III. DES DÉBATS IMPORTANTS SUR DIVERS SUJETS D'ACTUALITÉ
A. LA SÉCURITÉ EN EUROPE
1. La sécurité en Europe face à de nouveaux défis : quel rôle pour le Conseil de l'Europe ?
L'Assemblée a adopté une résolution et une recommandation, le mardi 21 juin, sur le rôle du Conseil de l'Europe pour favoriser la sécurité en Europe face aux nouveaux défis, sur le rapport de M. Bogdan Klich (Pologne - PPE/DC) , présenté au nom de la commission des questions politiques de la démocratie.
La guerre d'agression non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a porté un grave préjudice à l'ordre international et a déstabilisé l'architecture de sécurité européenne.
La sécurité est un concept plus large que la défense, et repose dans une large mesure sur le respect des processus démocratiques, des droits humains et de l'État de droit. La notion de sécurité démocratique, approuvée pour la première fois par les Chefs d'État et de Gouvernement du Conseil de l'Europe lors du Sommet de Vienne en 1993, est aujourd'hui plus pertinente que jamais.
Pour M. Bogdan Klich, le Conseil de l'Europe devrait renforcer la sécurité globale et à long terme de ses États membres, dans les limites de son mandat, et contribuer à les rendre plus résilients pour contrer les menaces et prévenir les conflits. À cet égard, le recul de la démocratie en Europe doit être abordé de toute urgence.
M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) s'exprimant au nom du groupe ADLE, a souhaité que le Conseil de l'Europe tire les conséquences de la crise provoquée par l'agression de la Russie et son exclusion. Il a plaidé pour la tenue d'un sommet des chefs d'État membres du Conseil de l'Europe qui devra répondre à trois défis : une crise géopolitique liée à une guerre entre deux États membres marquant l'échec du processus de convergence du Conseil de l'Europe, une crise d'efficacité liée à la lenteur des procédures judiciaires et une crise d'attractivité du Conseil de l'Europe. Celui-ci doit permettre de répondre à la demande de création d'une véritable communauté politique européenne, complémentaire de l'Union européenne. Il a appelé ses collègues à formuler des propositions fortes en vue d'un éventuel sommet des chefs d'État et de gouvernement.
M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a détaillé les nombreuses menaces qui pèsent sur la sécurité en Europe. Il a appelé à renforcer la lutte contre la désinformation en agissant pour protéger le journalisme professionnel et garantir un écosystème médiatique indépendant et pluraliste. Il a regretté la défiance grandissante des citoyens à l'égard des institutions citant en exemple l'abstention élevée aux élections législatives françaises. Enfin, il a appelé à la tenue d'un quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement pour réaffirmer avec clarté les valeurs du Conseil de l'Europe.
Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a expliqué que l'agression armée de la Fédération de Russie envers l'Ukraine a profondément déstabilisé le Conseil de l'Europe qui a dû se séparer de l'un de ses membres. Les défis démocratiques et sécuritaires auxquels l'Europe est confrontée sont nombreux. Dès lors, il est nécessaire de travailler à renforcer l'implication des citoyens dans les processus de décision, tout en réaffirmant le rôle et la place de la démocratie représentative essentielle notamment pour l'émergence des compromis politiques. Si elle a estimé nécessaire de réaffirmer les obligations liées à l'appartenance au Conseil de l'Europe, notamment le respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, il est également indispensable d'offrir de nouvelles perspectives positives pour renforcer l'attractivité de l'appartenance au Conseil de l'Europe. Pour cela, un quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement apparaît nécessaire.
M. Didier Marie (Seine-Maritime - Socialiste, Écologiste et Républicain) a expliqué qu'au-delà de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, de nombreuses autres tensions et menaces existent en Europe. Une approche renouvelée des enjeux de sécurité impliquant une articulation nouvelle et une coopération accrue entre les organisations multilatérales oeuvrant en Europe est absolument nécessaire. Cela ne peut se concevoir qu'avec l'aval des chefs d'État et de gouvernement des États membres, d'où la nécessité de préparer activement un sommet les réunissant avec des objectifs clairs. Puis il a plus particulièrement évoqué l'enjeu des relations entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, estimant urgent d'avancer sur la voie de l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme. Si le Conseil de l'Europe a pour mission première la défense des libertés publiques, de l'Etat de droit et de la démocratie, il s'est interrogé sur la communauté politique européenne que le Président de la République française a appelé de ses voeux et s'est demandé si, sous certaines conditions, le Conseil de l'Europe pourrait être cette communauté, évitant ainsi de créer une nouvelle structure qui risquerait de brouiller l'architecture multilatérale de l'Europe.
M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a indiqué que la guerre lancée par la Fédération de Russie contre l'Ukraine invite à repenser en profondeur les enjeux de sécurité tels que définis par le Sommet de Vienne en 1993. Dès lors, il est nécessaire de réaffirmer le rôle et la place du Conseil de l'Europe. Cela passe par un engagement budgétaire clair des États membres visant à combler le déficit lié au départ de la Fédération de Russie et par une réévaluation des missions et du mode de fonctionnement du Conseil. Une adaptation en profondeur de l'Organisation ne peut se faire qu'à l'occasion d'un sommet des chefs d'État et de gouvernement. Un comité des sages a été mis en place dans cette perspective. Il est nécessaire que l'Assemblée parlementaire et les délégations nationales engagent un dialogue approfondi avec ce comité pour préparer ce sommet.
Enfin, M. François Calvet (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) a rappelé l'interdépendance qui existe entre les États membres du Conseil de l'Europe pour ce qui concerne leur stabilité et leur sécurité. Il a notamment appelé les organes du Conseil de l'Europe à mettre l'accent sur la lutte contre la corruption et le renforcement de la démocratie et de l'État de droit, en développant davantage les liens avec la société civile. Enfin, il a soutenu avec force la perspective d'un nouveau sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe pour adapter aux enjeux actuels les compétences et les moyens de l'Organisation.
2. Un panel de haut niveau sur la défense de la sécurité démocratique en Europe
Un panel de haut niveau a été invité à s'exprimer en séance le mardi 21 juin sur le thème « Défendre la sécurité démocratique en Europe ». Sont intervenus pour introduire les débats M. Tiny Kox, Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et M. Simon Coveney, ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense de l'Irlande, Président du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe.
Puis Mme Sviatlana Tsikhanouskaya, cheffe de file de l'opposition en Biélorussie, M. Pekka Haavisto, ministre des Affaires étrangères de la Finlande, et Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, se sont exprimés.
Les débats se sont poursuivis avec l'intervention des cinq présidents des groupes politiques de l'Assemblée.
Les parlementaires étaient ensuite invités à prendre la parole pour réagir à ces interventions. M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, s'est adressé à Mme Sviatlana Tsikhanouskaya pour lui demander ce que pouvait faire le Conseil de l'Europe pour aider la société civile biélorusse, mais aussi demain la société civile russe qu'il ne faut pas oublier.
Celle-ci lui a répondu qu'il s'agit d'accueillir les représentants des forces démocratiques aux différentes réunions et manifestations, d'aborder la situation en Biélorussie dans les documents de l'Assemblée parlementaire, de préparer un ensemble de réformes qui permettront de construire une nouvelle Biélorussie et de surveiller les violations des droits humains en Biélorussie.
3. La destruction du vol MH17 : la nécessité de faire rendre des comptes
L'Assemblée a adopté une résolution, le jeudi 23 juin, pour faire rendre des comptes pour la destruction du vol MH17, sur le rapport de M. Titus Corlã?ean (Roumanie - SOC) , présenté au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme.
La destruction, le 17 juillet 2014, au-dessus de l'Est de l'Ukraine, du vol MH17 de Malaysia Airlines, qui était en route d'Amsterdam à Kuala Lumpur a causé la mort des 298 personnes qui étaient à bord.
L'enquête sur la sécurité aérienne menée en application de la Convention de Chicago, déléguée au Bureau néerlandais pour la sécurité, a conclu que le crash du vol MH17 avait été causé par un missile sol-air Buk.
L'enquête criminelle parallèle menée par une équipe commune d'enquête internationale a conduit à l'inculpation de quatre suspects liés aux milices pro-russes.
La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme est consternée par le fait que les autorités russes n'aient pas coopéré de bonne foi avec le Bureau néerlandais pour la sécurité et l'équipe commune d'enquête. Les autorités russes ont pratiqué la désinformation, y compris en diffusant des versions contradictoires successives étayées par de fausses preuves. Cela a davantage aggravé les souffrances des proches des victimes. L'admirable dignité et le rôle constructif et digne que ces derniers et leurs associations ont joué méritent d'être salués.
Sur la base des éléments de preuve mis à la disposition du rapporteur, la commission a considéré comme le scénario de loin le plus convaincant que le vol MH17 a été abattu par un missile Buk mis à la disposition des milices pro-russes par l'armée russe.
M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) a commencé par exprimer une pensée particulière envers les familles qui ont du mal à faire leur deuil. En effet, si les enquêtes ont conclu que l'avion a été abattu par un missile russe et ont abouti à l'inculpation de quatre suspects liés aux milices pro-russes opérant dans l'est de l'Ukraine, la Fédération de Russie continue de nier les faits et refuse de coopérer de bonne foi aux enquêtes menées.
Une nouvelle fois, la Russie refuse de se soumettre aux obligations découlant de conventions qu'elle a pourtant signées, ici la Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale. Bien que la Fédération de Russie ait quitté le Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'Homme doit continuer à instruire les requêtes en rapport avec la destruction du vol MH17. Enfin, il a appelé les États-Unis d'Amérique et l'OTAN à fournir aux équipes d'enquête l'ensemble des informations dont ils disposent.
4. Les conséquences du blocus de la mer Noire
À la demande des groupes des Conservateurs européens et ADLE, l'Assemblée parlementaire a tenu un débat d'actualité sur les conséquences du blocus de la mer Noire.
M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a indiqué que le blocus imposé aux ports ukrainiens de la mer Noire par la Russie risquait de provoquer une famine mondiale d'autant plus que les exportations ukrainiennes de blé se font vers des pays à faible revenu où ces exportations représentent la majeure partie des importations. Il a ensuite appelé à démentir les allégations de la Russie qui essaie de convaincre les pays les plus touchés que ce sont les sanctions européennes à l'encontre de la Russie et de la Biélorussie qui déstabilisent les marchés et provoquent une hausse des prix. Enfin, il a souhaité la mise en place de corridors sécurisés permettant la reprise du trafic en mer Noire. Pour cela, une aide technique devrait être apportée à l'Ukraine pour permettre le déminage des eaux proches du port d'Odessa. La France s'est d'ores et déjà engagée à apporter son aide en la matière.