II. UNE POLITIQUE D'ACCÈS AUX SOINS TOURNÉE SUR UNE GARANTIE DE DÉLAI
A. UNE PRISE EN CHARGE QUASI INTÉGRALE SUR UN PANIER DE SOINS
1. Une prise en charge au-delà d'une faible participation du patient
Le panier de soins pris en charge et les tarifs des soins et prestations de santé sont fixés par les régions, de même que le niveau de la participation du patient.
Cependant, le principe qui prévaut est celui du bouclier sanitaire, à savoir une participation extrêmement limitée du patient avec une prise en charge intégrale au-delà d'un certain seuil, lequel s'élève aujourd'hui autour de 1 150 couronnes ou 120 euros par an. Un autre plafond s'applique pour certains médicaments, à hauteur de 2 350 couronnes. À l'hôpital, un plafond journalier est fixé à 100 couronnes.
Les soins dentaires font l'objet d'une prise en charge distincte, avec une couverture par la collectivité limitée pour les adultes mais intégrale pour les enfants et les jeunes. Au-delà de 23 ans ou en cas de pathologies particulières, les soins dentaires peuvent faire l'objet d'aides publiques.
Honoraires des soins de santé |
Soins de base |
Soins spécialisés |
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Consultation (ambulatoire) |
100-300 SEK |
200-400 SEK |
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Honoraires maxima sur 12 mois ambulatoire) |
1 150 SEK |
1 150 SEK |
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Honoraires maxima pour 24 h (hospitalisation) |
100 SEK |
100 SEK |
Source : Commission européenne
2. Une part encore marginale d'assurance privée volontaire
Selon l'autorité d'évaluation des soins, Vård- och omsorgsanalys, les assurances privées sont un marché en expansion mais qui demeure réduit. Alors que la prise en charge des soins est quasi intégrale, l'intérêt principal semble être celui du délai d'accès aux soins : certaines assurances intègrent des garanties d'accès plus rapides que les listes d'attente publiques.
· En 2021, les assurances volontaires concernaient 12 % de la population de 20 à 64 ans, pour seulement 1 % de l'ensemble des dépenses de santé.
La plupart du temps (60 %), ces assurances sont payées par les employeurs, mais elles peuvent également être contractées par d'autres groupes (30 %) comme les syndicats, ou par les individus eux-mêmes (10 %).
B. UNE GARANTIE D'ACCÈS AUX SOINS SOUS LA FORME DE DÉLAIS DE PRISE EN CHARGE
1. Une garantie de délais de prise en charge : « 0 - 3 - 90 - 90 »
Différentes garanties de délais d'attente ont été mises en oeuvre depuis 1992, avant une garantie établie par la loi1(*) applicable depuis le 1er juillet 2010 (vårdgarantin).
La garantie de soins actuelle, présentée comme un renforcement des droits des patients, s'organise comme suit :
- 0 : le patient doit pouvoir obtenir un contact avec un soignant d'une structure de soins primaires dans la journée. Ce contact peut se faire par téléphone ou par tchat.
- 3 : en cas de besoin, le patient doit pouvoir bénéficier d'une consultation médicale dans les trois jours. Celle-ci est assurée par un professionnel de santé qui peut être un médecin mais aussi une infirmière ou un psychologue. Cette garantie s'applique pour les problèmes nouveaux ou sévères. Ce délai était fixé à 7 jours jusqu'en 2019, pour une consultation alors auprès d'un médecin.
- 90 : il s'agit, en nombre de jours, du délai fixé dans lequel le patient doit pouvoir obtenir, si nécessaire, une consultation de spécialiste.
- 90 : c'est enfin le délai dans lequel le patient doit pouvoir bénéficier des traitements particuliers ou opérations appropriées, à partir du moment où le traitement a été défini.
La région de Stockholm a choisi de se fixer des objectifs plus ambitieux avec la première visite chez un spécialiste devant intervenir dans un délai de 30 jours. Cette garantie a été suspendue entre janvier 2021 et août 2022, du fait de la pandémie, mais est de nouveau active depuis septembre 2022.
La région a également décidé d'imposer des cibles plus contraignantes que les exigences nationales pour le premier contact téléphonique.
Ainsi, au-delà de la prescription nationale de 24 heures, la région prévoit une réponse :
- dans les 90 secondes lors d'un appel direct ;
- dans les 10 minutes lorsqu'il est placé dans une file d'attente téléphonique ;
- dans les 90 minutes au système de rappel.
Des mesures montrent un respect de ces garanties à hauteur de 84 % pour le délai de 24 heures et 69 % pour le délai de 90 minutes, sous la cible fixée à 85 %.
Contact avec une structure de soins primaires |
Consultation médicale dans |
Consultation |
Traitements particuliers |
· En pratique2(*), ces délais sont très inégalement respectés, avec un premier contact dans la journée pour 89 %, une évaluation sous trois jours pour 83 %, mais des délais de 90 jours respectés respectivement à seulement 70 % et 59 %. Si la covid-19 a naturellement heurté la possibilité de respecter ces délais, la tendance était déjà négative avant la pandémie.
· Des temps d'attente important sont constatés pour les soins non urgents ou sur des activités complexes, avec en outre des difficultés identifiées le soir et les weekends.
En outre, des différences apparaissent au niveau territorial mais aussi social.
Dans le pilotage du système de soins, la liste d'attente, garantie offerte aux patients, sert d'indicateur premier d'accès aux soins.
Comme les régions le constatent elles-mêmes, la mise en place de la garantie n'a pas nécessairement conduit à réduire effectivement les délais d'attente constatés.
La garantie de soins ne couvre pas toute la chaîne de soins, notamment les examens médicaux et aucun délai n'est intégré après la première visite.
Se pose ainsi aujourd'hui la question du champ de la garantie, qui pourrait être étendue, car elle ne couvre pas d'objectifs relatifs aux actes de biologie ou d'examens radiologiques, par exemple, ou encore la question de nouvelles consultations sur un même problème de santé. Différentes lacunes de cette garantie trouvent parfois des réponses locales. Ainsi, la région de Stockholm a intégré à la garantie les tests d'appareils auditifs ou encore les examens liés à la dyslexie ou à la mémoire, ainsi que, précédemment, les examens neuro-psychiatriques.
L'autorité d'évaluation des soins a également mis en avant la nécessité de réformes complémentaires à la garantie de temps d'attente pour renforcer l'accès aux soins, comme des dispositifs particuliers pour les patients atteints de maladies chroniques - avec l'hypothèse d'une garantie de délai différenciée - ou pour les patients polypathologiques.
Parmi les causes possibles de retards de prise en charge sont pointés le manque de médecins spécialistes comme d'infirmiers, ou encore les capacités limitées de certaines structures, mais aussi la priorisation de pathologies aiguës.
· Comme l'ont constaté différents interlocuteurs, notamment au sein des agences d'évaluation, les longues listes d'attente observées ne sont pas pour autant révélatrices de mauvais résultats en termes de santé publique.
Une délégation missionnée sur l'accès aux soins
Une mission d'évaluation a été décidée en 2020 concernant l'accès aux soins, laquelle a rendu ses conclusions provisoires en 2021 et un rapport final en mai 20223(*) qui s'est notamment posé la question de la pertinence de la garantie de délais.
Parmi ses recommandations, la délégation a insisté sur le besoin :
- de soutenir les plans d'action régionaux ;
- d'enquêter sur une garantie de soins prolongés ;
- de soutenir la transition vers les soins de proximité ;
- de soutenir des soins efficaces et les choix du patient.
Concernant la garantie de délai d'attente, la mission a constaté son importance pour les patients mais le déficit d'explication de la priorisation réalisée. Elle préconise une mise à jour et un élargissement de la garantie de délai d'attente, une information renforcée des patients et notamment, dans les 14 jours, sur son lieu et sa date de prise en charge, ainsi qu'un travail systématique avec les régions pour réduire les temps d'attente.
En outre, la délégation a appelé à une régionalisation de la formation et recommandé des changements législatifs pour renforcer les droits des patients et leur information par les outils numériques.
Elle a enfin émis une série de propositions spécifiques pour les jeunes avec des problèmes de santé mentale.
Les comparaisons internationales présentées par l'inspection IVO soulignent, sur la période 2010-2019, une dégradation de la situation en Suède, avec une augmentation de de 13 à 27 % des patients ayant attendu plus de 90 jours. À l'inverse, au Danemark, une réduction de 31 % du temps d'attente moyen en nombre de jours a été observée et, en Finlande, la proportion de patients en attente d'une intervention chirurgicale a baissé sensiblement.
2. Une priorisation des patients
La loi indique bien qu'il est tenu compte des besoins dans les soins apportés aux patients.
En outre, des dispositifs spécifiques sont prévus pour certaines pathologies, comme dans le cas de cancers par exemple, avec des parcours et prises en charges accélérés.
Ainsi, ceux qui attendent le plus sont ceux qui « peuvent patienter ». La file d'attente n'est donc pas a priori une perte de chance ; elle emporte éventuellement une perte de confort.
3. Un outil à relativiser
Le suivi des listes d'attente permet d'objectiver des situations de recours aux soins, selon les types de soins et selon les territoires. En outre, il oblige les offreurs de soins à se placer dans une logique de résultats. Cette garantie a ainsi le mérite de fixer des objectifs communs et d'évaluer les tensions d'accès aux soins selon des critères partagés.
Cependant, l'attention portée à cet indicateur peut parfois paraître excessive, alors qu'il est d'ailleurs souvent non satisfait et que, sans que puisse être évalué l'accès effectif aux soins, en temps utile et la bonne priorisation pour les patients qui en ont besoin.
* 1 Stärkt ställning för patienten - vårdgaranti, fast vårdkontakt och förnyad medicinsk bedömning. Prop. 2009/10:67.
* 2 Données Vantetider.se sur le printemps 2022 pour le délai « 0 », pour le mois de juin 2022 pour les trois derniers. Données au 13 septembre 2022.
* 3 Vägen till ökad tillgänglighet- delaktighet, tidiga insatser och inom lagens ram - Delegationen för ökad tillgänglighet i hälso- och sjukvården, 2022.