Rapport d'information n° 189 (2022-2023) de Mmes Corinne IMBERT et Élisabeth DOINEAU , rapporteure générale, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 décembre 2022
Disponible au format PDF (2,6 Moctets)
N° 189
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 décembre 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1)
sur
l'
enquête
de la
Cour
des
comptes
sur
Santé publique
France
,
Par Mmes Corinne IMBERT, sénatrice
et
Élisabeth DOINEAU, rapporteure générale
(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
En application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, qui dispose que « la Cour des comptes peut être saisie par les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, de toute question relative à l'application des lois de financement de la sécurité sociale », la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat a, par courrier 14 décembre 2021, demandé au Premier président de la Cour des comptes de procéder à une enquête sur l'Agence nationale de santé publique (Santé publique France) .
Cet établissement public de l'État à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la santé, a été créé en mai 2016 1 ( * ) par la fusion de l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaire (Eprus). Addictions drogues alcool info service (ADALIS) a été, à la demande du ministère de la santé, intégré à la future agence quelques mois avant sa création.
Il s'agissait alors, selon l'auteur du rapport de préfiguration et premier directeur général de la nouvelle agence François Bourdillon, de « mettre fin au mille-feuille d'agences » et de regrouper « l'ensemble des fonctions de santé publique , intégrant la veille, l'alerte, la surveillance, la prévention-promotion de la santé et la réponse en cas de situation sanitaire exceptionnelle » 2 ( * ) .
Derrière la simplicité de l'objectif central affleurait pourtant la gageure de concilier le besoin d'autonomie de l'ex-Eprus, chargé de la gestion des stocks nationaux de produits de santé constitués en cas de pandémie ou d'attaque terroriste, la consolidation des crédits nécessaires à l'exercice par l'ex-INPES de sa mission de conduite des programmes de santé publique, et l'indépendance scientifique et l'implantation territoriale de l'ex-InVS, chargée de la veille et de l'alerte sanitaire.
La Cour concède que l'agence n'avait pas achevé de relever cet ambitieux défi administratif lorsqu'elle a dû affronter la plus grave crise sanitaire de ces dernières décennies.
Après trois ans ou presque de gestion de crise, la commande de la commission des affaires sociales visait à obtenir un bilan du fonctionnement de la nouvelle agence au triple plan de sa gouvernance, de son organisation et de sa gestion, une étude des moyens de l'agence rapportés aux missions qui lui sont assignées, une analyse sur la place de l'agence dans le paysage administratif et institutionnel, et une appréciation sur la gestion budgétaire de l'agence depuis le déclenchement de la crise sanitaire.
1. Un exercice par l'agence de ses missions encore perfectible sur de nombreux points
En matière de surveillance et de veille sanitaire , la Cour fait d'utiles observations sur la nécessaire modernisation des dispositifs existants. Elle relève ainsi l'ancienneté du système d'information du dispositif de veille syndromique et regrette le déploiement « limité de la certification électronique des décès, puisqu'elle ne concernait que 27 % de ces derniers en 2020 ». L'identification des signaux faibles figurait pourtant parmi les grandes orientations de la stratégie nationale de santé 2018-2022.
Les rapporteurs s'appuient sur le rapport de la mission indépendante sur l'évaluation et la gestion de la crise 3 ( * ) pour faire observer que « sous l'effet de la crise de la covid-19, le besoin a été ressenti d'une nouvelle extension de ces dispositifs ». C'est pourtant aussi ce que montrait celui de la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion de la crise sanitaire, qui relevait par exemple l'aveuglement au secteur médico-social des outils de surveillance existants.
S'agissant de la gestion des stocks stratégiques , si c'est encore la mission indépendante qui admet dans le rapport que « l'intégration des missions de l'Éprus au sein de SPF a nui à la bonne prise en compte des enjeux logistiques, le nouvel ensemble étant dominé par une culture et des préoccupations d'ordre plus scientifique », c'est pour mieux rejoindre les craintes qu'avait exprimées le Sénat dès 2016, avant de les voir se confirmer dans le rapport de sa commission d'enquête 4 ( * ) .
Sa commission des affaires sociales avait en effet à l'époque « [salué] la création d'une Agence nationale de santé publique qui réunira en son sein l'ensemble des compétences dédiées à la veille et à la surveillance, à la prévention et à la promotion de la santé et aux réponses aux urgences sanitaires », mais elle jugeait « utile de rappeler la marge d'autonomie qu'il conviendra de laisser à l'Eprus au regard de la spécificité de ses missions et des conditions particulières de sécurité et de confidentialité qui s'y attachent » 5 ( * ) .
Le sénateur Francis Delattre s'était pour sa part, au nom de la commission des finances, « interrogé sur l'opportunité d'une telle fusion, du point de vue de l'efficience des missions actuellement assurées par [l'Eprus] et de son impact sur les finances publiques ». Si son rapport 6 ( * ) finissait par admettre sa pertinence, eu égard à la bonne coopération entre les trois organes dans la lutte contre l'épidémie d'Ebola, il la soumettait au respect de « certaines conditions préservant la réactivité de la future structure » , notamment celle de « préserver une certaine autonomie des fonctions de réponse aux crises sanitaires actuellement assumées par l'Eprus ».
Au terme de l'analyse toutefois, si les rapporteurs de la Cour se rangent à la proposition de la commission d'enquête sénatoriale consistant à rendre possible l'autosaisine de l'agence sur cette question, ils plaident pour le statu quo dans la gestion des stocks par l'agence, qui demeurerait en toute hypothèse un opérateur logistique agissant pour le compte de l'État. Le débat n'en est sans doute pas clos pour autant.
Quant à la réserve sanitaire, la Cour reconnaît que l'outil est « inadapté aux crises de grande ampleur » - ce qui n'étonnera pas davantage les lecteurs des rapports antérieurs - en raison de la réglementation, du déficit d'attractivité financière du dispositif et des défaillances de sa gestion administrative. Elle propose en conséquence de rénover son cadre d'emploi et de lui donner une mission davantage interministérielle.
La mission de prévention et de promotion de la santé est jugée « en cours de consolidation ». Les crédits de promotion de la santé ont augmenté de 42 % entre 2017 et 2021 pour atteindre 84 millions d'euros, même si cette hausse est due pour l'essentiel en 2021 à la campagne des « 1 000 premiers jours » de l'enfant et à la lutte contre les discriminations.
La Cour relève cependant dans cette matière un défaut de stratégie globale discutée en conseil d'administration, conduisant à ce que certains champs restent absents des préoccupations de l'agence, tels que la santé mentale, la santé des personnes âgées, ou encore les accidents vasculaires cérébraux, qui sont pourtant en France la troisième cause de décès et la première cause de handicap acquis de l'adulte.
La Cour fait encore d'intéressantes observations sur le fonctionnement de l'agence , ses politiques immobilière et de ressources humaines. Les systèmes d'information restent un point d'alerte sensible. Plus globalement, l'agence a certes fait preuve de réactivité dans son organisation pour répondre aux besoins liés à la crise. En témoignent la réorganisation rapide des services, la mise à disposition de l'observatoire cartographique Géodes, la modification de sa programmation, ou encore la création de nouveaux partenariats avec des acteurs de la recherche.
Sur ce dernier point toutefois, l'adossement de Santé publique France à la recherche reste insuffisant. L'organisation par elle du réseau des centres nationaux de référence pour la lutte contre les maladies transmissibles, la signature de partenariats avec des organismes de recherche pour ses études et le suivi de cohortes, sa participation financière aux appels à projets de l'Institut pour la recherche en santé publique (IReSP), ou encore la mise en place de réseau de surveillance, n'effacent pas l'une des grandes différences entre Santé publique France et ses homologues étrangères : Le Robert Koch Institut exerce par exemple des fonctions de recherche biomédicale, et les CDC et la FDA étatsuniens s'appuient sur des laboratoires et publient des travaux scientifiques de haut niveau. La Cour ne se prononce pas en la matière.
Les rapporteures de la commission des affaires sociales s'étonnent de l'absence de réflexion en matière d'éthique scientifique , alors que l'agence est chargée de contribuer « à l'information, à la formation et à la diffusion d'une documentation scientifique et technique et au débat public » 7 ( * ) , et est dotée d'un comité d'éthique, que la Cour a d'ailleurs auditionné. L'une des premières observations faites par l'agence elle-même à la récente mission d'information de la commission sur la lutte contre l'obésité 8 ( * ) a été en forme d'avertissement, pour préciser que les industriels du sucre, comme ceux du tabac, ont « orienté des recherches pour instiller le doute sur la dangerosité de leurs produits ». Que peut une agence de santé publique pour remédier à de telles pratiques ?
2. Une gestion budgétaire déformée par la crise sanitaire
Pour ce qui concerne le financement de l'agence, l'enquête montre la très forte augmentation des crédits dont a bénéficié Santé publique France ces dernières années.
Cela s'est vérifié pour les dépenses ordinaires , passées de 166,3 millions d'euros en 2017 à 225,2 millions d'euros en 2021. Mais cela a surtout concerné les dépenses de crise . Celles-ci, comme le rappelle la Cour, ont donné lieu à des enveloppes exceptionnelles, allouées au moyen d'arrêtés ministériels, pour un montant total de 12,8 milliards d'euros sur la période 2020-2022 :
- 4,8 milliards d'euros en 2020, consacrés principalement à des achats de masques, matériels de protection et réactifs pour les tests PCR ;
- 4,2 milliards d'euros en 2021, en vue de l'acquisition de vaccins et autres équipements nécessaires à la campagne vaccinale ;
- et 3,8 milliards d'euros en 2022, notamment pour des achats de vaccins.
L'enquête retrace également le reversement d'une partie significative de ces fonds - pour 1,8 milliard d'euros, soit 14 % des dépenses exceptionnelles de crise - à l'État lui-même , au travers de divers fonds de concours.
De plus, la Cour des comptes souligne que, bien que le financement de l'agence ait été transféré de l'État 9 ( * ) à la sécurité sociale 10 ( * ) en 2020 , Santé publique France a été, pendant la crise un « bras opérationnel des services de l'État ». En outre, même en temps normal, les dépenses de l'agence réalisées au titre des stocks stratégiques le sont « pour le compte de l'État ». L'audition du 7 décembre l'a pleinement souligné, la Cour qualifiant Santé publique France d'opérateur de l'État tandis que la direction de l'agence confirmait n'agir que sur consigne de l'État en matière de stocks.
À partir de ce constat, les rapporteures partagent le regret de la Cour de la baisse de qualité et d'exhaustivité de l'information du Parlement qui résulte de ce transfert de financement.
Mais, si elles rejoignent également la Cour pour approuver le décroisement des subventions de l'État et de la sécurité sociale aux organismes, elles peinent à trouver la justification d'un financement de Santé publique France par la sécurité sociale dès lors que l'ensemble des décisions stratégiques sont assumées par le seul État. Dès lors qu'une part au moins des dépenses de l'agence relève sans conteste de l'État, la logique de décroisement des financements devrait, en l'espèce, justifier une subvention entièrement assumée par l'État.
À leurs yeux, la question du mode de financement de Santé publique France ne se limite donc pas à une perte d'information du Parlement mais comprend aussi, d'une part, celle de la cohérence entre décideur et payeur et, d'autre part, celui de l'absence d'autorisation parlementaire des dépenses conséquentes de l'agence , dont celles qui ont été reversées à l'État) qu'a entraînée la débudgétisation de la subvention publique.
Les rapporteures relèvent que, dans ce contexte, le nouveau cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale a permis une première avancée , à l'initiative du Sénat. Désormais, le Parlement est informé du montant de subvention prévu l'année suivante pour toutes les agences, dont Santé publique France, dès le dépôt du projet de LFSS. Néanmoins, ce dispositif ne permet qu'un contrôle particulièrement souple, une simple information des commissions des affaires sociales des assemblées étant prévue en cas de dépassement de la subvention envisagée de plus de 10 % en cours d'année.
Le contrôle que doivent conduire dans les prochains mois, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), la rapporteure générale et Mme Annie Le Houerou sur les dotations des régimes de sécurité sociale à divers fonds et organismes permettra de déterminer s'il convient de renforcer ce cadre, au moins pour certaines structures.
3. Une réflexion sur la place de l'agence dans le paysage institutionnel encore loin d'être achevée
La création de Santé publique France, et plus largement le recours aux agences, « s'inscrit dans une évolution de plus long terme », pointée par l'ancienne sénatrice Nicole Bricq, à « la recherche d'une action publique moderne et réactive. Conçues comme des formes alternatives aux administrations traditionnelles, les agences sont en effet supposées être le gage d'une plus grande efficacité, indépendance et transparence pour le citoyen ». Son rapport ne prétendait toutefois pas trancher entre le modèle « tout agence » anglo-saxon et suédois, le modèle de gestion ministérielle danois, où les missions restent assurées principalement par l'administration, et le système français, intermédiaire 11 ( * ) .
L'influence intellectuelle du modèle de gestion publique anglo-saxon et scandinave a cependant toujours dominé . Elle perçait à vrai dire dès le deuxième paragraphe de l'introduction du rapport de préfiguration de Santé publique France : la création de l'agence est alors vue comme une « opportunité unique » de mettre sur pied « un centre de référence et d'excellence » qui soit « à l'image des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains, du Public Health England (PHE) ou encore de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) » 12 ( * ) .
Le rapport de la Cour permet d'observer que, d'une part, le choix du modèle semble n'avoir pas été complètement assumé puisque la fusion n'a pas conduit à repenser les missions de l'agence et que ses moyens pour agir ni son autonomie n'ont été portés au niveau de ses homologues étrangers ; et que, d'autre part, la réflexion n'a guère dépassé l'acceptation de l'argument d'autorité .
La Cour pointe d'abord une ambiguïté originelle dans le rapport de préfiguration : celui-ci mentionnait la logique d'efficience mais estimait « que la création du nouvel établissement [devait] s'accompagner d'un signal fort sur le plan des ressources permettant de donner de la visibilité et de la stabilité pour au moins les trois prochaines années ». L'augmentation constatée des dépenses sur la période analysée par la Cour des comptes tient quasi-exclusivement aux dépenses de fonctionnement hors charges de personnel, alors que « tant les dépenses d'intervention que celles d'investissement ont décru ».
Sur le plan des effectifs, la Cour estime que « le diagnostic de maîtrise de l'effectif doit faire l'objet de tempéraments » car la contrainte du plafond d'emplois a été moins forte que pour d'autres agences sanitaires, car l'externalisation de certaines activités a entraîné des coûts non compensés et car, conformément aux objectifs qui lui étaient fixés, SPF a dégagé des marges de manoeuvre en renforçant la mutualisation des services support des organismes préexistants.
Les tempéraments au diagnostic n'empêchent pas que Santé publique France paraisse sous-dimensionnée pour une agence sanitaire bâtie sur le modèle anglo-saxon : « aux États-Unis, le nombre d'employés des CDC est passé de 8 325 en 2007 à 11 574 en 2018, soit une augmentation de 28 % de l'effectif, évolution inverse à celle constatée en France », bien qu'il soit redescendu en 2020 à 10 013 employés, ni qu'« entre 2019 et 2021, l'effectif du RKI en Allemagne a augmenté de 21 %, passant de 1 204 à 1 461, et celui de l'agence de santé publique de Suède (Folkhäslomyndigheten), de plus de 80 %, passant de 348 à 636 personnes. Au Canada, l'effectif de l'Agence de la santé publique est passé de 2 134 à 2 860 entre 2018-2019 et 2020-2021, en hausse de 34 % ».
La nature incertaine de la tutelle sur SPF est un autre indice de l'agencisation imparfaite opérée depuis 2016 . La Cour relève bien que le contrat d'objectifs et de performance entre l'État et SPF a été conclu deux ans après la création de l'agence, en février 2018, et que la crise sanitaire a fait passer son respect au second plan. Ses 22 objectifs ne sont pas rattachables à ceux du programme 204 de la mission Santé du PLF, ni à ceux de la stratégie nationale de santé et, peu d'entre eux étant chiffrés, l'action de SPF reste difficile à évaluer, contrairement à celle de ses homologues étrangers.
Du reste, le conseil d'administration n'a jamais eu à en connaître. Ce dernier a bien établi des orientations générales, qui ont pris la forme d'orientations stratégiques pluriannuelles et d'un programme de travail annuel, mais ces derniers sont peu articulés avec le contenu du contrat d'objectifs et de performance, et couraient jusqu'en 2018 sur plus de 230 pages. Depuis 2021, les projets de SPF sont regroupés en six enjeux, mais leur maturité est jugée « hétérogène » et l'absence d'indicateur freine toujours autant leur évaluation.
Plus généralement, la Cour relève la faible impulsion du conseil d'administration sur le pilotage stratégique de l'agence , qui a donné lieu à peu de débats sur la prévention ou la promotion de la santé, et guère davantage sur la réserve sanitaire. Les grandes orientations sont élaborées en amont de ses réunions, et le conseil scientifique, peu impliqué depuis la crise sanitaire, est resté peu sollicité.
Au fond, il semble que la réflexion sur l'efficacité de l'action publique en matière sanitaire, à ce jour, a porté excessivement sur le modèle administratif, au détriment des missions à assurer .
Une telle réflexion aurait peut-être conduit à préserver les missions de l'ex-Eprus et dispensé d'attendre la crise sanitaire pour « refaire de la préparation au risque pandémique une priorité de l'action publique », ainsi que l'avait sous-titré la commission d'enquête sénatoriale - une telle mission est désormais dévolue à Mme Cécile Courrèges, chargée par le ministre de la Santé et de la prévention de préfigurer une direction de préparation et de gestion des crises sanitaires. Cette préoccupation rejoint la question relative à la présence territoriale de l'agence et à la territorialisation de la veille sanitaire , sur laquelle la même commission d'enquête a fait des propositions fortes. La Cour désapprouve celle de rattacher aux ARS les cellules territoriales de Santé publique France, mais ne tranche pas davantage ce noeud-là.
Une telle réflexion porterait aussi à s'interroger sur la distribution des compétences entre les différentes agences existantes , problème intellectuel dont trois exemples récents montreront la complexité. Le rapport de la mission d'information sénatoriale sur la politique de santé environnementale 13 ( * ) a ainsi relevé qu'au moins quatre agences - SPF, HAS, Anses, HCSP, mais en réalité sept si l'on ajoute les organismes intervenant en appui sur des risques sectoriels - intervenaient dans une matière qui n'en mobilise étrangement que deux aux États-Unis ; le rapport sur la lutte contre l'obésité précité a relevé les ponctuelles divergences d'appréciation de Santé publique France et de l'Anses sur l'évaluation scientifique de ce qui deviendra le Nutri-Score ; enfin, la question s'est récemment posée de confier la compétence scientifique pour donner un avis sur les occurrences des rendez-vous de prévention tout au long de la vie créés par la loi de financement pour 2023 à la Haute Autorité de santé ou bien au Haut Conseil de la santé publique, qui y prétendent également - et sans doute à raison.
La coordination et la mise en réseau peuvent ainsi rester l'antienne de la politique sanitaire, le thème admettant de nombreuses variations - il est par exemple intéressant de constater que le rapport de Nicole Bricq de 2007 précité envisageait à cette fin, outre l'équipement des agences en systèmes d'information compatibles et l'articulation de leurs programmes de travail, leur réunion au sein du Haut Conseil de la santé publique. C'est depuis 2017 au comité d'animation du système des agences (Casa) qu'est dévolu ce rôle de coordination, mais la Cour relève à juste titre qu'il « n'a pratiquement joué aucun rôle pendant la première année de la crise sanitaire » et qu'il ne contribue que « de manière très modeste à l'élaboration de la politique nationale de santé et aux choix d'orientations prioritaires dans le champ de compétences de ses membres ».
En définitive, il semble aux rapporteures que la réflexion sur les modalités de gestion des risques et de conduite de la politique de prévention est encore loin d'être achevée.
EXAMEN EN COMMISSION
___________
Réunie le mercredi 7 décembre 2022, sous la présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président, la commission procède à l'audition de de Mme Véronique Hamayon, présidente, MM. Jérôme Dossi et Sébastien Gallée, conseillers référendaires, de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Marie-Anne Jacquet, directrice générale par interim de Santé publique France, et Mme Catherine Grenier, directrice des assurés de la Caisse nationale d'assurance maladie, pour donner suite à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, sur l'agence nationale de santé publique.
Mme Chantal Deseyne , président . - À la demande de notre commission, en application de l'article LO 132-3-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur Santé publique France. Nous entendons Mme Véronique Hamayon, présidente, MM. Jérôme Dossi et Sébastien Gallée, conseillers référendaires, de la sixième chambre de la Cour des comptes pour la présentation de cette enquête. Nous avons également convié les principales parties prenantes : Mme Marie-Anne Jacquet, directrice générale par intérim de Santé publique France (SPF) ; Mme Catherine Grenier, directrice des assurés de la caisse nationale d'assurance maladie, financeur de l'agence. Le représentant de la direction générale de la santé du ministère de la santé et de la prévention, tutelle de l'agence, est excusé pour cause de triple épidémie.
Dans une demande formulée il y a un an, notre présidente soulignait les difficultés observées dans le positionnement de SPF dans ses relations avec l'administration centrale du ministère de la santé pour ce qui concerne notamment les missions de l'ancien établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), pour lesquelles elle ne dispose pas d'une réelle autonomie.
Nous avons tous en tête, pour ceux qui étaient alors présents, une audition de mai 2020 au cours de laquelle nous avons assisté à de multiples renvois de responsabilité entre l'Agence et sa tutelle sur la question des équipements de protection.
La demande de notre présidente visait donc un bilan du fonctionnement de la nouvelle agence, au triple plan de sa gouvernance, de son organisation et de sa gestion ; une analyse des moyens de l'agence rapportés aux missions qui lui sont assignées ; un questionnement sur la place de l'agence dans le paysage administratif et institutionnel ; et une appréciation sur ce que notre commission considère comme des débudgétisations de fait de dépenses au cours de la crise sanitaire, à la suite du transfert à l'assurance maladie du financement de SPF, auparavant assuré par les crédits de la mission « Santé » du budget de l'État.
Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes . - Plusieurs questions nous étaient posées sur le positionnement de SPF par rapport à l'administration centrale, aux autres agences sanitaires et aux agences régionales de santé (ARS), sur l'adéquation des moyens, le mode de financement et l'effectivité des gains d'efficience attendus de la création de SPF en 2016. Nous avons mené des comparaisons internationales, comme vous nous y invitiez, sur certains sujets comme les stocks stratégiques, la prévention ou la promotion de la santé ; cependant, ces comparaisons ont été limitées, compte tenu des différences de périmètres entre agences, et parce que nous n'avons pas accédé à la comptabilité analytique des agences étrangères. Une différence importante, historique, tient à ce que les agences anglo-saxonnes, par exemple, intègrent des moyens importants de recherche, ce qui n'est pas le cas de SPF.
L'examen des rapports déjà publiés - de la Cour des comptes, du Parlement - montre que SPF joue un rôle essentiel dans la surveillance et la veille sanitaire. L'agence réceptionne les signaux issus des dispositifs d'alerte et de surveillance, elle les traite pour déclarer, s'il y a lieu, une alerte sanitaire. L'agence est donc à la fois acteur et organisateur de ces dispositifs de surveillance et de veille sanitaire ; nous avons constaté qu'ils étaient parfois obsolètes et qu'on recherchait désormais davantage à identifier des signaux précoces et des signaux faibles. La Cour constate la diversité des outils de veille et de surveillance, ils couvrent les risques potentiels pour la santé ; cependant, leur efficacité est limitée par l'ancienneté du système d'information, le Haut Conseil de la santé public l'a déjà souligné. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2018-2022 demandait d'analyser la pertinence de ces dispositifs, la Cour constate que ce travail n'a pas été fait. Il y a un besoin d'évaluation pour mieux traiter les signaux, cela fait l'objet d'une recommandation dans notre rapport, il faut quantifier les besoins matériels de SPF pour améliorer ces outils qui servent à déclencher l'alerte sanitaire.
S'agissant des stocks stratégiques, nous constatons l'effet de la crise sanitaire, qui a vu ces stocks décupler - nous sommes passés de 200 millions à 2 milliards d'éléments, principalement des équipements de protection individuelle. Nous avons examiné la question de leur dépréciation, qui revêt une ampleur nouvelle compte tenu des montants en jeu - il faut assumer le coût du renouvellement de ces stocks. La Cour estime que le cadre d'emploi de ces stocks appelle des précisions, qu'il faudrait lier à la cinétique des événements : il faut mieux graduer et évaluer les réponses en fonction du degré de la crise sanitaire. La question s'est posée de savoir s'il fallait maintenir, au sein de SPF, la mission relative aux stocks stratégiques. La Cour ne propose pas de remettre en cause l'organisation retenue en 2016, considérant que l'agence n'est pas responsable du niveau des stocks puisqu'elle agit comme opérateur de l'État - et c'est bien l'État qui est responsable en la matière. Cependant, nous proposons que l'agence puisse s'autosaisir de la gestion des stocks stratégiques, pour émettre des recommandations en tant que de besoin.
Sur la prévention et la promotion de la santé, la Cour constate que le budget est passé de 59 millions d'euros à 84 millions d'euros entre 2017 et 2021 hors dotations exceptionnelle, une augmentation qui est liée en particulier à la campagne d'information sur les 1 000 premiers jours. Les effectifs que l'agence peut y affecter sont cependant bien moindre que ceux de ses homologues anglo-saxonnes : 62 ETP, contre près de 1 000 pour l'agence britannique, c'est aussi ce qui rend la comparaison délicate. La Cour se félicite qu'un continuum de santé publique se consolide, avec des campagnes sur la nutrition, le tabac ou l'alcoolisme, mais constate aussi que d'autres champs ne sont pas couverts, comme la santé mentale. L'établissement de programmes de formation à l'éducation pour la santé évolue sous l'effet de la crise sanitaire. Cependant, nous pointons des retards dans l'anticipation et dans ce qu'on appelle la promotion des actions prometteuses et probantes, alors que c'était une demande explicitement formulée en 2016. Dès la création de SPF, en effet, il était demandé de mettre en oeuvre des programmes objectivés par des données épidémiologiques probantes et des indicateurs pertinents, ainsi qu'un référentiel d'actions prometteuses et probantes ; en réalité, très peu d'actions ont été conduites sur ce volet, la Cour recommande d'y travailler davantage et d'enrichir ce référentiel. Nous avons constaté également que les services d'aide à distance en santé sont insuffisamment évalués, en particulier leur intégration dans le parcours de santé.
La Cour consacre une partie de son rapport à la réserve sanitaire, fortement mobilisée pendant la crise sanitaire, principalement en faveur des outre-mer ; la crise sanitaire a fait changer d'échelle la réserve sanitaire, évolution facilitée par une évolution de la réglementation, puisque la période maximale d'emploi de la réserve est passée de 150 à 300 jours par an. Cependant, cet outil s'est trouvé dépassé par l'ampleur de la pandémie, sa gestion administrative s'est avérée défaillante et son système d'information a montré qu'il était vieillissant. C'est pourquoi la Cour recommande d'actualiser le cadre d'emploi de la réserve sanitaire, en lui donnant une dimension interministérielle. Il y a aussi des enjeux financiers, avec le basculement vers un financement lié à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), sans passer par des ajustements en collectif budgétaire. La Cour considère qu'il faut une information suffisante du Parlement et qu'il y a eu une perte en ligne avec la nouvelle présentation : il y a une différence entre le « jaune » budgétaire opérateurs et l'annexe 8 du projet de loi de financement ; la Cour recommande donc que les informations de ce « jaune » figurent bien dans cette annexe, en particulier le nombre d'emplois, le niveau de trésorerie, ou la surface du parc immobilier.
Les concours publics à la réserve sanitaire sont passés de 159 millions d'euros en 2017 à 248 millions d'euros en 2021. Les gains d'efficience liés à la fusion des quatre organismes sont difficiles à objectiver dans la durée, nous n'avons pas d'éléments probants en la matière. Les enveloppes exceptionnelles ont représenté 12,8 milliards d'euros, avec un reste à payer de 2,4 milliards d'euros en mai 2022, l'essentiel ayant été utilisé à l'acquisition d'équipements de protection individuelle puis de vaccins. Dans cette mobilisation exceptionnelle, la Cour critique le recours à plusieurs fonds de concours financiers pour abonder des dépenses de l'État, à hauteur de 1,8 milliard d'euros sur deux ans ; nous recommandons de nouveau l'extinction de ces fonds de concours et de financer ces achats par des crédits budgétaires.
L'agence SPF a montré une capacité d'adaptation et une certaine souplesse d'organisation au cours de la crise sanitaire. Nous constatons cependant qu'elle a eu besoin d'un prestataire extérieur pour élaborer son plan de continuation d'activité (PCA), qui est un document stratégique qu'elle aurait dû élaborer de longue date. Nous soulignons également le recours à d'autres prestataires externes pour la gestion des stocks et plus généralement la logistique liée aux équipements de protection individuelle et aux vaccins. L'agence maitrise ses ressources d'emploi, malgré quelques dépassements du plafond d'emplois. La gestion des ressources humaines est donc perfectible, il reste à améliorer la gestion des emplois et à élaborer des parcours professionnels pour les salariés.
Les systèmes d'information ont connu des progrès limités depuis la création de SPF, alors que leur importance est centrale pour la veille sanitaire. Les enjeux de modernisation et d'interopérabilité sont signalés depuis 2016, mais la Cour constate une faible priorisation des chantiers et des retards d'exécution, qui conduisent à une obsolescence de nombreuses parties du système d'information. Nous recommandons d'adopter rapidement un schéma directeur des systèmes d'information et d'assurer la déclinaison opérationnelle en priorisant plus finement les projets associés, en définissant la cible à atteindre et en élaborant les modalités de suivi - et nous pointons le risque d'indisponibilité des systèmes d'information si rien n'est fait.
La stratégie de SPF reste à clarifier, en particulier les attentes en matière de santé publique. La Cour constate que son COP a été adopté tardivement, deux ans après la création l'agence - malgré une phase de préfiguration -, et qu'il contribue en réalité très peu au pilotage de l'agence, avec des indicateurs peu précis. Les 22 objectifs énoncés par le contrat ne sont pas rattachables au programme 204 et cette faiblesse reflète en réalité l'absence d'objectifs nationaux pluriannuels de plan national priorité prévention - ce constat reflète donc celui que l'on fait aussi pour le ministère de la santé. La Cour souligne que le foisonnement des programmes de SPF n'est guère propice à l'efficience du pilotage et que ces programmes ne sont pas priorisés par rapport aux enjeux ; une réorientation est en cours depuis 2020, il faut assurément intégrer des indicateurs d'efficience chiffrés dans le prochain COP.
Sur la gouvernance de SPF, la Cour constate la faible impulsion du conseil d'administration sur le pilotage stratégique de l'agence : il n'a pas participé à l'élaboration ni débattu de la stratégie, et il se focalise sur des questions budgétaires et administratives. Le conseil scientifique de SPF joue un rôle effectif mais incomplet, tandis que le comité d'orientation et de dialogue reste très discret, c'est en quelque sorte un rendez-vous manqué avec l'agence.
Enfin, les relations avec la tutelle et les ARS sont à conforter. Le ministère ne hiérarchise pas suffisamment les missions de SPF, ses demandes ont plus de quadruplé entre 2019 et 2022, passant de 20 à 88, ceci sans priorisation - le ministère demande à l'agence de prioriser son action, mais sans prioriser lui-même ses nombreuses demandes. C'est pourquoi la Cour recommande d'assortir les programmes annuels de travail d'une estimation chiffrée des moyens humains et budgétaires et de propositions de priorisation liée au degré de sévérité ou de létalité des maladies.
Nous considérons également que l'expertise de SPF est trop peu utilisée par les pouvoirs publics. Le rôle du comité d'animation du système d'agences est des plus limités, il peine à trouver sa place, entre les relations bilatérales qui se sont renforcées entre agences, et les travaux confiés au Haut conseil de la santé publique.
Enfin, la Cour considère qu'il n'y aurait pas de plus-value évidente à rattacher les cellules régionales de SPF aux ARS - les directeurs généraux d'ARS que nous avons rencontrés sont partagés sur cette question et nous considérons, nous, que le statu quo est préférable à l'expérimentation d'un rattachement.
Mme Marie-Anne Jacquet, directrice générale par intérim de Santé publique France . - J'assure l'intérim depuis que, le 30 octobre dernier, Geneviève Chêne a achevé son mandat de trois ans - elle aura donc connu la deuxième partie de l'histoire de l'agence, en pleine crise sanitaire, et je l'ai rejointe pour ma part en avril 2020.
Quelques mots sur la stratégie et la priorisation de nos programmes. Nous avons travaillé de concert avec la Direction générale de la santé, pendant la crise sanitaire même, pour prioriser plus explicitement nos programmes, nous les avons resserrés, de 28, à 6 enjeux de santé publique. Nous agissons avant tout sur les principaux déterminants de santé - donc contre le tabagisme, l'alcoolisme, la mauvaise alimentation et l'absence d'exercice physique, la Cour a souligné le continuum entre nos missions de prévention et de promotion de la santé. Nous travaillons à notre prochain COP 2023-2027 et souscrivons pleinement à objectif d'un nouveau contrat fondé sur des objectifs opérationnels et des indicateurs chiffrés, nous travaillons avec le ministère dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de santé.
S'agissant de la surveillance de l'état de santé de la population, l'agence est très présente sur les expositions aux risques environnementaux, sur les maladies chroniques non transmissibles, avec une expertise interne très développée, nous produisons des études scientifiques, des articles, des bulletins épidémiologiques.
Sur la prévention et la promotion de la santé, nous souscrivons pleinement à la nécessité d'un référentiel des actions prometteuses et probantes ; sa réalisation a été retardée, mais nous avons, en pleine crise sanitaire, désigné un comité d'experts et notre objectif est bien de mettre à disposition des actions évaluées scientifiquement et faciles à déployer sur le terrain. La Cour des comptes confirme le fait qu'un continuum se consolide, entre la prévention et la promotion de la santé, et la surveillance. La santé mentale a été mise en avant par SPF, nous avons dès 2020 alerté sur l'impact de la pandémie en matière de santé mentale, l'étude CoviPrev est sortie dès le mois de mars 2020, nous avons lancé, en partenariat avec l'Éducation nationale, une enquête sur la santé mentale des 3-11 ans, inédite en France.
Les services d'aides à distance en santé sont-ils insuffisamment évalués ? Ils l'ont été en 2019 et ils ont été particulièrement mobilisés pendant la crise sanitaire, il faut saluer l'action de tous ces agents qui ont aidé concrètement les personnes isolées, qui ont accompagné dans les démarches, qui ont aussi aidé à adapter les sites internet.
Nous souscrivons aux constats sur la réserve sanitaire, nous réfléchissons à en réformer le cadre d'emploi, mais ce qu'il faut considérer d'abord, c'est le changement d'échelle intervenu à l'occasion de la pandémie : la réserve sanitaire a été pensée comme subsidiaire, mais quand les professionnels censés venir en réserve sont déjà mobilisés comme ils l'ont été par la crise sanitaire, les mécanismes mis en place pour la réserve ne peuvent suffire. En réalité, il faut un cadre plus global sur l'ensemble des renforts humains à apporter selon les types de crises, régionales ou nationales.
La gestion des stocks stratégiques n'est pas l'objet principal du rapport de la Cour des comptes, mais elle a été déterminante dans l'activité de SPF en 2020. Nous avons commandé 4,5 milliards de masques et nous en avons distribué 2 milliards partout sur le territoire, nous avons acheté et stocké 1,8 milliard d'autres équipements de protection individuelle, nous avons acheté de nouveaux médicaments de réanimation, nous avons mis en place la logistique pour acheter et distribuer 190 millions doses de vaccin contre la Covid-19, avec un portail commun et dans les conditions pharmaceutiques que vous savez, en particulier la chaîne du froid particulière aux vaccins à ARN messager. Je veux souligner le continuum nécessaire entre cette gestion des stocks et nos compétences épidémiologiques, nous l'avons encore vu l'été dernier face à la variole du singe. Nous partageons donc l'idée qu'il faut mieux définir, collectivement, le cadre d'emploi de cette réserve stratégique.
Nos systèmes d'information ne se modernisent pas assez vite, il faut cependant noter que la fusion des quatre structures constitutives de SPF, a représenté un gros travail d'homogénéisation des systèmes - nous avons alors constaté l'obsolescence de systèmes que nous avons entrepris de moderniser. La crise sanitaire a été un accélérateur et un catalyseur, les crédits nous ont été alloués, y compris pour moderniser le système de surveillance sanitaire des urgences et des décès (SurSaUD). L'un des enseignements majeurs de la pandémie est que nous avons besoin de systèmes de surveillance réactifs, opérationnels, qui collectent l'information au plus près du terrain, dans les hôpitaux et les établissements médico-hospitaliers et donc les impliquent tous. Il y a eu des réussites, avec les trois principales bases de données sur la crise de Covid-19, avec SI-DEP pour le dépistage et VAC-SI pour la vaccination, nous avons la responsabilité de capitaliser ces enseignements pour les pérenniser, ceci au-delà de SPF.
Mme Catherine Grenier, directrice des assurés à la Caisse nationale de l'assurance maladie . - La direction des finances de la Cnam n'ayant pas pu se rendre disponible, je vous parlerai surtout de la collaboration entre la Cnam et SPF en matière épidémiologique, comme en matière de prévention et de promotion de la santé.
Nos deux institutions collaborent habituellement sur des projets thématiques et populationnels dans le cadre de la lutte contre les addictions, nous avons une convention importante sur le marketing social en particulier sur le tabac et sur d'autres facteurs comportementaux de risque, nous travaillons sur le dépistage des cancers ou sur les campagnes de vaccination contre la grippe - et participons alors aux mêmes comités de pilotage, avec le ministère de la santé. La Cnam est aussi un relai des campagnes lancées par SPF, par exemple sur les 1 000 premiers jours, sur la stratégie antibiorésistance, ou encore sur les gestes barrières. Nous avons des collaborations également en matière de recherche, je pense par exemple au diabète ou aux maladies cardiovasculaires.
J'insisterai sur l'enjeu de communication entre nos deux institutions, l'assurance maladie fait beaucoup à travers ses propres outils, comme Améli ou via les professionnels de santé, puisque nous avons la possibilité d'envoyer des messages directement à chaque professionnel de santé. Nous avons, enfin, un enjeu commun pour la prévention, via les centres de santé, des travaux sont conduits sur les rendez-vous de prévention aux différents âges de la vie, ce que nous faisons en nous appuyant sur le site développé par SPF sur le bien vieillir.
Mme Chantal Deseyne , président . - Merci pour ces propos liminaires.
Mme Corinne Imbert , rapporteure générale . - Ce rapport me laisse sur ma faim, en particulier quand la Cour ne formule aucune recommandation explicite en matière de stocks stratégiques ou d'adossement à la recherche. Vous constatez de la timidité en matière de gouvernance et en matière de mobilisation de l'expertise par des pouvoirs publics, la stratégie reste à clarifier, comme vous le dites ; mais pourquoi, alors, restez-vous en retrait sur ces points, et pourquoi la Cour des comptes ne tranche-t-elle pas non plus le débat sur la présence territoriale de l'agence et la territorialisation de la veille sanitaire ? Vous paraissez désapprouver la proposition de notre commission d'enquête sénatoriale sur la gestion de la crise sanitaire, de rattacher aux ARS les antennes territoriales de SPF : pouvez-vous nous en dire davantage ? Quels ont été vos échanges avec les directeurs d'ARS sur ce point ?
Sur la réserve sanitaire, ensuite, nous avions craint, en 2016, que la fusion des quatre entités préexistant à SPF ne complique le recours à la réserve : la crise sanitaire a confirmé nos craintes. Vous mentionnez un recours à des prestataires extérieurs pour la gestion des stocks et la logistique : savez-vous pour quel coût ?
Madame la directrice de SPF, vous soulignez avec justesse que la gestion des stocks stratégiques n'était pas le point central de la mission confiée à la Cour des comptes. Cependant, quand la crise est là, l'accès à ces stocks est l'une des premières inquiétudes de nos concitoyens, il est donc bien normal que ce soit aussi l'une de nos premières préoccupations. Le dépistage a bien fonctionné, SPF a été réactive, de même que la coopération avec la Cnam est bonne - heureusement, et ce serait un comble de constater le contraire, puisque l'assurance maladie finance l'agence...
Madame la présidente de la sixième chambre, à qui devrait incomber, selon vous, le pilotage stratégique de SPF, dont le rapport dit bien que les missions sont de différentes natures et requièrent plus ou moins de capacité décisionnelle de son conseil d'administration ?
La Cour relève la porosité des champs d'expertise des différentes agences, la timidité du comité d'animation du système d'agences (Casa), ou encore l'infériorité de SPF dans la mobilisation de la recherche, par rapport à l'Anses par exemple. Quelles conclusions faut-il en tirer sur les missions de SPF, voire sur la place de l'agence dans le paysage administratif et institutionnel ? Une nouvelle répartition des missions avec les autres agences est-elle souhaitable ?
Si les comparaisons avec ses homologues étrangères sont difficiles, un ou des modèles étrangers ne se dégagent-ils pas néanmoins des observations de la Cour ?
Le rapport ne s'intéresse pas, me semble-t-il, à la déontologie ni à la gestion des conflits d'intérêts. Or, devant notre mission d'information sur la lutte contre l'obésité, SPF a d'emblée mis l'accent sur cette question, assurant que l'industrie du sucre comme celle du tabac cherchent à orienter des recherches pour instiller le doute sur la dangerosité de leurs produits et à vanter les avantages de l'autorégulation. La Cour s'est-elle penchée sur les moyens par lesquels SPF peut contribuer à assainir l'expertise scientifique ?
Mme Annie Le Houerou . - Élisabeth Doineau, qui ne peut être parmi nous, m'a chargée de vous poser les questions suivantes.
Les dotations de la sécurité sociale à SPF, effectuées au moyen d'arrêtés ministériels, ont été un véhicule privilégié pour les dépenses publiques en réponse à la crise sanitaire, non seulement en 2020, quand la crise a surpris tout le monde, mais aussi les années suivantes. La Cour des comptes semble montrer dans son enquête une certaine compréhension pour le procédé, voire pour celui ayant consisté à reverser une partie significative de ces dotations à l'État au travers de fonds de concours. En quoi ces crédits présentaient-ils une nature différente de ceux qui émanaient de l'État et qui ont donné lieu à de multiples collectifs budgétaires entre 2020 et 2022 ? Pourquoi ne devaient-ils pas relever du principe d'autorisation des dépenses publiques ?
De manière plus générale, vous semble-t-il cohérent que les dotations à SPF proviennent intégralement de la sécurité sociale, et pas du tout de l'État : eu égard aux missions de l'agence, quelle vous paraitrait la meilleure clé de répartition ? Le changement de l'abondement financier de l'agence s'est-il traduit par des modifications dans la gouvernance de SPF ? Comment se répartissent les rôles entre l'État et la sécurité sociale en matière de gouvernance et de décision ? Ne devrait-il pas y avoir un lien entre financeur et décideur ?
À titre personnel, je m'interroge sur la production de masques en France. Pendant la crise sanitaire, quand on a manqué de masques, des entreprises françaises ont repris de la production, mais elles sont aujourd'hui en difficulté face à l'invasion de masques venus de Chine : dans le renouvellement des stocks stratégiques, est-il possible de donner une préférence nationale aux masques produits en France ? Que peut faire SPF pour que, demain si une nouvelle crise sanitaire apparaît, on puisse encore fabriquer des masques sur notre sol ?
Mme Véronique Hamayon . - Pourquoi la Cour ne formule-t-elle pas de recommandations explicites sur la gestion des stocks stratégiques, sur la gouvernance de SPF, sur son organisation territoriale, sur son niveau de dotation ? Nous avons établi des constats détaillés, mais pour aller plus loin, il faut mettre en balance l'intérêt de santé publique et la dépense publique qui en résulte, il y a des arbitrages budgétaires, qu'il s'agisse du niveau des stocks ou de la dotation à SPF : ces décisions sont entre les mains de l'État, garant de ce que le niveau des stocks corresponde aux besoins identifiés. Il sera intéressant, à cet égard, de suivre la mission confiée à Cécile Courrèges sur la création d'une Direction de préparation et de gestion des crises.
Sur la gouvernance, la Cour considère que la composition du conseil d'administration de SPF n'appelle pas de modification, mais nous regrettons le positionnement en retrait de ce conseil sur la stratégie.
Sur la territorialisation, nous constatons que les avis des directeurs généraux d'ARS sont partagés sur le rattachement des cellules départementales de SPF aux ARS. Le directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes y est certes favorable, mais ses homologues des Pays de la Loire et des Hauts-de-France sont bien plus nuancés. Ce qui compte, c'est que ces cellules régionales soient présentes sur le terrain et en lien avec l'échelon central de SPF- et si c'est bien le cas, comme aujourd'hui, il ne nous paraît pas utile de changer l'organisation sur ce point.
La Cour vous rejoint pour dire que la crise sanitaire a confirmé les craintes que l'on pouvait avoir sur la réserve sanitaire - le cadre d'emploi, les rémunérations, l'organisation, tout de la réserve sanitaire est à revoir entièrement. La Cour recommande aux pouvoirs publics une remise à plat de cet outil utile face à la crise, mais qui a montré toutes ses limites dans son organisation actuelle.
Le recours de SPF à des prestataires extérieurs pour la gestion des stocks a représenté 7 millions d'euros, le marché le plus important concerne les prestations d'appui opérationnel, pour 3,4 millions d'euros. Ce recours n'était pas au coeur de notre mission. Le Sénat a publié un rapport sur la question, et la Cour des comptes va se pencher prochainement sur le sujet.
Le pilotage stratégique de SPF est formellement aux mains de son conseil d'administration, mais c'est le ministère de la santé qui porte le pilotage de l'agence. Il faut donc une bonne coordination entre les instances de SPF et le ministère. Sur la gouvernance de la politique de santé, le comité d'animation du système d'agences contribue peu, je l'ai dit, à l'élaboration de la politique nationale de santé et aux priorités de la prévention et de la promotion de la santé, mais la Cour n'a pas identifié de problématique particulière de périmètre de compétences entre les agences.
La création de SPF a été inspirée par les agences qui existent en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada, mais il est difficile d'aller loin dans la comparaison tant les compétences sont différentes et parce que nous n'avons pas accès à la comptabilité analytique de ces agences. Cependant, nous constatons que les activités de recherche sont intégrées aux agences en Allemagne et aux États-Unis, et nous pensons que SPF doit conserver des liens forts avec la recherche.
La déontologie n'a effectivement pas fait l'objet d'investigation, elle a été examinée dans un rapport de 2016, nous y reviendrons probablement bientôt.
La Cour ne voit pas d'incohérence ni de difficulté particulière au fait que l'assurance maladie soit le financeur unique de l'agence. Nous n'avons pas non plus proposé que la gouvernance de l'agence en soit modifiée, ce schéma fonctionne dans d'autres cas, par exemple pour l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il n'y pas de problème à découpler le financeur et le décideur. C'est ce qui se passe par exemple aussi avec les hôpitaux, qui sont financés par l'assurance maladie mais qui relèvent de la politique hospitalière définie par l'État.
Mme Marie-Anne Jacquet . - Le renouvellement des stocks et les achats de masques se font de manière continue ; nous venons de lancer un appel d'offres pour 200 millions de masques avec l'objectif d'avoir plusieurs fournisseurs, en proximité, dans le respect de la commande publique ; nous appliquons un critère prix de 20 % seulement, et des clauses de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE), nous avons fait un sourcing approfondi auprès des entreprises.
Les cellules régionales de SPF représentent l'agence dans les territoires, elles sont le garant d'une agence forte et de l'unité de surveillance. Parce qu'elles font partie de l'agence, elles suivent partout la même méthode de référence - on ne pourrait pas accepter un calcul différent selon les territoires, l'unité est une garantie de la méthode scientifique de la surveillance. Cela n'empêche nullement les cellules régionales d'apporter un éclairage territorial, comme les ARS en demandent.
Enfin, SPF a recouru à des prestataires extérieurs uniquement pour de la logistique opérationnelle, en particulier pour redéployer un réseau - nous avons dû ouvrir en urgence 23 plateformes, alors que notre équipe dédiée ne comptait que 10 personnes. Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que la crise sanitaire a représenté un changement d'échelle tout à fait inédit.
M. Alain Milon . - Merci pour ce rapport, il reflète ce que nous pensions confusément sur le fonctionnement de SPF depuis quelques mois. Nous savons que SPF a été créé par Marisol Touraine pour des raisons budgétaires et nous avions dit alors nos craintes pour l'avenir. Or qu'est-ce qui s'est passé pour la gestion de crise ? La crise du H1N1 a été gérée par l'InVS et l'Eprus de manière admirable, au point que la ministre de la santé de l'époque a été critiquée pour avoir trop dépensé en prévention ; et face au Covid-19, c'est tout le contraire, pour des raisons qui ne concernent pas les personnes, mais l'organisation elle-même. N'avez-vous pas le sentiment que SPF est un mastodonte, un gros « machin » qui n'arrivera pas à être efficace comme l'étaient les agences qu'elle a absorbées, et que personnellement je regrette ?
M. René-Paul Savary . - A-t-on véritablement tiré les enseignements de la crise sanitaire ? Sommes-nous certains que nous ne referions pas les mêmes erreurs face à la crise ? On fait appel à des prestataires pour la logistique, pourquoi pas, mais maintenant que l'on connaît les circuits, cela ne paraît pas nécessaire si une nouvelle crise survenait. Ce qui a été efficace et ce qui compte dans la crise, c'est d'avoir une organisation territorialisée qui permet de gagner du temps : il faut une sorte de cellule de crise, avec le préfet de département aux commandes. Avez-vous configuré une gestion de crise à activer dans les 24 heures ? S'il y avait un accident nucléaire, comment seraient distribués les comprimés d'iode ? À Vitry-le-François, l'ex-Eprus avait la gestion d'un stock de masques, ils sont apparus périmés mais on nous a dit ensuite qu'ils pouvaient quand même servir pour aider les acteurs de deuxième rang : comment tenez-vous compte de ce genre de choses dans la gestion des stocks ?
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Nous n'oublions pas qu'en France, 218 000 doses de vaccin AstraZeneca ont été jetées parce qu'on avait laissé passer leur date de péremption : cela ressemble bien à du gâchis. Pauline Londeix, fondatrice de l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, souligne qu'un tiers de la population mondiale n'a reçu aucune dose de vaccin, parce que les pays riches ont accaparé les doses par peur de manquer, qu'ils ont donc constitué des stocks pour en jeter ensuite une partie... Que faites-vous pour que de telles erreurs ne se reproduisent pas dans la gestion des stocks ?
Mme Véronique Hamayon . - L'agence SPF est-elle un « gros machin » ? Je ne crois pas qu'une grande agence ne puisse pas être efficace, voyez ce qui se passe en Grande-Bretagne ou en Allemagne, avec des agences plus grandes encore, et nettement. Dans la comparaison entre les crises face au H1N1 et à la Covid-19, ce qu'il faut prendre en compte, c'est surtout la situation sanitaire elle-même, l'échelle n'est pas la même.
Mme Marie-Anne Jacquet . - Effectivement, cette pandémie a été d'une ampleur inégalée dans un passé proche, la question posée est celle de la taille critique qui est nécessaire pour faire face, cela suppose des renforts dans la durée - des hommes et des femmes qui se sont engagés sans discontinuer pendant deux ans, il faut des forces vives et une forte mutualisation pour faire face, ce qui est plus difficile lorsque l'organisation est morcelée. L'agence peut vous paraitre un « mastodonte », mais que dire alors de ses homologues étrangères, certaines sont bien plus importantes...
S'agissant de la logistique et de l'organisation territoriale, SPF est organisée pour mettre en place une gestion de crise en 24 heures, dans un écosystème pilotée par le ministère de la santé, nous sommes alors en lien toutes les heures avec le centre de crise. Nous avons un stock d'iode en cas d'accident nucléaire, le plan iode est interministériel et piloté par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, les doses d'iode sont mobilisables par le préfet.
La question des masques périmés a été largement débattue en 2020. SPF a agi alors sur instruction du ministère de la santé : des maques étaient périmés mais sans date de péremption, nous avons fait des tests montrant qu'ils étaient imparfaits, mais, face à la pénurie, le ministère a demandé à SPF de les tester de nouveau pour les distribuer non pas aux soignants, mais à des publics moins exposés, ce que nous avons fait - je le redis : à la demande du ministère.
Des doses de vaccin ont été jetées, SPF avait passé commande sur instruction et pilotage du ministère, les décisions avaient été prises dans un contexte de forte incertitude face à l'évolution de l'épidémie - ce qui était aussi le cas pour les autres États.
M. René-Paul Savary . - Il reste qu'on ne peut toujours pas géo-localiser les personnes pour les prévenir en cas de crise imminente, donc on ne peut pas les prévenir concrètement face au danger. Il faut modifier la loi, nous l'avons proposé mais nous n'avons pas été suivis - concrètement, nous ne sommes donc pas prêts, ce qui me fait dire que nous n'avons pas tiré toutes les conséquences de la crise sanitaire.
Mme Marie-Anne Jacquet . - Des travaux sont menés en ce sens notamment par le ministère de l'intérieur, pour une information de la population en temps réel.
Mme Chantal Deseyne , président . - Merci pour toutes ces précisions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES
Consultable uniquement au format PDF
* 1 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique.
* 2 François Bourdillon, « La France se dote d'une agence nationale de santé publique. Illustrations de ses principales missions et enjeux », Bull Acad Natl Med. 2016 Mar;200(3):639-650.
* 3 Mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques, mars 2021. Pour rappel, cette « mission indépendante » a été installée par le Président de la République deux mois après la création de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale et un mois après l'annonce d'une création analogue au Sénat ; l'un de ses membres et l'un de ses rapporteurs sont, depuis, devenus respectivement secrétaire d'État et député de la majorité présidentielle.
* 4 Santé publique : pour un nouveau départ - Leçons de l'épidémie de covid-19, rapport n° 199 (2020-2021) de Mme Catherine Deroche, M. Bernard Jomier et Mme Sylvie Vermeillet, fait au nom de la commission d'enquête Évaluation des politiques publiques face aux pandémies, déposé le 8 décembre 2020.
* 5 Rapport n° 653 (2014-2015) de M. Alain Milon, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 juillet 2015.
* 6 L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) : comment investir dans la sécurité sanitaire de nos concitoyens ? Rapport d'information n° 625 (2014-2015) de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 juillet 2015.
* 7 Article R. 1413-1 du code de la santé publique.
* 8 Surpoids et obésité, l'autre pandémie, rapport d'information n° 744 (2021-2022) de Mmes Chantal Deseyne, Brigitte Devésa et Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales - 29 juin 2022.
* 9 Mission « Santé », programme 204.
* 10 Sixième sous-objectif de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).
* 11 Les agences en matière de sécurité sanitaire : de la réactivité à la stratégie, rapport d'information n° 355 (2006-2007) de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 juin 2007.
* 12 Agence nationale de santé publique, rapport de préfiguration remis par François Bourdillon à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le 2 juin 2015.
* 13 Les orientations et la gouvernance de la politique de santé environnementale, rapport d'information n° 479 (2020-2021) de M. Bernard Jomier et Mme Florence Lassarade, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 24 mars 2021.