E. L'OUTIL DE RÉFÉRENCE POUR MAÎTRISER LES DONNÉES GÉOLOCALISÉES SOUVERAINES

Définition de la donnée géographique souveraine

La souveraineté d'une donnée géographique se définit par sa destination ou par son usage, qui est de servir de support direct aux décisions de la puissance publique. Une donnée n'est donc souveraine que si sa disponibilité conditionne la possibilité même de la décision publique, c'est-à-dire qu'elle présente pour la puissance publique une véritable criticité.

Source : rapport au Gouvernement sur les données géographiques souveraines de Valéria Faure-Muntian, juillet 2018

En 1999, le rapport sur les perspectives d'évolution de l'information géographique et les conséquences pour l'IGN 42 ( * ) , dit « rapport Lengagne », l'avait déjà mis en exergue, les données qui décrivent le territoire et son évolution sont des outils indispensables à la décision publique . Il précisait que « la dépendance informationnelle serait le premier pas vers la dépendance économique et politique » . Si cette dimension de souveraineté de certaines données géolocalisées est exacerbée en ce qui concerne la défense nationale, elle s'étend bien au-delà en ce sens que, de plus en plus, comme dans presque tous les aspects de nos vies quotidiennes, la mise en oeuvre des grandes politiques publiques s'appuie sur des informations géolocalisées . Pour préserver notre autonomie de décision, les données géolocalisées sur lesquelles se fondent nos politiques publiques doivent présenter des garanties d'indépendance et être produites et certifiées de façon souveraine.

L'enjeu de souveraineté des données géolocalisées est rappelé dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020-2024 de l'IGN

Les données géographiques et les données d'inventaire forestier ont un lien étroit avec la souveraineté. De fait, la puissance publique mobilise quotidiennement des données géographiques, et plus largement des données géolocalisées, ou des données d'inventaire forestier à l'appui de ses décisions et de son action dans des domaines aussi variés que la défense, la sécurité nationale, la prévention des risques, l'agriculture, la forêt, la préservation de la biodiversité, la transition énergétique, la fiscalité, l'urbanisme, l'aménagement du territoire, les transports, la santé, etc .

Source : contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020-2024 de l'IGN

L'enjeu de la souveraineté des données géolocalisées nécessaires à la prise de décision publique est devenu plus prégnant ces dernières années avec l'essor considérable des applications relatives à l'information géographique et l'irruption sur ce marché de grandes sociétés multinationales issues du monde des technologies de l'information. La problématique est d'autant plus forte que le modèle économique même et la puissance de ces sociétés résident dans la maîtrise et l'exploitation de quantités considérables de données, y compris géolocalisées.

La maîtrise des données géolocalisées revêt aussi une dimension économique et il n'est pas neutre que, dans un cadre de concurrence économique internationale, les entreprises et industriels puissent s'appuyer sur des informations géographiques souveraines. Pour garantir la capacité de nos entreprises à rivaliser dans des domaines innovants à fort enjeu tels que la ville du futur ou les véhicules autonomes, il est plus sûr de leur donner la possibilité de développer leurs systèmes à partir de données souveraines.

À l'issue de sa mission de contrôle, à l'exception notable du ministère des armées, le rapporteur spécial a le sentiment que, même pour des missions régaliennes, les pouvoirs publics, au premier rang desquels l'État, ne prennent pas suffisamment en compte la problématique de la maîtrise et de l'indépendance des données géolocalisées . L'IGN estime aujourd'hui que l'enjeu relatif à l'exercice souverain des prérogatives de puissance publique et des missions d'intérêt général n'est une réelle préoccupation que pour les seules forces armées. L'une des difficultés pour sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics à cette dépendance aux données géolocalisées est qu'il s'agit d'un phénomène souterrain dont on ne prend vraiment conscience qu'en période de crise et de catastrophes. Aussi, le rapporteur spécial considère-t-il que des acteurs tels que le Conseil de l'information géolocalisée (CNIG), l'IGN lui-même ainsi que ses autorités de tutelle ont un véritable devoir de pédagogie .

L'IGN , en tant qu'établissement public de référence dans le domaine, constitue un outil indispensable pour garantir que l'exercice de la souveraineté nationale se fonde sur des données géolocalisées indépendantes et maîtrisées . Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020-2024 de l'IGN précise à ce titre que l'opérateur doit « constituer la pièce maîtresse du dispositif de souveraineté de la puissance publique en matière d'information géographique et forestière » . Les référentiels produits et mis à jour par l'IGN, tout particulièrement pour ce qui concerne les données socles, contribuent à préserver la capacité des autorités publiques à fonder leurs décisions sur des données maîtrisées.

Le rapporteur spécial considère que cet enjeu stratégique constitue la principale légitimité d'un opérateur public tel que l'IGN et qu'il doit nous inciter à veiller à ne pas affaiblir cet outil au point où il ne nous permettrait plus de disposer de cette capacité à maîtriser nos données souveraines. Or, la concurrence avec les GAFAM a pu faire courir le risque d'une forme d'obsolescence de l'IGN . Pour se prémunir de ce risque l'institut devait se moderniser tandis que dans le même temps l'État devait se réengager pour le soutenir dans sa nécessaire transformation.


* 42 Rapport présenté au Premier ministre par Guy Lengagne sur les perspectives d'évolution de l'information géographique et les conséquences pour l'IGN, septembre 1999.

Page mise à jour le

Partager cette page