B. LA FRANCE PEUT RENFORCER SES MÉCANISMES D'ANTICIPATION CIVILS ET MILITAIRES POUR ÊTRE PRÊTE À FAIRE FACE À TOUTE ÉVENTUALITÉ EN MÉDITERRANÉE

Dans son discours aux armées du 13 juillet 2022, le Président de la République a annoncé la présentation en 2023 d'un nouveau projet de LPM. Alors qu'il a également déclaré que ce projet de loi serait fondé sur des retours d'expérience menés « dans l'intimité des équipes », sans être précédé par « des exercices théoriques », les rapporteures estiment qu'il est essentiel que la future trajectoire tienne compte de la militarisation de la politique étrangère dans le bassin méditerranéen.

Alors que l' Actualisation stratégique , en date de janvier 2021, avait déjà identifié la Méditerranée comme « un espace potentiellement ouvert à des conflits de toutes sortes », la présentation de la nouvelle LPM intervient dans un contexte dans lequel « dans le domaine naval, le réarmement au niveau mondial est sans précédent au cours des dernières décennies », comme le soulignait le chef d'état-major de la Marine lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat le 27 octobre 2021.

La Méditerranée n'est pas le seul théâtre sur lequel la Marine nationale est amenée à renforcer sa présence, au regard notamment de l'importance stratégique croissante prise par le golfe de Guinée et par l'espace Indopacifique. Il existe donc un risque de tension entre les moyens dont disposent nos armées, en particulier la Marine nationale, et leur déploiement simultané sur plusieurs théâtres.

À ce titre, alors que la commission avait préalablement identifié plusieurs renoncements capacitaires intervenus dans le cadre de la programmation actuellement en vigueur 166 ( * ) , il est essentiel que la prochaine LPM poursuive la trajectoire de réarmement des forces en tenant compte du contexte actuel de dégradation de la situation stratégique et de militarisation des relations internationales dans le bassin méditerranéen.

Recommandation n°1. Poursuivre la trajectoire de réarmement des forces armées dans le cadre de la future loi de programmation militaire (LPM) en tenant compte de la dégradation du contexte stratégique en Méditerranée.

Situé à la préfecture maritime de Brest, le MICA Center est un centre de sécurité maritime de référence qui pilote le dispositif de coopération navale volontaire (CNV) auquel ont adhéré la plupart des grands armateurs français. Ce dispositif permet aux navires civils de disposer d'évaluations sécuritaires hebdomadaires pour s'adapter aux risques en mer. Ce dispositif de coopération navale volontaire est un espace capital d'échanges entre la Marine nationale et les armateurs qui peut servir de levier pour sensibiliser les navires commerciaux aux risques en cas de déclenchement d'un conflit en Méditerranée.

En cas de crise, la résilience française des bâtiments civils reposerait sur l'activation du dispositif de contrôle naval obligatoire (CNO) en application duquel, en cas de circonstances exceptionnelles, les navires civils français peuvent être obligés de suivre les instructions du commandement de zone maritime (CZM) concerné. En l'absence d'exercice de simulation de l'activation du dispositif de contrôle naval obligatoire, qui n'a pas été activé en Méditerranée depuis plus de trente ans , les rapporteures relèvent qu'il est important de mettre en place un dialogue structuré entre les représentants de la Marine nationale et ceux des armateurs pour préciser les procédures à mettre en place en cas d'activation du dispositif et s'assurer de son caractère opérationnel en cas de conflit armée en Méditerranée menaçant la sécurité des bâtiments civils français.

Recommandation n°2. Consolider le dispositif de coopération navale volontaire (CNV) pour assurer la réactivité et la sécurité de la marine civile française en cas de crise en Méditerranée.

En dépit de l'adoption en février 2022 d'une Stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins , et sous réserve de la mise en oeuvre par la Marine nationale des capacités de l'Ifremer, les armées ne disposent actuellement d'aucun équipement pouvant atteindre les 6 000 mètres de profondeur. Les rapporteures s'associent à ce titre aux constats et aux recommandations formulées en juin 2022 par la mission d'information sénatoriale sur l'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins 167 ( * ) .

Au regard de l'importance critique du réseau de câbles sous-marins de communication, la capacité de la Marine nationale à surveiller ce réseau, voire à intervenir le cas échéant en cas d'acte hostile dirigé contre cette infrastructure est un point essentiel pour assurer la résilience de la France face à une tentative d'attaque hybride de cette nature en Méditerranée.

Par suite, les rapporteures estiment qu'il est essentiel que la trajectoire fixée par la future LPM tienne compte de cet enjeu de sécurité émergeant pour doter la France avant 2025 de drones sous-marins ayant une capacité d'exploration atteignant 6 000 mètres de profondeur .

Recommandation n°3. Moderniser les capacités de la Marine nationale pour être en mesure de réagir en cas d'attaque hybride dirigée contre le réseau de câbles sous-marins de communication en Méditerranée.


* 166 Sénat, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport d'information n°697 (2020-2021), au rapport de C. Cambon, J.-M. Todeschini, P. Allizard, M.-A. Carlotti, O. Cigolotti, H. Conway-Mouret, M. Gréaume, J. Guerriau, C. Perrin, Y. Vaugrenard, A. Cazabonne, 16 juin 2021, L'actualisation de la loi de programmation militaire 2019-2025.

* 167 Rapport d'information de M. Teva ROHFRITSCH, fait au nom de la MI Fonds marins n° 724 (2021-2022) - 21 juin 2022.

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