C. DANS LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE, UNE FÉMINISATION HISTORIQUEMENT ÉLEVÉE CACHE UNE SITUATION CONTRASTÉE

1. Les résultats globaux font apparaître une forte proportion de femmes au sein de la fonction publique hospitalière

La fonction publique hospitalière est historiquement la plus féminisée des fonctions publiques. En 2009, elle comptait déjà 40 % de femmes au sein des emplois de direction. En 2020, elle compte 78 % de femmes en son sein, 75 % de femmes en catégorie A et 42 % de femmes au sein des emplois d'encadrement supérieur et dirigeant.

Cependant, cette féminisation cache d'importantes disparités. Pour Caroline Chassin, chargée des thématiques « égalité professionnelle » au sein du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), directrice générale du Centre hospitalier de Draguignan, « On peut nous qualifier de bons élèves. Et pourtant, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt . »

2. Des disparités importantes existent au sein de la fonction publique hospitalière

Les femmes sont davantage à la tête d'établissements sanitaires et de directions de soins infirmiers que d'hôpitaux et CHU, postes considérés comme les plus prestigieux. Ainsi, en 2020, 39 % de femmes dirigent des CHU alors que 53 % sont à la tête d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux et 74 % occupent des emplois fonctionnels de directeur de soins.

Caroline Chassin, chargée des thématiques « égalité professionnelle » au sein du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), directrice générale du Centre hospitalier de Draguignan, a dénoncé ce phénomène devant la délégation, indiquant que plus le niveau de responsabilité est élevé, plus le nombre de femmes est faible : « Chez les directeurs d'hôpitaux, nous sommes à parité dans le corps. Pour autant, plus nous montons dans le grade, plus l'érosion de la présence des femmes est importante. Le phénomène est similaire chez les directeurs des établissements sociaux et médicosociaux, qui sont pourtant largement féminisés, avec 64 % de femmes. Dans les emplois fonctionnels de cette catégorie, elles ne sont plus que 46 %. »

Répartition par sexe des emplois d'encadrement et de direction

dans la fonction publique hospitalière en 2020

Nombre de nominations (renouvellements compris)

Nombre de primo-nominations

Nombre d'agents en fonctions au 31 décembre (nominations et primo-nominations incluses)

H

F

Total

H

F

Total

H

F

Total

Directeur de CHU-CHR

3

2

5

0

2

2

19

12

31

Total type d'emploi n°1

3

2

5

0

2

2

19

12

31

Emplois fonctionnels de directeur d'hôpital

54

24

78

14

11

25

223

84

307

Emplois fonctionnels de directeur d'établissement sanitaire, social et médico-social

4

0

4

0

0

0

4

0

4

Emplois fonctionnels de directeur de soins

4

16

20

4

13

17

23

65

88

Directeurs d'établissement sanitaire, social et médico-social sur échelon fonctionnel

17

16

33

8

6

14

88

100

188

Total type d'emploi n°2

79

56

135

26

30

56

338

249

587

Total Centre National de Gestion

82

58

140

26

32

58

357

261

618

Répartition

58,6%

41,4%

100%

44,8%

55,2%

100%

57,8%

42,2%

100%

Caroline Chassin mentionne parmi les facteurs explicatifs possibles les spécificités de processus de nominations maîtrisés par des hommes : « Nous pensons que le processus de nomination aux plus hautes fonctions, largement maîtrisé par des hommes, est aussi responsable de cette érosion progressive des femmes à mesure que nous montons dans la hiérarchie. Les présidents des Commissions médicales d'établissements (CME), les doyens de faculté de médecine dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les directeurs d'agences régionales de santé (ARS) nomment les chefs d'établissement. Ces trois catégories comptent une majorité d'hommes. Participent également à la nomination des chefs d'établissements les maires des communes sièges des hôpitaux, qui sont pour une écrasante majorité des hommes. »

Selon elle, « le même phénomène est observé chez les médecins. 70 % des étudiants en médecine sont des étudiantes. Si elles représentent ensuite 53 % des praticiens hospitaliers dans nos hôpitaux, elles ne comptent que pour 15 % des professeurs d'université-praticiens hospitaliers, postes les plus prestigieux chez les médecins. Elles représentent 49 % des chefs de service, mais seulement 30 % des présidents de CME et 13 % des doyens de faculté de médecine. Là aussi, ce sont ces deux dernières catégories, aux côtés des directeurs d'hôpitaux, qui participent au processus de nomination des responsables médicaux au sein de nos hôpitaux . »

Les disparités de postes s'accompagnent de disparités salariales en fonction du sexe. Selon Caroline Chassin, la fonction publique hospitalière est « la fonction publique la moins bien rémunérée, à responsabilités égales. Au SMPS, nous ne pouvons pas nous empêcher de faire le lien entre le très fort taux de féminisation de la fonction publique hospitalière et ces rémunérations moindres, malgré les derniers efforts conséquents consentis avec le Ségur de la santé . »

En outre, selon les données du SMPS, au sein de la fonction publique hospitalière, le salaire net moyen des femmes est inférieur de 21 % à celui des hommes. Pour le SMPS, c'est notamment le reflet de la répartition des femmes entre les différents métiers de la fonction publique hospitalière : les femmes sont surreprésentées dans les filières administratives et soignantes, moins bien payées, tandis la filière médicale, mieux rémunérée, compte davantage d'hommes. En outre, à responsabilités équivalentes, les femmes semblent moins bien rémunérées que les hommes. Les cadres supérieurs de santé, bras droits des directeurs des soins, colonne vertébrale du fonctionnement des hôpitaux, sont moins bien rémunérés que les ingénieurs, bras droits des directeurs techniques.

La délégation ne peut que déplorer ce témoignage de Caroline Chassin : « Au sein de ma propre équipe de direction, j'ai parmi mes adjoints une directrice des soins bien moins rémunérée que ses collègues directeurs adjoints sur les finances ou les RH. Ce n'est pas acceptable . Il n'est pas normal qu'à responsabilités égales, on ne soit pas rémunéré de la même façon. »

Ces difficultés persistantes, d'ordre systémique, plaident donc pour une nouvelle étape dans la mise en oeuvre des obligations de parité au sein de la haute fonction publique.

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