B. DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES FRANÇAIS SIGNIFICATIFS
1. La Nigeria, premier partenaire économique de la France en Afrique sub-saharienne
Les intérêts économiques de la France dans la région sont importants, en particulier au Nigeria, géant économique de la zone . Le Nigéria est ainsi le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne, avec un volume d'échanges de 4,5 Mds€ en 2019. Cette relation est néanmoins déséquilibrée, au détriment de la France, et ce déficit tend à s'accentuer. En effet, les échanges sont dominés par les importations françaises (3,8Mds€), essentiellement composées de produits pétroliers. La France exporte des produits pétroliers raffinés, pharmaceutiques et agroalimentaires. Le stock français d'IDE au Nigeria a doublé en 10 ans, pour atteindre 9,7 Mds d'euros en 2019. Tous secteurs confondus, le Nigeria représente 60% du stock d'investissement français en Afrique de l'Ouest.
Par ailleurs, une centaine d'entreprises françaises sont présentes au Nigéria, dans le domaine pétrolier (Total, Ponticelli), la construction (Lafarge-Holcim, Bouygues), la logistique (Bolloré), le secteur électrique (Alstom-Energy, Schneider), l'agroalimentaire (Danone, Nutriset). En janvier 2021, le groupe BUA, présidé par Abdulsamad Rabiu, a signé un contrat avec Axens pour la réalisation d'une raffinerie (capacité de 200 000 b/j). Plusieurs groupes bancaires nigérians (Access, Zenith, etc.) ont manifesté leur intérêt pour créer ou agrandir leurs filiales en France.
De manière plus générale, le Nigeria présente, du fait de sa population très importante, dont une classe moyenne naissante (surtout à Lagos), et grâce au dynamisme et de la créativité de sa jeunesse, de nombreuses opportunités économiques , comme l'ont souligné les chefs d'entreprise français rencontrés par la mission à Lagos. Ces opportunités très significatives sont à mettre en perspective avec un environnement des affaires rendu très complexe par un haut niveau de corruption (le pays a récemment perdu 5 places dans le classement de Transparency international pour arriver à la 154 ème place sur 180 pays) et d'insécurité juridique.
Première économie du continent depuis 2014, son PIB de 450 milliards d'euros en 2019 représente 66% de celui de la CEDEAO. La richesse produite chaque année dans l'Etat de Lagos est supérieure aux PIB cumulés de la Côte d'Ivoire, du Sénégal et du Cameroun. Son secteur bancaire est le deuxième du continent, derrière l'Afrique du Sud, et constitue l'un des principaux moteurs de l'économie nigériane. L'industrie cinématographique - Nollywood est le deuxième producteur de films après Bollywood - et le secteur numérique sont en plein essor. La culture entrepreneuriale nigériane, qui s'inspire du modèle américain, a alimenté la création de milliers de start-ups. Lagos dispose de sa « Silicon Valley », le quartier de Yaba. La diaspora nigériane - environ 5 millions de personnes - présente majoritairement aux États-Unis et en Grande-Bretagne, alimente ce dynamisme de son capital financier et humain.
2. La Côte d'Ivoire, favorite des entreprises françaises
La situation est similaire en Côte d'Ivoire, premier partenaire commercial de la France au sein de la zone UEMOA, et le deuxième en Afrique subsaharienne après le Nigeria. En 2021, la Côte d'Ivoire était le 2 ème client de la France en Afrique subsaharienne (1,4 Md€), derrière l'Afrique du Sud (1,6 Md€) et devant le Sénégal (814 M€) . La Côte d'Ivoire était également le 3 ème fournisseur de la France en Afrique subsaharienne (848 M€), derrière le Nigéria (2,9 Md€) et l'Afrique du Sud (1 Md€). Le cacao, premier produit d'exportations de la Côte d'Ivoire, demeure le premier poste d'achats de la France (40 %).
On dénombre près de 700 entreprises françaises dont près de 200 filiales dans le pays, soit la plus forte implantation française en Afrique sub-saharienne . Les grands groupes français traditionnellement présents en Afrique sont ainsi pour la plupart actifs en Côte d'Ivoire, au travers de filiales. Leur chiffre d'affaires cumulé représente environ 30% du PIB du pays et contribuerait à hauteur de 50% des recettes fiscales. La dynamique communauté d'affaires française s'est organisée autour d'une section de Conseillers du commerce extérieur, de trois chambres de commerces (chambre française en Côte d'Ivoire, Eurocham, Cercle français d'affaires) et de trois clubs d'entreprises lancés sur l'initiative de l'ambassade de France (Abidjan Ville Durable, French Tech Abidjan, club Agro).
3. D'autres économies d'avenir
Les échanges commerciaux et la présence des entreprises françaises sont également une réalité, bien que dans une moindre mesure, pour les autres pays de la zone. Ainsi, le Ghana est le 5 ème marché en valeur des pays non-francophones d'Afrique subsaharienne, après l'Afrique du Sud, l'Éthiopie, le Nigeria et l'Angola mais devant le Kenya. En Afrique subsaharienne, le Ghana est la 14 ème destination des exportations françaises. Le Ghana est également la 7 ème destination des IDE français sur le continent et la 3 ème parmi les pays anglophones. Il y a également plus de 70 entreprises françaises au Ghana, dont certaines y ont installé leur centre de décision régional ou site industriel pour l'Afrique de l'Ouest anglophone (Danone, Air Liquide) et d'autres sont très présentes dans les projets d'infrastructure. Le Cameroun est le premier partenaire commercial de la France en Afrique centrale (hors hydrocarbures).
La France est le 2 ème partenaire commercial du Cameroun. En 2019, après cinq années de contraction, les exportations françaises vers le Cameroun se sont redressées, atteignant 519,7 millions EUR, tandis que les importations françaises depuis le Cameroun se sont élevées à 225,6 millions EUR. La présence économique française au Cameroun est très diversifiée, avec une centaine de filiales et environ 200 entreprises appartenant à des ressortissants français. Elle est significative dans les domaines de l'exploitation pétrolière, l'agro-industrie et le bois, le BTP, la banque, les assurances, les services de transport et de logistique ou encore la distribution. Le stock d'Investissement direct à l'étranger (IDE) français au Cameroun s'élevait à 853 millions d'euros en 2019.
Au-delà de ces chiffres, il convient certes de relativiser le volume des intérêts économiques français dans la région. Au total, l'Afrique subsaharienne ne représente, Nigeria inclus, que 2% du commerce extérieur français . La zone CFA ne représente quant à elle que 1% des importations de la France et 0,3% de ses exportations. Mais il faut également souligner que le commerce de la France en Afrique subsaharienne se concentre, précisément, dans les pays du golfe de Guinée, bien plus que dans toute autre région de l'Afrique . En outre, les importations de pétrole de la Région sont loin d'être négligeables. Le Nigeria fournissait ainsi près de 10% du pétrole brut français (et mondial) en 2020, soit plus que les importations en provenance de Russie, et 8% de son gaz naturel. Enfin, la démographie et le développement d'une économie tertiaire dans un contexte de croissance assez forte créent un environnement favorable à la croissance des entreprises françaises dans la région.
Le contexte de la guerre en Ukraine ajoute en première analyse un intérêt économique supplémentaire à la zone du golfe de Guinée, puisque les réserves de gaz et de pétrole de la région, et au premier chef celles du Nigéria, sont importantes. Idéalement, l'Europe et la France auraient pu se tourner vers ce pays pour augmenter rapidement leurs importations. Or, les choses sont loin d'être aussi simples, étant données une série de problèmes qui empêchent ce pays d'assumer ce rôle de nouveau fournisseur majeur (cf. ci-après).