendre aux parcours de formation, avec leurs propres objectifs de communication.

Un « serious game », imaginé par le CDG de Haute-Savoie, pour faire découvrir les métiers de la territoriale aux collégiens et lycéens

Baptisé « Agents », le « serious game » conçu par le CDG de Haute-Savoie se déroule dans une collectivité territoriale. L'enjeu de cet outil ludique consiste à susciter l'intérêt des collégiens et lycéens pour des métiers qu'ils méconnaissent.

À la manière du célèbre jeu « Cluedo », les joueurs cherchent à dénouer une énigme et passent en revue l'emploi du temps des suspects, qui sont des agents de la fonction publique territoriale.

« Pourquoi ce jeu ? Notre idée est de pallier le manque de visibilité des carrières de la fonction publique territoriale chez les jeunes et de générer la curiosité chez ce public pour des métiers qui peinent à recruter alors qu'ils proposent des carrières intéressantes », explique Antoine de Menthon, président du CDG de Haute-Savoie.

Source :  https://www.lagazettedescommunes.com/850838/un-serious-game-pour-faire-decouvrir-les-metiers-de-la-territoriale-aux-collegiens-et-lyceens/ (9 février 2023)

Proposition n° 16 : mettre en place des opérations de communication en direction des jeunes et des actifs pour lancer une campagne de recrutement au niveau national.

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

5. Soutenir les communes dans leur effort

Dans la démarche de modernisation du métier de secrétaire de mairie, les communes représentent bien évidemment un partenaire primordial. Elles seront à la fois les principales bénéficiaires de l'amélioration de la situation de leur secrétaire de mairie et les maîtres d'oeuvre de ces améliorations.

Cela rend d'autant plus sensibles les considérations budgétaires induites par certaines des propositions de vos rapporteurs. L'obligation pour les maires de désigner un secrétaire, ou un secrétaire général, de mairie et les coûts associés à la juste rémunération de cet agent pourront certainement être absorbés par les budgets des communes. Toutefois, dans certains cas où les marges de manoeuvre budgétaires de la commune sont particulièrement réduites, il ne faudrait pas que l'aspect financier soit un frein à la prise de conscience que les élus doivent avoir sur la situation des secrétaires de mairie.

C'est pourquoi, pour parachever le dispositif proposé, et à l'instar de la dotation particulière « élu local » instaurée pour les communes rurales, vos rapporteurs préconisent d'envisager la mise en place, pendant trois ans et pour une durée d'amorçage également de trois ans, d'une dotation « secrétaire de mairie ». Cette dotation concernerait les communes de moins de 2 000 habitants qui décideront de faire passer de la catégorie C à la catégorie B leur secrétaire de mairie.

Proposition n° 17 : créer un fonds d'amorçage - d'une durée de 3 ans, dédié aux communes, sous condition de ressources - ayant permis la promotion de leur secrétaire de mairie en catégorie C sur un poste de secrétaire générale de mairie en catégorie B, ou ayant recruté un agent en catégorie B sur un poste de secrétaire général de mairie quand le dernier poste sur les fonctions de secrétaire de mairie relevait de la catégorie C.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Ministère chargé des Collectivités territoriales.

CONCLUSION

Les secrétaires de mairie exercent des fonctions essentielles au bon fonctionnement des mairies de moins de 3500 habitants.

Ils sont près de 23 000 à exercer ce beau métier, en formant un binôme avec leur maire qu'ils assistent, conseillent et accompagnent. Ils sont également les garants de la continuité du service public sur les territoires où ils exercent.

Il s'agit d'un métier complet, polyvalent et par-dessus tout d'un métier qui a du sens.

Pourtant, il est depuis 2022 considéré comme le métier le plus en tension de la fonction publique territoriale. Près de 2 000 postes sont actuellement vacants et entre 8 000 à 10 000 postes devront être renouvelés d'ici à 2030.

Cette situation exceptionnelle, qui concerne une profession aussi stratégique, nécessite un plan d'action rapide afin de répondre à cet enjeu majeur pour notre organisation territoriale, mais aussi pour répondre aux attentes légitimes des secrétaires de mairie.

En faire « un véritable métier », signifie qu'il est nécessaire, selon vos rapporteurs, de reprendre un certain nombre de principes pour les adapter à cette profession et la rendre plus lisible, plus attractive et plus accessible. Cela passe par :

1. Une formation initiale de préparation au métier de secrétaire de mairie, là où la formation « sur le tas » et en « situation » était le plus souvent la règle.

2. Une meilleure reconnaissance. Notamment par l'évolution statutaire, une rémunération plus attractive qui prend en compte les responsabilités liées au poste exercé, la création d'un titre de secrétaire général de mairie, une meilleure prise en compte des primes dans le régime de retraite additionnelle...

3. Des perspectives de carrières et d'évolution professionnelles en créant un véritable parcours de carrière, rendu possible et plus clair sur des postes de direction au sein de la fonction publique territoriale, et en facilitant leur accès, par une promotion interne qui reconnait les expériences acquises et les responsabilités exercées.

4. Un accompagnement durant l'exercice de leurs fonctions, par la création de réseaux professionnels, de formations continues, d'outils professionnels ou par la création d'un système de tutorat et de référents thématiques, par exemple.

5. Une communication qui valorise le métier de secrétaire de mairie, qui en améliore l'image auprès du grand public, et qui fera connaître les nombreux intérêts de ce métier afin de développer une filière de recrutement pour répondre au défi du renouvellement de la profession à très court terme.

Nourris de leurs nombreux échanges avec toutes les parties prenantes, vos rapporteurs proposent au travers de ce rapport d'information, une vision d'avenir pour ce métier. Tous les leviers ne reposent certes pas dans la main du législateur. On songe ici notamment à la question salariale, dont les enjeux cruciaux relèvent d'arbitrages à rendre prochainement au niveau gouvernemental. Pour autant, la meilleure reconnaissance de ce métier et l'accompagnement au plus près de ces agents représentent des objectifs désormais partagés par tous et atteignables dans un délai raisonnable, si l'on consent à s'en donner les moyens.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 1er juin 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous accueillons le ministre Stanislas Guerini, dans un contexte de baisse d'attractivité de la fonction publique territoriale. Le désenchantement des maires tient à la violence qu'ils subissent mais aussi à la difficulté qu'ils rencontrent pour remplir leurs fonctions administratives. Celles-ci nécessitent beaucoup d'expertise et d'être accompagné par du personnel, que je salue. Les maires sont des hussards de la République, une armée des ombres, mais ils ne pourraient agir sans les fonctionnaires territoriaux, dont il faut souligner le sens de l'intérêt général et du service public. Pour avoir été membres d'exécutifs locaux, nous savons ce que nous leur devons. Nous l'avons vu lors de la crise du covid ou lors des fortes chaleurs, quand il a fallu suivre individuellement les personnes âgées. Si les élus sont des inventeurs de possibles, les fonctionnaires sont des producteurs de possibles - et c'est parfois plus difficile.

Le rapport au travail change. En France, la fonction publique territoriale était très stable : les agents exerçaient le même métier durant toute leur carrière, souvent dans la même collectivité. Tout cela a bien changé, et il faut prendre en compte les nouveaux besoins. Il ne s'agit pas uniquement de régime indemnitaire ou de reconnaissance salariale - certes nécessaire - mais aussi de qualité de vie au travail, de prévention, d'aménagement du temps de travail.

Votre prédécesseur avait commandé un rapport à Philippe Laurent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, qui préconisait la création d'une marque Service public ; nous avons notamment entendu les représentants de la marque DEN.bzh.

Quelle est votre vision de la situation et comment avancer ?

Catherine di Folco, experte du statut de la fonction publique territoriale, Jérôme Durain et Cédric Vial travaillent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, avec un volet sur les secrétaires de mairie. Notre collègue Céline Brulin a porté, avec son groupe, une proposition de loi pour revaloriser leur métier.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. - Je vous remercie de cette invitation. Oui, il y a un lien entre les difficultés de nos élus locaux, leur désenchantement, et les enjeux de ressources humaines. L'action des élus locaux repose sur celle des fonctionnaires territoriaux. L'enjeu d'attractivité est la première priorité sur nos territoires. J'ai une pensée émue et solennelle pour ces agents du service public, dont je salue l'engagement, après plusieurs drames cette semaine. Cet engagement met les agents publics en première ligne face aux violences de notre société. Je vous remercie d'avoir initié ces travaux.

J'ai engagé des chantiers avec les employeurs territoriaux pour répondre au besoin d'attractivité et développer la marque employeur de la fonction publique territoriale.

Où sont les difficultés de recrutement ? En réalité, un peu partout : pour les agents de catégorie C et les agents en première ligne, notamment les métiers de la petite enfance ou du soin, pour des filières plus transversales dans des secteurs en tension comme le numérique, mais aussi pour des métiers support - je pense aux filières administratives avec les attachés.

Quelles en sont les causes ? Dans une société qui tend vers le plein emploi, tous les employeurs, publics comme privés, rencontrent des difficultés de recrutement. Il y a aussi un enjeu démographique. Des fonctionnaires recrutés quand Anicet Le Pors était ministre de la fonction publique partent à la retraite ; le cas des secrétaires de mairie l'illustre bien.

Il y a des problèmes d'attractivité intrinsèques à la fonction publique, notamment dans des zones marquées par la vie chère ou les problèmes d'accès au logement.

Quels chantiers faut-il engager ? Le premier, c'est la fiche de paie et la création d'une dynamique de rémunération. Nous devons être lucides. Plus d'un tiers des fonctionnaires territoriaux sont payés au niveau du Smic.

Le deuxième sujet est celui des conditions de travail. Il n'y a pas de grande démission mais une grande transformation du rapport au travail. Nous devons relever ce défi avec des promesses employeur.

Troisième axe, mieux faire connaitre les métiers de la fonction publique territoriale, car la clé d'entrée « métier » tire le fil des compétences. La révolution sera de raisonner en termes de gestion et de développement des compétences plutôt qu'en collant des étiquettes sur le front des fonctionnaires.

Les enjeux de carrière et rémunération sont déterminés par les modalités d'accès à la fonction publique, qui varient selon les statuts d'emploi ou les versants de la fonction publique. Parfois, ces différences créent des biais entre les employeurs sur un même bassin de vie. Un CHU peut recruter un agent sur titre pour intégrer la fonction publique hospitalière, alors que dans le secteur médico-social municipal, pour un même poste au sein de la fonction publique territoriale, le recrutement se fait par concours. Bref, le CHU lui « pique » des agents. Nous devons mettre à plat les conditions de recrutement. Cela ne signifie pas forcément supprimer le concours. Mon fil rouge est de défendre le statut dans ses origines et ses fondamentaux, mais aussi de professionnaliser certains concours, de les recentrer sur les compétences. Un maire me disait qu'il ne voulait pas se passer d'une personne ayant quinze ans d'expérience dans la petite enfance sous prétexte qu'elle a fait trois fautes à la dictée...

Parfois, il faut pouvoir recruter sur titre, ou recruter des apprentis. Le recrutement de 30 000 apprentis dans la fonction publique territoriale l'année dernière a été une petite révolution culturelle. L'apprentissage doit être une vraie voie de recrutement. À la fin d'un contrat d'apprentissage suffisamment long, en cas d'accord de l'employeur et de l'apprenti, on devrait pouvoir titulariser sur titre, sans concours.

Il y a aussi un enjeu sur les parcours de carrière. Il faut renforcer la formation, le développement des compétences et la reconnaissance des acquis de l'expérience, trop peu développée dans la fonction publique. Je ne suis pas un détracteur du statut : les conventions collectives de certains secteurs professionnels ont aussi plusieurs catégories. Mais dans la fonction publique, il est difficile pour un agent recruté en catégorie C de franchir le plafond de verre. Il faut plus de fluidité, apporter un choc de marge de manoeuvre aux employeurs territoriaux. Les rigidités sur les quotas de promotions, un temps adaptées, nécessitent d'être assouplies. Je m'y suis engagé.

Il y a des enjeux de rémunération, notamment de court terme. L'inflation globale atteint 6 %, mais l'augmentation des prix alimentaires touche particulièrement les agents relevant des grilles les plus basses. Je rencontre prochainement les organisations syndicales pour trouver des réponses sur le pouvoir d'achat, autour de trois principes. D'abord, l'oxygénation des grilles, bien trop écrasées : un agent de catégorie C en début de carrière met douze ans avant d'avoir une évolution indiciaire. Comment être attractif dans ces conditions ?

Il faut aussi dynamiser les carrières. Comment se motiver quand un collègue qui a quinze ans d'ancienneté ne gagne que 150 euros de plus ? Nous devons nous intéresser à la pente des courbes, angle mort de nos politiques de ressources humaines. Nous souhaitons aussi une logique de différenciation des carrières, qui fait débat, et avons intégré le principe d'un accélérateur de carrière dans la réforme de la haute fonction publique. Ce principe doit innerver l'ensemble de la fonction publique.

Enfin, il faut récompenser l'engagement et la performance, individuels et collectifs. Ce n'est pas un gros mot, et c'est compatible avec le statut.

Les transformations doivent pouvoir s'appréhender sur la fiche de paie. J'ai ouvert un chantier pour mettre l'agent au centre de la réflexion. Il faut une symétrie des attentions. Pour rendre un service public de qualité, il faut non seulement placer l'usager au centre, mais aussi l'agent, autour des promesses employeur. J'en citerai six, qui associent systématiquement les employeurs territoriaux, dès le début. Il faut arrêter de penser d'abord pour la fonction publique d'État et ensuite décliner pour la fonction publique territoriale.

Mme Françoise Gatel, présidente. - C'est une bonne idée.

Mme Catherine Di Folco. - Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - La première promesse employeur concerne le management. Il y a un enjeu managérial pour les cadres dirigeants et intermédiaires de la fonction publique, ce qui suppose de renforcer la formation initiale et continue. Cela concerne les concours et les écoles du service public - j'étais récemment à l'Institut national des études territoriales (Inet) - et nécessite de remettre à plat l'évaluation professionnelle.

Deuxième enjeu, simplifier et supprimer les irritants au quotidien qui mettent à mal l'attractivité de l'emploi public. Parfois, avant une mutation, on ne sait pas vous dire combien vous toucherez car les systèmes d'information et les ressources humaines ne suivent pas ! Il faut améliorer ces points.

Troisième enjeu, améliorer les conditions de travail, la santé au travail, la prévention de l'usure et de la pénibilité. Ce débat est lié à celui des retraites. Nous avons lancé une mission rassemblant l'inspection et des personnalités qualifiées, dont Michel Hiriar, président de la Fédération nationale des centres de gestion, afin de développer des outils collectifs et mutualiser la prévention. Nous réfléchissons aussi à une protection sociale complémentaire pour la santé et la prévoyance.

Quatrième promesse employeur, améliorer l'environnement de travail - télétravail, temps de travail, transformation des espaces de travail, sobriété énergétique. Ce peut être un objet de négociation avec les organisations syndicales.

Cinquième chantier, renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le Sénat a adopté, à l'unanimité moins deux abstentions, l'index d'égalité professionnelle dans la fonction publique et le principe de nominations équilibrées. Il faut aussi éradiquer les violences sexistes et sexuelles, et améliorer la santé des femmes au travail.

Sixième promesse, travailler sur le logement des fonctionnaires.

Voilà le fondement de notre campagne autour de notre marque employeur et de notre attractivité. Il ne s'agit pas seulement d'affichage. Nous avons lancé une campagne pour les trois versants de la fonction publique, « choisirleservicepublic.fr », pour mettre en synergie les mobilisations autour de cette marque et ses 300 métiers. Nous nous focalisons sur tous les métiers, et pas seulement sur quelques métiers extraordinaires exercés par une ou deux personnes ; ce sont les métiers du quotidien qui font l'extraordinaire du service public.

Il n'y a pas de fatalité. Certes, le nombre de candidats aux concours a été divisé par deux, mais on peut faire bouger les lignes, montrer que la fonction publique bouge. J'ai relancé l'initiative d'un salon de l'emploi public, dans les trois versants de la fonction publique, qui a rassemblé 4 000 personnes. La fonction publique continue d'intéresser.

Mme Catherine Di Folco. - Je me réjouis que vous souhaitiez traiter différemment la fonction publique d'État et les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Cela rompt avec la tendance à vouloir toujours tout transposer de l'une aux autres. Dans la première, il n'y a qu'un employeur ; dans les deux autres, 50 000.

Certes, la rémunération ne fait pas seule l'attractivité, mais elle compte. Lorsque nous n'étions pas en plein emploi, la fonction publique était un refuge ; ce n'est plus le cas. Une personne qui entre sur le marché du travail regarde le chiffre sur la feuille de paie, et compare. Au 1er mai, le Smic a augmenté de 38 euros bruts ; cela entraîne un nouveau tassement dans la fonction publique pour les huit premiers échelons de la catégorie C. Il faudra attendre treize ans aux agents en début de carrière pour être augmentés ! Le tassement concerne même la catégorie B. Le premier échelon de la catégorie A n'est plus qu'à 130 euros bruts du Smic. Si ce dernier suit sa dynamique actuelle, le premier échelon de catégorie A sera égal au Smic en 2025. Cela pose un gros problème.

De même, il est plus intéressant pour un travailleur porteur de handicap d'être dans le privé que dans le public : il peut en effet percevoir une allocation compensant la perte de facultés, alors que le public impose de choisir entre la retraite pour invalidité ou un temps partiel sans compensation. Je connais une jeune femme atteinte d'une maladie handicapante qui veut travailler, mais ne peut le faire qu'à temps partiel, avec le traitement qui correspond. Dans le privé, elle aurait eu une compensation. Il faut y remédier.

M. Jérôme Durain. - La fonction publique est effectivement diverse. On pourrait dire qu'il y a deux divisions... Les questions autour de la « promesse employeur » ne se posent pas de la même façon dans de grandes collectivités ou dans les petites communes qui emploient les 19 000 secrétaires de mairie. Avez-vous pu réfléchir à ces myriades de collectivités qui n'ont qu'un ou deux agents ?

S'agissant de l'attractivité, la difficulté à recruter est générale. La société connaît de profondes mutations autour du sens du travail. L'atout de la fonction publique, c'est le sens du service public, l'intérêt général, mais aussi le statut. Face au Big Quit qui frappe le secteur privé, il faut travailler sur l'image du service public. Comment comptez-vous faire ?

M. Cédric Vial. - Effectivement, la trappe à bas salaire est le principal obstacle à l'attractivité, et à la motivation des agents en poste. Oui, il y a des changements sociétaux, et certains jeunes agents refusent d'être titularisés. Le statut n'est plus le graal qu'il était à l'époque du deal : moindre rémunération contre sécurité de l'emploi. Entre la sécurité et la liberté, les jeunes d'aujourd'hui préfèrent la liberté. Ils ont moins peur de perdre leur emploi que d'y rester malgré eux.

Se pose la question du concours, ADN de la fonction publique. Dans le privé, on entre dans l'emploi en fonction de ses diplômes et de son expérience. Dans le public, il n'est pas rare de rencontrer des agents de catégories B et C avec un bac+5. Cela ne facilite pas le management. Un secrétaire de mairie de catégorie C qui veut passer en catégorie B doit passer un concours où on lui demande une note de synthèse sur des sujets sans aucun rapport avec son quotidien... Comme demander à un ouvrier du BTP qui veut plus de responsabilités de passer un examen de couture !

La création d'un statut d'emploi particulier de secrétaire de mairie est une revendication de l'Association des maires de France (AMF). Le cadre d'emploi qui existait a été supprimé. Les secrétaires de mairie eux-mêmes ne veulent pas un emploi fonctionnel. Peut-on créer un statut spécifique qui ne passe ni par le cadre ni par l'emploi fonctionnel ?

S'agissant des rapports entre fonctions publiques, nos relations avec les préfectures sont de plus en plus étroites, mais les interlocuteurs se font de plus en plus rares ; leurs noms disparaissent même des courriers que nous recevons...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Oui, nous assistons à un véritable évanouissement !

M. Cédric Vial. - Serait-il possible, comme cela avait été fait lors de la disparition des perceptions, que les secrétaires de mairie aient un référent désigné à la préfecture ?

La nouvelle bonification indiciaire (NBI) a été augmentée de 15 à 30 points pour les secrétaires de mairie de communes de moins de jusqu'à 2 000 habitants. Mais quid des secrétaires de mairies dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants ? Certes on peut désigner un directeur général des services (DGS) à partir de 2 000 habitants, mais cette fonction n'est accessible qu'aux agents de catégorie A. Comment corriger cela ?

Enfin, il n'existe pas de rémunération liée à la responsabilité. La NBI est liée à la fonction, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) aux qualités et à la motivation de l'agent. Or des agents de catégorie C, censés être affectés à des tâches d'exécution, se voient confier des responsabilités importantes lorsqu'ils sont secrétaires de mairie. Ne pourrait-on créer une prime de responsabilité comme pour les DGS ?

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci pour ces questions, nous sommes au coeur du sujet.

Madame Di Folco, les chiffres que vous donnez témoignent bien de l'importance du problème. Je les complète : avec l'augmentation du point d'indice de 5 %...

Mme Catherine Di Folco. - Il était effectivement gelé depuis longtemps.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, à part une timide parenthèse entre 2016 et 2017.

Avec l'augmentation du point d'indice, plus aucun fonctionnaire n'était payé au Smic. Mais la dynamique du Smic, qui a augmenté de 10 % en un an, a annulé cet effet. Nous avons pris des mesures pour qu'aucun agent public ne soit rémunéré en dessous, en utilisant l'indice minimum de traitement, et non, comme cela était l'usage, en bricolant le régime indemnitaire.

Aujourd'hui, 20 % des agents de la fonction publique - 36 % dans la fonction publique territoriale - sont au niveau du Smic. C'est le premier sujet à traiter, notamment dans nos discussions avec les organisations syndicales. Une augmentation du point d'indice réoxygène les grilles, mais l'augmentation en volume d'euros est inégalitaire : elle est bien inférieure en bas de grille que pour la haute fonction publique. Or nous devons concentrer nos efforts sur les agents les plus touchés par l'inflation, qui frappe plus douloureusement les bas salaires, car elle affecte particulièrement les produits de première nécessité.

Nous devons renforcer l'attractivité pour tous les agents publics, notamment ceux en situation de handicap. Nous avons augmenté leur nombre ; dans ce domaine, les fonctions publiques territoriale et hospitalière sont en avance sur celle d'État.

Concernant l'intégration des apprentis en situation de handicap, nous sommes très en dessous des 6 %, mais nous agissons pour y remédier. Je suis toutefois preneur de vos exemples concrets. Il faut aussi traiter l'enjeu de l'adaptation des postes. C'est le rôle du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) mais il faut être conventionné pour en bénéficier, or toutes les collectivités ne le sont pas.

Monsieur Durain, vous avez parlé de deux divisions, à juste titre. Disons les choses : il y a parfois des logiques de compétition entre collectivités. Ce phénomène a été renforcé par le fait que, ces dernières années, nous avons fait beaucoup sur le plan indemnitaire, en misant sur la différenciation catégorielle, et peu sur le plan indiciaire. Résultat : la mobilité est empêchée, certains employeurs n'étant pas en mesure de s'aligner. Bien sûr, on peut dire que les employeurs sous-utilisent parfois les outils à leur disposition - j'avais évoqué en séance le Rifseep pour les secrétaires de mairie. Vous m'aviez invité, à raison, à agir sur le plan indiciaire. La convergence primes-points fait partie des discussions nécessaires ; elle doit être examinée en regard de la modulation des parcours de carrière et de la récompense de l'engagement.

Vous avez aussi soulevé l'enjeu de la mutualisation. Il existe 50 000 employeurs territoriaux, et les secrétaires de mairie ont parfois jusqu'à trois ou quatre employeurs. Des outils de mutualisation existent, y compris au niveau des intercommunalités. Nous pourrons débattre d'un meilleur encadrement de l'emploi par une intercommunalité ou par un centre de gestion, mais les textes existent ; il s'agit plutôt de mutualiser les bonnes pratiques.

Monsieur Vial, je vous rejoins sur les trappes à bas salaires. Quel est l'avantage qu'apporte le statut, demandez-vous. La stabilité de l'emploi est devenue quasiment un repoussoir : elle donne le sentiment d'être pieds et poings liés dans une carrière. Les professeurs en sont un bon exemple : certains voudraient rejoindre cette carrière sur le tard, notamment parce qu'ils y trouvent du sens, mais sont rebutés par la faible capacité de la fonction publique à valoriser leur expérience professionnelle - c'est un de mes axes de travail.

En revanche, un avantage rémanent du statut est la diversité des carrières proposées. Entre titulaires et contractuels, il y a une mauvaise différenciation, que nous travaillons à corriger : nous l'avons fait pour les congés maternité, et le projet de loi retraites prévoyait la prise en compte des services des contractuels titularisés - le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure, mais je m'engage à trouver un autre véhicule pour concrétiser cette avancée. Mais il y aussi une bonne différenciation, que nous devons assumer : un contractuel est embauché pour une fonction donnée ; l'atout du statut, c'est une diversité de carrières qu'aucun autre employeur ne peut offrir.

Il faut savoir se passer des concours dans certains métiers pour recruter sur titre, notamment quand les compétences terrain priment. Mais le CNFPT et les centres de gestion considèrent qu'il faut être prudent : il est parfois intéressant de maintenir les concours, en les professionnalisant. Nous travaillons dans ces deux directions. Les groupes de travail avec les employeurs territoriaux ont abouti à de premières avancées : suppression des épreuves d'admissibilité pour les cadres d'emploi de la filière médicosociale, suppression des concours pour les assistants territoriaux socioéducatifs, les éducateurs territoriaux de jeunes enfants, les cadres territoriaux de santé paramédicaux et les infirmiers territoriaux en soins généraux. Nous poursuivrons ce travail de bon sens issu du terrain.

En ce qui concerne les secrétaires de mairie, je pense, comme vous, que la recréation d'un emploi fonctionnel n'est pas souhaitable. Revenir à un cadre d'emploi spécifique conduirait à un trop grand cloisonnement : n'enfermons pas les secrétaires de mairie dans un parcours, encourageons plutôt la fluidité, par exemple avec les espaces France Services ou, à terme, des fonctions de DGS. Je crois à la notion d'affectation fonctionnelle, qui recouvre la technicité et l'engagement particuliers liés à l'exercice de ce métier. Nous débattrons en séance des possibilités de promotion et de valorisation dans la rémunération : je suis favorable à ce que vous proposez, mais il faudra étudier les modalités. En tout cas, exercer ce métier doit être facteur d'accélération de carrière, avec un niveau de rémunération cranté. Affectation fonctionnelle et accélération de carrière : telle est ma philosophie.

La question des interactions entre l'administration territoriale et l'État déconcentré est fondamentale. Le second doit être renforcé, après avoir rendu de 20 000 à 30 000 postes depuis vingt ou trente ans. Au niveau départemental, l'administration déconcentrée compte 50 000 agents, une puissance de feu moindre que par le passé, ce qui met parfois en difficulté ses partenaires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - « Parfois » est en trop...

M. Stanislas Guerini, ministre. - Dans un contexte de stabilité d'emplois - le programme d'Emmanuel Macron en 2022 n'était pas celui de 2017 et je n'ai pas pour mandat de réduire les effectifs -, nous devons, par la performance, dégager des marges de manoeuvre pour renvoyer des postes en administration déconcentrée. Nous visons 2 600 postes déconcentrés supplémentaires d'ici 2026. Nous donnons aussi une latitude d'action aux préfets de région avec les plateformes régionales RH et la règle des 3 % de marge de manoeuvre modulée. Bref, pas de big-bang de l'administration territoriale, mais des moyens renforcés et une animation à l'échelle des bassins de vie par les plateformes régionales et les comités locaux de l'emploi public, auxquels je crois beaucoup.

Par ailleurs, le Gouvernement vient de décider la nomination dans chaque préfecture d'un sous-préfet chargé de l'accès aux services publics et de leur qualité. Nous renforçons aussi le réseau France Services en améliorant sa mutualisation avec les autres réseaux de services publics. Des postes d'animateur de ce réseau se développent, souvent à l'initiative des départements : l'État, qui finançait un demi-ETP par département, financera désormais un ETP complet. Ces animateurs me semblent avoir vocation à être les correspondants des secrétaires de mairie. Nous devons travailler en meute, si je puis dire, pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

S'agissant enfin des NBI, nous en discuterons dans le cadre du débat global sur l'accélération de carrière des secrétaires de mairie. Parfois, les quinze points de NBI ne sont pas appliqués : il y a d'abord un problème d'effectivité de la loi sur ce point.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous pratiquons envers certaines structures de l'État, comme l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), une filature exigeante et bienveillante. Nous suivrons également de près ces questions.

Au-delà des moyens, il y a un enjeu d'articulation et de fluidité entre France Services et les services municipaux.

Oui, le statut apparaît aujourd'hui comme un élément d'emprisonnement, notamment pour les jeunes ; de même, dans le privé, certains refusent des CDI, leur préférant des CDD ou l'intérim, pour préserver leur liberté.

M. Antoine Lefèvre. - Dans ses travaux sur la formation dans la fonction publique territoriale, notre délégation s'est intéressée à l'Allemagne et à l'Autriche, où l'apprentissage est bien plus développé, y compris dans les métiers administratifs. En France, l'apprentissage est confiné aux centres techniques municipaux, or c'est une voie de découverte des métiers de la fonction publique territoriale pour les jeunes.

Pour retrouver de l'attractivité, il faut aussi une certaine fluidité dans le recours aux contractuels. Rapporteur spécial de la mission « Justice », j'ai eu l'occasion d'examiner les propositions du garde des sceaux pour faciliter leur recrutement dans la pénitentiaire. Vous avez parlé d'enfermement dans le statut, et il est vrai que les jeunes ne veulent pas être gardiens de prison toute leur vie. En revanche, ceux qui travaillent dans la sécurité peuvent être attirés par ce métier qui offre une plus grande diversité que celui de chef des vigiles dans un centre commercial, par exemple.

Concernant la meilleure prise en compte des parcours, je déplore, moi qui ai été maire, qu'un parcours antérieur dans le privé soit pénalisant pour la remise de la médaille d'honneur régionale, départementale ou communale. C'est symbolique, mais important.

Enfin, l'idée de créer un sous-préfet référent est peut-être bonne, mais attention à ne pas trop solliciter nos sous-préfectures.... Voyons d'abord l'effectivité.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous avons des solutions à vous proposer !

Mme Sylvie Robert. - Je partage beaucoup de constats et réflexions. Vice-présidente de la commission de la culture, je suis frappée de la manière dont on parle de la fonction publique : il y a un problème d'image. La fonction publique, territoriale ou d'État, peut être innovante, or ce n'est pas ce que l'on entend.

À Rennes, nous avions mis en place une plateforme de mobilité interne dont l'attractivité auprès des agents m'a frappée. C'est une promesse d'évolution ou de changement.

J'ai aussi pris connaissance avec intérêt des propositions formulées il y a deux ans par des étudiants de Sciences Po Paris et AgroParisTech, entre autres, pour rendre la fonction publique plus inspirante. À Rennes, j'avais mis en place un Bureau des temps, il y a fort longtemps. La conciliation des temps - ceux des services publics, des agents, des citoyens - est un enjeu important pour faire entrer les jeunes dans la fonction publique, or je ne vois guère de collectivités qui y travaillent.

Il faut aussi prendre en compte l'engagement, le sentiment d'être utile, auxquels les jeunes sont très sensibles.

En tant que vice-présidente de la région Bretagne, j'avais travaillé en 2008 sur la création de la 27ème Région, qui vise à faire évoluer les organisations par l'innovation publique. Il faudrait s'inspirer de ce type de projets pour montrer que la fonction publique est innovante.

En revanche, je suis assez dubitative sur le numérique. En tant que membre du collège de la Cnil, je constate qu'il reste beaucoup à faire en termes de bon usage du numérique et de cyberattaques.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je rappelle à ce propos que notre délégation a travaillé avec la délégation aux entreprises sur la cybersécurité dans les organisations. Au sein des collectivités, des hôpitaux et d'autres établissements, cette fonction monte en puissance. Il y a là un gisement de nouveaux métiers.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il est indispensable de développer l'emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Nous allons publier, au mois de juin, un décret refondu sur la titularisation des apprentis en situation de handicap, car la réglementation en vigueur est mal formulée et mal appliquée.

Mme Catherine Di Folco. - Il s'agissait, je crois, d'une expérimentation.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Le décret clarifiera les modalités et élargira l'application du dispositif.

Lorsque la volonté est partagée entre l'employeur et l'apprenti, après une durée d'apprentissage qui peut aller jusqu'à deux ans, il ne doit pas y avoir d'obstacle à la titularisation. Nous avons 30 000 apprentis dans la fonction publique, dont 12 000, bientôt, dans la territoriale. Les enjeux financiers sont connus, et j'ai maintenu l'engagement de mon ministère pour trois ans afin de donner de la visibilité. Il y a aussi des enjeux de cadre d'exercice. Nous avons sorti les apprentis du plafond d'emplois dans les ministères, et numérisé les contrats d'apprentissage - sur ce point, nous sommes en avance de phase sur le privé. C'est un des leviers possibles.

Concernant les contractuels, le travail sur la filière des métiers de la sécurité est un très bon exemple de ce qu'il faudrait faire, en matière d'accès à la fonction publique et de rémunération. Il faut raisonner par univers professionnel plutôt que par statut, pour développer des fluidités. Aujourd'hui, 25 % des surveillants pénitentiaires sont embauchés sans le bac. Le passage à la catégorie B est une revendication de longue date des organisations représentatives, mais en l'état ce serait une fausse bonne idée, car la catégorie B exige le bac. On risquerait ainsi de fermer les viviers. Il a donc été décidé, avec le garde des Sceaux, de permettre un recrutement au contrat en début de carrière, et d'élever par la suite le niveau des missions qui seront confiées à la filière pénitentiaire, notamment sur les enjeux de réinsertion et de réhabilitation ; ce qui justifiera, à terme, le passage à la catégorie B. C'est ainsi qu'il faut raisonner, et le garde des Sceaux a obtenu des arbitrages en ce sens, avec un retour favorable des organisations syndicales.

Monsieur Lefèvre, j'ignorais qu'un passage dans le privé interdisait de recevoir la médaille du travail : c'est symbolique, mais représentatif d'une philosophie selon laquelle quitter un temps la fonction publique serait condamnable.

M. Antoine Lefèvre. - C'est anti-fluidité !

M. Stanislas Guerini, ministre. - On peut très bien acquérir des compétences dans le privé à un moment donné, puis les mettre au service de la fonction publique.

Sur le recours aux cabinets de conseil, je suis pour la réinternalisation des compétences, mais les bonnes intentions sont parfois contreproductives. Les règles de déontologie imposées à ceux qui voudraient quitter le monde du conseil pour rejoindre la fonction publique sont telles qu'elles rendent impossible tout aller-retour entre le public et le privé. Cela vaut pour les fonctionnaires comme pour les ministres. Trop souvent, on présente un passage par le privé comme un abominable pantouflage. Attention à ces facilités populistes.

Mme Sylvie Robert. - Idem pour les élus !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Madame Robert, je partage toutes vos remarques. La façon dont on présente la fonction publique est essentielle. Arrêtons avec le fonctionnaire-bashing ! Dans le débat public, on ne parle des fonctionnaires que pour appeler à en supprimer : cela ne fait pas du bien. Il faut être lucide sur les difficultés, réelles, mais aussi rappeler les initiatives formidables, car nous sommes souvent en avance de phase. Je connais les laboratoires d'initiative territoriale - j'ai échangé, à l'IRA de Nantes, avec la 27ème Région. Nous n'avons pas à rougir de notre capacité d'innovation ; l'enjeu est désormais de fédérer et de se donner les moyens pour passer à l'échelle. C'est l'objet du fonds pour la transformation de l'action publique, pour lequel j'ai obtenu 330 millions d'euros sur les trois prochaines années, afin de mieux financer les initiatives déconcentrées et partenariales entre l'État et les collectivités territoriales, avec un guichet dédié à ces initiatives territoriales.

Mme Sylvie Robert. - Je l'ignorais. Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je ne reviens pas sur les plateformes territoriales.

Les défis à relever, les transformations en cours, voilà quel doit être l'axe de communication de la fonction publique. Nombre de fonctionnaires ont la nostalgie de la période du covid, de ce que nous avons su faire à cette période : nous avons su travailler différemment, piloter par objectifs clairs, en partant du terrain, fédérer les énergies, décloisonner, raccourcir l'échelle hiérarchique, réhabiliter le droit à l'erreur pour les agents, leur capacité à prendre des initiatives, à déroger aux règles... La Première ministre a rappelé aux préfets qu'ils avaient des capacités de dérogation, qui étaient sous-utilisées. On impose aux CHU de démontrer, tous les cinq ans, qu'ils pratiquent la chirurgie : c'est absurde. Évitons la paperasse administrative.

Aujourd'hui, les planètes sont alignées. Le Conseil d'État consacre son cycle d'études à toutes les dérogations autorisées pendant le Covid qui méritent d'être conservées. C'est une occasion exceptionnelle de simplification normative.

Quel que soit notre bord politique, sur ces sujets, nous parlons la même langue. Nous disons tous qu'il faut réinvestir, renforcer la puissance publique sur les territoires, que le laisser-faire n'est plus une option. L'ère du new public management, où l'on externalisait à tout va, est derrière nous, mais la fonction publique ne peut pas non plus agir seule dans son coin, sans imaginer de partenariats, y compris avec le privé.

La fonction publique doit être un levier pour les grandes transitions : c'est très engageant pour les jeunes générations. Nous avons lancé une formation approfondie, de trois jours, sur la transition écologique pour les cadres de la fonction publique d'État ; elle sera étendue aux deux autres versants. C'est un boulevard pour redonner du sens à l'action publique ! L'enjeu de la planification écologique dépasse tous les autres ; il peut irriguer toute notre action, y compris sur le sujet de la rémunération. Je souhaite mettre en place des plans d'intéressement dans la fonction publique pour récompenser la performance collective : la mobilisation pour la transition écologique pourrait être un critère. Nous pouvons devenir l'employeur le plus attractif du pays ! Les jeunes diplômés, de l'X ou de Sciences Po par exemple, réclament du sens, et les signaux faibles indiquent que le service public retrouve de la vigueur auprès d'eux. Les jeunes polytechniciens choisissent un peu moins la banque et le conseil, un peu plus le service public. Il n'y a jamais eu autant de candidats à l'Institut national du service public (INSP) que depuis la création de l'ENA.

Mme Françoise Gatel, présidente. - La Première ministre a raison de rappeler aux préfets qu'ils ont la faculté de déroger. C'est un sujet cher à la délégation, qui a commis un rapport sur les services déconcentrés - mais ceux-ci ne peuvent déroger qu'avec l'accord de l'administration centrale ! Cela interdit toute action rapide. Il faut lâcher un peu de lest.

Mme Christine Lavarde. - La question de l'avenir des corps techniques, que nous suivons depuis longtemps avec Mme Di Folco, n'est toujours pas tranchée depuis la création de l'INSP. Vous nous jugerez conservatrices, mais pour nous, il faut conserver les filières techniques existantes, qui alimenteront demain le Cerema. Construire des routes et des ponts, ce n'est pas la même chose qu'être magistrat !

Les métiers de la fonction publique indispensables au vivre ensemble sont plus mal payés que leur équivalent dans le privé : professionnel de la petite enfance versus assistantes maternelles à domicile, policiers municipaux versus agents de sécurité, etc. Je suis élue d'un département urbain dense, où l'immobilier coûte très cher. Impossible pour eux, avec leurs rémunérations, de se loger là où ils travaillent.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument !

Mme Christine Lavarde. - Dans ma commune, les personnels des crèches sont contraints d'habiter parfois à plus de 100 km ! Nous cherchons désespérément des solutions pour améliorer leur rémunération, mais nous nous heurtons à la jurisprudence de la chambre régionale des comptes. Résultat, des centaines de berceaux sont gelés, le foncier est vide, les familles ne trouvent pas de solution de garde, car les postes restent vacants !

M. le ministre Jean-Christophe Combe n'a pas d'idées, semble-t-il. Peut-être en avez-vous ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au Sénat, nous n'en manquons pas !

Mme Nadine Bellurot. - Le binôme maire-secrétaire de mairie est crucial, notamment dans les communes rurales. En 2026 se tiendront les élections municipales. Or le mandat électif ne fait plus envie ; certains risquent de renoncer à se porter candidats s'ils n'ont pas la certitude d'avoir à leurs côtés un secrétaire de mairie pour les épauler. Il faut envoyer des signaux, susciter les vocations, pour inciter ceux qui sont prêts à se lever pour continuer à faire vivre notre République.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, et nous poursuivrons le débat sur les secrétaires de mairie.

Madame Lavarde, j'ai plein d'idées ! Certaines coûtent un peu d'argent... Sur les corps techniques, le travail mené ces derniers mois sera finalisé par la déléguée interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese), Émilie Piette. Je n'ai pas d'obsession de la symétrie entre administrateurs de l'État et ingénieurs de l'État. Ces derniers ont des spécificités à assumer, à valoriser. L'Insee, les Ponts et Chaussées, les Mines, les ingénieurs de l'armement partagent des éléments communs ; il faut offrir des carrières diversifiées, plus interministérielles, moins en silo. Une compétence technique d'ingénieur sur la transition écologique peut être exercée un jour au ministère de l'agriculture, demain à Bercy, ou dans une Dreal. L'enjeu maîtrise d'ouvrage est plus important que l'enjeu stratégique. Nous manquons d'ingénieurs : il faut plus de rameurs, moins de barreurs !

Parcours, convergence statutaire, grille de rémunération à harmoniser par le haut : voilà ce qu'il faut embarquer, pour une gestion harmonisée des corps d'ingénieurs de l'État, en respectant leurs spécificités. Nous conserverons ce qui marche. Le pilotage des carrières existe, par exemple aux Mines, même s'il est parfois un peu corporatiste...

Mme Christine Lavarde. - Il y a des passerelles vers les Ponts !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Quelle largesse !

Il faut renforcer notre attractivité, car les élèves qui sortent de l'X ne rejoignent pas tous la fonction publique, contrairement à ceux qui sortent de l'INSP. Je souhaite une gestion par pôles de compétence, autour des métiers de la data, de l'économétrie, de la transition écologique, qui pourrait être confiée à la Diese, pour favoriser la convergence, sans mélanger administrateurs et ingénieurs de l'État mais avec des parcours plus transversaux. Nous mènerons ce travail en 2023, pour lancer la réforme des corps techniques en 2024. Il y a un attendu sur l'aspect indiciaire. Pour les administrateurs de l'État, j'ai assumé une harmonisation par le haut, qui va de pair avec plus de rémunération variable.

Je vous rejoins sur les métiers qui peinent à recruter. En Seine-Saint-Denis, la question n'est pas de créer des emplois mais de les pourvoir, par exemple dans les services de protection maternelle infantile services de protection maternelle infantile (PMI). En attendant les transformations structurelles, nous avons besoin de démonstrateurs, pour avancer rapidement. C'est pourquoi je me réjouis du débat à venir sur les secrétaires de mairie. Nous travaillons également, avec Dominique Faure, sur le régime indemnitaire de la police municipale. Je songe aussi à la charte d'engagement pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Il faut éviter la mauvaise différenciation et assumer la bonne différenciation. Les enjeux territoriaux sont centraux, à commencer par celui de la vie chère. La cartographie de l'indemnité de résidence ne colle plus forcément à la réalité. Une remise à plat se chiffrerait en milliards d'euros, mais il faut pouvoir appréhender ces sujets, notamment la question du logement.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je souhaite avancer, dans trois directions. D'abord, le pilotage de l'offre, car on fonctionne, là encore, en silo. L'Armée a une politique du logement, l'Intérieur aussi, mais d'autres ministères n'en ont aucune. Dès juin, je lancerai avec Gabriel Attal et Olivier Klein le comité interministériel du logement des fonctionnaires pour mettre en place une offre plus désilotée, en embarquant les collectivités territoriales.

Deuxième axe, des baux spécifiques pour les fonctionnaires, dont l'accès au logement social ou intermédiaire se heurte à de nombreuses rigidités. Peut-être faudra-t-il faire évoluer la loi.

Troisième axe, augmenter l'offre de logement, notamment intermédiaire, réservé aux fonctionnaires. Des initiatives peuvent être prises. S'agissant du versant hospitalier, nous investissons, avec les ARS et l'APHP, 80 millions d'euros dans des programmes en contractualisant avec des opérateurs, y compris en libérant du foncier de l'État. Nous rencontrons les acteurs du logement pour voir l'offre à développer, avec une logique de logements réservés pour les soignants, les policiers ou les professionnels de la petite enfance. Limiter les déplacements est un enjeu à la fois de qualité de vie au travail, de pouvoir d'achat et d'écologie. Je ne reste pas les bras ballants !

Mme Christine Lavarde. - Merci pour cette réponse très complète, mais dans certaines zones, on se heurte à l'absence de foncier disponible. Le logement intermédiaire n'entre pas dans le quota SRU. Une commune qui se voit prélever 8 à 10 millions d'euros par an ne va pas construire du logement hors SRU !

Sur les rémunérations, il faut aller plus loin. Un exemple : les sapeurs-pompiers, qui sont des militaires, peuvent concentrer leurs astreintes sur trois jours, pendant lesquels ils dorment à la caserne, et passer le reste de la semaine chez eux, à 150 kilomètres de Paris. Les policiers municipaux exercent un métier très proche, mais ne peuvent se voir appliquer le même régime, puisqu'ils dépendent du code de la fonction publique. Il faut trouver des solutions alternatives quand on ne peut pas construire. À Boulogne, il n'y a pas de foncier !

Mme Françoise Gatel, présidente. - Les préfets disposent d'un quota du parc de logement social. Il faut en élargir l'accès aux fonctionnaires. Non pour leur accorder des avantages, mais pour que le service public puisse être rendu !

Mme Catherine Di Folco. - La suppression de la phase d'admissibilité pour certains concours de la fonction publique partait d'une bonne intention, mais pour le concours d'Atsem, ce fut une catastrophe. Le concours se résume désormais à un entretien de vingt minutes. Un candidat bien préparé, qui présente bien, aura 18/20 - mais il y a 300 candidats pour 50 postes. Pour être reçu, il faut 19 ou 19,5 ! Résultat, on a créé des cohortes de frustrés, recalés malgré un très bon entretien. La phase d'admissibilité permettait un écrémage.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Ma réponse sera de méthode : il faut partir de la situation du terrain, des critères d'admissibilité actuels, du nombre de candidats, et travailler avec les employeurs territoriaux.

Mme Catherine Di Folco. - J'alerterai la conférence des employeurs territoriaux. Certains ont sans doute, comme moi, fait passer ces concours.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il faudra aussi associer les syndicats...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation et pour cet échange franc et qualitatif sur des questions complexes. Il n'y a pas de solution miracle, et l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Il faut être imaginatif pour apporter des réponses. Merci pour votre engagement, qui transparait dans vos propos. Vous êtes au coeur de l'efficacité de l'action publique, qui est le levier du rétablissement de la confiance et de la cohésion sociale. Merci.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci à vous.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Vous ferez l'objet d'une filature de notre part !

PERSONNES ENTENDUES EN AUDITION AU SÉNAT

AUDITIONS DES RAPPORTEURS

Mercredi 12 avril 2023

Audition n° 1 - Table ronde sur les groupements d'employeurs avec :

· Conseil départemental de Savoie

- Mme Béatrice SANTAIS, maire de Montmélian, Présidente de la Communauté de Communes de Coeur de Savoie et Conseillère départementale ;

· Communauté de Communes de Mad et Moselle

- M. Jean-Charles de BELLY, Directeur général des services ;

- Mme  Judith ROBIN, secrétaire de mairie ;

· Mairie de Percy-en-Normandie

- M. Charly VARIN, maire de Percy-en-Normandie, Président de la Communauté de communes de Villedieu Intercom (département de la Manche) ;

- Mme Pauline CORDON, Cheffe du service ressources humaines de la Communauté de communes de Villedieu Intercom ;

- Mme Catherine MAUGER, Cheffe de Service « Appui aux communes » de la Communauté de communes de Villedieu Intercom.

Mercredi 3 mai 2023

Audition n° 2 - Table ronde sur les secrétaires de mairie itinérants avec :

· Centre de gestion du Territoire de Belfort (90)

- M. Romuald ROICOMTE, président du CDG et conseiller municipal de Belfort ;

- M. Dimitri RHODES, directeur du Centre de Gestion et de l'Association des Maires du Territoire de Belfort ;

- Mme Sophie JÉSUS, ancienne secrétaire de mairie de la commune d'Eloie et recrutée en 2022 par le Centre de gestion ;

· Centre de gestion de la Haute-Savoie (74)

- Mme Anne BLANC, première vice-président du CDG et conseillère municipale de Beaumont ;

- Mme Valérie BOUVIER, directrice du Centre de gestion ;

- M. David PAGE, secrétaire de mairie.

Mercredi 10 mai 2023

Audition n° 3 - Table ronde sur les réseaux spécifiques et le tutorat avec :

· Centre de gestion de Lozère (48)

- Mme Emmanuelle ABINAL, Directrice Générale des Services ;

- M. Laurent SUAU, Président ;

· Centre de gestion du Finistère (29) :

- M. Yohann NEDELEC, Président ;

- M. Nicolas LONVIN, Directeur Général des Services

· Centre de gestion de la Marne (51) :

- M. Patrice VALENTIN, Président et Maire d'Esternay ;

- Mme Géraldine GROPETTI, Directrice Générale des Services.

Audition n° 4 - Table ronde sur la formation continue avec :

· Centre de gestion de l'Ille-et-Vilaine (35)

- M. Sébastien ANDRÉ, Directeur général ;

· Centre de gestion de la Moselle (57)

- M. Vincent MATELIC, Président et Maire de Rosselange ;

- M. Thierry MICQUE, Directeur Général des Services ;

· Centre de gestion de la Savoie (73)

- M. Éric CHAUMARD, Directeur Général des Services

Mercredi 17 mai 2023

Audition n° 5 - Table ronde sur la formation initiale :

· Association pour le développement et l'innovation numérique des collectivités (Adico) 

- M. Emmanuel VIVE, Directeur général de l'Adico et président du réseau Déclic ;

· Université de Nîmes 

- M. Christophe GACHE, chargé de développement de la formation professionnelle à l'université de Nîmes ;

· Université de Limoges 

- Mme Agnès SAUVIAT, professeur de droit public, directrice de l'IPAG de Limoges et co-directrice du master II « Gouvernance territoriale » ;

· Université catholique de l'Ouest 

- M. Paul SALAUN, Docteur en droit public, Maître de conférences, responsable du DU « professions du secrétariat de mairie » ;

- M. Gilles TALLUAU, représentant de l'AMRF pour le Maine-et-Loire et maire de Varennes-sur-Loire ;

- Mme Marie-Cécile RIVIERE, 2ème adjointe à l'école et à la communication de Serres-Sur-Arget, représentante de l'AMRF Ariège ;

- M. Christophe IACOBBI, Maire d'Allons, représentant de l'AMRF des Alpes-de-Haute-Provence.

Mercredi 24 mai 2023

Audition n° 6 : Table ronde avec les organisations nationales :

· Fédération Nationale des Centres de Gestion de la Fonction Publique Territoriale (FNCDG)

- M. Michel HIRIART, Président ;

- Mme Cindy LABORIE, Responsable des Affaires juridiques ;

· Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales (SNDCGT) :

- M. Bertrand PLANTEVIN, Directeur Général des Services de la Communauté de Communes du Pays de Lure et Conseiller stratégique chargé des Territoires et des Collectivités ;

- M. Sébastien ANDRE, Directeur Général des Services du Centre de gestion d'Ille-et-Vilaine et Conseiller chargé des questions statutaires ;

· Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)

- M. Yohann NEDELEC, administrateur et Président du Centre de gestion du Finistère ;

- M. Laurent TRIJOULET, directeur de cabinet ;

· Association des maires ruraux de France (AMRF) :

- M. Cédric SZABO, directeur ;

- Mme Marie-Cécile RIVIERE, 2ème adjointe à l'école et à la communication de Serres-Sur-Arget, représentante de l'AMRF Ariège ;

· Association des maires de France (AMF) :

- Mme Murielle FABRE, secrétaire générale de l'AMF ;

· Syndicat national des secrétaires de mairie :

- Mme Magali MOINARD, Présidente et formatrice au CNFPT.

ANNEXE 1

Proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie

Articles 1er à 3

(Supprimés)

Article 4

Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° La sous-section 2 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre IV est complétée par un article L. 422-34-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-34-1. - Outre la formation initiale dont ils bénéficient en application des statuts particuliers dont ils relèvent, les agents qui occupent un emploi de secrétaire de mairie reçoivent, dans un délai d'un an à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins des collectivités concernées. » ;

2° Après le troisième alinéa de l'article L. 451-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il définit et assure la formation des agents publics occupant un emploi de secrétaire de mairie dans les conditions prévues à l'article L. 422-34-1. »

Article 5

Le 2° de l'article L. 523-5 du code général de la fonction publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celui-ci veille à ce que les listes d'aptitude comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie. »

Article 5 bis (nouveau)

L'article L. 332-8 du code général de la fonction publique est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 2 000 habitants. »

Articles 6 et 7

(Supprimés)

Délibéré en séance publique, à Paris, le 6 avril 2023.

Le Président,

Signé : Gérard LARCHER


* 1 Cf. la description des fonctions donnée par le site www.choisirleservicepublic.gouv.fr.

* 2 Cf. Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).

* 3 Cf. Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).

* 4 Cf. rapport « Valorisation du métier de secrétaire de mairie » (édition 2023) de l'association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion de la fonction publique territoriale (ANDCDG).

* 5 Source : Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et FNCDG.

* 6 Sénat, rapport pour avis n° 466 (2022-2023) sur la proposition de loi visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie.

* 7 Sénat, rapport d'information n° 289 (2022-2023).

* 8 Sénat, proposition de loi n° 89 (2022-2023).

* 9 Sénat, rapport pour avis n° 466 (2022-2023).

* 10 Sénat, rapport pour avis précité.

* 11 Ibid.

* 12 Ibid.

* 13 Cf. l'alinéa 1er de l'article L. 411-7 du CGFP en application duquel les « grades de chaque corps ou cadre d'emplois sont accessibles par voie de concours, de promotion interne ou d'avancement, dans les conditions fixées par les statuts particuliers ».

* 14 Sénat, rapport pour avis précité.

* 15 Mars 2023 : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/collectivites-locales-chiffres-2023

* 16 Du fait de réunions en soirée (conseil municipal, réunion publique...) et d'événements le week-end (élections, mariages, baptêmes républicains...).

* 17 Équivalent du fait d'une formation initiale ou de passerelles.

* 18 Cf. la définition d'un emploi fonctionnel en Partie III. C. 2.

* 19 Il s'agit en l'espèce des agents qui ne sont pas DGS, car n'étant pas de catégorie A ou n'ayant pas fait le choix d'un emploi fonctionnel.

* 20 Le CNFPT a engagé une démarche de certification censée aboutir au cours de cette année.

* 21 Texte n° 554 (2022-2023).

* 22 Cf. article 2 de la loi n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux.

* 23 Même s'il convient de rappeler que ces postes ne sont accessibles que dans des communes de moins de 3 500 habitants.

* 24 La commune de la secrétaire formée s'engage à verser 600 euros au CDG, qui les reverse à la secrétaire de mairie de la commune formatrice pour deux mois de formation pratique en apprentissage.

* 25 Pour l'exercice des missions obligatoires, une cotisation obligatoire est versée par les collectivités et établissements affiliés, assise sur la masse salariale, dont le taux est fixé par le conseil d'administration, dans la limite d'un maximum de 0,80 %.

* 26 Les missions supplémentaires à caractère facultatif donnent lieu soit à une cotisation additionnelle de la part des collectivités et établissements affiliés, soit à un financement par convention.

* 27 Sénat, rapport d'information n° 909 (2021-2022).

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