D. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE TROP DÉPENDANT DE DEUX PARTENAIRES
1. L'IGN est un enjeu de souveraineté stratégique pour les forces armées nationales
a) Des relations historiques et étroites
Les ancêtres militaires de l'IGN
L'histoire de l'IGN est très étroitement liée aux armées. Ainsi, en 1688 est créé le dépôt de la guerre qui a la responsabilité des intérêts cartographiques du royaume de France. En 1808, Napoléon crée la carte de l'État-major. La production des cartes militaires se trouve remise en cause par la défaite de la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Après plusieurs réorganisations, le Service géographique de l'armée (SGA), ancêtre de l'IGN est créé en 1887.
Le 27 juin 1940, pour éviter que les cartes militaires ne tombent aux mains des allemands, l'IGN est créé en tant qu'organisme civil distinct de l'administration militaire.
Source : commission des finances du Sénat
L'article 2 du décret du 27 octobre 2011 précise, que parmi ses missions, l'IGN « contribue à la défense et à la sécurité nationale » . Ce même article 2 liste, parmi les missions de l'IGN, « la formation technique en géomatique et en cartographie des personnels relevant du ministère de la défense » .
Afin de consolider le rôle de l'IGN comme opérateur de référence auprès du ministère des armées, le décret n° 2015-1613 du 9 décembre 2015 a complété le décret du 27 octobre 2011. Issue du décret de 2015, la nouvelle formulation de l'article 5 du décret de 2011 donne explicitement la priorité aux travaux demandés par le ministère des armées : « dans l'intérêt de la défense ou de la sécurité nationale et sur demande du ministre de la défense, l'institut contribue à la préparation, au développement et à la mise en oeuvre de l'infrastructure de données géographiques nécessaires pour l'exécution des missions des armées et des programmes du ministère de la défense. L'institut réalise en priorité l'exécution des travaux demandés à ce titre par le ministre de la défense » . Parallèlement, la modification effectuée en 2015 a complété la composition du conseil d'administration de l'IGN d'une personnalité qualifiée désignée par le ministre des armées.
Aujourd'hui, pour les prestations qu'il délivre au ministère des armées, l'IGN est en relation avec l'État-major des armées et la direction générale de l'armement (DGA) . Au sein du commandement pour les opérations interarmées (CPOIA) de l'État-major des armées, le bureau géographie hydrographie océanographie météorologie (BGHOM) assure le soutien des forces armées dans chacun de ces quatre domaines. Le ministère des armées dispose aussi de son propre organisme géographique avec l'établissement géographique interarmées (EGI) , intégré lui aussi à l'État-major des armées 26 ( * ) . La DGA a en charge les grands programmes d'information géographique militaire auxquels contribue l'IGN et, par conséquent, la passation des principaux contrats avec l'institut.
L'établissement géographique interarmées (EGI)
Dans la dynamique du livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale qui réaffirmait l'importance de disposer d'une géographie militaire pour la planification et la conduite des opérations, l'EGI est créé en 2008 de la fusion de l'Établissement de Production de Données Géographiques (EPDG) et de la Section Géographique Militaire (SGM).
Organisme interarmées qui relève du chef d'état-major des armées (CEMA), l'EGI est placé sous la tutelle du commandement pour les opérations interarmées (CPOIA). Pour les opérations, l'EGI est en association permanente avec les unités des trois armées, en charge de la production géographique : le 28 ème groupe géographique pour l'armée de Terre, le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) pour la marine et l'élément géographique Air-Marine qui assure l'adaptation des produits géographiques standard pour les systèmes de navigation des aéronefs.
Pour répondre aux besoins sur le territoire national, l'EGI travaille en étroite relation avec l'IGN. Enfin, au niveau international, l'EGI entretient des relations bilatérales avec plusieurs pays alliés et participe à des groupes de travail de l'UE et de l'OTAN, notamment pour les travaux de normalisation et pour le soutien géographique des opérations conjointes.
La satisfaction des besoins en produits géographiques est le coeur de l'activité de l'établissement. Stationné sur la base aérienne 110 de Creil, l'EGI est responsable de la production, de la validation, de la gestion et de la diffusion de l'ensemble des données et produits géographiques, sur supports numérique et papier, pour toutes les armées. Il apporte également son expertise technico-opérationnelle.
Recevant des sollicitations des théâtres d'opérations extérieures ou du territoire national, des unités sur le terrain ou des états-majors, l'EGI met tout en oeuvre pour répondre aux besoins des forces armées. Disposant d'un exemplaire numérique ou papier de toutes les cartes produites par le ministère des armées ou acquises auprès de partenaires alliés et producteurs civils, l'établissement est capable de les reproduire en grande quantité ou de les convertir dans des formats numériques compatibles avec l'ensemble des systèmes d'armes des forces françaises.
Composé de plusieurs ateliers spécialisés, l'EGI est en mesure de produire des plans de ville en deux ou trois dimensions, des cartes thématiques, des modèles numériques de terrain et tout type de produits cartographiques en garantissant un très haut niveau de performance et d'interopérabilité.
Enfin, l'EGI déploie du personnel expert auprès des états-majors et les structures de commandement et de conduite des opérations, afin d'apporter son savoir-faire dans la gestion de base de données géographiques et leur diffusion dynamique.
Source : site internet de l'État-major des armées
Les relations entre l'IGN et le ministère des armées sont régies par deux documents principaux. Le protocole de 2012 a été renouvelé en juin 2021 pour une durée de trois ans, prorogeable par tacite reconduction pour une durée de sept ans. L'accord-cadre entre l'IGN et le ministère des armées 27 ( * ) , signé en 2016 pour sept ans est quant à lui en cours de révision . Un nouvel accord doit être finalisé en 2023. Cet accord cadre permet notamment à l'IGN et au ministère des armées de pouvoir conclure des marchés subséquents sans mise en concurrence pour différents types de prestations.
b) Les missions rendues par l'IGN aux forces armées : un enjeu de souveraineté d'une importance stratégique
Le ministère des armées a besoin de pouvoir disposer d'informations géographiques souveraines précises sur le territoire national ainsi que sur les théâtres d'opérations extérieurs. Beaucoup de produits de l'IGN ont un usage dual, civil et militaire mais l'institut fournit aussi aux forces armées des productions spécifiquement conçues pour leurs besoins. Ainsi, l'IGN a-t-elle vocation à assister le ministère des armées dans la constitution d'un patrimoine informationnel géographique physique de référence. La plus grande partie des productions spécialement destinées au ministère des armées est planifiée plusieurs mois à l'avance, toutefois, l'IGN doit aussi pouvoir répondre rapidement à des besoins conjoncturels 28 ( * ) des forces armées.
Le ministère des armées a décrit au rapporteur spécial à quel point disposer d'une capacité géographique, hydrographique, océanographique et météorologique (GHOM) autonome est cruciale pour l'action de nos forces armées, spécialement dans la sphère opérationnelle. Il s'agit d' un déterminant majeur de notre souveraineté . La géographie militaire doit donner aux forces armées les informations nécessaires à leur compréhension de l'environnement, à la préparation et à la conduite des opérations ou encore au guidage des missiles 29 ( * ) . Les techniques et les formes de l'information géographique militaire évoluent rapidement au rythme des innovations. Si les cartes papier sont toujours d'actualité, l'information géographique militaire prend désormais davantage la forme de modèles numériques de terrain, de modèles en trois dimensions d'infrastructures ou de détermination d'obstacles à la navigation aérienne. Par ailleurs, dans les armées modernes, près de 90 % des systèmes d'armes utilisent de l'information géographique .
Le rapport de novembre 2017 précité soulignait que « les représentants du ministère de la défense estiment ainsi que la France fait partie des pays qui maîtrisent le mieux l'information géographique avec les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie » . Le ministère des armées a confirmé au rapporteur spécial ce haut degré de satisfaction à l'égard de l'IGN. À la faveur des auditions qu'il a menées, il a également pu constater que la France est aujourd'hui l'un des rares États dans le monde à avoir la compétence sur la totalité de la chaîne de l'information géographique militaire , de la collecte, à la qualification des données en passant par leur production. Le rapporteur spécial a acquis la conviction que cette caractéristique constitue un atout stratégique indispensable à la souveraineté nationale qu'il convient de préserver . En effet, les armées nationales ne sauraient dépendre d'informations géographiques provenant d'entités étrangères. Le rapporteur spécial tient ainsi à souligner qu'il s'avère absolument essentiel de maintenir une capacité de production fiable et souveraine de données GHOM .
Outre la conception de produits, la qualification des données géographiques, notamment d'imageries satellitaires, collectées par d'autres acteurs est une mission stratégique essentielle qui , selon le ministère des armées, ne peut être assurée , en raison de son haut niveau d'expertise, que par un établissement public de référence tel que l'IGN.
Au regard des enjeux de souveraineté éminents qu'ils emportent, il convient d' assurer le maintien des compétences et des savoirs faire stratégiques de l'IGN en matière d'information géographique militaire . Le rapporteur spécial appelle ainsi l'IGN et ses autorités de tutelle à veiller à ce que leur sanctuarisation soit garantie de façon absolue .
Les prestations de formation délivrées par l'IGN au personnel du ministère des armées sont effectuées à l'ENSG pour les officiers et sous-officiers ainsi qu'à l'EGI pour les accompagnants.
Le COP 2020-2024 de l'institut lui fixe notamment pour objectif « d'apporter prioritairement un appui adapté à la défense et de sécuriser les prestations de soutien aux opérations militaires » . Il prévoit aussi que l'IGN contribue à « la préparation de l'avenir » du soutien géographique aux armées et anticipe les nouveaux besoins des forces armées à travers notamment le recours aux « technologies les plus récentes et les plus innovantes » . Le COP insiste aussi sur l'impératif de sécurisation des prestations fournies aux armées et la garantie de leur continuité.
c) Des programmes aux enjeux financiers significatifs pour l'IGN qui exerce un rôle d'assistance à MOA et fait largement appel à la sous-traitance
Les contrats conclus avec le ministère de la défense représentent un enjeu financier très significatif pour l'IGN. Les flux financiers qu'ils génèrent pour l'institut représentent environ 30 millions d'euros par an soit 20 % des recettes totales de l'IGN .
Évolution des recettes perçues par l'IGN au titre des contrats de défense
(en milliers d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN
Les principaux programmes d'information géographique militaire auxquels contribue l'IGN sont suivis par la DGA et financés par le programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense ». De façon plus marginale d'un point de vue financier, des prestations d'expertise, de formation ou d'impression de cartes sont suivis par l'État-major des armées et financés par le programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la même mission « Défense ».
Le ministère des armées a signalé au rapporteur spécial que, sur la période de la loi de programmation militaire , les projets d'information géographique représentent environ 230 millions d'euros . Une part non négligeable de ces crédits, 20 à 30 % selon les programmes, doit revenir à l'IGN.
Pour la plupart des programmes de défense auxquels il contribue, l'IGN joue un rôle d'expert , délivre des prestations de conseil , de qualification de données ou d' assistance à maîtrise d'ouvrage (MOA). S'agissant des contrats de défense, la conception directe de produits géographiques par l'IGN est l'exception . Pour satisfaire aux besoins du ministère des armées, l'IGN recourt largement à des sous-traitants ou à des co-contractants . Dans ce cadre, il travaille en partenariat étroit avec l'industrie de défense nationale 30 ( * ) , notamment s'agissant de la collecte et du traitement d'images satellitaires.
Les principaux programmes d'information
géographique militaire
auxquels contribue l'IGN
L'IGN assiste la DGA dans le cadre du programme d'armement Geode 4D qui vise la maîtrise de la connaissance de l'environnement géophysique et la prévision de ses effets sur le déroulement des opérations.
Le programme Géomaps 2 vise à concevoir des produits géographiques destinés à enrichir le patrimoine de la défense. Ce programme doit s'achever en 2024.
Hors accord-cadre, les marchés Géosocle et Géosocle 2 31 ( * ) visent à produire un tapis d'images géolocalisées 32 ( * ) exploité au sein du programme Geomaps pour la réalisation de cartes numériques à différentes échelles sur des théâtres d'opération potentiels.
Fruit d'une coopération internationale, le programme de description mondiale du relief Trex 33 ( * ) a pour vocation de constituer un nouveau modèle numérique d'élévation du monde 34 ( * ) plus précis 35 ( * ) .
Source : commission des finances du Sénat
Les contrats de l'IGN avec le ministère des armées sont conclus sous le régime juridique des contrats dits en quasi-régie 36 ( * ) prévu aux articles L2511-1 et suivants du Code de la commande publique. En tant que « marchés de défense ou de sécurité », ces contrats permettent certaines dérogations qui rendent plus souples les partenariats que l'IGN peut nouer avec les industriels pour répondre aux besoins des forces armées. Les « marchés de défense ou de sécurité » permettent notamment à l'IGN de recourir à des « sous-contractants » , un concept étranger aux marchés classiques qui ne connaissent que la notion de « sous-traitants ». Les sous-contrats sont soumis à un régime plus souple que celui applicable aux contrats de sous-traitance.
d) Malgré un partenariat solide, certaines incertitudes font peser une ombre sur les perspectives financières de l'IGN
Le rapporteur spécial sait qu'une réflexion stratégique est en cours en vue de la signature du prochain accord cadre en 2023. Alors que les contrats de défense représentent un cinquième du budget de l'IGN, il souligne que l'issue de cette réflexion est primordiale pour les perspectives financières de l'IGN et la viabilité de son nouveau modèle économique .
Les relations entre l'IGN et le ministère des armées reposent sur des bases très solides et sur une confiance réciproque indéniable. Néanmoins, le rapporteur spécial note que la période d'instabilité géopolitique actuelle et les répercussions de l'agression russe en Ukraine sont susceptibles de rebattre certaines cartes et pourraient conduire à faire évoluer les priorités budgétaires du ministère des armées. Dans un tel contexte, il s'interroge sur le fait de savoir si le prochain accord cadre marquera une continuité ou, au contraire, une certaine inflexion, sans parler de rupture , dans les rapports entre l'IGN et le ministère des armées. Cette seconde perspective, si elle venait à se matérialiser, serait lourde de menace pour l'équilibre financier à moyen-long terme de l'institut .
2. Les incertitudes portant sur l'évolution des flux financiers entre le ministère de l'agriculture et l'IGN pèsent sur les perspectives de l'opérateur
a) Depuis 2016, les flux financiers émanant du ministère de l'agriculture représentent une part significative des recettes de l'institut
Le rapporteur spécial a pu constater le positionnement complexe du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à l'égard de l'IGN . En effet, celui-ci à la particularité d'une part d'être l' autorité de tutelle de l'institut pour ses missions forestières, étant à ce titre représenté au conseil d'administration de l'établissement, et, d'autre part, d'apparaître, après le ministère des armées, comme le deuxième plus important « client » de l'IGN.
Les rapports entre l'IGN et le ministère chargé de l'agriculture se sont particulièrement renforcés en 2015 sans que pour autant les deux partenaires ne soient réellement à l'origine de ce rapprochement. C'est dans le cadre de la mise en oeuvre des aides de la politique agricole commune (PAC) et sous la pression de la Commission européenne que le ministère de l'agriculture a fait appel aux services de l'IGN pour fiabiliser le registre parcellaire graphique (RPG) . En effet, suite à la constatation de problèmes récurrents dans le cadre de ses audits de la gestion des fonds agricoles par l'Agence des services de paiement (ASP), la Commission avait enjoint à la France de mettre en oeuvre un plan d'action visant à sécuriser la procédure, faute de quoi, le pays pouvait s'attendre à des refus d'apurements de plusieurs milliards d'euros au titre des aides de la PAC. L'intervention de l'IGN dans la fiabilisation du RPG a permis de lever les griefs de la Commission européenne et de sécuriser les audits d'apurement de l'exécutif européen.
Le registre parcellaire graphique (RPG)
Le RPG est un système d'information géographique représentant au 1/5000 ème les îlots culturaux (ensemble de parcelles contigües appartenant à une même exploitation) et les parcelles des exploitants se déclarant à la PAC.
Mises à jour chaque année à partir des déclarations des exploitants souhaitant prétendre à une aide de la PAC, ces données fournissent des informations sur l'usage agricole des sols ainsi que sur les structures foncières. Ainsi, seules les parcelles des agriculteurs déclarées font l'objet d'un référencement et d'une représentation graphique dans cette base de données.
La nomenclature de l'usage du sol comporte entre 24 et 28 grands groupes culturaux principaux. Depuis 2015, ces groupes sont eux-mêmes redivisés en 350 cultures principales associées à l'emprise parcellaire.
Source : portail internet gouvernemental de l'artificialisation des sols
Aussi, depuis 2016, l'IGN est-il délégataire des actions de mise à jour triennale des couches géographiques de référence du RPG 37 ( * ) , outil du système intégré de gestion et de contrôle de la politique agricole commune qui est à la charge de l'organisme payeur qu'est l'Agence de services et de paiement (ASP). Cette mission est formalisée dans une convention cadre . Jusqu'en 2021 , le ministère de l'agriculture finançait la prestation rendue par l'IGN à hauteur d'environ 7 millions d'euros par an. En 2021, pour répondre aux nouvelles exigences de suivi de la PAC, une prestation complémentaire a été demandée à l'IGN au titre des « îlots ». Cette prestation complémentaire a conduit à doubler les flux financiers annuels entre le ministère et l'IGN au titre des activités de mise à jour du RPG. Aussi, la dernière convention-cadre 38 ( * ) qui porte sur les années 2021 à 2024 prévoit-elle un versement annuel de 12 millions d'euros financé par des crédits du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Recettes encaissées par l'IGN au titre du registre parcellaire graphique (RPG) entre 2017 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du CGEFI au questionnaire du rapporteur spécial
Par ailleurs, et concernant les grands projets auxquels contribue l'IGN, le ministère de l'agriculture est, dans le cadre du plan de relance, le principal contributeur financier du programme Lidar HD France entière. Il y contribue à hauteur de 22 millions d'euros , soit plus d'un tiers du coût total qui s'établit à 60 millions d'euros. Ce financement s'explique par l'intérêt du ministère pour ce projet tant en ce qui concerne l'amélioration de la connaissance de la forêt française que pour le renforcement des contrôles des aides surfaciques de la PAC. De façon plus marginale, le ministère de l'agriculture contribue à hauteur de 750 000 euros au projet de suivi de l'artificialisation des sols (OCS GE 39 ( * ) ) .
En outre, pour des enjeux financiers plus modestes, l'IGN a signé d'autres conventions avec le ministère en charge de l'agriculture pour la gestion de la base de données des incendies de forêt en France (40 000 euros par an), monitoring de la gestion durable de la forêt et du bois (50 000 euros tous les cinq ans), la cartographie numérique pour le transport du bois (625 000 euros entre 2018 et 2021), le module Forêt bois (25 000 euros par an) et les prospectives en ressources forestières bois et carbone (10 000 euros par an).
b) Les incertitudes relatives aux conditions financières du prochain cadre conventionnel sont une source d'inquiétude pour la viabilité du nouveau modèle économique de l'IGN
Actuellement, le ministère de l'agriculture et l'IGN sont en discussion pour redéfinir leur cadre conventionnel pour la période 2024-2026. Plusieurs incertitudes entourent ces négociations. Compte-tenu de la dépendance du budget de l'IGN aux recettes tirées des prestations qu'il délivre au ministère, ces incertitudes pèsent significativement sur la visibilité à moyen terme des perspectives financières de l'institut .
Dans le cadre des négociations, le ministère de l'agriculture demande à ce que l'IGN mette en oeuvre des gains d'efficience significatifs, notamment en développant l'automatisation du processus, en ce qui concerne l'activité de mise à jour du RPG. À compter de 2024, le ministère souhaiterait diviser par deux les crédits qu'il verse à l'IGN à ce titre pour les réduire à 7 millions d'euros annuels. Cette situation explique pourquoi, dans le cadre de l'exercice d'élaboration de l'engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) de l'IGN 40 ( * ) , le ministère de l'agriculture ne s'est engagé qu'à hauteur de 7 millions d'euros annuels.
Une autre incertitude tient à l'éventuelle perspective d'une contribution de l'IGN au système de suivi des surfaces en temps réel 41 ( * ) , dit « monitoring » qui doit être appliqué à compter de 2023 dans le cadre de la nouvelle PAC. Ce système doit s'appuyer sur le traitement par des algorithmes d'intelligence artificielle d'images satellites. Depuis plus de deux ans, l'ASP travaille avec une société privée sur la mise en oeuvre de ce système. Compte tenu de sa compétence dans le domaine, la direction de l'IGN a regretté de n'avoir pas pu être intégré au début du projet eu égard au calendrier tendu. Depuis, l'institut a été mandaté pour réaliser des prestations d'appui et des expérimentations au profit du ministère et de l'ASP notamment en matière d'intelligence artificielle, et cela pourrait être amené à se renforcer. Le processus de monitoring de la nouvelle PAC pourrait notamment profiter de synergies avec le projet de suivi de l'artificialisation des sols (OCS GE) conduit par l'IGN dans le cadre de l'objectif législatif du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Des discussions sont actuellement en cours pour déterminer la nature de la contribution que pourrait apporter l'IGN au système du monitoring .
Compte-tenu des risques qu'elles supposent sur les perspectives économiques de l'IGN et la viabilité à moyen-terme de son modèle, le rapporteur spécial appelle à ce que les incertitudes dans les relations financières entre l'établissement et le ministère de l'agriculture soient rapidement levées . Il considère par ailleurs que l'IGN doit poursuivre ses efforts visant à diversifier ses partenariats pour limiter son niveau de dépendance économique.
* 26 Les armées françaises disposent aussi d'un régiment « d'arpenteurs » (le 28 e groupe géographique) qui comprend des topographes et des cartographes.
* 27 Qui a pour objet la « contribution à la préparation, au développement et à la mise en oeuvre de l'infrastructure des données géographiques pour l'exécution des missions armées et des programmes de la défense ».
* 28 Dans un délai d'un mois environ.
* 29 Grâce aux données géographiques embarquées.
* 30 Notamment avec les groupes Airbus et Thalès.
* 31 Notifié en 2021, il doit se poursuivre jusqu'en 2027.
* 32 À travers la production de socles géométrique, altimétrique et radiométrique.
* 33 Notifié en 2019, le programme doit s'achever en 2024.
* 34 Les modèles numériques d'élévation sont utilisés depuis les années 1990 dans le cadre de la numérisation de champs de bataille potentiels, ils améliorent la localisation géographique des images satellitaires et peuvent faciliter le guidage de la plupart des systèmes d'armes.
* 35 D'une résolution de douze mètres.
* 36 Ou « in house ».
* 37 À partir d'orthophotographies aériennes.
* 38 Signée le 17 mars 2020.
* 39 Occupation des sols à grande échelle.
* 40 Cf infra.
* 41 Il s'agit de suivre le cycle cultural et de détecter des espèces et des actes agronomiques afin d'assurer une automatisation de certains points d'instruction des aides agricoles.