ANNEXE
Audition de
MM. Jérôme Seydoux, coprésident du groupe
Pathé,
et Ardavan Safaee, président de Pathé Films
MERCREDI 15 MARS 2023
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M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, en septembre dernier, le bureau de la commission a souhaité confier à nos collègues Jérémy Bacchi, Céline Boulay-Espéronnier et Sonia de La Provôté une mission de contrôle sur la situation de la filière cinématographique en France.
C'est dans le cadre des travaux de cette mission que nous avons le plaisir de recevoir ce matin M. Jérôme Seydoux, coprésident du groupe Pathé et M. Ardavan Safaee, président de Pathé Films, que je remercie d'avoir accepté notre invitation.
Monsieur Seydoux, vous êtes en effet un homme « qui compte » dans le cinéma français et européen, et vous disposez d'une voix « qui porte » bien au-delà du petit milieu du 7e art, surtout lorsque vous affirmez que « le public ne vient pas en salle parce que les films qui sortent ne sont pas bons » ou que « le cinéma français doit se défaire de ses dogmes ».
Votre engagement dans le secteur du cinéma date de 1990, année au cours de laquelle vous rachetez l'historique société Pathé, fondée en 1896, à Vincennes. Vous en avez été le PDG jusqu'en 2000, puis président du conseil de surveillance entre 2000 et 2002. Depuis cette date, vous exercez les fonctions de coprésident de Pathé.
En 2017, vous avez racheté à votre frère ses parts dans les salles de la société Gaumont. Le groupe réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de près d'un milliard d'euros et emploie 5 000 salariés.
Pathé Gaumont est de loin le premier exploitant de France, avec le quart des entrées en 2019 et 14,5 % du parc national.
Mais le groupe Pathé est aujourd'hui présent à toutes les étapes de la chaîne du cinéma. Vous intervenez au niveau de la production de films, de leur distribution en salle et en vidéo, et vous menez par ailleurs une action de restauration de films anciens et gérez un catalogue de plus de 800 longs-métrages.
Votre parole est rare, et quand elle s'exprime, elle est entendue et répétée, comme en témoigne l'écho reçu par les déclarations que j'évoquais à l'instant. Nous allons donc l'écouter avec une particulière attention !
Je vous propose de vous donner la parole pour une dizaine de minutes afin que vous puissiez nous faire partager, à la lumière de votre expérience, votre vision du cinéma français et de sa place dans un environnement marqué par l'arrivée des plateformes.
Puis je passerai successivement la parole aux trois rapporteurs de notre mission de contrôle et enfin à l'ensemble des sénatrices et sénateurs qui souhaitent s'exprimer.
Après avoir rappelé que cette audition est captée et diffusée sur le site Internet du Sénat, je vous donne à présent la parole.
M. Jérôme Seydoux, coprésident du groupe Pathé. - Nous sommes très heureux, Ardavan et moi, d'être ici et de vous expliquer ce que nous pensons du cinéma.
Un mot pour dire que le cinéma sort d'une période qui a été très difficile. Les salles de cinéma ont été fermées la plupart du temps en 2020 et en 2021, et l'année 2022 a été une année de convalescence. On sort donc d'une période très difficile durant laquelle Pathé a fait de gros efforts pour s'adapter à une forme de nouvelle donne. La nouvelle donne vient fondamentalement de l'évolution du monde digital.
Aujourd'hui, le monde digital se développe partout et se révèle influent dans le cinéma comme ailleurs. Ce monde digital prend plusieurs formes. Le Covid, qui a constitué une période très favorable aux plateformes et très défavorable aux salles de cinéma et même au tournage des films. Nous sortons donc d'une période difficile qui entraîne des modifications.
Quelles sont-elles ? Le public a pris l'habitude de regarder des films à travers les plateformes ou la télévision traditionnelle. Le choix est énorme, la qualité excellente et les prix sont bas au regard de ce que l'on paye mensuellement. Nous avons donc à faire face à une évolution de notre environnement.
Pathé, face à cette évolution, a pris avant le Covid la décision de monter en gamme, que ce soit du côté des films ou du côté des salles.
Côté des salles, cela signifie plus de confort et de spectacle. Côté films, ceux-ci doivent être indiscutables pour le spectateur. Le spectateur, aujourd'hui, a une offre formidable qui lui est proposée à domicile. Il faut donc lui donner des raisons d'aller en salle : il faut que ce soit un film qu'il ait vraiment envie de voir, dans un endroit où il a vraiment envie d'aller.
Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions, mais, fondamentalement, nous considérons que le métier que nous faisons - faire des films, distribuer des films, exploiter des salles - est un métier qui ne va pas disparaître, parce que c'est la seule offre véritable face aux plateformes. Voir un film avec d'autres gens, voir un spectacle différent de ce qu'on peut voir chez soi va perdurer, mais cela ne perdurera que si nous proposons une offre qui soit bonne.
Vous vous intéressez peut-être plus aux films qu'aux salles, mais Pathé fait 85 % de son chiffre d'affaires dans l'exploitation des salles, les films représentant quant à eux 15 %. Ce sont donc les salles qui font vivre la société. Les films sont indispensables, sans quoi il n'y a pas de spectacle, mais des films sans salle, cela ne marche pas non plus. Or Pathé est une société qui n'est que dans le cinéma, même si nous avons démarré une activité de séries.
Je cède la parole à Ardavan Safaee pour qu'il vous explique la position de Pathé et vous explique ce qu'il pense du film français et de sa capacité à séduire non seulement les Français, mais également les étrangers.
M. Ardavan Safaee, président de Pathé Films. - Merci de nous recevoir et de nous donner la parole. Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Les films, comme le cinéma en général, inspirent beaucoup de fantasmes, et notre métier est souvent méconnu. Je voudrais profiter de cette prise de parole pour vous expliquer comment nous fonctionnons.
Les films ont traversé une crise très grave, comme toute la société en général. Il y a quelques années, pour voir un film, le public devait soit aller dans une salle de cinéma, soit acheter un DVD. Il n'y a pas encore si longtemps, il existait à la télévision des jours interdits. Celle-ci ne pouvait diffuser des films de cinéma de nombreux jours dans la semaine. Il n'y avait ni plateforme ni « télévision de rattrapage ». Aujourd'hui, l'offre de films disponibles à bas coût est démultipliée. Le public peut donc rester chez lui pour voir des films.
Nous avions déjà, avant le Covid, entamé une réflexion pour savoir comment faire en sorte que le public vienne dans les salles de cinéma pour voir les films. La question que nous nous sommes posée a été de savoir combien Pathé devait produire et distribuer, et si nous avions la capacité de soutenir, financer et mettre autant de films en avant. Certaines années, nous avons eu jusqu'à seize ou dix-sept films à distribuer ce qui, parfois, a engendré des difficultés de mise en avant de beaucoup de films, que nous n'avions pas les moyens de bien travailler.
Nous nous sommes donc dits : « Faisons moins de films, mais faisons-les mieux ». Le cinéma français a enregistré un vieillissement de son audience et a subi une concurrence très forte des plateformes sur la partie la plus jeune de nos spectateurs. Comment peut-on aujourd'hui faire en sorte de les faire revenir au cinéma ?
Dans l'économie des films, on parle toujours de la salle, mais il faut prendre en compte de nombreux médias - vidéo à l'acte, qui a perdu près d'un milliard d'euros de marché depuis dix ans, télévision, où l'on peut encore voir des films de plus de cinquante ans, secteur international. Notre réflexion porte aujourd'hui sur la salle et sur l'international.
Les plateformes ont créé des brèches dans le financement des films français. Avant les plateformes, on travaillait en circuit interne avec les chaînes françaises et des partenaires français. L'arrivée des plateformes a cassé ces frontières. Nos films et nos séries peuvent voyager, mais tous les films et toutes les séries des autres pays arrivent aussi chez nous. Si on ne réfléchit pas à la façon dont nos films peuvent à la fois convenir aux spectateurs français et s'exporter, on aura du mal à exister très longtemps.
L'univers des plateformes a apporté beaucoup d'argent au marché. Le milliard qu'on a perdu sur la vidéo à l'acte a été remplacé par les plateformes en termes d'économies pures, mais ces plateformes investissent aujourd'hui très peu dans le cinéma français.
Nous avons mis en place, avant et pendant le Covid, des obligations pour que les plateformes investissent dans le cinéma comme le font les chaînes françaises, mais aujourd'hui, le principal financier du cinéma français reste Canal Plus qui, de par la taille de son investissement, bénéficie d'une fenêtre exclusive avant tout le monde. Les plateformes ont décidé, au moment de la mise en place de ces obligations, d'investir majoritairement dans les séries et non dans le cinéma.
Ceci est lié au Covid et au fait que, lorsqu'on était confiné, nous recevions chaque semaine des dizaines d'articles sur la mort du cinéma. Ce moment a été difficile pour nous, alors que les plateformes montaient en gamme, avec des films de plus en plus ambitieux. Aujourd'hui, des films qui coûtent 100 ou 200 millions de dollars ne sortent plus sur les plateformes.
Les plateformes sont aussi en train de changer. J'ai récemment effectué un voyage à Los Angeles pour essayer de comprendre comment fonctionne le marché américain. Dans un marché qui n'est pas du tout régulé, où n'y a aucune aide et où l'État n'intervient pas, on ne voit que des films à 150 millions dollars ou plus, ou de petits documentaires à moins de 5 millions de dollars. Les plateformes amènent beaucoup d'argent aux films. Ce n'est pas encore notre cas en France. Il y a sans doute quelque chose à changer pour les attirer davantage et les obliger à mettre plus d'argent dans le cinéma, parce qu'on a besoin de l'ensemble des acteurs.
Aujourd'hui, Canal Plus est un acteur important pour financer l'ensemble de ces films - et heureusement qu'il est là. Il faut que, demain, ces plateformes, qui font beaucoup de leur chiffre d'affaires en France, puissent, à la hauteur de leur importance dans l'économie française, investir dans le cinéma français pour monter en gamme, ainsi que nous l'avons fait pour les salles de cinéma.
Il nous faut aussi monter en gamme en matière de films. Les films récents comme Astérix, Les trois mousquetaires ou Le Comte de Monte-Cristo répondent à ce besoin. Ce qui fait de la France un cinéma extrêmement envié, c'est la diversité de ses films. Elle nous permet de faire de gros films comme Astérix, mais on a également fait Revoir Paris d'Alice Winocour, le prochain film de Xavier Beauvois, ou les films de Pedro Almodovar. Le cinéma, c'est cette diversité. Elle nous permet de renouveler les talents et la création et de faire des films spectaculaires, grand public, qui permettent aux gens de venir dans les salles de cinéma.
M. Laurent Lafon, président. - La parole est aux rapporteurs de la mission d'information sur la situation de la filière cinématographique.
M. Jérémy Bacchi. - Monsieur Seydoux, vous évoquiez le modèle d'exploitation des salles et la part réservée aux films dans le business plan des salles. Vous défendez de longue date une sorte de stratégie de premiumisation de vos salles. Ainsi, le prix des billets de certaines salles - je pense notamment aux salles parisiennes -, comme Beaugrenelle ou le nouveau cinéma Parnasse, dépasse les 20 euros.
Bien sûr, il s'agit là de cas très particuliers, qui ne reflètent pas le prix moyen du billet en France, qui est aux alentours de 7 euros, avec des équipements de très haut niveau, disons-le, et un confort inégalé.
Ne craignez-vous pas qu'à un moment donné le cinéma puisse rompre avec son caractère populaire ? Comment arrivez-vous à concilier à la fois la notion de grand public et la premiumisation que j'évoquais à l'instant ? Je note en effet que la France se singularise très fortement par rapport aux autres pays en Europe ou à travers le monde.
M. Jérôme Seydoux. - C'est une question que j'attendais. Quand on dirige une entreprise, deux choses sont importantes. Tout d'abord, il faut que les clients soient satisfaits, et il faut ensuite que l'entreprise fonctionne. Ce sont deux éléments absolument fondamentaux.
Je vais répondre de manière très simple : ce qui fonctionne le mieux chez Pathé aujourd'hui, ce sont les salles premium. Aujourd'hui, quand vous allez au cinéma, vous réservez votre place. Quand un film est très demandé, les places qui partent en premier sont les places les plus chères.
Je ne sais si cela répond à votre question, mais le cinéma bon marché, c'est la télévision. Lorsque j'étais enfant, puis étudiant, il n'y avait que le cinéma pour voir des films. La télévision n'existait pas et les cinémas, contrairement à ce que l'on pourrait croire, étaient très chers en première exclusivité, le prix descendant au fur et à mesure qu'on s'éloignait de la date de sortie du film.
Le cinéma s'adressait alors forcément à tous les gens qui voulaient des images, mais aujourd'hui, le cinéma pas cher, c'est la télévision. C'est notre concurrent principal, et si nous cherchons à concurrencer la télévision en matière de prix, nous avons perdu. La télévision est gratuite ou, dans le cas des plateformes, peu chère - 10 à 12 euros par mois pour toute une famille. On ne peut concurrencer la télévision. Les gens vont au cinéma parce que c'est une sortie, parce qu'ils vont passer un bon moment, et ce qu'ils veulent, c'est qu'on leur offre du confort et de bons films.
On peut faire du cinéma low cost, mais je n'y crois pas. Ce que veulent les spectateurs en allant au cinéma, c'est passer un bon moment. Personne d'autre que le spectateur ne décide. Si nos prix sont trop chers, il ne viendra pas. On fera alors autre chose...
C'est notre responsabilité de chef d'entreprise. J'irai même plus loin : aujourd'hui, à la sortie d'une période très difficile, la société de salles de cinéma qui fonctionne le mieux en France, c'est la nôtre !
M. Jérémy Bacchi. - Vous disiez à juste titre que c'est le spectateur qui décide. Ne pensez-vous pas que ce qui se fait dans quelques salles parisiennes est exportable sur l'ensemble du territoire national et aura les mêmes effets que dans certaines salles parisiennes, ou doit-on continuer à avoir deux offres différenciées, avec des salles premium pour un certain public et des salles un peu moins confortables mais fonctionnant plus dans un phénomène de massification ?
M. Jérôme Seydoux. - Il faut considérer les proportions. Aujourd'hui, en France, Pathé doit posséder environ 700 salles, dont 100 salles premium. Il existe aussi des abonnements qui réduisent le prix de places. Dans nos recettes, les gens qui payent le prix fort représentent 20 % des clients. Il faut aussi tenir compte des ventes aux comités d'entreprise.
Ce n'est pas une originalité française. C'est une évolution mondiale. Ce que nous faisons correspond à l'évolution de la plupart des groupes de salles de cinéma mondiaux, et ce qui est le plus demandé, c'est le siège très confortable.
Mme Sonia de La Provôté. - Sur France Inter, le 12 octobre, vous avez déclaré - je cite : « Les gens ne veulent pas aller au cinéma pour se faire chier ». Je souscris tout à fait à cette remarque.
Cependant, hormis le confort de la salle, qu'est-ce qui attire les gens au cinéma ? Est-ce seulement pour passer un bon moment, comme vous l'avez dit, ou la question est-elle beaucoup plus complexe ? On a en effet enregistré une baisse de la fréquentation des cinéphiles qui viennent voir un film qui les interroge, les fait réfléchir ou leur fait vivre une expérience.
Au-delà de la tournure volontairement polémique, vous avez mis le doigt sur un aspect qui est au coeur de nos réflexions. Parmi celles-ci figurent le nombre et la qualité des films. C'est un vrai sujet, que vous avez abordé dans votre propos liminaire.
Pour schématiser, d'un côté, une partie de la profession défend un modèle censé préserver la liberté des créateurs, la diversité, l'exception culturelle, qu'on remet très régulièrement en avant et qui peut largement être un objet de fierté, ce qui revient à produire et à donner à un maximum d'oeuvres la possibilité de trouver un public.
D'un autre côté, certains estiment que le cinéma français est par nature trop nataliste et devrait concentrer ses moyens sur des projets avec de meilleures perspectives.
Que pouvez-vous dire à ce propos et comme envisageriez-vous une régulation du système de financement plus favorable ? Pensez-vous qu'il existe un bon nombre de films à produire chaque année en France, même si cette question est très complexe ? Faut-il avoir des objectifs pour créer l'émergence et aller ensuite vers de plus grosses opérations ?
La concentration n'est pas ce que l'on cherche à défendre dans le cinéma avec quelques réalisateurs, la tentation du blockbuster ou de l'acteur bankable. Comment arrive-t-on à concilier les deux sans tuer le système ou lui faire perdre de sa qualité ?
M. Jérôme Seydoux. - Tout d'abord, la France ne compte pas que Pathé. D'autres opérateurs ont d'autres opinions, défendent éventuellement d'autres stratégies. Je pense que la France a beaucoup de chance sur ce plan.
En premier lieu, elle dispose d'un parc de salles très diversifié. Nous sommes catalogués comme cinéma commercial, mais il existe aussi des cinémas Art et Essai, des cinémas de ville, de villages, qui sont d'ailleurs presque toujours subventionnés. La France est quand même, du point de vue des cinémas, très bien équipée. Je pense qu'on n'est pas loin d'être l'un des pays les mieux équipés au monde. De ce point de vue, la diversité existe et ceux qui considèrent que c'est trop cher chez Pathé peuvent aller ailleurs.
Deuxièmement, vous posez la question du nombre de films. Ce n'est évidemment pas à nous de répondre à cette question. Ardavan a expliqué que, du point de vue de la gestion de l'entreprise, nous allions faire moins de films. Il se trouve que la France produit beaucoup de films mais je pense que, s'il doit y avoir une évolution de la réglementation, c'est au Centre national du cinéma (CNC) qu'il faut s'adresser. C'est lui qui décide. Le nombre de films est lié au système de l'avance sur recettes, des subventions, et ces subventions pourraient être attribuées d'une manière différente. Ce n'est pas à nous de répondre sur ce point.
Il est certain que si l'on fait trop de choses, on ouvre des possibilités à des gens qui ne feraient pas de films mais, ce faisant, on a tendance à saupoudrer et à être moins efficace.
Si on veut être plus efficace, il faut peut-être avoir des règles plus strictes dans la sélection de ceux qui reçoivent des subventions. C'est en partie à vous, au CNC et au public de vous saisir de cette question. Aller au cinéma demande un certain effort. Vous m'avez cité, mais je ne reprendrai pas ce que j'ai dit, car j'ai peut-être été un peu vulgaire ce jour-là. On va au cinéma pour son plaisir, quel que soit le film qu'on va voir.
On peut chercher à voir un film à grand spectacle. La France a une grande réputation dans le film d'auteur, et il y a des gens qui ont envie d'en voir, mais le film d'auteur doit aussi atteindre un certain niveau. C'est le public qui décide si un film marche, et non le CNC. Cela arrive au spectateur de se tromper, mais pas tellement. Quand un film ne marche pas, c'est rarement un film excellent. Cela peut arriver, mais c'est très rare.
La France est un pays qui a défendu depuis toujours la diversité du cinéma, c'est une de ses forces. Même si je peux trouver qu'il y a parfois trop de films, je défendrai néanmoins la diversité. C'est très important, mais c'est le CNC qui attribue les aides. C'est toujours difficile de faire un bon film, mais il est peut-être quelquefois trop facile d'en faire un mauvais.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Le groupe Pathé est à la fois exploitant, producteur et distributeur. Il était très intéressant de vous entendre de ce point de vue.
J'aurai trois questions complémentaires. En premier lieu, vous avez fait référence au rôle de régulateur du CNC, à juste titre d'ailleurs, mais pensez-vous que l'activité de distribution pourrait être renforcée par rapport à la production, afin de donner de meilleures chances aux films ?
Deuxièmement, seriez-vous favorable à un renforcement des obligations de programmation en salle afin d'éviter que les films disparaissent trop vite, ou que certaines oeuvres soient présentes sur trop d'écrans en même temps ?
Troisièmement, vous avez récemment fait part du souhait de Pathé d'entre en bourse afin de financer de nouveaux projets. Pourriez-vous nous dire quels sont les secteurs dans lesquels vous souhaiteriez investir - les salles, la production, etc. ?
M. Jérôme Seydoux. - Investir est une question fondamentale. Dans n'importe quel métier, si vous voulez rester au sommet, vous êtes obligé d'investir tout le temps. On est dominé par le monde digital : nos dépenses augmentent sans cesse. Aujourd'hui, vous pouvez aller au cinéma en réservant votre place depuis votre téléphone. Si on ne passe pas notre temps à perfectionner l'application, nous ne serons plus compétitifs. Nous avons donc l'obligation d'investir sans arrêt, parce que c'est ce qu'attendent nos clients. C'est vrai pour les salles, mais c'est vrai aussi pour tout ce qui ne se voit pas. Nous sommes tous dans un monde digital. Si Pathé a une avance sur ses confrères français, c'est grâce au digital, ce n'est pas tellement une question de prix ou de siège.
Pour la bourse, on verra bien. Tout d'abord, ce n'est pas pour demain. On ne pourrait entrer en bourse avec les résultats qu'on a eus en 2020, 2021 et 2022, période qui a été très difficile. Il nous faut faire une bonne année 2023, et voir en 2024 si le climat est favorable. Oui, c'est un projet, mais il n'y a pas de certitude.
Pour ce qui est de l'obligation de programmation, je n'aime pas ce terme. Je pense que nous vivons de la diversité. La diversité est fondamentale pour la salle de cinéma, mais on ne peut forcer les gens à aller voir des films, et certains films produits en France ne méritent pas la salle.
Une chose mériterait d'être changée : aujourd'hui, un film de cinéma doit, s'il a reçu des aides publiques, sortir en salle. C'est une obligation légale. On devrait la changer, car aujourd'hui, un film n'a pas qu'une vie en salle. Il peut avoir une vie digitale - plateformes, télévision, tout ce qu'on veut. L'obligation de sortie en salle est un non-sens. La salle, c'est la partie prestigieuse de la sortie d'un film, mais il peut sortir sous toutes les formes digitales qui existent. Ce blocage réglementaire devrait donc être modifié.
La diversité, oui, les obligations programmées, non. C'est le spectateur qui décide ce qu'il a envie de voir. Je vais vous raconter une anecdote qui se passait il y a très longtemps. Je visitais à l'époque un des premiers multiplex de Pathé. C'était un samedi, il y avait du monde. Je pensais qu'on ne pouvait pas voir les salles, puisqu'elles étaient occupées. Or il y avait une salle où il n'y avait personne. Le film ne plaisait pas et le directeur m'a dit : « Même gratuitement, les gens ne viendraient pas ! ». On ne peut pas forcer les gens à voir des films qu'ils ne veulent pas voir. La diversité oui, l'obligation de programmer des films que les gens ne veulent pas voir, non !
C'était il y a très longtemps, vous n'étiez pas nés ! Il y a prescription. Mais je me souviens du metteur en scène ! Ce n'était pas un metteur en scène inconnu. Il a, par la suite, fait des films qui ont connu le succès - mais je ne donnerai pas son nom !
M. Ardavan Safaee. - Il est évident que le maillon le plus fragile de la chaîne est la distribution. C'est le secteur qui perçoit le moins d'aides, mais aussi celui qui prend le plus de risques sur le marché. Les frais de promotion et de publicité augmentent, et ces investissements ne peuvent être couverts que par les revenus issus de l'exploitation du film en salle, en vidéo, à la télévision, à l'international. Si le film ne marche pas, l'investissement est perdu. Si le film ne marche pas en salle et en vidéo, il y a peu de chances qu'il marche à la télévision.
Aujourd'hui, il existe des aides sélectives pour les distributeurs indépendants et des aides automatiques. L'aide automatique est essentiellement constituée par le fonds de soutien aux distributeurs, qui est au maximum d'environ 350 000 euros par film. En termes d'échelle, c'est très faible par rapport à la production.
Faire exister un film aujourd'hui est de plus en plus difficile. On va investir énormément avant la sortie pour que les gens se disent : « C'est ce film que je dois aller voir et pas un autre ». Il y a environ quinze films qui sortent chaque semaine. Les Américains ont beaucoup plus de moyens que nous en termes de publicité. On profite aussi des émissions de télévision où on peut faire venir des talents mais, globalement, on n'a pas les mêmes moyens que les autres, et il faut qu'on soit de plus en plus originaux, de plus en plus inventifs, créatifs mais aussi qu'on ait les moyens d'investir pour que ces films existent. Si les gens ne savent pas que le film existe, ils n'iront pas le voir.
Aujourd'hui, les mécanismes les plus efficaces, notamment en termes d'aides, sont les mécanismes automatiques. C'est ce qui est très efficace pour la production, c'est ce qui permet aux producteurs d'avoir des fonds propres pour investir dans le développement de nouveaux films.
En revanche, les distributeurs ne bénéficient pas de cette dimension et n'ont donc pas les moyens d'avoir des fonds propres renforcés pour investir et prendre des risques sur les nouveaux films. Il serait sans doute souhaitable qu'un rééquilibrage de l'aide automatique s'opère de ce point de vue.
M. Laurent Lafon, président. - La parole est aux commissaires.
M. Julien Bargeton. - Il est compliqué de savoir ce qu'est un bon film. Je me rappelle avoir vu chez un de vos concurrents le film Everything Everywhere All At Once, qui n'a pas eu un énorme succès en France, mais qui a raflé tous les Oscars. Pourtant, quand je suis allé le voir, la salle était à moitié vide, alors que c'est un très bon film. Un film met parfois du temps à démarrer. Celui-ci a raflé des Oscars. Peut-être aura-t-il une deuxième chance, en tout cas je l'espère, car, même s'il dure 2 heures 20, c'est assez prodigieux !
Vous parlez beaucoup des plateformes. Elles rencontrent un certain nombre de difficultés. Netflix est en difficulté depuis quelques mois et cherche des alternatives, notamment avec une offre qui comprend désormais de la publicité, lancée il y a peu. Disney est également en grande difficulté et a annoncé des licenciements massifs dans le monde, en France et ailleurs. Je crois que le PDG de la plateforme a été licencié, sauf erreur de ma part. Warner HBO hésite quant à lui. Ils avaient prévu de lancer leur plateforme et, finalement, ne sont pas sûrs de le faire ni du service qu'ils vont proposer.
On le voit, la concurrence est très forte. Vous dites qu'il y a peut-être trop de films. La question qu'on pourrait se poser, c'est de savoir s'il y a trop de plateformes. Dans la musique, secteur que je connais un peu, il y a une universalité de l'offre sur n'importe quelle plateforme, où l'on trouve toute la musique en ligne, alors que pour voir toutes les séries, tous les films, etc., il faut s'abonner à plusieurs plateformes.
Les investissements ont donc peut-être été trop importants et, visiblement, il y a une difficulté pour rencontrer un nombre de consommateurs suffisant par plateforme pour rentabiliser les investissements de chacun.
Comment voyez-vous l'avenir de ce marché ? Les choses vont-elles évoluer, puisque ce business model semble plus compliqué ? Vous lui attribuez la baisse de fréquentation en salle, mais les plateformes connaissent elles-mêmes la concurrence. Est-ce une bulle, une menace persistante pour l'avenir et doit-on s'attendre à des recompositions, par exemple à une réduction du nombre de plateformes ? A-t-on une stabilisation de la concurrence à ce stade entre plateformes et films en salle ?
Mme Laure Darcos. - Je voudrais revenir sur les crédits d'impôt, que j'ai abondamment soutenus afin qu'ils soient poursuivis. Cela n'a pas été le cas dans le dernier projet de loi de finances.
Pourriez-vous revenir sur ce point ? Ce n'est pas nous qu'il faut convaincre, mais plutôt les commissaires de la commission des finances, qui ne savent pas forcément comment on produit un film et ne connaissent pas tout le travail des distributeurs.
Avez-vous une opinion s'il fallait choisir les plus fédérateurs ? Peut-être ne pourra-t-on tout avoir, comme lors de la crise du Covid, lorsque Bercy a été un peu plus généreux.
M. Pierre-Antoine Levi. - Vous avez parlé d'introduction en bourse en fonction des conditions de marché mais, en janvier dernier, Pathé a signé un accord de partenariat avec une société, Logical Pictures, en vue de lever 100 millions d'euros. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce partenariat ? En quoi est-il novateur pour le cinéma français ?
Par ailleurs, on a assisté récemment, dans les salles de cinéma, à des scènes de violence, au risque de faire fuir une clientèle familiale. Quelles mesures avez-vous prises pour empêcher que cela ne se reproduise ?
Mme Monique de Marco. - Votre objectif est de vous tourner vers l'international, plutôt avec des films grand public si j'ai bien compris. Pour vous, qu'est-ce que l'international ? S'agit-il des États-Unis, de l'Asie, de l'Europe ? Je pense que ce n'est pas le même profil de spectateurs.
Enfin, que pensez-vous de la chronologie des médias ?
Mme Laurence Garnier. - Le pass Culture du Gouvernement a été mis en place il y a quelques années. Il permet aux jeunes à partir de 18 ans d'accéder à 300 euros de biens et de sorties culturelles. C'est une somme assez conséquente, et même si les jeunes sont moins présents au cinéma qu'ils ont pu l'être, il semblerait que cela reste la première activité culturelle de cette classe d'âge.
Le pass Culture est-il efficace pour permettre la fréquentation des salles de cinéma par les jeunes ou viennent-ils autant qu'avant ni plus ni moins, mais en bénéficiant de cet apport financier.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Vous avez commencé votre carrière comme analyste financier, et le monde de la finance n'a pas de secrets pour vous.
Et puis - et c'est une expression qui revient souvent chez vous - vous avez voulu faire rêver les gens et leur permettre de s'abstraire de cette société parfois un peu lourde et pesante. Bien évidemment, en homme avisé, vous avez investi massivement dans le cinéma, mais également dans un sport qui m'est cher, le football, puisque vous étiez au conseil d'administration de l'Olympique lyonnais. Pour ceux qui ont un peu de mémoire, c'est à vous que l'on doit la venue de Sonny Anderson dans le championnat de France, qui reste un grand moment.
Quel parallèle faites-vous entre l'avenir du cinéma français et celui du football français, mais aussi entre les difficultés qu'ils traversent l'un et l'autre. Voyez-vous des points de rapprochement ou des constantes dans l'évolution du rêve et du business ?
M. Olivier Paccaud. - Je terminerai également par un parallèle avec le football, mais je reviens sur ce qu'a dit Jérémy Bacchi, et je voulais vous remercier pour la franchise de vos propos de businessman. Vous assumez la stratégie du premiumisation. Vous dites que c'est ainsi que Pathé fonctionne bien. Mais le cinéma, à la base, c'est un art populaire.
Dans mon département de l'Oise, comme dans beaucoup de départements, il existe ce qu'on appelle le Ciné Rural. C'est une association qui a passé un partenariat avec plus d'une centaine de communes, et qui propose régulièrement des films avec un léger décalage de trois à quatre semaines au prix de 3, 4, 5 euros. C'est vraiment de l'art populaire par excellence.
Quand nous étions plus jeunes, il existait dans les lycées des ciné-clubs, qui permettaient aux gens les plus modestes d'aller facilement au cinéma. N'avez-vous pas réfléchi à conserver des liens avec ces gens que vous ne touchez pas en premier ?
L'Olympique lyonnais est peut-être le meilleur exemple : il a brillé quand il avait beaucoup d'argent et pouvait attirer des stars, mais surtout parce qu'il avait un centre de formation qui formait les meilleurs joueurs du monde. Benzema vient de là !
Il faut peut-être un juste équilibre. Je n'ai évidemment aucune leçon à vous donner, car vous réussissez parfaitement, mais avoir un lien avec les gens éloignés non seulement géographiquement mais aussi financièrement de l'accès à la premiumisation ne constituerait-il pas pour vous une voie de développement ?
M. Jérôme Seydoux. - L'écosystème des plateformes est-il stabilisé ? Malheureusement, les plateformes sont toutes américaines, et ce n'est pas la France qui va avoir une influence sur l'évolution des plateformes. Les plateformes sont là pour durer. Y en a-t-il trop ? Peut-être, mais on n'a pas de moyens de savoir s'il va y en avoir moins ou plus.
Aux États-Unis, il y avait trois grands networks, puis il y en a eu un quatrième. On peut penser qu'il y aura dans le monde, à terme, trois ou quatre plateformes. On en connaît déjà trois : Netflix, Disney, Amazon. En France, les deux premières sont Netflix et Amazon, devant Canal Plus. Or Netflix et Amazon sont très bien implantés chez nous. Ils ne vont donc pas disparaître. Ils sont là pour longtemps. Il faut espérer que Canal saura résister aux plateformes. On ne peut non plus éliminer Apple, etc. Les plateformes ne vont pas disparaître.
Aux États-Unis, pendant le Covid, les majors américaines se sont posé la question de savoir si elles allaient continuer à sortir des films en salle ou les diffuser sur des plateformes. Comme l'a dit Ardavan, ils ont pris la décision que les films importants sortaient d'abord en salle et seraient ensuite diffusés sur les plateformes, à part Netflix, qui garde une stratégie un peu différente. Il pourrait un jour changer d'avis mais aujourd'hui c'est assez clair : les Américains n'ont pas abandonné la salle.
S'agissant des crédits d'impôt, les fonds d'aide du CNC sont très anciens. Je ne pense pas que l'avance sur recettes soit en danger. Ce qui est éventuellement en danger, c'est le crédit d'impôt.
Nous avons produit, au cours des années, Astérix, Les trois mousquetaires. Ce sont des films qui ont été entièrement tournés en France depuis très longtemps. La reine Margot, de Patrice Chéreau, a été tournée au Portugal. Le crédit d'impôt a ramené les tournages des films importants en France, c'est indéniable.
Si demain le crédit d'impôt est supprimé, on ne fera pas ces films ou ils seront réalisés hors de France. Défendre le crédit d'impôt est donc une excellente idée, qui nous ferait très plaisir !
M. Laurent Lafon, président. - Vous prêchez des convaincus, mais les commissaires de la culture peuvent être mis en minorité au sein même du Sénat sur cette question !
M. Ardavan Safaee. - Le contrat avec Logical Pictures est une association de la production et de la distribution de tous nos films qui sont en production depuis 2022. Cela concerne une cinquantaine de films, mais cela dépendra des évolutions de nos productions. C'est un partenariat qui implique un investissement à nos côtés et un pourcentage d'investissement de notre part. Ils sont obligés d'investir dans tous nos films et récupèrent ce pourcentage en fonction de leur participation.
Il s'agit d'un partenariat stratégique qui permet à Pathé de continuer à développer des films ambitieux sur le long terme, notre volonté étant d'avoir régulièrement des films importants à proposer au public. Il faut pour cela qu'on soit soutenu. Cet apport nous permet de bien voir l'avenir et de continuer à faire ces films.
M. Jérôme Seydoux. - Quant à la violence, elle a toujours plus ou moins existé dans les salles. Elle est liée au film, et elle est très rare. Vous ne pouvez avoir une escouade de CRS à la porte pour certains films. Il faut donc faire face, mais c'est franchement très rare.
Quand cela se produit, c'est excessivement désagréable pour tout le monde, et une équipe qui gère une salle de cinéma n'est pas entraînée à faire face à la violence. Ce n'est pas son métier.
M. Ardavan Safaee. - S'agissant de l'international, les pays qui achètent le plus de films français restent européens, mais des films comme Astérix, Les trois mousquetaires, ou les films de Dany Boon, Albert Dupontel et Alice Winocour sont des films qui attirent un public étranger. On travaille sur ces films. Il y a des publics très importants en Amérique latine. En Allemagne, Astérix est une marque quasiment aussi connue qu'en France, tout comme en Italie, en Espagne, dans tous les pays européens ou en Asie. Ces films-là bénéficient d'un attrait international.
Le marché le plus difficile pour nous, ce sont les États-Unis et, d'une manière générale, les territoires de langue anglaise - États-Unis, Angleterre, Australie. Pourquoi ? Aux États-Unis particulièrement, un film qui n'est pas en langue anglaise est un tout petit film. Les jeunes Américains ne veulent pas voir des films qui ne sont pas américains, même des films spectaculaires.
On a donc des difficultés pour l'instant avec les États-Unis, mais on essaye d'y travailler. Notre ambition est de faire un ou deux films en langue anglaise qui puisse s'exporter et marcher aux États-Unis.
Faut-il continuer à se battre pour le respect de la chronologie des médias ? Il faut continuer à la moderniser, en tout cas. On l'a modernisée un tout petit peu avec l'arrivée des plateformes, en les intégrant au système de financement. C'est un début. La chronologie est aujourd'hui vraiment liée au financement du cinéma. C'est le préachat des chaînes qui détermine la chronologie.
Il est évident que l'évolution du mode de consommation du cinéma - même si je n'aime pas ce terme - fait qu'on doit continuer à faire évoluer la chronologie. Le cinéma est toujours en mouvement. La chronologie ne peut être fixée à très long terme. C'est pour cela qu'on la détermine pour trois ans à chaque fois. Il faut que ce mouvement soit accompagné. Notre boussole, c'est le public. Si notre boussole reste le public, on doit continuer à moderniser la chronologie des médias.
M. Laurent Lafon. - C'est-à-dire en donnant un peu plus de place aux plateformes ?
M. Ardavan Safaee. - Les plateformes auront plus de place si elles investissent plus d'argent. C'est toute la difficulté. Moderniser veut dire assouplir les règles pour qu'on s'adapte à chaque film.
Il faut faire attention à ce que les règles ne soient pas trop strictes. Il faut des règles extrêmement claires pour que les financements des films français continuent à être importants, mais il faut une certaine souplesse. Aujourd'hui, les chaînes et les plateformes ont peut-être envie de travailler ensemble pour investir dans les films. Il faut leur permettre d'assouplir aussi la chronologie des médias pour qu'ils puissent le faire, toujours au bénéfice du film.
M. Jérôme Seydoux. - S'agissant du pass Culture, il est très efficace. L'une des raisons pour lesquelles, à la fin du Covid, notre nombre d'abonnés est non seulement remonté aux chiffres de 2019 et l'a même dépassé, repose sur le pass Culture. En ce qui nous concerne, il a été extrêmement efficace pour les abonnements cinéma.
Quant au parallèle entre le monde du football et celui du cinéma, nous ne sommes plus dans l'Olympique lyonnais. Nous avons vendu notre participation à la fin de l'année dernière, mais nous avons été partenaires durant quasiment 25 ans.
Les points communs existent. Les joueurs sont les artistes que l'on retrouve dans les films. Dans les deux cas, on trouve des agents plus ou moins aimables et compétents. Enfin, le football professionnel est avant tout un spectacle. Seule différence : la place de football est plus chère que la place de cinéma.
Je voudrais revenir sur le prix. Il existe des fenêtres où le prix est bon marché : à partir du 19 mars, avec le Printemps du cinéma, le billet est partout à 5 euros. D'autres organisations se concentrent également sur le prix. Même dans la boulangerie, le prix du pain n'est pas le même partout. Le prix de la place de cinéma n'est pas le même partout, et chacun peut suivre des voies différentes.
Autrefois, le cinéma était sans concurrent. Aujourd'hui, il a non seulement la concurrence de la télévision et des plateformes, mais aussi celle du téléphone portable, des réseaux sociaux, etc. Les jeunes ne regardent pas la télévision, ils vont éventuellement au cinéma, et ils sont sur les réseaux sociaux avec leur téléphone portable ou leur ordinateur.
Le monde a changé, et nous devons nous adapter. C'est vrai aujourd'hui, et ce sera encore vrai demain.
M. Laurent Lafon, président. - Merci pour vos réponses et la franchise de vos propos, qui font toujours plaisir à entendre. Lorsque les paroles sont directes, elles sont d'autant plus audibles.