B. LE DÉVELOPPEMENT DE PROGRAMMES PARTENARIAUX : UNE TENTATIVE DE « LABELLISATION » ACCRUE DU FINANCEMENT DES PROJETS LOCAUX À MOYENS QUASI-CONSTANTS
Durant le précédent quinquennat, les gouvernements successifs ont mis en place des programmes d'appui spécifiques afin d'accompagner les transformations territoriales. Ces programmes partenariaux portent sur le soutien au développement des villes moyennes (« action coeur de ville »), aux petites centralités (« petites villes de demain »), au développement industriel (« territoires d'industrie »). Ces principaux programmes sont également complétés par des programmes spécifiques (avenir montagnes, inclusion numérique, cités éducatives, France services...)
Au plan opérationnel, ces programmes sont pilotés par l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
L'Agence nationale de la cohésion des territoires
Créée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet
2019, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a
été mise en place le 1
er
janvier 2020. Les articles L.
1231-1
à L. 1233-6 et R. 1231-1 à
R. 1233-27 du CGCT définissent l'organisation et le fonctionnement
de l'ANCT.
L'ANCT a pour objectifs de renforcer la cohésion sociale et de réduire les inégalités territoriales en apportant des réponses adaptées aux projets des collectivités territoriales. Son action cible prioritairement les territoires les plus fragiles, qu'ils soient urbains, périurbains ou ruraux, en prenant en compte leurs spécificités territoriales. Une attention particulière est accordée aux zones où s'opère une transition industrielle. L'action de l'agence couvre également tout projet territorial complexe ou innovant. L'Agence contribue également à la mise en oeuvre de certains dispositifs du plan France Relance.
D'une manière générale, les missions de l'ANCT sont actuellement articulées autour de trois priorités d'intervention :
- le conseil et le soutien aux collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets territoriaux ;
- le déploiement de programmes d'appui spécifiques (France services, « action coeur de ville », « petites villes de demain », « territoires d'industrie »...) ;
- l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.
La gouvernance de l'ANCT s'appuie sur un conseil d'administration, composé de trente-trois membres disposant d'une voix délibérative et de dix membres avec voix consultative, chargé de définir les orientations stratégiques de l'établissement. Aux côtés du conseil d'administration, le comité national de coordination, prévu par l'article L. 1233-4 du CGCT, est chargé de suivre la mise en oeuvre opérationnelle des engagements pris par les opérateurs et l'ANCT dans le cadre des conventions prévues par la loi. Il est composé des directeurs généraux des cinq opérateurs cités dans la loi, à savoir la Caisse des dépôts et consignation (CDC), l'agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'agence de la transition écologique (ADEME) et le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).
L'ANCT déploie son action dans les territoires grâce aux préfets, délégués territoriaux de l'Agence, et à un comité local de cohésion territoriale (CLCT). Il est l'interlocuteur unique des porteurs de projets et de l'équipe siège de l'ANCT.
Enfin, le comité régional des financeurs, composé des représentants locaux des opérateurs membres du comité national de coordination, a pour objet de mobiliser les crédits nécessaires à l'accompagnement des collectivités territoriales dans la réalisation de leurs projets de territoire.
Source : projet annuel de performances de la mission « Cohésion » annexé au PLF 2022
Au plan financier, ils visent avant tout à orienter, ordonner et valoriser des financements préexistants émanant de différents acteurs (ministères, collectivités territoriales, opérateurs...) sur un territoire donné, parmi lesquels les dotations d'investissement de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en particulier la DSIL et la DETR (voir infra ) . Ils n'impliquent donc pour l'essentiel pas de crédits nouveaux , même si l'État y apporte un soutien financier à la marge via le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires ». Ce programme finance en effet la subvention pour charges de service public versée à l'ANCT dont l'offre d'ingénierie bénéficie à ces programmes, et qui a été renforcée de 19 millions d'euros en LFI 2022 au titre de la mise en oeuvre de l'Agenda rural, dont une partie doit spécifiquement servir à recruter des chefs de projets dédiés au programme « petites villes de demain ». Ce programme porte, en outre, les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui contribue également au financement de ces initiatives. D'après les données transmises aux rapporteurs spéciaux, 23,8 millions d'euros d'AE et 13 millions d'euros en CP ont été alloués dans ce cadre à des actions relevant des programmes « action coeur de ville », « petites villes de demain » ou encore « territoires d'industrie ».
Si une forme de « recyclage » opportuniste des moyens existants à des fins de communication gouvernementale a dans un premier temps pu être crainte, les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux ont bien mis en évidence l'intérêt de ces dispositifs dans la mesure où une telle « labellisation » des financements contribue à créer une dynamique autour de projets partagés et fédérer les acteurs d'un territoire.
Il reste important de souligner que le déploiement de ces programmes ne s'accompagne pas d'un engagement à un effort financier supplémentaire de la part de l'État dans la durée, en particulier s'agissant des enveloppes allouées aux dotations d'investissement.
1. Le programme « action coeur de ville »
Le programme national « action coeur de ville » a été lancé le 27 mars 2018 en faveur de 222 villes moyennes et leurs groupements et vise à soutenir la rénovation des écoles, la création de logements, le développement des commerces et des entreprises, le développement des mobilités en lien avec les nouveaux usages, le déploiement des infrastructures ainsi que des usages numériques afin de répondre aux enjeux d'attractivité du territoire en redynamisant les centres villes et leurs périphéries.
Il mobilise 5 milliards d'euros sur 5 ans en provenance de l'État, la Banque des territoires, l'Agence nationale de l'habitat et Action Logement . Ces fonds doivent être apportés à hauteur de :
- 1 milliard d'euros par la Caisse des dépôts en fonds propres ;
- 700 millions d'euros en prêts de la Caisse des dépôts ;
- 1,5 milliard d'euros par Action logement ;
- 1 milliard d'euros par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
D'autres partenaires institutionnels accompagnent également le programme « action coeur de ville », comme le plan urbanisme construction architecture (Puca), la Cité de l'architecture et du patrimoine , le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), le conseil national de la fonction publique territoriale ( CNFTP ) et l' agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
2. Le programme « petites villes de demain »
Le programme « petites villes de demain » est l'une des mesures du plan d'action en faveur des territoires ruraux présenté par le Premier ministre le 20 septembre 2019 dit « agenda rural ». Ciblant les communes de moins de 20 000 habitants (désignées par les préfets) qui exercent des fonctions de centralité et présentent des signes de fragilité, le programme, déployé à compter de 2021, vise à donner aux élus locaux les moyens de concrétiser leur projet de territoire à travers un accompagnement renforcé, et notamment via le financement du recrutement d'un chef de projet assurant la coordination et la conception du projet de territoire des 1 600 collectivités lauréates.
Ce programme cible 1 000 territoires composés de communes et/ou d'intercommunalités. Il est doté de 3 milliards d'euros à titre prévisionnel sur une période de 6 ans auxquels s'ajoutent 250 millions d'euros alloués au soutien à l'ingénierie soit une moyenne de 500 millions d'euros par an et 41,5 millions d'euros pour l'ingénierie.
Du 1 er octobre 2020 à février 2022, les financements ont été les suivants :
- FNADT « classique » : 4,5 millions d'euros ;
- FNADT « relance » : 1,8 million d'euros ;
- DETR : 91,7 millions d'euros ;
- DSIL : 43,6 millions d'euros ;
- ANCT et banques des territoires : 11,2 millions d'euros pour financer des postes de chefs de projets petites villes de demain ;
- ANAH : 3,9 millions d'euros pour financer également des chefs de projet.
Soit un total de 156,7 millions d'euros et 36,5 millions d'euros engagés en soutien à l'ingénierie (hors financement des chefs de projets).
3. Le programme « territoires d'industrie »
Ce programme lancé fin 2018 vise à soutenir et accélérer le développement des territoires à forte dimension industrielle. Ciblé sur 148 territoires, il répond à une double ambition : économique pour relancer l'industrie française, soutenir ses capacités d'innovation et de conquête de nouveaux marchés, mais également d'aménagement du territoire. En effet, soutenir les entreprises industrielles dans les territoires ruraux, périurbains, et les petites et moyennes villes, permet de renforcer leur attractivité (emploi, nouveaux habitants) et de favoriser le développement des services dans ces territoires.
Le programme bénéficie d'environ 2 milliards d'euros, engagés entre 2018 et 2021, fléchés prioritairement dans le cadre d'un « panier de services », mis à disposition par l'État et ses opérateurs, pour développer des actions qui répondent aux enjeux majeurs du programme. Le financement se répartit comme suit :
• une part en provenance de l'État
- fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires (700 millions d'euros) ;
- territoires d'innovation, action du Programme d'investissements d'avenir (PIA) (145 millions d'euros) ;
- DSIL , FNADT, DETR (35 millions d'euros) ;
- subventions complémentaires aux volontariats territoriaux en entreprise (VTE) (2 millions d'euros) et aux accélérateurs Bpifrance (2 millions d'euros).
• une part en provenance des opérateurs et partenaires
- agence de la transition écologique (ex-ADEME) afin de financer les études et projets de décarbonation et transition écologique des territoires et des entreprises (287 millions d'euros) ;
- banque des Territoires pour financer le soutien en ingénierie et les projets portant sur l'aménagement et l'immobilier, la transition énergétique et environnementale de l'industrie, la formation et la cartographie des chaînes d'approvisionnement (162 millions d'euros) ;
- Bpifrance avec un volet territorial et accompagnement (700 millions d'euros et un volet accélération d'entreprises industrielles et déploiement des volontariats territoriaux en entreprises (22 millions d'euros) ;
- Pôle emploi afin de financer les dispositifs de formation et préparation opérationnelle à l'emploi individuelle et collective (10 millions d'euros) ;
- Business France pour le déploiement de coachs internationaux et la réalisation d'études d'attractivité internationale (38 coachs internationaux et 21 territoires accompagnés) ;
- délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) pour financer les études prospectives sur les besoins en compétences et la réalisation de bilans des difficultés de recrutement.
• Une part en provenance des conseils régionaux
- subventions d'investissement pour les travaux d'aménagement au titre du numérique, des zones d'activités économique (ZAE) et du soutien à la formation et l'insertion professionnelle (426 millions d'euros) ;
- mobilisation dans le cadre du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires sur la base d'un partenariat « 1 pour 1 » avec l'État (143 millions d'euros).