V. LE CONSEIL NATIONAL D'ÉVALUATION DES NORMES, UN ACTEUR MAJEUR DE LA QUALITÉ DES NORMES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Créé par la loi du 17 octobre 2013, le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) 26 ( * ) est chargé d'évaluer l'impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics .
Cet organe est issu de la proposition de loi sénatoriale sur la régulation des normes applicables aux collectivités locales, portée par Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. La composition du CNEN traduit le souhait d'associer pleinement les élus locaux qui constituent le collège le plus important 27 ( * ) . Cette composition répond ainsi à la nécessité de « confronter les projets de normes à leurs destinataires » selon l'expression du Conseil d'État dans son étude précitée de 2016. Le législateur a ainsi souhaité que le CNEN s'attache à l'impératif de concertation et de co-élaboration des normes applicables aux collectivités.
Vos rapporteurs ont pu constater, au fil du temps, la montée en puissance de cette instance et souhaitent saluer l'énergie et la détermination de son Président, notre ancien collègue Alain Lambert. Indéniablement, le CNEN est une instance qui améliore la fabrique de la norme applicable aux collectivités territoriales.
Le CNEN en chiffres (2019-2021)
2019 |
2020 |
2021 |
• 23 séances • 287 projets de texte • 13 avis défavorables rendus • 791 millions d'euros de charges nettes supplémentaires |
• 15 séances • 258 projets de texte • 14 avis défavorables rendus • 80 millions d'euros de charges nettes supplémentaires |
• 16 séances • 287 projets de texte • 27 avis défavorables rendus • 723 millions d'euros de charges nettes supplémentaires |
Source : CNEN
Vos rapporteurs estiment qu'il faut aller plus loin . Ils plaident ainsi pour que le CNEN « soit renforcé afin d'en faire un organe charnière inspiré du Nationaler Normenkontrollrat (NKR) allemand », comme l'a proposé M. Rémy Pointereau dans sa proposition de résolution déposée en juin 2022 28 ( * ) .
A. RECONNAÎTRE SON IMPORTANCE PAR DES MESURES À PORTÉE SYMBOLIQUE
1. Réaffirmer son indépendance dans la loi
Comme tous les organes consultatifs, le CNEN est une instance indépendante qui ne reçoit instruction d'aucune autorité .
Toutefois, il serait opportun, ne serait-ce que d'un point de vue symbolique, de consacrer cette indépendance dans la loi, sans pour autant transformer le Conseil en autorité administrative indépendante (AAI) dont la prolifération illustre une forme de délitement de l'État 29 ( * ) .
2. Le rattacher au Premier ministre
Autre mesure à portée essentiellement symbolique : le CNEN devrait être rattaché aux services du Premier ministre , ce qui marquerait à la fois son importance et la transversalité de son action, par nature interministérielle.
Actuellement, en application de l'article R1213-23 du CGCT, le secrétariat du CNEN est assuré « par le ministère chargé des collectivités territoriales ». Le rattachement à Matignon pourrait être complété par la désignation, dans chaque ministère, d'un interlocuteur de haut niveau en charge de la politique de simplification et qui serait l'interlocuteur privilégié du Conseil national d'évaluation des normes. Ce correspondant pourrait être placé auprès du Secrétaire général du ministère, voire auprès du Ministre directement, afin de lui donner l'autorité nécessaire à la conduite de sa mission. Une solution plus efficace encore serait de charger expressément le secrétaire général de chaque ministère lui-même de cette mission de simplification, en particulier dans la lettre de mission qu'il reçoit du Premier ministre , contresignée par le ministre sous l'autorité duquel il est placé, et qui précise les objectifs qui lui sont assignés en ce qui concerne la contribution du ministère au travail interministériel (article 3-3 du décret n°87-389 du 15 juin 1987 relatif à l'organisation des services d'administration centrale). Ce correspondant pourrait notamment avoir pour mission de faire appliquer la règle du « deux pour un » en ce qui concerne les arrêtés relevant du pouvoir réglementaire autonome. Il jouerait ainsi le rôle de « superviseur impartial » évoqué par le secrétariat général du Gouvernement lors de son audition.
* 26 Sa mission, sa composition, ainsi que ses modalités de consultation et de fonctionnement sont prévues par les articles L. 1212-1 à L. 1212-4 et R. 1213-1 à R. 1213-30 du code général des collectivités territoriales.
* 27 Le CNEN comprend 4 parlementaires, 23 élus locaux et 9 représentants de l'État.
* 28 Proposition de résolution n° 715 de M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 16 juin 2022 ; texte disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppr21-715-expose.html
* 29 Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes, rapport n° 126 du 28 octobre 2015 : https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-126-1-notice.html