B. LES POINTS DE VIGILANCE : GARANTIR L'APPLICABILITÉ DE NOUVELLES EXIGENCES
1. Le système d'échange de quotas carbone de l'Union européenne (SEQE-UE) : veiller à la prévisibilité des prix du CO2 et de l'électricité
S'agissant du SEQE-UE, appliqué notamment à l'électricité et à l'industrie, les rapporteurs retiennent de leurs travaux le besoin d'un mécanisme plus prévisible, plus simple et plus contrôlable .
Certains professionnels sont inquiets de l'impact du prix du CO 2 sur le celui de l'électricité et in fine sur leurs coûts de production ainsi que leur compétitivité-prix.
L'Uniden a ainsi indiqué que les quotas de CO 2 ont un effet inflationniste sur les prix de l'électricité : « l'impact du prix des quotas de CO 2 est un des éléments qui contribuent à la hausse excessive et déconnectée des réalités économiques de production, des prix de marché de l'électricité, y compris décarbonée ».
Dans ce contexte, les rapporteurs relèvent plusieurs doléances.
Tout d'abord, certains professionnels prônent une révision du market design 61 ( * ) européen de l'électricité , souhaitant en particulier la suppression du principe du « coût marginal », qui lie dans les faits le prix de l'électricité à celui du gaz.
Aussi le Medef plaide-t-il pour une réforme en ces termes : « La publication du Paquet Fit for 55 s'inscrit dans un contexte de tension record sur les prix de marché de l'électricité, du gaz et des prix du CO 2 . La soutenabilité et la prévisibilité des prix de l'énergie [sont] une composante majeure de la compétitivité des entreprises. Les signaux envoyés par le marché de détail doivent être compatibles avec les objectifs de décarbonation . Le Medef soutient l'initiative prise par la France pour réformer le fonctionnement de ces marchés ».
En outre, certains professionnels souhaitent un renforcement des quotas de CO 2 attribués gratuitement.
L'Uniden demande « la suppression de la conditionnalité du versement des allocations à titre gratuit » de même que le rétablissement de telles allocations pour « les installations utilisant uniquement de la biomasse » et leur extension à « la chaleur produite à partir d'une chaudière électrique ».
Dans le même ordre d'idées, France Hydrogène souhaite faire bénéficier les installations de production d'hydrogène de ces allocations, en-deçà du seuil et de la date prévus : « Un abaissement du seuil pourrait être ainsi envisagé afin de faire bénéficier cette mesure à davantage de producteurs, ainsi que la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle mesure (2026) ».
Enfin, certains professionnels attendent une réallocation des revenus tirés du marché carbone.
À titre d'illustration, RTE plaide pour affecter les « revenus du marché carbone » aux « projets de développement de réseau » .
2. Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne (MACF) : prévenir tout risque d'inflation et de rétorsion
Pour ce qui concerne le MACF, les rapporteurs observent l'anxiété des professionnels quant à deux risques induits par ce dispositif :
- d'une part , la hausse des prix des biens et des services et la baisse éventuelle de la compétitivité des entreprises, dont les industries ;
- d'autre part, des comportements de rétorsion, de contournement ou de fuite.
S'agissant du premier risque, l'ADEME-ATE a indiqué aux rapporteurs exclure un « effet inflationniste », mais anticiper une « hausse de certains produits ».
Concernant le second, l'Uniden a relevé que « les risques de contournement du MACF [sont] réels et importants », ajoutant que « l'efficacité du MACF reste à démontrer, alors que plusieurs pays exportateurs vers l'Europe, dont la Chine, la Russie ou la Turquie, développent déjà les stratégies qui leur permettront d'adosser leurs exportations à des mix énergétiques faiblement carbonés, sans pour autant que leur mix global le soit ».
Plus encore, les rapporteurs retiennent de leurs échanges avec les professionnels des prérequis indispensables à l'institution du MACF :
- sa compatibilité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ;
- sa distinction d'avec le SEQE-UE, dont les quotas gratuits nécessitent d'être maintenus tant que le MACF n'est pas opérationnel ;
- sa redistribution vers les entreprises, dont les industries.
Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a ainsi insisté sur plusieurs préalables à l'application du MACF : « La comptabilité du mécanisme avec les règles de l'OMC [...], la répartition des coûts supplémentaires qu'engendrerait un tel mécanisme pour les entreprises et les ménages [...], la concertation avec l'ensemble des partenaires commerciaux de l'Union européenne, notamment les pays en développement dont les efforts d'atténuation doivent être reconnus ».
De son côté, le Medef a insisté sur des enjeux similaires : « Le premier enjeu réside dans la compatibilité du MACF avec les règles de l'OMC. Pour y parvenir, le règlement final devra être non discriminant et ne pas favoriser les industries européennes au détriment des concurrents étrangers. Le second enjeu tout aussi essentiel est de communiquer auprès de nos principaux partenaires économiques sur les enjeux et le fonctionnement du MACF afin de prévenir d'éventuels contentieux et mesures de représailles. Le troisième enjeu est celui d'inciter nos principaux pays partenaires à se doter de mesures équivalentes à celles de l'Union européenne en matière de tarification des émissions. Le quatrième enjeu est celui de l'allocation des ressources dégagées par le MACF. Il conviendra de flécher prioritairement les ressources générées par le MACF à la transition énergétique de l'Union européenne et de ses entreprises. »
3. Les normes de performance de CO2 applicables aux voitures particulières et aux véhicules utilitaires : favoriser réellement, mais pas exclusivement, l'électromobilité
Quant aux normes de performance de CO 2 prévues pour les voitures particulières et aux véhicules utilitaires, les rapporteurs considèrent l'échéance de 2035, proposée pour l'interdiction des véhicules thermiques, comme très ambitieuse .
C'est pourquoi ils estiment utile d'envisager une dérogation pour les véhicules hybrides notamment.
Si l'électromobilité doit naturellement être encouragée, elle ne constitue pas le seul moyen de décarbonation : les biocarburants ou le biogaz sont une voie possible, notamment en zones rurales, éloignées des grands réseaux électriques ; il en est de même de l'hydrogène, pour certains véhicules.
À titre d'exemple, l'Association française du gaz naturel véhicule (AFGV) a rappelé l'intérêt du « bio-GNL et [du] bio-GNC », et la FOP celui des « biocarburants de toutes les générations et de tous les types » .
* 61 C'est-à-dire de l'architecture du marché européen de l'électricité.