B. DANS CE CONTEXTE, LA MONTÉE EN PUISSANCE DU SOUTIEN AUX ENTREPRISES ADAPTÉES PARTICIPE DE LA RÉPONSE DE L'ÉTAT AUX DIFFICULTÉS D'ACCÈS À L'EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS

1. Les entreprises adaptées : des entreprises à part entière dotées d'une mission d'inclusion des travailleurs handicapés et dont l'action est largement saluée

Si l'OETH constitue le principal instrument juridique en faveur de l'emploi des personnes handicapées, l'État peut aussi intervenir directement en faveur de l'insertion de ces publics sur le marché du travail. Outre l'ouverture à ces publics aux dispositifs d'insertion de droit commun (contrats aidés, insertion par l'activité économique, contrat d'engagement jeunes...), le principal outil mobilisé par l'État est son soutien aux entreprises adaptées.

Instituées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées en remplacement des anciens « ateliers protégés » et aujourd'hui régies par les articles L. 5213-13 à L. 5213-19 du code du travail, les entreprises adaptées sont des structures dont la mission est, selon les termes de la loi, de contribuer au développement des territoires et de promouvoir un environnement économique inclusif favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap .

Elles concluent à cette fin des contrats de travail avec des travailleurs handicapés se trouvant sans emploi ou qui courent le risque de perdre leur emploi et permettent à leurs salariés d'exercer une activité professionnelle dans un environnement adapté à leurs possibilités .

Elles sont à ce titre tenues d'employer une proportion minimale de salariés reconnus travailleurs handicapés, fixée par décret à 55 % 4 ( * ) , qu'elles recrutent soit sur proposition du service public de l'emploi soit directement. Elles mettent en oeuvre pour ces salariés un accompagnement spécifique destiné à favoriser la réalisation de leur projet professionnel, la valorisation de leurs compétences et leur mobilité au sein de l'entreprise elle-même ou vers d'autres entreprises.

Les structures respectant ces conditions bénéficient de l'agrément de l'État , accordé par le préfet de région et formalisé dans un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) conclu en principe pour une durée de cinq ans. L'instruction des demandes d'agrément et le dialogue de gestion sur la durée de vie du contrat est par les services de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

Les entreprises adaptées n'en restent pas moins des entreprises à part entière, qui permettent de proposer une « voie moyenne » entre l'accueil en établissements et services d'aide par le travail (ESAT), qui relèvent du secteur médico-social, et l'emploi en milieu ordinaire relevant de l'OETH.

L'ensemble des associations représentant les personnes en situation de handicap auditionnées par le rapporteur spécial ont salué l'action des entreprises adaptées et témoigné de leur rôle essentiel pour l'inclusion dans l'emploi des personnes qui, sans nécessiter de suivi médico-social permanent, peinent à accéder à l'emploi en raison de leur handicap.

L'ampleur des deux dispositifs n'est toutefois pas la même : les ESAT représentaient en 2018 un réseau de 1 500 établissements accueillant 125 700 personnes tandis que les entreprises adaptées, au nombre de 747 en 2021, employaient environ 52 000 salariés dont environ 37 000 reconnus travailleurs handicapés.

Les établissements et services d'aide par le travail

Régis par les articles L. 344-2 et suivants du code de l'action sociale et des familles, les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) sont des établissements médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap pour lesquelles la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a constaté une capacité de travail réduite et la nécessité d'un accompagnement médical, social et médico-social. Elles ont pour mission de mettre en oeuvre ou de favoriser l'accès à des actions d'entretien des connaissances, de maintien des acquis scolaires et de formation professionnelle, ainsi que des actions éducatives d'accès à l'autonomie et d'implication dans la vie sociale, au bénéfice de ces personnes.

Les travailleurs handicapés admis dans un établissement ou un service d'aide par le travail et qui exercent une activité à caractère professionnel à temps plein perçoivent une rémunération garantie dont le montant est compris entre 55,7 % et 110,7 % du salaire minimum de croissance (Smic).

Le nombre d'entreprises adaptées peut fortement varier d'une région à l'autre : il s'élève par exemple à 108 en Auvergne-Rhône-Alpes, contre 22 en Bourgogne-Franche-Comté. Ce constat doit cependant être relativisé dans la mesure où les caractéristiques sociales des différentes régions ne sont pas les mêmes. Ainsi, on observe que le nombre d'entreprises adaptées pour 1 000 demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés (DETH) inscrits sur les listes de Pôle emploi en 2021 5 ( * ) reste compris entre environ 1 et 2 par région (à l'exception de La Réunion).

Répartition régionale des entreprises adaptées et du nombre de demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés

Région

Nombre d'entreprises adaptées

Nombre de demandeurs d'emploi travailleurs handicapés

Nombre d'entreprises adaptées pour 1000 demandeurs d'emploi travailleurs handicapés

Auvergne-Rhône-Alpes

108

55 759

1,94

Bourgogne-Franche-Comté

22

20 665

1,06

Bretagne

45

25 759

1,75

Centre-Val de Loire

36

16 098

2,24

Corse

3

1 854

1,62

Grand Est

78

37 453

2,08

Guadeloupe

4

2 333

1,71

Guyane

3

941

3,19

Hauts-de-France

69

51 814

1,33

Île-de-France

80

60 394

1,32

La Réunion

7

8 152

0,86

Martinique

4

1 916

2,09

Normandie

49

23 538

2,08

Nouvelle-Aquitaine

83

45 845

1,81

Occitanie

82

53 060

1,55

Pays de la Loire

40

26 568

1,51

Provence-Alpes-Côte d'Azur

50

42 022

1,19

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

2. Un soutien public aux entreprises adaptées en progression, représentant plus de 400 millions d'euros en 2021
a) Les aides au poste et les aides versées dans le cadre de la mise à disposition

L'agrément de l'État ouvre droit pour les entreprises adaptées au bénéfice d'un financement public prenant la forme :

- soit d'une aide au poste destinée à compenser les conséquences du handicap et les actions engagées liées à l'emploi de travailleurs reconnus handicapés éligibles (voir encadré infra ) 6 ( * ) . Le montant de l'aide est alors calculé chaque année sur la base des équivalents temps plein (ETP) et est modulé pour tenir compte de l'impact du vieillissement du travailleur handicapé sur la compensation de sa moindre productivité et de l'adaptation de l'environnement de travail qui en découle.

Montant de l'aide au poste par ETP dans les entreprises adaptées
en fonction de l'âge des salariés éligibles (2022) 7 ( * )

(en euros)

Moins de 50 ans

De 50 ans à 55 ans

Plus de 56 ans

16 223

16 433

16 855

Source : commission des finances du Sénat

- soit d'une aide financière dans le cadre d'une mise à disposition auprès d'un autre employeur contribuant à l'accompagnement professionnel individualisé visant à favoriser la réalisation du projet professionnel et faciliter l'embauche des travailleurs handicapés éligibles concernés 8 ( * ) . Le montant maximum des aides versées dans ce cadre peut couvrir jusqu'à 100 % des « coûts admissibles » (adaptation des locaux et des équipements, formation, transport...), avec la nécessité pour les entreprises adaptées de justifier ces coûts.

Les critères d'éligibilité aux aides des salariés recrutés en entreprise adaptée

Aux termes de l'arrêté du 19 avril 2022 relatif aux critères des recrutements opérés hors expérimentation, soit sur proposition du service public de l'emploi, soit directement par les entreprises adaptées, et susceptibles d'ouvrir droit aux aides financières de l'État, les conditions d'éligibilité aux aides financières des salariés recrutés en entreprise adaptée, outre le fait d'être titulaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, varient en fonction de l'origine de leur recrutement.

Lorsqu'ils sont recrutés sur proposition du service public de l'emploi , ceux-ci doivent :

- soit être sans emploi depuis au moins 24 mois continus ou discontinus dans les 48 derniers mois ;

- soit bénéficier de l'allocation adulte handicapé (AAH) ou d'un autre minimum social suivant : allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), allocation de solidarité spécifique (ASS), allocation pour demandeur d'asile (ADA), allocation temporaire d'attente (ATA), allocation veuvage (AV), revenu de solidarité active (RSA) ;

- soit bénéficier de la qualité de réfugiés statutaires, protégés subsidiaires, de la protection temporaire au sens de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ou de demandeurs d'asile ;

- soit avoir un niveau de formation infra 3 ou 3 ;

- soit sortir d'un établissement et services d'aide par le travail (ESAT) depuis moins de 12 mois ;

- soit sortir d'une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) ou d'un établissement régional d'enseignement adapté (EREA), depuis moins de 12 mois ;

- soit sortir d'un centre de formation des apprentis depuis moins de 12 mois avec un projet professionnel à consolider ;

- soit ressortir d'une autre situation relevant de l'expertise technique du service public de l'emploi.

Lorsqu'ils sont recrutés directement par l'entreprise adaptée, ceux-ci doivent :

- soit être sans emploi depuis au moins 24 mois continus ou discontinus dans les 48 derniers mois ;

- soit bénéficier de l'allocation adulte handicapé (AAH) ;

- soit bénéficier de la qualité de réfugiés statutaires, protégés subsidiaires, de la protection temporaire au sens de la directive 2001/55/CE susvisée ou de demandeurs d'asile ;

- soit sortir d'un établissement et services d'aide par le travail (ESAT) depuis moins de 12 mois ;

- soit sortir d'un établissement et services et de réadaptation professionnelle (ESRP) depuis moins de 12 mois ;

- soit sortir avec un projet professionnel à consolider des institutions ou services spécialisés suivants : un institut médico-éducatif, un institut d'éducation motrice, un institut médico-professionnel, depuis moins de 12 mois ;

- soit sortir ou être suivi par l'un des services spécialisés suivants : un service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés, un service d'accompagnement à la vie sociale, unité d'évaluation, de réentrainement et d'orientation sociale et professionnelle, avec un projet professionnel à consolider ;

- soit sortir d'une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) ou d'un établissement régional d'enseignement adapté (EREA), depuis moins de 12 mois ;

- soit sortir d'un centre de formation des apprentis depuis moins de 12 mois avec un projet professionnel à consolider ;

- soit être âgé de plus de 55 ans ;

- soit bénéficier d'une pension d'invalidité de catégorie 1 ou 2.

Le montant ainsi calculé des aides se voit cependant appliquer un double mécanisme d'écrêtements , répondant à deux logiques différentes :

- premièrement, l' écrêtement « Europe » visant à respecter la réglementation applicable aux aides d'État 9 ( * ) , impose à ce titre de plafonner le montant de l'aide au poste à 75 % des coûts admissibles (soit le coût des salaires et charges sociales payés au titre de l'emploi des salariés éligibles à l'aide au poste) ;

- deuxièmement, l'écrêtement « plafond » 10 ( * ) impose, dans la logique de la réforme déployée depuis 2019 visant à renforcer la mixité et de la diversité des publics au sein des entreprises adaptées, de limiter le montant global de l'aide versée à l'entreprise adaptée à un montant correspondant à un effectif de travailleurs handicapés de 75 % de l'effectif total.

Le montant annuel définitif d'aide est versé mensuellement par douzièmes aux entreprises adaptées par l'agence de services et de paiement (ASP) pour le compte de l'État.

Au total, en 2021, les aides aux postes et aides financières versées dans le cadre d'une mise à disposition représentaient un coût de 395,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) .

b) Les aides versées aux structures

Le soutien de l'État aux entreprises adaptées peut également prendre la forme d'un soutien direct aux structures, qui représente toutefois une part marginale des crédits dédiés à cette politique, qui correspondent essentiellement aux aides au poste.

Jusqu'en 2019, des subventions dites « spécifiques » permettaient le soutien à l'accompagnement et à la formation spécifiques de la personne handicapée. Elles se composaient d'une partie forfaitaire (925 euros par ETP), d'une partie sur critères (aide à l'investissement, aide au maintien dans l'emploi des séniors, aide à la mobilité professionnelle) et d'une partie variable destinée à soutenir des projets portés par l'entreprise adaptée. Depuis 2019, ces subventions ont toutefois été supprimées dans le cadre de la réforme du financement des entreprises adaptées en contrepartie d'une revalorisation de l'aide au poste (voir infra ).

L'État conserve toutefois la possibilité d'apporter une aide financière aux structures grâce à la mobilisation du fonds d'accompagnement à la transformation des entreprises adaptées (FATEA) , institué sur la période 2019-2022 pour accompagner les entreprises adaptées dans leurs politiques de transformations.

En 2021, les aides versées au titre du FATEA ont représenté un coût total de 15,8 millions d'euros en AE et en CP .

Les objectifs du fonds d'accompagnement à la transformation
des entreprises adaptées

Le fonds d'accompagnement à la transformation des entreprises adaptées (FATEA), dont la gestion relève du préfet de région doit permettre d'accompagner et de soutenir :

- les transformations des organisations, notamment en structurant ou en consolidant la capacité de ces entreprises à proposer dans une logique de parcours professionnel, tant aux travailleurs handicapés qu'aux autres employeurs « classiques », une réponse accompagnée mobilisant les leviers tels que l'acquisition de compétences, l'adaptation de l'environnement de travail, l'inscription dans une expérimentation visant à favoriser les transitions professionnelles (CDD Tremplin, entreprises adaptées de travail temporaire) ;

- l'adaptation et l'anticipation de l'évolution des emplois et des compétences, indispensables à l'ancrage définitif des entreprises adaptées dans l'environnement économique des territoires d'implantation et nécessaires pour relever le défi d'un modèle de diversité et de mixité plus ouvert.

Le FATEA a également vocation à encourager, notamment par des opérations de croissance externe, la mise en place de nouvelles productions ou la diversification des donneurs d'ordre et des activités supports d'emploi en vue d'un véritable changement d'échelle en faveur du développement de l'emploi des travailleurs handicapés.

Source : Instruction n° DGEFP/SDPAE/METH/2019/217 du 2 octobre 2019 complétant l'instruction n° DGEFP/METH/2019/42 du 21 février 2019 relative au nouveau cadre de référence des entreprises adaptées issu de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018

c) Un renforcement significatif du soutien financier de l'État sur les dernières années

Au total, les aides versées aux entreprises adaptées en exécution 2021 ont représenté un montant total de 411,4 millions d'euros en AE et en CP, pour 37 325 salariés éligibles .

Entre 2016 et 2021, on constate même une progression régulière et très significative de ces crédits (+ 15 %) alors même que le nombre de salariés éligibles a stagné, comme l'illustre le graphique ci-dessous. Le pic haut des crédits observé en 2020 s'explique par la mobilisation renforcée du FATEA dans le contexte de la crise sanitaire.

Évolution comparée des crédits en faveur des entreprises adaptées (CP) et du nombre de leurs salariés éligibles

(en millions d'euros et en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette progression continue est d'autant plus significative que la mission « Travail et emploi » a fait l'objet d'importantes mesures d'économies sur la période , avec une diminution de 9 % des CP exécutés entre 2017 et 2019, avant que ceux-ci ne connaissent une nouvelle hausse en 2020 et 2021.


* 4 Article D. 5213-63 du code du travail.

* 5 Demandeurs d'emploi en fin de mois, reconnus travailleurs handicapés inscrits sur les listes de Pôle emploi en catégories A,B et C.

* 6 Article R. 5213-76 du code du travail.

* 7 Arrêté du 25 janvier 2022 fixant les montants des aides financières susceptibles d'être attribués aux entreprises adaptées hors expérimentation (il est à noter que des montants spécifiques sont mis en place à Mayotte pour tenir compte du niveau du Smic en vigueur dans ce territoire).

* 8 Article D. 5213-81 du code du travail.

* 9 Règlement (UE) N° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014.

* 10 Article D. 5213-63-1 du code du travail.

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