III. ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT D'UNE FLOTTE PLUS PROPRE ET SOUTENIR LE REPORT VERS DES MODES DÉCARBONÉS
En parallèle des évolutions proposées en matière de gouvernance et de planification, ou encore en ce qui concerne les règles de circulation et de stationnement, les rapporteures considèrent que le mouvement de conversion des véhicules thermiques et le report d'une partie du trafic vers des modes moins carbonés sont l'un des leviers à mobiliser pour passer d'une logistique urbaine vue exclusivement comme une contrainte à une logistique plus durable .
A. SOUTENIR LA CONVERSION DES VÉHICULES THERMIQUES
1. Un parc caractérisé par une prépondérance des motorisations thermiques et, pour ce qui concerne les poids lourds, par une offre d'alternatives limitée
Dans les centres urbains, les livraisons sont majoritairement effectuées par des poids lourds (dont le poids total autorisé en charge [PTAC] est supérieur à 3,5 tonnes), mais également - pour une proportion croissante - par des véhicules utilitaires légers (VUL).
a) Un parc de poids lourds et de véhicules utilitaires légers utilisant pour l'heure majoritairement une motorisation thermique
Pour ce qui est des véhicules lourds , le parc français 67 ( * ) compte environ 600 000 poids lourds, dont une très grande majorité a une motorisation diesel (99 %) 68 ( * ) . Seule une part à ce jour très marginale du parc utilise une motorisation alternative 69 ( * ) .
La performance environnementale de ces poids lourds est retranscrite par le biais de la norme Euro qui fixe, à l'échelle de l'Union européenne, les seuils maximaux des émissions de polluants atmosphériques nocifs pour la santé et l'environnement.
Deux principales catégories peuvent être distinguées au sein des activités de logistique urbaine. D'une part, le transport pour compte d'autrui , qui représente environ la moitié du parc de poids lourds en circulation, se caractérise par un renouvellement relativement rapide 70 ( * ) du parc, de telle sorte que 80 % des tracteurs exploités en longue distance respectent la norme Euro VI, qui est la plus récente. D'autre part, pour ce qui est du transport pour compte propre , d'après la Confédération commerce de gros et international (CGI), « les entreprises de transport pour compte propre, dont les grossistes, évoluant le plus souvent sur des zones de chalandises réduites et parcourant annuellement moins de kilomètres, ont des durées de renouvellement de leurs véhicules pouvant dépasser 10 ans » 71 ( * ) . S'agissant plus particulièrement des entreprises artisanales, du commerce de détail ou encore des entreprises de service recourant à des véhicules de transport dans le cadre de leur activité, il leur est, de fait, plus compliqué d'optimiser l'usage de leurs véhicules, dont la durée de renouvellement dépasse très fréquemment la décennie 72 ( * ) .
Le recours aux véhicules utilitaires légers , dont le PTAC est inférieur à 3,5 tonnes, s'accroît notamment sous l'effet du développement du commerce en ligne. Comme le soulignait le rapport de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointerau 73 ( * ) sur le transport de marchandises : « ces véhicules sont particulièrement adaptés face à l'atomisation des flux urbains de marchandises, en particulier s'agissant des livraisons aux particuliers. En outre, les réglementations locales limitant la circulation des poids lourds en ville favorisent le recours à ces véhicules. ». 95 % du parc de VUL fonctionne au diesel et 2,5 % à l'essence 4 . En 2020, 410 000 VUL ont été immatriculés, dont 93 % au diesel, 4 % à l'essence et 2 % à l'électricité. Au 1 er janvier 2020, parmi les 6 millions de véhicules en circulation, 95 % roulent au diesel, 4 % à l'essence et 1 % à l'électricité 74 ( * ) .
Au total, d'après l'Ademe, le transport de marchandises représenterait environ 20 % des véhicules-kilomètres parcourus en agglomération et 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). À Paris, il représente 15 à 20 % du trafic et génère 25 % des émissions de CO 2 , 35 à 45 % des oxydes d'azote et 45 % des particules fines 75 ( * ) .
Toujours d'après l'Ademe, le poids des véhicules utilitaires légers sur le segment du dernier kilomètre a eu tendance à s'accroître au détriment d'une efficacité énergétique à la tonne transportée 76 ( * ) : « En France, le trafic des véhicules utilitaires légers (VUL) a augmenté de + 57 % depuis 1990, avec des émissions de GES en augmentation de + 38 %. La motorisation diesel domine , [avec] plus de 95 % du parc de véhicules utilitaires (lourds ou légers) . La cyclologistique ou les expériences s'appuyant sur le fluvial ne représentent pas pour le moment des parts de marché significatives que ce soit en termes de tonnage ou de valeur. » 77 ( * ) Ainsi, en zone urbaine très dense, le coût social de la pollution atmosphérique de la tonne transportée émise par des VUL roulant au diesel serait presque trois fois supérieur à celui généré par des poids lourds roulant au diesel (14,51 euros pour 100 véhicules par kilomètres pour les VUL, contre 5,84 euros pour des poids lourds). Au total, selon le rapport de Damien Pichereau, le coût social de la pollution atmosphérique induite par les VUL s'élèverait à 3,7 Mds€ , contre 3,2 Mds€ pour les poids lourds.
b) Une trajectoire de transition du parc à préciser pour atteindre nos objectifs de décarbonation du transport de marchandises
Dans ce contexte, et compte tenu des seuils de qualité de l'air, qui, en agglomération, sont régulièrement dépassés, le mouvement de verdissement des flottes utilisées en matière de logistique doit nécessairement être amplifié . Pour autant, et malgré les objectifs de décarbonation des flottes fixés par la loi, cette évolution est conditionnée par la disponibilité et l'accessibilité d' offres alternatives .
Les objectifs de décarbonation du secteur des transports terrestres
Les objectifs de décarbonation du secteur des transports terrestres sont fixés par l'article 73 de la loi d'orientation des mobilités, modifié par l'article 103 de la loi « Climat et résilience » 78 ( * ) .
Aux termes de cet article, la France se fixe pour objectif d'atteindre, d'ici à 2050 , la décarbonation complète du secteur des transports terrestres , entendue sur le cycle carbone de l'énergie utilisée.
Pour atteindre cet objectif, la loi fixe plusieurs objectifs intermédiaires, parmi lesquels plusieurs concernent les poids lourds et les VUL :
- une hausse progressive de la part des véhicules à faibles et très faibles émissions parmi les ventes de véhicules utilitaires légers neufs , permettant, en 2030, de remplir les objectifs fixés par le règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO 2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) n° 443/2009 et (UE) n° 510/2011 ;
- la fin de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles , d'ici à 2040 ;
- la fin de la vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de personnes ou de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles , d'ici 2040 .
Source : article 73 de la loi d'orientation des mobilités.
Or, pour ce qui concerne plus particulièrement les poids lourds , les représentants des transporteurs routiers ont alerté les rapporteures sur deux difficultés principales pour atteindre ces objectifs .
D'une part, les technologies les plus sobres en émissions ne sont, pour l'heure, pas toutes encore matures pour les véhicules les plus lourds qui, par définition, permettent pourtant une plus grande massification des marchandises 79 ( * ) . En outre, pour ce qui concerne les véhicules électriques , l' autonomie limitée des batteries, leur poids 80 ( * ) et le coût élevé des véhicules à l'acquisition (2 à 3 fois plus cher qu'un véhicule diesel 81 ( * ) ) et à la possession, dans un secteur où les marges sont faibles 82 ( * ) , peuvent constituer des obstacles à l'investissement dans ces technologies , notamment pour les plus gros poids lourds qui effectuent des trajets de longue distance 83 ( * ) . S'agissant du recours à l' hydrogène , le rapport de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau précité pointait également le fait que l'hydrogène n'est à ce jour pas encore à un stade de maturité suffisante, « d'autant plus que la création d'hydrogène décarboné ne sera pas prioritairement affectée aux transports » .
D'autre part, les délais de commande des véhicules à motorisation alternative au diesel, particulièrement longs , peuvent atteindre 24 mois, comme l'illustre le tableau ci-après. Cette situation peut en partie s'expliquer par la crise des matières premières, mais il est important de prendre en compte le temps de renouvellement des flottes, qui peut s'étaler sur plusieurs années. Pour les grossistes, la phase de transition nécessaire pourrait donc s'avérer d'autant plus longue 84 ( * ) .
Délais de commande moyens des véhicules
(en mois, au 26 janvier 2022)
Source : réponse de TLF au questionnaire écrit de la mission d'information
En définitive, la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR) a indiqué à la mission 85 ( * ) ne pas disposer d'une offre suffisante de véhicules ni de stations d'avitaillement en nombre . En outre, et au-delà du seul renouvellement des flottes, la transition vers des motorisations moins carbonées peut conduire, pour certaines entreprises, à revoir l'affectation de leurs véhicules en fonction de l'activité 86 ( * ) .
S'agissant des véhicules utilitaires légers (VUL), et comme l'indique le rapport de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, l'électricité semble être l'option de motorisation la plus pertinente pour les VUL utilisés pour le transport de marchandises : « L'autonomie limitée des batteries électriques, problématique pour les trajets de longue distance, n'est pas un obstacle à l'électrification des VUL qui parcourent en majorité de faibles distances (inférieures à 100 km), en particulier lorsqu'ils sont utilisés pour des livraisons du « dernier kilomètre » ». Ce rapport pointait néanmoins deux obstacles à l'électrification des VUL : l'offre de véhicules - même si celle-ci est en cours de développement - et le prix .
En définitive, la transition des flottes pâtit d'une absence de visibilité sur les énergies disponibles et accessibles à court et moyen termes et sur les objectifs de développement de chacune des motorisations . Ainsi, d'après la DGITM : « le calendrier de disponibilité des motorisations alternatives aux diesels pour les véhicules les plus lourds est encore un sujet de travail vivant, autour duquel de nombreuses incertitudes subsistent, notamment en matière de technologie » 87 ( * ) .
Dans ce contexte, une « task force » interministérielle sur la transition énergétique du transport routier de marchandises est mise en place depuis décembre 2020, dans l'objectif de définir une vision commune , avec des objectifs de court et moyen termes par type de motorisation. Ses conclusions étaient attendues à l'été 2021. Ses travaux ne sont à ce jour pas terminés 88 ( * ) . Les rapporteures estiment que ce travail est indispensable à la définition d'une stratégie partagée et à la fixation d'objectifs intermédiaires de transition . Elles font leur la recommandation formulée en mai 2021 par leurs collègues Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau de publier au plus vite cette feuille de route afin de donner un maximum de visibilité aux acteurs et de leur permettre d'anticiper le renouvellement de leur flotte.
2. Des aides à amplifier et à simplifier selon un phasage précis pour accompagner le secteur dans sa transition énergétique
a) Soutenir l'acquisition de véhicules peu polluants
Plusieurs types d'aides ont été mises en place afin d'accompagner le secteur dans sa transition énergétique.
Cinq principaux dispositifs visent à faciliter l'acquisition de poids lourds et de véhicules utilitaires légers (VUL) peu polluants .
1) Le suramortissement prévu à l'article 39 decies A du code général des impôts permet aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu de pratiquer une déduction assise sur la valeur d'origine des biens acquis neufs , hors frais financiers, affectés à leur activité, lorsqu'ils relèvent des catégories de véhicules dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur ou égal à 2,6 tonnes qui utilisent exclusivement certaines énergies (gaz naturel et biométhane, combinaison de gaz naturel et de gazole, carburant ED95, électrique, hydrogène, carburant B100).
Cette déduction du résultat imposable est de l'ordre de 20 % pour les véhicules de 2,6 à 3,5 tonnes, de 60 % pour les véhicules de 3,5 à 16 tonnes et de 40 % pour les véhicules de plus de 16 tonnes. Sur l'initiative du rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, Philippe Tabarot, ce dispositif, qui devait initialement s'éteindre en 2024 a été prolongé jusqu'en 2030 par l'article 133 de la loi « Climat et résilience ».
2) Le bonus écologique , créé dans le cadre du plan France Relance, consiste en un bonus pour l'achat d'un véhicule industriel électrique ou hydrogène 89 ( * ) . Cette aide est plafonnée à 40 % du coût d'acquisition toutes taxes comprises augmentée, le cas échéant, du coût de la batterie si celle-ci est prise en location, dans la limite de 50 000 euros 90 ( * ) . Ce dispositif, créé en janvier 2021, doit s'éteindre en décembre 2022. Or, à la mi-septembre 2021, le ministère de la transition écologique indiquait que seuls 25 dossiers étaient en traitement ou avaient d'ores et déjà fait l'objet d'une attribution d'aide 91 ( * ) . Ce faible recours au bonus écologique pour les poids lourds s'explique sans doute, d'une part, par l'insuffisance de l'offre en matière de poids lourds à motorisation électrique ou hydrogène et, d'autre part, par l'insuffisance du montant du bonus prévu en comparaison du surcoût important lié à l'acquisition d'un tel véhicule .
Les VUL dont le taux d'émission de dioxyde de carbone est inférieur ou égal à 20 grammes par kilomètre peuvent également être éligibles au bonus écologique . Depuis juillet 2021 montant de l'aide est fixé à 40 % du coût d'acquisition toutes taxes comprises augmenté, le cas échéant, du coût de la batterie si celle-ci est prise en location, dans la limite de 7 000 euros si le véhicule est acquis ou loué par une personne physique ou de 5 000 euros si le véhicule est acquis ou loué par une personne morale.
3) En outre, le ministre des transports a annoncé 92 ( * ) , le 14 février 2022, la création d'un appel à projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques », doté de 65 M€ , dont la subvention pourra atteindre 65 % de l'écart de coût d'acquisition entre le véhicule électrique et son équivalent diesel et jusqu'à 100 000 euros par véhicule de moins de 26 tonnes et jusqu'à 150 000 euros par véhicule de plus de 26 tonnes . L'installation de bornes de recharge dédiées à ces véhicules pourra également faire l'objet d'un accompagnement allant jusqu'à 60 %. Si les rapporteures saluent cet effort important en faveur du renouvellement du parc de poids lourds par des véhicules électriques, elles craignent que l'enveloppe de 65 M€ prévue ne permette d'accompagner cette transition que de façon marginale . En estimant que l'aide moyenne pourrait s'élever à 100 000 euros, cette enveloppe ne permettrait de soutenir l'acquisition que de 650 poids lourds, lorsque le parc français en compte 600 000 . Elles estiment donc ce montant largement insuffisant .
4) Les VUL et, depuis avril 2022 93 ( * ) , les poids lourds sont éligibles à la prime au rétrofit électrique 94 ( * ) , opération qui consiste à transformer un véhicule à motorisation thermique en véhicule à motorisation électrique. Pour un poids lourd, le montant de cette prime s'élève à 40 % du coût de la transformation du véhicule, dans la limite de 50 000 euros par véhicule.
5) Les VUL peuvent également être éligibles à la prime à la conversion en cas d'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou hybride.
Certaines aides ont également été instituées localement . À titre d'illustration, Grenoble Alpes Métropole a créé une aide à l'achat pour les professionnels qui souhaiteraient remplacer leur VUL ou leur poids lourds par un véhicule moins polluant 95 ( * ) ou bien en changer la motorisation (rétrofit). Le montant de l'aide peut aller jusqu'à 18 000 euros, laquelle est cumulable avec les aides nationales .
Les rapporteures estiment que compte tenu de la diversité des soutiens prévus, un guichet unique pour simplifier l'accès aux aides nationales doit être mis en place. Par ailleurs, elles considèrent que ces aides doivent être amplifiées pour accélérer le verdissement des flottes et tenir compte des surcoûts liés à l'acquisition de véhicules propres.
Outre ces aides à l'acquisition, les rapporteures constatent qu'il existe un ensemble de dispositifs fiscaux et réglementaires visant à favoriser le développement de biocarburants . À cet égard, le Gouvernement a récemment rendu les poids lourds circulant uniquement au B100 éligibles à la vignette Crit'air 1, répondant ainsi à une demande ancienne des transporteurs.
Sous réserve des conclusions de la « task force », les rapporteures considèrent, dans le prolongement des travaux de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau sur le transport de marchandises, qu'en l'absence d'offre de poids lourds électriques ou à hydrogène vert , les biocarburants peuvent potentiellement constituer une étape transitoire au verdissement du parc . Leur développement doit en effet se faire de manière raisonnée , compte tenu de leur potentiel qui peut s'avérer limité (limite de capacité de production, émissions de polluants atmosphériques, etc.).
b) Accompagner le déploiement des infrastructures de recharge pour les énergies alternatives
Pour l'ensemble des énergies alternatives se pose la question du déploiement de bornes d'avitaillement adaptées aux véhicules lourds. Citée dans le rapport de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau précité, l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) indiquait que : le réseau d'énergies nouvelles est « plutôt symbolique qu'effectif » et que « le manque de point de distribution est un véritable frein psychologique à l'achat des véhicules gaz ou électriques ».
Déploiement des bornes d'avitaillement en gaz naturel et en hydrogène
S'agissant du gaz naturel , la France comptait 253 bornes d'avitaillement en GNV fin 2021 et le rythme de déploiement de stations respecte les objectifs définis par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), fixés à 138 stations pour 2023 et 326 pour 2028.
Concernant l' hydrogène , 49 stations de distribution avaient été déployées fin juin 2021. La PPE fixe l'objectif de 100 stations en 2023 et de 400 à 1 000 en 2028. Or, d'après les conclusions intermédiaires de la « task force » publiées par la FNTRE, l'OTRE et TLF, « ces stations sont exclusivement calibrées pour l'avitaillement des véhicules légers et [...] aucune projection n'est à ce jour établie pour les véhicules lourds ». Or, la PPE fixe l'objectif de :
- 5 000 VUL et 200 véhicules lourds (bus, camions, TER, bateaux) alimentés en hydrogène en 2023.
- 20 000 à 50 000 VUL et 800 à 2 000 véhicules lourds d'ici 2028.
Source : PPE et
conclusions
intermédiaires de la « task force »
publiées par la FNTRE, l'OTRE et TLF.
Dans ce contexte, les rapporteures appellent le Gouvernement, dans le cadre de la « task force », et dans la continuité du rapport de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, à définir une feuille de route nationale adossée à des objectifs spécifiques en matière de déploiement des infrastructures de recharge et d'avitaillement adaptées aux véhicules destinés au transport de marchandises . À cet égard, la Commission européenne a fait une proposition de règlement sur les infrastructures pour carburants alternatifs qui prévoit des obligations minimales de déploiement de points de recharge ouverts au public pour véhicules légers et véhicules lourds. Ce projet de règlement est en cours de discussion.
S'agissant plus précisément des bornes de recharge électriques , d'après la DGEC, les standards de prise pour les véhicules industriels et VUL sont identiques à ceux des véhicules légers. Toutefois, les niveaux de puissance , l' accès et la situation des bornes doivent être adaptés à ces véhicules. Le standard européen pour la recharge rapide (CCS) permet de délivrer une puissance allant jusqu'à 350 kW. Des travaux sont en cours pour élaborer une nouvelle solution à destination des véhicules lourds , permettant de délivrer une puissance supérieure à 1 MW.
La recharge des véhicules lourds se déroule presque exclusivement la nuit, dans les dépôts (bornes privatives). D'après les conclusions intermédiaires de la « task force » publiées par la FNTR, l'OTRE et TLF, ce cas d'usage devrait rester largement majoritaire (90-95 %) d'ici 2030 96 ( * ) .
Plusieurs milliers de bornes seraient nécessaires pour permettre de développer le transport lourd électrique . En outre, plusieurs acteurs ont fait part aux rapporteures des difficultés d'installation des bornes de recharge électrique dans les entreprises et du coût de raccordement qu'elles sont susceptibles d'engendrer. D'après la DGEC, les bornes pour la logistique urbaine entrent par ailleurs dans le cadre règlementaire général des IRVE (infrastructure de recharge de véhicule électrique) pour lequel différentes mesures sont poussées pour lever les aspects contraignants (par exemple en ce qui concerne la sécurité incendie des parkings, des travaux sont en cours qui pourraient aboutir à des préconisations règlementaires).
Dans ce contexte, les rapporteures estiment indispensable de soutenir le déploiement des bornes de recharge électriques , afin d'inciter davantage les transporteurs à s'équiper de véhicules électriques. Dans cette perspective, elles proposent d'amplifier le soutien à l'investissement 97 ( * ) en faveur de l'installation d'infrastructures de recharges privatives destinées à la recharge des véhicules de transport de marchandises (étude de faisabilité, coût de raccordement, etc.).
Proposition n° 10 - Verdir le transport routier de marchandises en :
- définissant au plus vite une feuille de route relative à la transition énergétique du secteur, fixant des objectifs intermédiaires de renouvellement des flottes et d'installation de bornes d'avitaillement en énergies alternatives [État, dans le cadre « task force »] ;
- priorisant le soutien à l'acquisition de véhicules propres, par le déploiement d'aides dont le phasage repose sur les perspectives de disponibilité des offres de motorisations propres (augmenter l'enveloppe dédiée à l'acquisition de véhicules propres, envisager la création d'un prêt à taux zéro garanti par l'État pour l'achat de poids lourds et de VUL peu carbonés 98 ( * ) , etc.) [État] ;
- favorisant le déploiement de bornes de recharge électriques privatives par un soutien à l'investissement pour l'installation de ces infrastructures [État] .
* 67 Il s'agit d'une donnée nationale non circonscrite aux seules agglomérations.
* 68 Source : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/le-parc-de-poids-lourds-en-circulation-est-stable-au-1 er -janvier-2020 ?rubrique=58&dossier=1347
* 69 Au 1 er janvier 2020, parmi les 5 700 véhicules ne roulant pas au diesel, 4 700 roulaient au gaz naturel pour les véhicules (GNV). En 2020, près de 44 000 poids lourds ont été immatriculés : 0,1 % fonctionnent à l'électricité ou l'hydrogène, 4 % au gaz et 95 % au diesel. Au 1 er janvier 2021, parmi les 600 000 poids lourds en circulation, 99 % roulent au diesel.
* 70 La moitié des poids lourds a moins de 6 ans.
* 71 Réponse de la CGI au questionnaire de la mission d'information.
* 72 Idem .
* 73 Rapport d'information n° 604 (2020-2021) de Mme Nicole Bonnefoy et M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, « Transport de marchandises : se donner les moyens d'une transition nécessaire ».
* 74 Réponse du ministère de la transition écologique au questionnaire sur le projet de loi de finances pour 2022.
* 75 Réponse de l'Ademe au questionnaire écrit de la mission d'information.
* 76 D'après le rapport de Damien Pichereau, député en mission à la demande du Premier ministre, avril 2018, « Les véhicules utilitaires légers : pour une meilleure régulation et des usages maîtrisés » , « en zone urbaine très dense, le coût social de la pollution atmosphérique de la tonne transportée émise par des VUL roulant au diesel serait presque trois fois supérieur à celui généré par des poids lourds roulant au diesel (14,51 euros pour 100 véhicules par kilomètres pour les VUL, contre 5,84 euros pour des poids lourds). »
* 77 Réponse de l'Ademe au questionnaire écrit de la mission d'information.
* 78 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 79 D'après les conclusions intermédiaires de la « task force » publiées par la FNTR, l'OTRE et TLF en mai 2022, l'offre en matière de véhicules électriques se concentre sur certains usages exclusivement urbains (livraison, bennes à ordures ménagères, porteurs de 26 tonnes) ou de courte distance.
* 80 Qui implique une perte de charge utile.
* 81 Source : CGI.
* 82 D'après le livre blanc de la Fédération nationale des transporteurs routiers de 2022 , le secteur du transport routier et de la logistique se caractérise par de très faibles marges nettes, de l'ordre de 1 à 2 %. Le nombre de défaillance dans ce secteur serait quant à lui plus élevé que la moyenne nationale, avec 3 entreprises sur 10 cessant leur activité chaque année.
* 83 L'autonomie des véhicules électriques lourds les plus vendus dépassent rarement 300 ou 500 kilomètres.
* 84 Réponse de la CGI au questionnaire écrit de la mission d'information.
* 85 Réponse de la FNTR au questionnaire écrit de la mission d'information.
* 86 D'après les conclusions intermédiaires précitées, un même poids lourd peut, à ce jour, généralement, intervenir sur différents usages grâce à l'« universalité du gazole ».
* 87 Réponse de la DGITM au questionnaire écrit de la mission d'information.
* 88 D'après la DGITM, une première phase de travaux a fait l'objet d'une présentation aux parties prenantes en mai 2021, en réunion plénière. Elle portait sur l'analyse des besoins en lien avec les usages, celle de l'offre de véhicules et la définition d'un modèle de calcul des coûts totaux de possession. Un état d'avancement des travaux a été présenté le 14 février à l'occasion d'un Conseil Ministériel pour le Développement et l'Innovation des Transports (CMDIT). Ces travaux constitueront également le socle de la démarche d'élaboration d'une feuille de route prévue par l'article 301 de la loi « Climat et résilience », au plus tard le 1 er janvier 2023.
* 89 Décret n° 2021-37 du 19 janvier 2021 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location de véhicules peu polluants.
* 90 6° de l'article D. 251-7 du code de l'énergie.
* 91 Réponse du ministère de la transition écologique au questionnaire sur le projet de loi de finances pour 2022.
* 92 https://www.ecologie.gouv.fr/transition-energetique-du-transport-routier-annonce-du-nouveau-dispositif-soutien-poids-lourds
* 93 Décret n° 2022-669 du 26 avril 2022 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location de véhicules peu polluants.
* 94 Prévue à l'article D. 251-3-1 du code de l'énergie.
* 95 Liste des motorisations éligibles : électrique, gaz naturel pour véhicules, gaz de pétrole liquéfié, hydrogène.
* 96 D'après le livre blanc de novembre 2019 élaboré par la Plateforme de la filière automobile et mobilités (PFA), la Fédération française de la carrosserie (FFC) ; l'Avere et l'Union routière de France (URF), « L'électricité pour la filière des véhicules industriels », « 90 % des applications de véhicules industriels électriques (camions et bus) concernent à priori des véhicules électriques avec recharge au dépôt, sur une durée de 6 à 8 heures, qui pour beaucoup de véhicules pourra s'effectuer pendant la nuit. »
* 97 Il existe à ce jour trois dispositifs pour accompagner l'installation d'infrastructures de recharge pour la mobilité lourde : le programme CEE Advenir, l'appel à projets « Déploiement de stations de recharge pour véhicules électriques » et l'appel à projets « Écosystème des véhicules lourds électriques ».
* 98 Sur le modèle du prêt à taux zéro prévu à l'article 107 de la loi « climat et résilience », et intégré dans le texte à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.