III. RATIONALISER LA COOPÉRATION ENTRE L'ALLIANCE ATLANTIQUE ET L'UNION EUROPÉENNE EN MÉDITERRANÉE

A. LES ALLIÉS JOUENT UN RÔLE STRUCTURANT DANS L'ESPACE MÉDITERRANÉE QUI CONSTITUE LE FLANC SUD DE L'ALLIANCE ATLANTIQUE

Le renforcement de la présence de l'Alliance en Méditerranée et la réflexion sur son rôle dans le bassin méditerranéen, situé en marge de l'espace euroatlantique stricto sensu , ont émergé dans les années 1990 dans le sillage de la fin de la guerre froide. Dans un contexte marqué par la dislocation de l'Union soviétique et la diversification des objectifs assignés à l'Alliance, l'ancien secrétaire général de l'OTAN J. Solana estimait dans un article publié en 1997 que l'Alliance avait eu, depuis son origine, « une forte dimension méditerranéenne » 175 ( * ) .

Sur le plan politique, ce renforcement de la dimension méditerranéenne de l'Alliance s'est traduit par le lancement en 1994 du Dialogue méditerranée (DM) qui réunit depuis 2000, outre les pays de l'OTAN, l'Algérie, l'Égypte, Israël, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie dans un forum informel d'échanges stratégiques décliné sur le plan opérationnel par un programme de coopération pratique.

Sur le plan opérationnel, le début du XXI e siècle a été marqué par l'implication de l'OTAN dans plusieurs opérations extérieures en dehors de la zone euroatlantique situées soit en marge du bassin méditerranéen, à l'image de la présence de l'Alliance en Afghanistan comme autorité de commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) entre 2003 et 2014, puis avec la mission Resolute Support entre 2015 et 2021, soit sur le pourtour méditerranéen avec l'opération Unified Protector menée par l'Alliance atlantique en Libye entre mars et octobre 2011.

Depuis novembre 2016, l'opération Sea Guardian , qui a succédé à l'opération Active Endeavour , constitue le principal vecteur de déploiement des forces de l'Alliance en Méditerranée. Placé sous l'autorité du commandement maritime allié (MARCOM) situé à Northwood (Royaume-Uni), cette opération, qui repose sur des contributions des États membres qui varient selon ses besoins opérationnels, remplit trois fonctions : l'appui de la connaissance de la situation maritime ; l'appui à la lutte contre le terrorisme maritime et la contribution à la constitution de capacités de sûreté maritime.

B. LA CONVERGENCE D'ANALYSE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET L'OTAN POURRAIT SE TRADUIRE PAR UNE COOPÉRATION PLUS EFFICACE EN MÉDITERRANÉE

Le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 s'est traduit par un recentrage de l'OTAN sur sa fonction originelle de défense du territoire de ses États membres sur le flanc est de l'Alliance.

Pour autant, la résurgence d'une menace directe à l'est de l'espace euroatlantique ne saurait se traduire par une disparition de l'Alliance de l'espace méditerranéen dont les enjeux stratégiques sont en lien direct avec la sécurité des pays de l'Alliance.

En effet, dans une approche globale de la sécurité atlantique, la stabilité du bassin méditerranéen est en premier lieu un facteur de consolidation de la sécurité des pays du sud de l'Europe face aux conséquences, notamment sur le plan migratoire, que pourrait avoir pour ces pays le déclenchement d'une crise dans les pays de la rive sud du bassin. En second lieu, l'influence croissante de la Russie et de la Chine dans l'espace méditerranéen impose à l'Alliance de maintenir sa présence dans cette région au risque de voir son influence réduite au profit de celle de ses compétiteurs globaux 176 ( * ) .

Les rapporteures relèvent que cette analyse globale de l'importance de la présence occidentale en Méditerranée est partagée par l'Union européenne et par l'OTAN, dans la mesure où elle est présente à la fois dans la Boussole stratégique endossée par le Conseil européen le 25 mars 2022 et dans le Concept stratégique adopté par les membres de l'OTAN à l'occasion du sommet de Madrid le 29 juin 2022, ces deux documents ayant été publiés postérieurement au déclenchement de la guerre en Ukraine.

Pour autant, alors qu'une nouvelle déclaration commune UE-OTAN, faisant suite aux deux déclarations adoptées en 2016 et en 2018, est annoncée depuis la fin de l'année 2021, cette déclaration n'a toujours pas été adoptée à la date d'examen de ce rapport en septembre 2022. Les rapporteures relèvent que l'adoption de ce document contribuerait à clarifier la répartition des rôles et la complémentarité entre les deux organisations, en particulier dans l'espace méditerranéen où l'Union européenne aura une importance croissante à long terme suite à la réorientation des priorités américaines vers l'Asie.

Parallèlement, les rapporteures relèvent qu'alors que les opérations Sea Guardian (OTAN) et Sophia (UE) étaient liées par un accord de collaboration qui permettait des échanges de renseignements, l'opération Irini (UE) ne fait pas l'objet d'un accord de collaboration avec l'opération Sea Guardian alors que cette coopération opérationnelle contribuerait au rapprochement entre les deux organisations.

Recommandation n°7. Rationaliser la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN en Méditerranée. Sur le plan stratégique, en adoptant une nouvelle déclaration commune UE-OTAN qui tienne compte des enjeux spécifiques à la Méditerranée. Sur le plan opérationnel, en adoptant un accord de collaboration entre les opérations Irini et Sea Guardian .


* 175 J. Solana, mars 1997, « NATO and the Mediterranean » in Mediterranean Quarterly

* 176 T. Tardy, 8 juin 2022, « Que reste-t-il du flanc sud de l'OTAN ? », Le Rubicon.

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