B. AMÉLIORER L'OFFRE DE STATIONNEMENT POUR LES VÉHICULES DE LIVRAISON DE MARCHANDISES EN VILLE

La gestion des aires de livraison constitue un des axes stratégiques du développement de la logistique urbaine.

La livraison de marchandises est définie à l'annexe de l'article D. 1432-3 du code des transports comme « la remise physique de la marchandise au destinataire ou à son représentant qui l'accepte » .

Dans le droit actuel, la livraison est considérée comme un arrêt et non comme un stationnement. En effet, le code de la route définit l'arrêt comme « l'immobilisation momentanée d'un véhicule sur une route durant le temps nécessaire pour permettre la montée ou la descente de personnes, le chargement ou le déchargement du véhicule, le conducteur restant aux commandes de celui-ci ou à proximité pour pouvoir, le cas échéant, le déplacer » 60 ( * ) .

Les dispositions encadrant l' utilisation des aires de livraison figurent notamment dans le CGCT :

- selon l'article L. 2213-2, le maire peut, par arrêté motivé, réglementer « l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux » ;

- l'article L. 2213-3 permet par ailleurs au maire de créer des aires de livraison. Il dispose que celui-ci peut, par arrêté motivé, « réserver des emplacements [...] pour faciliter [...] l'arrêt des véhicules effectuant un chargement ou un déchargement de marchandises » .

1. Assurer une offre d'aires de livraison adaptée aux flux logistique en ville

L' aire de livraison constitue le principal outil de logistique en ville. Or, l'offre de stationnement pour les véhicules de livraison, pas toujours adaptée aux besoins des entreprises, professionnels du transport et des riverains, peut nécessiter des ajustements dans le temps. La mauvaise gestion des aires de livraison de marchandises se traduit par des difficultés à effectuer des chargements/déchargements de marchandises, induisant une perte d'efficacité pour le transporteur et des nuisances pour les autres usagers, notamment lorsque les véhicules de livraison se trouvent obligés de stationner sur la voirie en double file.

a) Développer l'offre d'aires de livraison au gabarit adapté en ville

Toutes les communes et tous les EPCI ne disposent pas d'une cartographie des aires de livraison disponibles sur leur territoire ni d'une cartographie des flux de marchandises.

Il importe que les communes et leurs groupements se saisissent de la question de la gestion des aires de stationnement afin, a minima , de recenser les aires disponibles pour évaluer l'adéquation de cette offre avec les besoins d'approvisionnement des commerces et des ménages. La réalisation d'enquêtes TMV serait de nature à faciliter l'évaluation des besoins en offre d'aires de livraison ( cf. proposition n° 1 ). De même, l'enrichissement du volet logistique du plan de mobilité ( cf. proposition n° 4 ) peut favoriser une meilleure intégration de la problématique des aires de livraison dans le travail de planification effectué par l'AOM, en lien avec la commune investie du pouvoir de police de la circulation.

Outre la nécessité d'adapter l'offre d'aires de livraison en ville en fonction des besoins, il importe d'aménager ces aires en fonction du gabarit des véhicules de livraison.

Or, selon le Cerema, de nombreuses aires de livraison ne sont pas adaptées aux véhicules de transport de marchandises que ce soit du fait de leur emplacement, nécessitant la réalisation d'une manoeuvre difficile ou du fait d'une taille inadéquate, généralement insuffisante. Le Cerema 61 ( * ) indique que, selon une analyse réalisée à Lyon en 2010, seulement 220 aires sur 1 300 permettaient une bonne accessibilité pour les véhicules de livraison.

b) Optimiser l'occupation de la voirie en organisant le partage des aires de livraison

De nombreuses aires de livraison ne sont utilisées que sur des plages horaires restreintes.

Permettre aux autres usagers de la voirie de stationner sur ces aires aux heures « creuses » constitue une piste intéressante pour réduire la congestion en ville et favoriser l'acceptabilité des espaces et activités logistiques.

En 2010, l'article R. 417-10 du code de la route a ainsi été modifié 62 ( * ) de manière à permettre à l'autorité investie du pouvoir de police d'autoriser l'arrêt ou le stationnement de véhicules sur des aires de livraison à certaines heures, par exemple la nuit.

Certaines métropoles ont déjà cherché à faciliter l'utilisation partagée des aires de livraison afin de fluidifier la circulation en ville. À titre d'exemple, la ville de Nice 63 ( * ) , a instauré des aires de livraison partagées sur lesquelles le stationnement est autorisé pour tous les usagers sur certaines plages horaires (par exemple de 12 heures à 20 heures), au tarif en vigueur. Le reste de la journée, ces emplacements sont strictement réservés aux opérations de chargement/déchargement de marchandises. D'autres zones sont sanctuarisées pour les livraisons, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, notamment pour assurer l'approvisionnement de certains commerces (supérettes, boulangeries...).

De même, depuis 2010, la Ville de Paris autorise le partage de certaines aires de livraison réparties dans toute la capitale (7 000 aires de livraison jusqu'alors réservées à des professionnels ont ainsi été ouvertes au partage).

2. Renforcer le contrôle du stationnement sur les aires de livraison

D'un point de vue juridique, un véhicule situé sur une aire de livraison est considéré à l'arrêt et non en stationnement ( cf. supra ). En conséquence, ces emplacements ne sont pas soumis à redevance de stationnement et les infractions pour non-respect de ces aires ne peuvent donner lieu à l'application d'un forfait post-stationnement (FPS). En application de l'article R. 417-10 du code de la route, elles sont punies d'une contravention de deuxième classe, à hauteur de 35 euros.

Or, ce régime de sanction ne permet pas de prévenir de manière suffisamment efficace l'utilisation illicite des aires de livraison par des véhicules individuels . À titre d'exemple, selon le Cerema 64 ( * ) , une enquête réalisée à Paris en 2004 montrait que les aires de livraison étaient occupées seulement 6 % du temps par des véhicules de transport de marchandises, contre 47 % du temps de manière illicite. Le Cerema indique que le taux de verbalisation n'était pourtant que de 1 %.

Pour cette raison, le rapport de la mission « LUD » préconise d' étendre la dépénalisation du stationnement payant introduit par la loi MAPTAM 65 ( * ) aux aires de livraison.

La dépénalisation du stationnement payant de 2018

La loi MAPTAM de 2014 a organisé la décentralisation et la dépénalisation du stationnement payant, à compter du 1 er janvier 2018 .

Elle a donné aux communes le pouvoir de fixer le montant d'un forfait post-stationnement (FPS), en lieu et place d'une amende. Ce FPS est dû en cas de non-paiement ou de paiement partiel de la redevance de stationnement due immédiatement par l'usager.

Le montant du FPS varie donc d'une commune à l'autre, à l'inverse d'une amende pénale. En cas de non-paiement du forfait post-stationnement dans un délai de trois mois, l'automobiliste est redevable d'un FPS majoré.

Le FPS peut être appliqué par la police municipale , les agents de surveillance ou des prestataires extérieurs.

Cette réforme a concerné les communes ayant choisi de soumettre à paiement tout ou partie de leur stationnement sur la voirie publique.

Selon le CGCT, le produit du FPS est destiné à financer les politiques de transports en commun (article L. 2333-87).

Étendre la dépénalisation du stationnement aux aires de livraison permettrait de renforcer le contrôle des véhicules arrêtés de manière illicite sur les aires de livraison , grâce à des FPS plus dissuasifs que des contraventions de deuxième classe 66 ( * ) .

Selon la mission « LUD », cette évolution permettrait d'instaurer un contrôle à deux niveaux :

- un contrôle de premier niveau , correspondant à l'application d'un FPS, en cas de remplacement du régime d'arrêt par celui du stationnement pour les aires de livraison, ou à l'application d'un forfait post-arrêt (FPA) qu'il faudrait alors créer, lorsque l'arrêt dépasse la durée maximale prévue par l'arrêté ;

- un contrôle de deuxième niveau effectué par un officier de police judiciaire (OPJ) en cas d'arrêt ou de stationnement prolongé/gênant/dangereux/abusif sur une aire de livraison. Un procès-verbal pourrait alors être dressé et une mise en fourrière ordonnée de manière à faire cesser immédiatement le trouble à l'ordre public généré par le non-respect de l'arrêté. L'OPJ pourra être appelé à la suite du premier niveau de contrôle.

Selon les rapporteures, l'attribution du produit du FPS appliqué aux aires de livraison au financement des politiques de logistique urbaine pourrait par ailleurs être envisagée, à l'instar du FPS applicable au stationnement payant des véhicules individuels qui permet de financer les transports en commun.

3. Fluidifier la gestion des aires de livraison par des outils innovants

À l'heure actuelle, le contrôle des aires de livraison est déclaratif : le conducteur place un disque de stationnement derrière son pare-brise en indiquant son heure d'arrivée. Les utilisateurs n'ont donc pas d'information sur la disponibilité des aires avant leur arrivée sur place . En outre, ce système ne permet pas à l'administration communale de connaître les taux d'occupation des aires ni leurs durées d'occupation.

Des expérimentations se développent permettant un suivi de l'utilisation des aires de livraison , à partir d'applications numériques. C'est le cas des solutions digitalisées Parkunload et Parkingmap .

Les applications de gestion intelligente
des espaces de stationnement et de livraison en ville

L'application Parkunload permet la gestion digitalisée des espaces de stationnement et de livraison qui fonctionne à partir de capteurs Bluetooth. Lorsqu'un usager souhaite utiliser un espace, l'application détecte, via le « Bluetooth », la durée maximale de stationnement de l'aire considérée. L'usager indique ensuite qu'il utilise la zone, ce qui permet aux autres usagers de disposer de cette information et à la ville d'obtenir le taux d'occupation des aires de livraison chaque jour ainsi que les types de véhicules concernés.

Plusieurs agglomérations européennes utilisent Parkunload pour réguler la gestion de leurs aires de livraison (Vic, Majadahonda, Cerdanyola del Vallès et Rubi [Espagne] ainsi que la ville de Stuttgart [Allemagne]).

L'application Parkingmap comporte un volet destiné aux usagers de la voirie et un autre destiné aux gestionnaires. D'une part, il permet d'informer les usagers sur les places disponibles en temps réel . D'autre part, il permet, à partir de détecteurs ultrason, magnétiques ou visuels, d' évaluer l'occupation ou l'utilisation d'un espace de stationnement ou d'une aire de livraison. Cet outil de supervision et de contrôle du stationnement en temps réel permet à la collectivité de mieux analyser les flux de stationnement et, en conséquence, d'adapter son offre de stationnement ou d'aires de livraison.

Parkingmap est utilisé actuellement par des acteurs privés (Carrefour market) et des collectivités territoriales (Paris, Orléans Métropole, Communauté d'agglomération de la Porte de l'Isère, Ville de Soissons...).

La ville de Paris expérimente depuis septembre 2021 dans le 4 e arrondissement l'utilisation de ces deux dispositifs de manière complémentaire, sur 133 aires de livraison (sur 168 aires au total).

Source : le siècle digital, septembre 2021 (Photographie : Stella Rosso).

Ce système présente de nombreux avantages :

- il facilite le travail des livreurs qui peuvent stationner plus facilement, ce qui a pour effet de réduire la congestion et les émissions de CO 2 ;

- il réduit le temps de stationnement des livreurs en leur permettant de stationner plus facilement au plus près du point de livraison ;

- à terme, il pourrait faciliter le contrôle et la régulation des aires de livraison grâce aux informations qu'il délivre. Ces applications peuvent en effet constituer un outil d'aide à la décision pour les communes, en favorisant une meilleure adéquation entre l'offre de stationnement et les besoins émanant des transporteurs, entreprises et riverains, concernant le nombre et la taille des aires de livraison.

Proposition n° 9 - Faciliter le stationnement des véhicules de livraison en ville grâce :

- à la création d'aires de livraison en nombre suffisant, dotées d'un gabarit adéquat, dans le cadre de l'enrichissement du volet logistique des plans de mobilité ( cf. proposition n° 4 ) [collectivités territoriales] ;

- au renforcement du contrôle du stationnement illicite sur des aires de livraison via l'application du forfait post-stationnement instauré par la loi MAPTAM pour les places de stationnement, plus dissuasif que le régime actuel d'amende pénale [État] ;

- à des expérimentations facilitant le partage des aires de livraison avec d'autres usagers de la voirie et favorisant une gestion plus fluide de ces espaces [collectivités territoriales] .


* 60 Article R. 110-2 du code de la route.

* 61 https://www.cerema.fr/fr/actualites/amenager-aires-livraison

* 62 Décret n° 2010-1581 du 16 décembre 2010 portant modification de certaines dispositions relatives au stationnement.

* 63 Source : site internet de la ville de Nice.

* 64 https://www.cerema.fr/fr/actualites/utilisation-aires-livraison

* 65 Article 63 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 66 Dans le cadre des FPS appliqués au stationnement payant à la suite de la loi MAPTAM, la pénalité atteint 60 euros dans certaines agglomérations.

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