LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Définir, à terme, un quota de 40 % du sexe sous-représenté dans le stock des postes d'encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique.
Recommandation n° 2 : Imposer un quota de 50 % de primo-nominations du sexe sous-représenté.
Recommandation n° 3 : Élargir à tous les emplois d'encadrement supérieur et de direction des fonctions publiques le périmètre des postes couverts par la loi Sauvadet.
Recommandation n° 4 : Renforcer les pénalités financières prévues par la loi à l'encontre des employeurs publics ne respectant pas leurs obligations paritaires.
Recommandation n° 5 : Désagréger les statistiques publiées relatives au respect des obligations paritaires des employeurs publics afin d'en renforcer la transparence.
Recommandation n° 6 : Anticiper la publication des statistiques relatives au respect des obligations paritaires des employeurs publics en mettant fin au décalage de deux ans.
Recommandation n° 7 : Renforcer le vivier de femmes susceptibles d'occuper des postes de l'encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique, au niveau du recrutement initial et aux différentes étapes de carrière des hauts fonctionnaires.
Recommandation n° 8 : Prévoir un accompagnement renforcé des parcours de carrière des femmes de la haute fonction publique.
Recommandation n° 9 : Améliorer la transparence de la gestion des ressources humaines dans la haute fonction publique, en matière de nominations aux postes les plus élevés notamment.
Recommandation n° 10 : Renforcer les actions concrètes des employeurs publics en faveur de l'égalité professionnelle via la valorisation dans l'ensemble des administrations d'une politique de labels Égalité par exemple.
Recommandation n° 11 : Mettre en place, dans le secteur public, un index de l'égalité professionnelle, similaire à celui qui existe dans le secteur privé, avec des critères et indicateurs objectifs permettant de mesurer le degré d'implication des employeurs publics dans la mise en oeuvre d'une politique d'égalité professionnelle et salariale.
Recommandation n° 12 : Développer des méthodes de travail de nature à favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, au bénéfice de tous, hommes et femmes.
PREMIÈRE PARTIE : LA PROGRESSION DU NOMBRE DE FEMMES EN
RESPONSABILITÉ DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE EST
INDÉNIABLE
MAIS LENTE ET CONTRASTÉE
Les différents participants à la table ronde organisée par la délégation le 24 février 2022 ont salué les progrès accomplis, en matière de parité au sein de la haute fonction publique, grâce à l'adoption de la loi Sauvadet. Néanmoins, ils ont fait part de résistances persistantes, de disparités entre et au sein des fonctions publiques et du chemin restant à parcourir, en particulier s'agissant des postes considérés comme les plus techniques ou les plus prestigieux.
La délégation partage cette analyse : elle constate que les quotas font, une fois encore, la preuve de leur efficacité mais qu'ils doivent être finement définis, ciblés sur les bons objectifs et accompagnés d'une volonté politique à tous les niveaux, pour être efficaces.
I. DEPUIS DIX ANS, LE NOMBRE DE FEMMES EN RESPONSABILITÉ AUGMENTE DE FAÇON TRÈS PROGRESSIVE
À la veille de l'adoption, en mars 2012, de la loi Sauvadet, la haute fonction publique française apparaissait en retard en matière de parité. En 2012, alors que les femmes représentaient environ 60 % des agents de la fonction publique et 57 % des agents de catégorie A, elles n'étaient que 24 % à occuper des emplois de cadres supérieurs et 14 % des emplois de cadres dirigeants.
François Sauvadet , dans une contribution écrite adressée à la délégation au mois de février 2022, a souligné les progrès importants qui restaient à accomplir avant l'adoption de la loi qui porte son nom, dénonçant « un plafond de verre [ qui] interdisait aux femmes de talents d'accéder à certains métiers ou à de hautes responsabilités » .
Dès lors, la loi Sauvadet a introduit un dispositif de nominations équilibrées dans le but de résorber ce déficit de parité : elle a instauré des quotas sur les « flux » de nominations, avec pour objectif final l'augmentation des « stocks » de femmes occupant des emplois à responsabilités. Cet objectif a été affirmé par l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et hommes dans la fonction publique, signé le 30 novembre 2018, et par la loi précitée du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui prévoit une dispense de pénalité financière en cas d'atteinte de l'objectif de 40 % de personnes de chaque sexe en fonctions dans les emplois de l'encadrement supérieur. Les quotas sur les flux ne sont donc bien que des cibles intermédiaires en vue d'augmenter les stocks.
Cependant, les chiffres et les témoignages recueillis par la délégation montrent que si les quotas sur les flux ont été progressivement atteints dans les trois versants de la fonction publique, ils peinent encore à produire leurs effets sur les stocks.
A. LES QUOTAS DE PRIMO-NOMINATIONS FÉMININES ONT ÉTÉ ATTEINTS DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 2020
1. La loi Sauvadet impose 40 % de primo-nominations féminines dans 6 000 emplois d'encadrement supérieur et dirigeant des trois fonctions publiques
La loi Sauvadet a imposé aux employeurs des trois versants de la fonction publique une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe pour les primo-nominations aux emplois supérieurs et de direction . Ce quota porte exclusivement sur les primo-nominations, excluant les renouvellements dans un même emploi et les nominations dans un même type d'emploi.
Sont concernés 6 000 emplois d'encadrement supérieur et dirigeant, recensés dans l'annexe du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l'encadrement supérieur de la fonction publique.
Ces emplois sont divisés en différents types selon deux critères :
• le niveau des fonctions : ainsi l'ensemble des emplois à la décision du gouvernement (secrétaire général du gouvernement, directeur d'administration centrale, secrétaire général ministériel, préfet, ambassadeur, recteur d'académie...) sont regroupés dans un même type d'emploi ;
• la nature des fonctions : ainsi les emplois de l'administration centrale sont distingués de ceux de l'administration déconcentrée pour la fonction publique de l'État.
Dix types d'emplois sont distingués pour la fonction publique de l'État, trois pour la fonction publique territoriale et deux pour la fonction publique hospitalière.
La loi Sauvadet a, en outre, établi un calendrier échelonné d'application , fixant le quota à 20 % pour les nominations prononcées en 2013 et 2014 et à 30 % pour celles prononcées de 2015 à 2017, prévoyant donc l'atteinte de l'objectif de 40 % à partir de 2018. La loi 5 ( * ) du 4 août 2014 dite Vallaud-Belkacem a avancé d'un an l'atteinte de cet objectif, en 2017.
2. La loi Sauvadet permet d'obtenir de nombreuses données sur la place des femmes dans la haute fonction publique
L'appréciation du respect du dispositif par les différents employeurs se fait de manière annuelle pour la fonction publique de l'État et pour la fonction publique hospitalière. En ce qui concerne la fonction publique territoriale, le contrôle du respect de l'obligation de nominations équilibrées a lieu à l'issue d'un cycle de quatre nominations successives, afin d'adapter le dispositif à des organismes qui peuvent n'effectuer aucune ou qu'une seule primo-nomination lors d'une année.
Le suivi du dispositif est effectué par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et la mission cadres dirigeants du secrétariat général du gouvernement (SGG) pour la fonction publique de l'État, par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et le centre national de gestion (CNG) pour la fonction publique hospitalière et par la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour la fonction publique territoriale. La DGAFP synthétise l'ensemble des résultats.
Les données sont nombreuses mais souffrent d'un décalage dans le temps : les chiffres au 31 décembre d'une année ne sont publiés par le ministère que l'année N+2 . Divers participants à la table ronde précitée du 24 février 2022 ont déploré cet écart de deux ans dans la publication des chiffres. Alban Jacquemart, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Dauphine, a souligné à cette occasion le fait que ce décalage n'avait pas toujours existé et n'était apparu qu'en 2017.
La délégation n'est elle-même pas parvenue à obtenir, de la part du ministère de la transformation et de la fonction publiques, l'ensemble des données pour l'année 2021, obtenant uniquement les chiffres relatifs à certains emplois de la fonction publique d'État (nominations à la décision du Gouvernement et emplois de direction en administration centrale).
3. Un suivi des chiffres sur dix ans montre une lente augmentation des primo-nominations féminines
Dans l'ensemble de la fonction publique, tous postes confondus, l'augmentation de la part des primo-nominations féminines est d'exactement un point par année entre 2014 et 2018, avant un sursaut en 2019 qui a permis de dépasser l'objectif de 40 % fixé par la loi .
Bien que lente, la progression est indéniable : au total, le taux de primo-nominations féminines a augmenté de dix points entre 2013 et 2020, témoignant d'une forme d'acculturation à ce dispositif.
Taux de primo-nominations féminines dans les
emplois d'encadrement
et de direction de l'ensemble de la fonction
publique
Source : ministère de la transformation et de la fonction publiques
Déclinée par fonction publique, l'augmentation de la proportion de femmes aux postes à responsabilités révèle toutefois une progression en dents de scie, ainsi que des progrès tardifs pour la fonction publique territoriale et la fonction publique d'État : le quota de 40 % de primo-nominations féminines en vigueur depuis 2017 n'y a été atteint, respectivement, qu'en 2019 et 2020.
Taux de primo-nominations féminines dans les
emplois d'encadrement
et de direction des trois fonctions
publiques
* Les chiffres 2021 concernent uniquement les nominations à décision du Gouvernement et les emplois de direction en administration centrale
Source : ministère de la transformation et de la fonction publiques
Lors de la table ronde organisée par la délégation le 24 février 2022, Agnès Arcier, alors présidente de la commission Parité du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), a exprimé la préoccupation du HCE face à cette augmentation irrégulière des chiffres : « Nous avons constaté une instabilité forte des résultats d'une année sur l'autre. Des progrès sont parfois suivis ensuite d'une forme de régression avant de repartir de l'avant. Nous espérons que les impulsions qui viennent d'être données ne donneront pas lieu à des régressions ultérieures. Pour cette raison, nous pensons qu'il est essentiel de maintenir la pression . »
Lors de cette même table ronde, Agnès Saal, haute fonctionnaire à la responsabilité sociale des organisations du ministère de la culture, a pris l'exemple de ce ministère pour confirmer ce constat : « Sur les primo-nominations, nous avons connu un parcours en dents de scie, avec quelques très bonnes années, d'autres très mauvaises, ou nous atteignions à peine 30 %. Nous avons en 2021 atteint 40 % de femmes primo-nommées. Pour autant, la régularité des résultats n'est pas acquise . [...] Malgré des progrès dans les chiffres, nous craignons encore en permanence un retour en arrière. Rien n'est définitivement acquis. [...] Nous devons donc nous intéresser aux stocks, pas uniquement aux flux. »
* 5 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.