A. LE DÉVELOPPEMENT DES OUTILS CONTRACTUELS : UNE TENTATIVE DE « GLOBALISATION » DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE

1. La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, une pratique en plein essor

Bien qu'existant depuis les années 1970, le recours au procédé contractuel entre l'État et les collectivités territoriales pour la conduite et le financement de projets partagés a connu un fort essor dans les années récentes, dans l'intérêt bien compris de l'État et des collectivités territoriales.

En effet, comme l'expliquent les députées Stella Dupont et Bénédicte Taurine dans leur récente Mission « flash » sur la contractualisation 41 ( * ) « la mise en oeuvre de la décentralisation entraîne l'effacement de la décision unilatérale de l'État dans les territoires. Mais la volonté de l'État d'encourager les priorités de son agenda politique demeure . La mise en oeuvre de politiques publiques nationales implique l'établissement d'un partenariat avec les collectivités territoriales. De leur côté, les exécutifs locaux ont besoin des financements de l'État pour monter leurs projets, leurs ressources budgétaires n'étant parfois pas suffisantes pour mener à bien les projets complexes en dépit des possibilités de co-financement » .

Il existe ainsi historiquement trois démarches contractuelles principales dans le cadre desquelles les dotations de l'État sont susceptibles d'être mobilisées : les contrats de plan État-régions, les contrats de ville et les contrats de ruralité .

a) Les contrats de plan État-régions

Les contrats de plan État-régions (CPER) constituent la formule la plus ancienne . Institués par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification 42 ( * ) , ces contrats sont signés entre l'État et les conseils régionaux, initialement pour une durée de cinq ans, avant qu'ils ne soient allongés à six puis à sept ans selon les générations. Depuis la cinquième génération
(2007-2013), leur contenu a été restreint à trois objectifs : la compétitivité et l'attractivité du territoire, la promotion du développement durable et, enfin, la cohésion sociale et territoriale.

La septième génération de CPER devrait mobiliser 28 milliards d'euros sur la période 2021-2027.

Jusqu'à présent, le seul instrument du budget général de l'État mobilisé dans le cadre des CPER a été le FNADT, et non les dotations d'investissement. Cependant, d'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, l'État a souhaité renforcer ses financements dans le cadre des volets territoriaux de la nouvelle génération de CPER. En conséquence, les CPER 2021-2027 prévoient pour la première fois expressément que le recours à la DSIL pourra financer les projets qui y sont inscrits .

b) Les contrats de ville

Institués par la loi dite « Lamy » de 2014 43 ( * ) , les contrats de ville sont signés entre l'État et les EPCI comptant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) , initialement pour une durée de six ans. Il est à noter que la LFI pour 2022 a acté la prorogation d'une année supplémentaire des contrats de ville en cours, soit jusqu'au 31 décembre 2023.

Les contrats de ville reposent sur trois piliers : la cohésion sociale, le renouvellement urbain et le développement économique et l'emploi.

Comme le prévoit l'article L. 2334-40 du CGCT, les contrats de ville constituent le cadre d'octroi exclusif de la DPV, dont l'objet est précisément de financer les actions prévues par eux .

c) Les contrats de ruralité

Les contrats de ruralité , mis en place en 2017 dans le sillage du comité interministériel aux ruralités (CIR) de Privas du 20 mai 2016, constituent un outil contractuel qui assure le déploiement effectif des mesures issues des comités interministériels successifs aux ruralités, coordonne l'action publique et mobilise l'ensemble des acteurs locaux sur les thématiques de l'attractivité du territoire (développement économique dont agriculture, offre de formation, tourisme, patrimoine naturel, etc.), des mobilités locales et de l'accessibilité au territoire.

Ces contrats sont signés prioritairement à l'échelle des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR). Les actions prévues dans ce cadre peuvent notamment faire l'objet de financement au titre de la DSIL et de la DETR .

L'article L. 2334-42 du CGCT prévoit d'ailleurs expressément que la DSIL est également destinée, en sus des six priorités listées par cet article, à financer la réalisation d'opérations visant au développement des territoires ruraux inscrites dans un contrat de ruralité. Cette pratique est même favorisée par la dérogation prévue au D du même article permettant de financer par la DSIL des dépenses de fonctionnement, de modernisation et d'études préalables relevant de la section de fonctionnement dans la limite de 10 % du montant total attribué au bénéficiaire de la dotation.

En 2019, 489 contrats de ruralité étaient en vigueur, ayant bénéficié de 423,8 millions d'euros, tous crédits étatiques confondus, dont 182,5 millions d'euros de DSIL et 201,3 millions d'euros de DETR.

2. Les contrats de relance et de transition écologique : vers un « contrat global » ?

Institués dans le cadre du plan de relance et pour la durée du mandat municipal 2020-2026, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont en principe signés à l'échelle des intercommunalités et leur mise en oeuvre est confiée à l'ANCT .

Trois objectifs leur étaient assignés par la circulaire du Premier ministre du 20 novembre 2020 relative à l'élaboration des CRTE 44 ( * ) :

- accélérer la relance dans les territoires ;

- accompagner les transitions (écologique, numérique, économique, démographique...) sur la base d'un projet de territoire ;

- simplifier le paysage contractuel, en allant vers un contrat plus intégrateur, expression d'un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités locales.

Adoptant ainsi une approche transversale et interministérielle, et bénéficiant à cette fin d'un portage politique fort au niveau du Premier ministre, les CRTE s'adressent à tous les types de territoires et ont notamment vocation à remplacer les contrats de ruralité pour les intercommunalités qui y sont engagées.

Leur objectif est également de regrouper l'ensemble des initiatives partenariales présentes sur les territoires telles que les programmes « action coeur de ville », « petites villes de demain », « territoires d'industrie »... (cf. infra ).

L'instruction du Premier ministre du 20 novembre 2020 relative à leur élaboration prévoit expressément que les CRTE mobilisent les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, mentionnant en particulier la DETR et la DSIL.

Au 13 mai 2022, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, 809 CRTE sont signés, sur un total de 847 périmètres établis, pour 80 % à l'échelle intercommunale, soit un taux de signature de 95 %.


* 41 Mission « flash » sur la contractualisation, communication des députées Stella Dupont et Bénédicte Taurine devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, 2020.

* 42 Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.

* 43 Loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 44 Instruction du Premier ministre n°6231/SG du 20 novembre 2020 relative à l'élaboration des contrats de relance et de transition écologique.

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