C. UNE ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DU RÔLE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Les travaux conduits par les rapporteurs montrent, de manière empirique, un effet indéniable des réseaux sociaux et, plus largement, du numérique et d'Internet, sur la délinquance des mineurs .

L'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) et la conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) reconnaissent que les réseaux sociaux ont un impact sur la délinquance des mineurs, sans qu'il soit mesurable. Ils permettraient une facilitation du passage à l'acte , davantage que la commission de nouvelles infractions.

L'analyse de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) va un peu plus loin : dans sa réponse écrite aux rapporteurs, elle indique que « l'usage exponentiel des réseaux sociaux a eu un impact fort sur la délinquance des mineurs ». En tout état de cause, la DGGN estime, conjointement avec la direction générale de la police nationale (DGPN), que les réseaux sociaux peuvent contribuer à l'évolution voire à l'augmentation de certains faits tels que :

- la violence scolaire , qui ne s'arrête plus à l'école, le cyberharcèlement se poursuivant dans l'intimité de la victime, via les réseaux sociaux, qui peuvent aussi servir à orchestrer des affrontements entre bandes aux abords des établissements ;

- les infractions à la législation sur les stupéfiants , les produits étant proposés sur Internet et pouvant facilement être acquis, voire revendus, par des mineurs ;

- les extorsions , notamment les chantages sexuels après avoir obtenu des photos ou vidéos intimes de la victime, qui peuvent s'accompagner de harcèlement ;

- le « happy slapping » ou vidéolynchage consistant à filmer ou photographier l'agression physique d'une personne et diffuser ensuite les images sur un réseau social.

Les réseaux sociaux permettent d' amplifier la violence , notamment psychologique. Avec Internet, le harceleur a un sentiment d'impunité, lié à l'anonymat mais aussi à l'effet de nombre.

Les représentants du Conseil national des barreaux (CNB) vont dans le même sens, relevant que « les réseaux sociaux sont un lieu de plus en plus important où se commettent en toute impunité toute sorte de délits », dont « les mineurs ne sont pas épargnés » car « ils sont les premiers à [les] utiliser très majoritairement ». Le CNB note en outre que « les jeunes ont souvent le sentiment de ne pas commettre une infraction lorsque cela touche au numérique ; il y a une forme de banalisation ou de déresponsabilisation ».

Malgré ce constat unanime, les pouvoirs publics manquent cruellement de connaissances sur les effets des réseaux sociaux sur la délinquance . Les données relatives aux réseaux sociaux et à la cybercriminalité en général semblent largement minorées dans les statistiques et évaluations de la délinquance , des mineurs comme des majeurs.

D'après les éléments transmis par la DGGN, le service central de renseignement criminel estime que pour deux cents faits commis par le biais d'un vecteur numérique, seule une plainte est déposée , l'usage d'un outil numérique n'étant par ailleurs pas toujours renseigné par les enquêteurs lors de l'enregistrement de la procédure.

Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) est toutefois bien conscient de cette problématique , et mène des travaux pour améliorer le repérage des infractions enregistrées ayant un lien avec le numérique (cyber-délinquance et recours à Internet pour faciliter certaines infractions), et conduire des études sur le sujet ensuite. L'aboutissement de ces travaux semble en effet indispensable.

Recommandation n° 3 : améliorer le repérage des infractions liées au numérique et évaluer le rôle des réseaux sociaux sur les phénomènes de délinquance des mineurs ( ministère de l'intérieur, ministère de la justice) .

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