N° 45
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l' organisation et les moyens de la Douane face au trafic de stupéfiants ,
Par MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .
L'ESSENTIEL
Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques », ont présenté le mercredi 12 octobre 2022 les conclusions de leur contrôle budgétaire sur l'organisation et les moyens de la Douane face au trafic de stupéfiants.
La Douane, administration en « première ligne » face au trafic de stupéfiants.
Trois constats ont conduit les rapporteurs spéciaux à mener ce travail de contrôle :
1. la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) est un acteur majeur de la lutte contre le trafic de stupéfiants , à l'origine de 60 % à 80 % des saisies de produits stupéfiants sur le territoire national ;
2. le rôle de la Douane est amené à se renforcer, alors qu'il demeure encore méconnu. Pourtant, les services douaniers ont parfois l'impression de « vider la mer à la petite cuillère » , avec des méthodes qui demeurent encore « artisanales » ;
3. la menace liée au trafic de stupéfiants ne cesse de s'accroître, avec des flux toujours plus dynamiques et de multiples vecteurs d'entrée sur le territoire . L'Europe est le deuxième plus grand marché du monde pour la cocaïne et l'un des plus grands centres mondiaux de production de drogues synthétiques.
I. « ADMINISTRATION DE LA FRONTIÈRE ET DE LA MARCHANDISE », LA DOUANE EST AU CoeUR DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS
A. LA DOUANE EST, EN FRANCE, L'ADMINISTRATION A L'ORIGINE DES PLUS IMPORTANTES SAISIES DE PRODUITS STUPÉFIANTS
« Administration de la marchandise », la Douane surveille et contrôle l'ensemble des flux de marchandises entrant et sortant du territoire. L'une de ses missions fondamentales, réaffirmée dans le cadre de sa démarche de performance, est de lutter contre les trafics et la criminalité organisée . La DGDDI mobilise pour ce faire l'ensemble des services territoriaux , de ses attachés douaniers à l'étranger et des directions spécialisées , à l'instar de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), du service d'enquête judiciaire des finances (SEJF) ou encore de la direction nationale garde-côtes des douanes (DNGCD).
La Douane a saisi |
La cocaïne représente |
La Douane a mis en cause |
de produits stupéfiants en 2021, 31,5 % de plus qu'en 2020 |
des saisies, contre 65 % pour le cannabis, 16,7 % pour le khat, 1,3 % pour les drogues de synthèse et 0,9 % pour l'héroïne et les amphétamines |
personnes physiques pour des faits liés aux produits stupéfiants |
Si la crise sanitaire avait pu conduire à un léger reflux du volume des saisies, du fait des mesures de restriction sur les déplacements, l'année 2021 a marqué un net rebond, illustrant de fait le dynamisme des flux de produits stupéfiants .
Saisies de produits stupéfiants par la Douane (en volume)
(en kilogrammes)
Source : commission des finances, d'après les données transmises par la DGDDI
Quatre services et administrations réalisent des saisies de stupéfiants sur le territoire national : la Douane, la direction générale de la police nationale (DGPN), la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la Marine nationale. De par son positionnement aux frontières et sa mission de surveillance des flux, la Douane est à l'origine de la majorité des saisies de produits stupéfiants sur le territoire national : elle joue en effet le rôle de « premier rideau ».
Part de la Douane dans les saisies de produits stupéfiants en 2021
(en tonne et en %)
* en millions de doses
Source : commission des finances, d'après les données transmises par la DGDDI
Si les résultats obtenus en termes de saisies illustrent indubitablement les efforts de la Douane en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, leur évolution peut être difficile à interpréter et l'efficacité de la Douane difficile à évaluer : eu égard à leur caractère illicite, il n'est pas possible de rapporter les résultats obtenus aux flux totaux de produits stupéfiants .
Les saisies augmentent-elles parce que l'efficacité de la Douane s'accroît ou parce que les flux de produits stupéfiants augmentent eux aussi ?
En l'état des données budgétaires, il est par ailleurs i mpossible de connaître les effectifs et les moyens alloués à titre exclusif ou principal à la lutte contre les trafics de toute nature , et encore moins au trafic de stupéfiants.
B. DE PAR SON POSITIONNEMENT SUR L'ENSEMBLE DES FRONTIÈRES, LA DOUANE SURVEILLE ET CONTRÔLE LES MULTIPLES VECTEURS D'ENTRÉE DES STUPÉFIANTS SUR LE TERRITOIRE
« Administration de la frontière », la Douane dispose d'un positionnement privilégié, au coeur des principaux vecteurs d'entrée des stupéfiants sur le territoire national. Si « tenir » la frontière est historiquement l'une des missions essentielles de la Douane, la frontière se caractérise désormais par son aspect multidimensionnel.
La frontière est « terrestre, numérique, maritime, aérienne, nationale et européenne », lieu de transit des personnes, marchandises et données.
La Douane déploie dans ce contexte et sur tous les vecteurs ce qu'elle qualifie de « stratégie du bouclier » : il s'agit avant tout d'intercepter les chargements de produits stupéfiants susceptibles d'être introduits puis disséminés sur le territoire national et européen. Les territoires ultra-marins font l'objet d'une attention spécifique, du fait de leur situation géographique, à la croisée d'importantes routes maritimes et aériennes vers l'Union européenne.
La voie maritime est un vecteur privilégié pour le trafic de cocaïne, la Douane intervient dès lors sur les ports (conteneurs) - le port du Havre disposant du premier scanner fixe de France - mais aussi en haute mer, grâce à ses moyens aéromaritimes (vedettes, avions, hélicoptères).
Le vecteur terrestre est quant à lui plus fréquemment utilisé pour le trafic de résine de cannabis, notamment en provenance d'Espagne, et d'héroïne, par la route des Balkans. La Douane dispose pour contrôler ces flux, outre de la possibilité de fouiller les véhicules, de trois camions scanners mobiles , qu'elle déploie sur le territoire (grands axes routiers, péages, ports).
Les flux aériens sont propices au transport de multiples catégories de stupéfiants. Une retient toutefois l'attention des autorités et des services depuis plusieurs années : la cocaïne, avec en particulier le phénomène des passeurs (les « mules »). Les produits peuvent être transportés dans les bagages, à corps ou ingérés ( in corpore) et en grande majorité depuis la Guyane . Il y a parfois plusieurs dizaines de passeurs par vol, les réseaux privilégiant une stratégie de « saturation des vols », en étant prêts à sacrifier les premiers pris.
Une tendance également se dégage depuis plusieurs années et inquiète les services douaniers : le contournement des voies traditionnelles par le recours au fret express et postal. La crise sanitaire n'a ici eu pour effet que de contribuer à renforcer une tendance antérieure, favorisée par l'essor du commerce en ligne.
Saisies de produits stupéfiants par la Douane sur le fret express et postal
(en kilogrammes et en doses pour l'héroïne et les amphétamines)
Source : commission des finances, d'après les informations transmises par la DGDDI
II. RÉORGANISER, INVESTIR ET COOPÉRER : TROIS AXES À PRIVILÉGIER POUR L'ACTION DE LA DOUANE FACE AU TRAFIC DE STUPÉFIANTS
A. TROIS IMPÉRATIFS : RÉORGANISER LES EFFECTIFS, ACQUÉRIR DES ÉQUIPEMENTS PLUS PERFORMANTS ET VALORISER LA DONNÉE
Pour leurs recommandations, les rapporteurs spéciaux ont souhaité s'inscrire dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de la Douane pour la période 2022-2025, qui prévoit une stabilisation des effectifs et une légère baisse du budget global de la Douane. Il est impératif dans ce contexte de pouvoir réorganiser les effectifs, de dépenser mieux et d'accroître l'efficacité du ciblage des contrôles.
Le COM 2022-2025 prévoit, sur la période, un effort supplémentaire de 148 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la Douane. 97 millions d'euros au minimum seront alloués à des dépenses d'équipement, dont la plupart concourra à l'exercice par la Douane de sa mission de lutte contre les trafics de produits illicites.
Répartition des crédits
supplémentaires alloués à la Douane
pour ses
dépenses de fonctionnement et d'investissement
sur la période
2022-2025
(en millions d'euros et en %)
Source : commission des finances, d'après le contrat d'objectifs et de moyens de la Douane pour la période 2022-2025
Cette enveloppe de 148 millions d'euros supplémentaires n'est toutefois pas exempte de critiques . Outre le fait que les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'allocation des 51 millions d'euros restants, qu'ils estiment devoir être principalement alloués à l'acquisition de scanners et à la refonte des systèmes d'information, ils doutent également de la sincérité de « l'effort supplémentaire » vanté par la Douane et par la direction du budget . Il était par exemple déjà prévu que deux nouveaux scanners à rayons X soient installés au centre de tri postal de Wissous et de Roissy dès 2023. De même, les acquisitions pour les hélicoptères et les vedettes sont anticipées depuis plusieurs années, eu égard au vieillissement du parc et au besoin opérationnel de renouveler les moyens aéromaritimes de la Douane. Ce ne sont d'ailleurs pas deux vedettes qui devront être acquises par la Douane à moyen terme, mais bien cinq si elle veut maintenir son parc en l'état.
Il est également permis de s'interroger sur la pertinence de retenir, dans cet effort supplémentaire, les projets immobiliers , qui ne relèvent pas à proprement parler des équipements dont la Douane a besoin pour assurer ses missions de surveillance et d'opérations commerciales, mais qui s'apparent davantage à des dépenses pour les fonctions support. La Douane avait en outre déjà bénéficié de crédits supplémentaires pour ses dépenses immobilières, en provenance du plan de relance (7,6 millions d'euros en 2021).
Comment, dans ce cadre contraint, donner plus de moyens à la Douane pour qu'elle accomplisse sa mission de lutte contre les trafics illicites ?
1. Réorganiser les effectifs
Dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, il n'est pas prévu de création de postes (en équivalents temps plein). Les rapporteurs spéciaux estiment toutefois qu'il existe des réserves de postes , qui pourront être réalloués le cas échéant vers les missions de surveillance, vers le contrôle du fret express et postal et vers les directions spécialisées. Par exemple, la DGDDI ne connait pas encore le nombre exact d'ETP qui seront affectés par le transfert des missions fiscales vers la direction générale des finances publiques (DGFiP) et elle s'est également engagée à conduire un bilan sur le dimensionnement de son réseau comptable à l'issue du transfert de ces compétences fiscales. La dématérialisation croissante des procédures de dédouanement suscitera nécessairement des gains de productivité , qui pourront se traduire à terme par une réorientation des effectifs vers des missions plus intensives en main d'oeuvre. C'est le cas par exemple des enquêtes ou du contrôle des colis : tous les colis douteux ou ciblés doivent être ouverts afin que leur contenu soit vérifié et aucune machine ne peut le faire.
De même, et pour raisonner cette fois-ci à l'échelle de la masse salariale , la Douane a entrepris une révision de ses régimes indemnitaires , très sévèrement critiqués par la Cour des comptes en 2020. La Cour soulignait la multiplication des régimes statutaires dérogatoires et la persistance de primes obsolètes. Une simplification de ces régimes devrait permettre à la DGDDI de réaliser des économies sur ses dépenses de personnel.
2. Investir dans des moyens plus performants
L'acquisition de matériels et d'équipements plus performants, une priorité pour lutter contre le trafic de stupéfiants.
Au-delà d'un sujet d'effectifs, les rapporteurs spéciaux ont pu constater lors de leurs déplacements à Orly et au Havre que les services douaniers manquaient d'équipements performants : scanners systématiques pour les bagages au départ et à l'arrivée, notamment dans les aéroports d'Orly et de Cayenne, scanners à ondes millimétriques pour les passagers, scanners 3D et scanners industriels à haute capacité pour le fret express et postal, scanners mobiles pour les camions et les conteneurs, scanner fixe dans les ports.
À ceux-ci doivent être ajoutés les hélicoptères, les avions et les vedettes , particulièrement utilisés dans les Antilles, mais également les drones , de plus en plus mobilisés par la direction nationale garde-côtes des Douanes. Enfin, et au regard des vulnérabilités croissantes sur ces plateformes, la sécurisation des ports fait également partie des enjeux fondamentaux pour la Douane à moyen terme, même si ces coûts doivent être partagés avec les opérateurs.
Ces équipements ont un coût, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros , mais qui doit être mis au regard d'un accroissement de l'efficacité de la Douane dans sa mission de lutte contre le trafic de stupéfiants. Une partie de ces équipements sera financée par l'enveloppe de 148 millions supplémentaires mais les rapporteurs spéciaux estiment que les cibles d'acquisition ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins des services douaniers. Toutefois, et pour rester dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, ils ne proposent pas de revoir à la hausse les crédits alloués à la Douane sur ces trois prochaines années.
Les rapporteurs spéciaux défendent en revanche des mesures de gestion qui visent à permettre, à budget global constant, de pouvoir allouer plus de moyens à l'acquisition de matériels performants et à la modernisation des systèmes d'information. Dans ces mesures se trouve tout d'abord l'engagement de reporter chaque année les crédits non consommés et de les allouer à l'achat de nouveaux matériels et aux dépenses informatiques de la DGDDI.
Pour dégager des économies, et tenir son budget tout en répondant aux priorités d'action qui lui sont fixées, la Douane pourrait en parallèle poursuivre la rationalisation de ses emprises immobilières. Pour les rapporteurs spéciaux, cette rationalisation porterait tant sur la répartition des postes sur le territoire que sur la simplification de la politique de logement de la Douane, là-encore très critiquée par la Cour des comptes pour son inefficacité. La DGDDI gagnerait également à mutualiser l'acquisition de ses moyens aéromaritimes, après de nombreux dysfonctionnements lors de l'acquisition de sa flotte actuelle (retards, défaut de livraison, défaut d'équipements ou encore problèmes techniques). Si la mutualisation de ces achats, avec les directions spécialisées des ministères des armées et de l'intérieur, est impossible du fait de besoins divergents, elle pourrait à tout le moins porter sur l'entretien et la formation des agents. Ces équipements sont cruciaux pour la lutte contre les trafics, en particulier en mer.
Toujours dans l'optique de financer l'acquisition de matériels innovants et performants, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'une réflexion devrait être engagée pour que la Douane puisse se voir affecter une partie des sommes confisquées ou issues de la vente de biens confisqués par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) dans des affaires de lutte contre le trafic de stupéfiants.
3. Valoriser la donnée
La Douane fut l'une des premières administrations à développer un projet de grande ampleur de valorisation de la donnée, avec notamment la création du service d'analyse de risque et de ciblage (SARC) en 2016.
L'un des objectifs de ce service mais également des nouvelles techniques d'analyse des données de masse est de parvenir à mieux cibler les contrôles , générant de fait un gain de temps pour les douaniers et tout au long de la chaîne de contrôle. La Douane développe ainsi une banque de données d'images pour déceler plus facilement les produits illicites, à partir de précédents colis « positifs ». Les rapporteurs spéciaux soutiennent cette initiative et estime qu'elle devrait pouvoir s'inscrire à terme dans un projet similaire au niveau européen : en créant une base européenne de données, un « lac de données » auquel l'ensemble des services douaniers des États membres auraient accès, les contrôles pourraient être plus ciblés.
Pour ce faire, la Douane doit aussi pouvoir avoir accès à l'ensemble des données qu'elle juge nécessaire, et sous réserve des garanties en matière de protection des données personnelles et commerciales. A ce titre, une réflexion doit être lancée sur l'accès aux données de chargement , afin que les services de ciblage puissent croiser encore davantage d'informations. Elle doit également pouvoir disposer des compétences nécessaires : la difficulté à recruter des informaticiens et des experts de la donnée (datascientists) est commune à l'ensemble des administrations du ministère de l'économie et des finances, qui ont un fort besoin de recrutement sur ces compétences spécialisées mais souffrent encore d'un déficit d'attractivité, notamment par rapport au secteur privé . C'est un sujet que les rapporteurs spéciaux suivent depuis plusieurs années, et en particulier les mesures mises en place par le secrétariat général du ministère pour remédier à ces difficultés.
B. UNE NÉCESSITÉ : ACCROÎTRE LA COOPÉRATION ENTRE L'ENSEMBLE DES SERVICES DE L'ÉTAT
Dans sa mission de lutte contre le trafic de stupéfiants, la Douane doit pouvoir coopérer avec l'ensemble des services de l'État impliqués dans cette mission . La création de l'Office antistupéfiants (Ofast), nouveau chef de file de la lutte contre cette forme de criminalité, a eu un effet bénéfique pour fluidifier les relations entre l'ensemble des parties prenantes. Elle a également permis d'insister sur le caractère multidimensionnel de la lutte contre le trafic de stupéfiants : au-delà des saisies, il faut également s'intéresser aux flux financiers , pour pouvoir « frapper les organisations criminelles sur leurs vulnérabilités ». À cet égard, et alors que les frontières sont de plus en plus mouvantes et que les réseaux criminels s'adaptent en permanence à la législation, la Douane n'a pas les moyens d'agir et de saisir lorsqu'elle se trouve en présence de capitaux douteux mais hors de tout franchissement de frontières ; une évolution du cadre juridique devrait être envisagée.
Plusieurs points de frictions doivent par ailleurs être résolus , dans l'optique d'accroître l'efficacité des contrôles et l'effet dissuasif de la politique menée par la France en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Un exemple sera utilisé ici : celui des personnes transportant de la drogue (bagage, à corps ou ingérés) par voie aérienne . La situation est aujourd'hui celle d'une véritable « embolie » de la chaine administrative et judiciaire de contrôle .
Lorsque les douaniers interceptent une personne suspectée de transporter de la drogue in corpore , ils doivent la transporter à l'Hôtel-Dieu, faute de disposer d'une unité médicalisée sur place ou d'une unité médico-judiciaire plus proche des aéroports . Résultat, ce sont trois à quatre douaniers retenus pendant près d'une demi-journée pour une seule personne. De même, lorsqu'ils interceptent des personnes avec plus de deux kilogrammes de stupéfiants, ils doivent les remettre à l'Office antistupéfiants. Or, à Orly, les agents de l'antenne de l'Ofast n'acceptent plus de remises après 17-18 heures et ne sont donc plus présents lors de l'arrivée des vols du soir en provenance de Guyane, les douaniers devant se déplacer à Roissy.
La Douane ne dispose pas des moyens et des effectifs suffisants pour mener seule des contrôles « à 100 % » sur un vol (passagers, bagages, avion, équipage, etc.), que ce soit au départ ou à l'arrivée : la mise en place de ce dispositif, extrêmement dissuasif, suppose une réorganisation des services ainsi que l'installation de nouveaux équipements et infrastructures (ex. médicales).