B. LE CONSTAT DOCUMENTÉ PAR LA COMMISSION D'ENQUÊTE : UNE INFLUENCE AVÉRÉE DES CABINETS DE CONSEIL SUR LA PRISE DE DÉCISION

Au-delà de ces discours convenus, la commission d'enquête a souhaité rentrer dans les entrailles de la décision publique pour mieux mesurer l'influence des cabinets de conseil .

Il en ressort que leur influence sur la prise de décision se matérialise par au moins trois canaux :

- une stratégie d'influence dans le débat public ;

- une intervention sur des réformes majeures, répondant aux priorités politiques du Gouvernement ;

- la formulation de scénarios souvent orientés vers le choix que les consultants considèrent comme optimal.

1. La stratégie d'influence des cabinets de conseil, véhiculant une certaine vision de l'action publique

Les cabinets de conseil interviennent dans le débat public, en particulier pour diffuser une doctrine de la transformation . Certaines de leurs publications, qui sont particulièrement nombreuses en période électorale, s'apparentent même à des programmes politiques.

Sur le fond, les cabinets de conseil défendent le plus souvent une réduction des dépenses publiques et de la fiscalité . Leurs publications peuvent alors s'analyser au regard du « paradoxe du serpent » , mentionné par le sociologue Frédéric Pierru : « les préconisations des cabinets de conseil affaiblissent les ressources de la sphère publique, qui dépend de plus en plus d'eux. En quelque sorte, les cabinets de conseil organisent la dépendance à leur égard » 235 ( * ) .

Les cabinets de conseil dans le débat public : quelques exemples

- « Dynamiser le marché du travail en France pour créer massivement des emplois » (McKinsey, 2014)

Le cabinet propose trois axes de réforme pour la France à l'horizon 2022 : « favoriser la mobilité des actifs sur le marché du travail tout en augmentant le taux d'activité », « assurer la montée en compétence des actifs pour favoriser la montée en gamme des produits et services » et « abaisser le coût total du travail, tout en garantissant le niveau de vie des salariés ».

McKinsey souligne que « seuls 389 000 postes nets seront créés d'ici 2018 sans réforme du marché du travail et en intégrant l'effet du CICE, ce qui ne suffira pas à inverser la courbe du chômage ».

Il propose alors une baisse massive des charges sociales, censée créer plus d'un million d'emplois : « dans un scénario de baisse des cotisations de 30 milliards, jusqu'à 1,36 million d'emplois additionnels pourraient être créés à l'horizon 2022 à condition de cibler les allègements sur les salaires inférieurs à 1,4 SMIC et d'agir aussi sur la mobilité et les compétences ».

- « 10 enjeux cruciaux pour la France à l'horizon 2022 » (McKinsey Global Institute, avril 2017)

Publié pendant la campagne présidentielle de 2017 , le rapport affirme que « la France a peiné à négocier le tournant de la mondialisation : elle l'a davantage subi qu'elle n'a su l'anticiper. Aujourd'hui, elle ne peut manquer le virage, tout aussi fondamental, de la transformation digitale et doit faire en sorte que cette lame de fond porte nos entreprises et notre société . »

Dès lors, la France doit « se délester des pesanteurs » pour « s'arrimer » au train des pays scandinaves, du Royaume-Uni et de l'Allemagne : « une telle démarche d'alignement par le haut à l'échelle européenne permettrait de relancer une croissance durable de l'ordre de 2 à 3 % par an ». Cette démarche implique néanmoins « des réformes structurelles nécessaires » de l'économie, notamment pour « libérer le potentiel économique digital du pays ».

- « Les 5 piliers de la future politique de transformation publique » (EY, janvier 2022)

Pour EY, « l'importance de la transformation publique est revenue depuis plusieurs mois au coeur du débat et s'invite dans les conversations des Français à l'approche de l'élection présidentielle ».

Il est donc « nécessaire d' imaginer un nouveau plan de transformation ambitieux pour le prochain quinquennat , articulé autour d'une nouvelle impulsion et de 5 grands piliers ».

Ces 5 grands piliers sont : « une grande politique de simplification et de dérégulation des normes », « une transformation digitale massive et qui touche le coeur de métier », « l'extension de la dynamique de transformation publique à toutes les fonctions publiques », « un nouveau mode de délivrance des services publics » et « un investissement massif dans les RH pour redonner des perspectives de formation et de carrière aux agents publics ».

D'après EY, « les gains de productivité issus du recours aux nouvelles technologies représentent potentiellement en cible environ 150 000 ETP », qui correspondraient à autant de suppressions d'emplois dans le secteur public .

En outre, « transférer 2 points de PIB du coût de production des services publics vers les entreprises pourrait représenter jusqu'à 50 Mds€, somme pouvant être mise au service de la croissance économique à qualité de service égale, et à la réallocation de crédits publics vers les priorités gouvernementales ».

- « # Accélérer » (Syntec Conseil, étude annuelle)

Depuis 10 ans, l'organisation professionnelle Syntec Conseil publie une étude annuelle sur la compétitivité de la France.

Rédigée avec le soutien de Bain & Compagny , l'étude de 2022 s'intitule : « 1 quinquennat et 4 priorités pour redresser la confiance et la compétitivité . Et ouvrir la voie des Trente Vertueuses ».

La préface, rédigée par M. Jacques de Larosière, plante le décor : « ce document est [...] absolument essentiel pour l'avenir de notre pays . Il montre avec clarté combien, au fil des ans, la compétitivité de nos entreprises s'est détériorée, laissant à nos voisins le champ libre à leurs gains de parts de marché ».

Et de poursuivre : « trop de dépenses publiques : 56 % du PIB contre 45 % en Allemagne et 47 % pour la moyenne de l'Union européenne » ; « trop de prélèvements obligatoires », « trop de charges pèsent sur nos entreprises ».

« Des recommandations simples en découlent : diminuer le coût de notre administration en s'attaquant aux causes des surcoûts et en cessant de tenir le record de la dépense publique » ; « préférer l'investissement à la redistribution ».

En conclusion, « il serait hautement souhaitable que ce recueil facilite le débat public et nourrisse la campagne présidentielle ».

Les plus grands cabinets de conseil possèdent leurs propres think tanks , dédiés à cette stratégie d'essaimage : le McKinsey Global Institute, le Henderson Institute et le Centre for Public Impact (CPI) pour le BCG, le EYQ pour Ernst & Young...

Les consultants participent également à des think tanks extérieurs , au titre de leur cabinet (l'Institut Montaigne compte parmi ses partenaires Accenture, Consulting, BearingPoint, Capgemini, Eurogroup, KPMG ou encore McKinsey) ou à titre individuel.

Pour M. Éric Labaye, président du McKinsey Global Institute entre 2010 et 2018, « le rôle du think tank est de tirer parti des compétences pour alimenter la réflexion économique et sociétale. Lorsque j'étais chez McKinsey, la stratégie consistait à apporter des idées nouvelles sur un élément économique. Ce n'est pas un centre de service client . »

Le think tank remplirait ainsi une « contribution sociétale » : « le McKinsey Global Institute contribue au débat mondial. Nous alimentons ces réflexions par le biais du think tank et du lien avec l'extérieur ». Il constituerait également « un facteur d'ouverture d'esprit pour tous les consultants par rapport à ces problématiques générales, qui ne sont pas uniquement dédiées à l'entreprise et à l'État » 236 ( * ) .

Dans la même logique, M. Éric Fourel, président d'EY, a assuré que les publications du cabinet correspondaient à une simple « contribution au débat » : « ce n'est pas pour autant une quête d'influence à travers nos prestations de conseil puisque ce sont des documents publiés, des contributions au débat d'idées et en rien une volonté d'influer sur le décideur politique dans le cadre d'une mission . » 237 ( * )

Les prises de position des cabinets de conseil créent néanmoins un mélange des genres, qui ne peut qu'interroger . Le regard extérieur des cabinets peut alors devenir un regard prescripteur, qui traduit une certaine vision de l'action publique .

Cette vision est d'ailleurs présente dans les offres formulées par les cabinets de conseil sur l'accord-cadre de la DITP, à la fin de l'année 2017. Tous défendent une nouvelle approche de l'action de l'État, alors incarnée par le programme Action Publique 2022 238 ( * ) .

La vision de l'action publique dans les offres des cabinets de conseil à l'accord-cadre de la DITP (offres rédigées à la fin de l'année 2017)

- BCG et EY

« Malgré des succès réels ces dernières années, il est indispensable de donner un nouveau souffle à l'effort de transformation : les objectifs ambitieux de réduction des dépenses publiques et la nécessité d'améliorer l'impact des politiques appellent à poursuivre et approfondir des réformes inachevées et à élargir le champ des réflexions sur les périmètres et les modalités de l'action publique (en intégrant notamment plus systématiquement les collectivités territoriales). »

« Cela impose une nouvelle méthode pour dépasser la vision traditionnelle d'une réforme dans la douleur et imaginer une démarche positive, mobilisatrice, qui s'appuie sur de véritables réformes structurelles pour répondre au mieux aux besoins des usagers et lutter contre un immobilisme facteur de perte de légitimité de l'action publique . »

- Roland Berger et Wavestone

« Les précédents exercices de réformes sont riches d'enseignements pour aborder les bouleversements qui touchent la société en profondeur et qui impliquent une nécessaire transformation des services publics . »

« Pour dépasser les écueils du passé, ces transformations devront reposer sur une concentration des efforts sur un nombre limité de transformations structurantes et à forts enjeux, dans le cadre d'AP 2022 - dépassant la seule logique de "rabot" indifférencié - afin d'impulser une dynamique de changement de long terme et d'obtenir des résultats visibles à l'horizon 2022. »

Il faut par exemple réinterroger « les périmètres d'intervention de la sphère publique » et revisiter « l'articulation entre l'action de "libérer" (ex. donner sa place à l'initiative privée, engager un allègement normatif...) et celle de "protéger" (ex. concentrer les efforts sur les publics fragiles...) ».

- Capgemini, Mazars et Sia Partners

« Le poids de la dépense publique en France est durablement supérieur à celui des principaux pays » de l'Union européenne.

« En particulier, les dépenses de fonctionnement et de personnel demeurent élevées , laissant entrevoir des opportunités d'optimisation significatives de l'action publique. »

Il faut ainsi « poursuivre la responsabilisation des administrations vis-à-vis de leurs moyens , via la mise en place de mécanismes de suivi et d'évaluation de la performance et la publication d'indicateurs alimentant des tableaux de bord de performance. »

Face à cette doctrine, souvent convergente, des cabinets de conseil, M. Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste, alerte sur le risque « d'un nouveau conformisme » : « lorsque l'on va à l'extérieur rechercher des idées, le risque d'imitation, le risque du biais cognitif ou de conformisme existe. » 239 ( * )

Ce « nouveau conformisme » est aussi le fait d'un appauvrissement de la langue employée par l'administration dans ses échanges avec les cabinets de conseil et dans son expression publique à destination de nos concitoyens.

En effet, il apparaît qu'en dépit des instructions relatives à l'emploi de la langue française dans les administrations (défini notamment par des circulaires primo-ministérielle et ministérielle en vigueur) le recours aux cabinets de conseil rend systématique l'emploi de termes anglo-saxons consubstantiels à la culture de ces cabinets mais incompréhensibles pour nos concitoyens comme pour une grande partie des fonctionnaires qui en retirent une souffrance certaine.

Le benchmarking , les power-point , le BtoB , le brainstorming , le behind the scene comme l' open data , l' open source ou le feed back ne constituant que la partie émergée de l'iceberg, comme l'illustre le glossaire en fin de rapport.

Proposition n° 8 : Les administrations doivent s'assurer contractuellement que les cabinets de conseil auxquels elles recourent respectent l'emploi de termes français tout au long de leurs missions et notamment dans leurs livrables. Le non-respect de ces exigences pourra être considéré comme un manquement au contrat.

Une attention particulière vis-à-vis des campagnes électorales

À l'instar des autres entreprises, la participation d'un cabinet de conseil à une campagne électorale n'est pas autorisée (article L. 52-8 du code électoral).

Le code d'éthique d'Accenture interdit d'ailleurs « toute contribution (tant monétaire qu'en nature) aux candidats politiques, partis politiques ou comités de partis qui seraient au nom d'Accenture et/ou au nom de ses clients » 240 ( * ) .

M. Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey, a également déclaré : « nous ne servons pas non plus les partis ou les personnalités politiques ; nos statuts nous l'interdisent. McKinsey est ainsi en mesure de conserver toute la neutralité et l'indépendance requises pour le bon accomplissement de ses missions . »

Les consultants peuvent toutefois s'engager à titre individuel, en dehors de leurs heures de travail , comme l'a rappelé M. Karim Tadjeddine : « vous le savez, la loi française est protectrice des activités politiques et associatives de chacun : comme employeur, je ne peux pas demander à une personne si elle a des activités politiques ni lui donner des instructions, dans un sens ou dans l'autre ».

Le contrôle des règles en vigueur semble toutefois difficile à mettre en oeuvre : « je sais si un consultant est affecté à une tâche, mais il est certain que si la personne utilise son téléphone personnel pour des activités personnelles ou autres, je ne peux pas le tracer, et ce ne serait d'ailleurs pas souhaitable . »

M. Karim Tadjeddine a lui-même admis avoir utilisé son adresse professionnelle pour ses activités militantes lors de la campagne présidentielle de 2017 : « l'utilisation de l'adresse électronique de l'entreprise était une erreur. Je le reconnais, cela a donné lieu à une suite en interne » 241 ( * ) .

2. L'intervention des consultants sur des réformes majeures

La méthode de travail des cabinets de conseil s'adapte à l'accélération du temps politique : ils ont la capacité de mobiliser très rapidement des consultants pour répondre aux priorités d'un ministre ou d'un directeur d'administration centrale.

Les cabinets de conseil pour répondre à l'urgence politique

Pour Mme Julie Gervais, maîtresse de conférences en science politique : « le thème de l'urgence est important, car c'est, de façon croissante, la marque de fabrique des chefs, des ministres, des directeurs, jusqu'aux présidents de la République : on joue sur la rupture, on mène des réformes au pas de charge ».

« Un terme résume les avantages comparatifs des consultants tels que les perçoivent les fonctionnaires : celui de force de frappe , qui revient souvent dans leur discours. »

« Les personnes auprès de qui j'ai mené des entretiens me disaient ainsi qu' en deux semaines, McKinsey était en mesure de produire un rapport de trois cents pages en allant puiser auprès de ses succursales aux États-Unis, en Suisse, en Australie ou ailleurs les best practices . Concrètement, quand le besoin émerge, pour une réunion interministérielle, de refaire les maquettes des tableaux de bord pour la semaine suivante, les consultants McKinsey se présentent avec des centaines de pages de tableaux de bord, vingt diapositives consacrées à une réforme récente qu'ils ont menée en Australie dans le même domaine... »

À titre d'exemple, le Gouvernement a voulu créer, en urgence, le « baromètre des résultats de l'action publique » pour suivre la mise en oeuvre de 43 réformes prioritaires : « dédoubler les classes en éducation prioritaire », « lutter contre les violences faites aux femmes », « verdir le parc automobile », etc.

Le baromètre a été lancé au 1 er janvier 2021 et a depuis fait l'objet d'une large communication gouvernementale. En mai 2021, le Gouvernement se félicite ainsi que, « dans toute la France, nos politiques avancent et les objectifs à atteindre pour 2022 sont à portée de main ». « Malgré la crise [sanitaire], les réformes se poursuivent, et c'est du concret : au niveau national, de nombreux chantiers enregistrent des avancées majeures depuis janvier . » 242 ( * )

En réalité, le baromètre des résultats de l'action publique a été développé par Capgemini , sous le pilotage de la DITP. Le cabinet a reçu 6 commandes successives en 2021, pour un montant d' au moins 3,12 millions d'euros 243 ( * ) . L'urgence passée, le Gouvernement a pu « internaliser » cette compétence en créant 8 postes supplémentaires pour gérer l'outil en régie 244 ( * ) .

Cet exemple n'est pas isolé : les cabinets de conseil sont intervenus sur la plupart des grandes réformes du quinquennat, renforçant ainsi leur place dans la décision publique .

Exemples d'interventions des cabinets de conseil
sur des réformes majeures du quinquennat

- La réforme de l'aide juridictionnelle (EY et DITP, 2019, 592 380 euros) ;

- L'expertise du processus de gestion d'un bonus-malus sur les cotisations patronales d'assurance chômage (McKinsey et DITP, 2019, 327 060 euros) ;

- La simplification de l'accès aux droits des personnes handicapées (Capgemini et DITP, 2020, 370 608 euros) ;

- La réforme de la formation professionnelle (Roland Berger, 2018-2019, 2,16 millions d'euros) ;

- La réforme des aides personnalisées au logement, APL (McKinsey, 2018-2020, 3,88 millions d'euros).

Les consultants peuvent même travailler sur des sujets régaliens , dont la commission d'enquête ne peut pas publier la liste en raison du nécessaire respect du secret de la défense nationale. Selon le ministère des Armées, près de 160 consultants étaient habilités au niveau secret en 2021, contre une centaine en 2019.

De même, le Gouvernement a fait appel à un cabinet d'avocats, Dentons, pour rédiger l'étude d'impact du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) .

Interrogée par la commission d'enquête, Mme Claire Landais, Secrétaire générale du Gouvernement, a indiqué qu'il s'agissait, à sa connaissance, d' un cas isolé .

Elle a toutefois déclaré qu'il n'était « pas aberrant que la réflexion [sur une étude d'impact] soit en partie externalisée », « compte tenu des rubriques qui doivent être renseignées, notamment la capacité à montrer les alternatives possibles au choix qui a été fait et à en évaluer les conséquences économiques, sociales » 245 ( * ) .

Sur le plan juridique, le Conseil constitutionnel a admis l'intervention de cabinets extérieurs sur une étude d'impact 246 ( * ) .

De telles pratiques peuvent toutefois surprendre, l'étude d'impact constituant un document majeur, visant à éclairer les travaux du Parlement et donc le vote de la loi .

L'externalisation de l'étude d'impact du projet de loi
d'orientation des mobilités 247 ( * )

Mi-janvier 2018, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a lancé un marché de prestations intellectuelles pour une « prestation d'appui et de rédaction des documents annexes au projet de loi d'orientation des mobilités ».

Cette prestation avait pour objet de confier à un prestataire extérieur la réalisation de l'étude d'impact mais aussi de l'exposé des motifs . Ce n'est que dans un second temps que la rédaction de l'exposé des motifs est retirée de la prestation , par une mise au point du 20 février 2018.

La DGITM justifie cette externalisation par le fait que le projet de loi LOM « constituait un acte législatif particulièrement ambitieux, mobilisateur pour la [direction générale], et que l'expérience de cette [dernière] en matière de constitution d'actes législatifs de cette envergure était faible, voire inexistante , ce qui peut expliquer les difficultés rencontrées dans les premières étapes, sans conséquence in fine sur la qualité de la production finale ».

La direction générale précise également que « les compétences n'étaient pas disponibles ou mobilisables dans les délais requis, notamment dans les domaines d'expertise pointue (juridique et interfaces technico-juridiques) ».

Le délai laissé aux entreprises pour répondre à la consultation a été limité à 10 jours. La DGITM considère en effet que, « quand bien même le ministère n'avait jamais lancé de marché pour des missions strictement identiques, ces dernières ne peuvent être regardées comme complexes dès lors qu'elles relèvent incontestablement, par leur nature, de missions classiques de conseil auxquelles ont régulièrement recours les personnes publiques ».

Le cabinet d'avocats Dentons , associé à la société Setec , remporte le marché pour un montant total de 58 000 euros . Le contrat lui est notifié le 6 mars 2018.

La prestation comprend la « rédaction de la synthèse des éléments de référence de la loi », la « rédaction de l'étude d'impact » et la « mise à jour de l'étude d'impact des mesures de la loi ».

Le rendu final est envoyé par Dentons à la DGITM le 1 er juin 2018. Il est présenté sous le sceau de l'administration.

Le projet d'étude d'impact du cabinet traite tous les sujets, à quelques exceptions près l'article 7 porte sur la transformation du Sytral en établissement public. Nous n'avons pas d'information à ce sujet. Pouvez-vous nous en communiquer ? »).

Pour sa part, la DGITM indique qu'il s'agissait « de produire un projet de rédaction d'étude d'impact à partir des éléments fournis par l'administration et non de confier in extenso l'étude à un prestataire. C'est bien l'administration qui a produit le fond et (avec le SGG) assuré la version finale, avec un contrôle étroit du cabinet du ministre ».

Le document de Dentons (619 pages) est en effet largement réécrit entre sa remise le 1 er juin 2018 et le dépôt du texte au Sénat le 26 novembre 2018 , l'étude d'impact ne faisant au final « que » 427 pages.

Cette étude d'impact sera évaluée très sévèrement par le Conseil d'État , qui regrettera ses « insuffisances ». Dans l'exemple du transfert de la compétence « mobilité locale » aux communautés de communes, il constate que l'étude d'impact « ne présente ni le dispositif retenu, ni les objectifs qu'il poursuit [et qu'elle] met en avant, pour le justifier, un constat erroné » 248 ( * ) .

La DGITM a confirmé à la commission d'enquête qu'elle n'avait pas appliqué de pénalité à ses prestataires. Elle a estimé qu'ils avaient répondu aux besoins « mais que le niveau de précision tel que le maître d'ouvrage l'envisageait n'était pas suffisant (ce que le Conseil d'État a mis en évidence) . » En d'autres termes, la commande initiale de la DGITM n'était pas suffisamment exigeante au regard des prestations à réaliser.

Les cabinets de conseil interviennent aussi sur l'évaluation de politiques publiques stratégiques .

McKinsey et Accenture ont ainsi été chargés d'évaluer la stratégie nationale de santé 2018-2022 , présentée par le ministère comme « le cadre de la politique de santé en France » 249 ( * ) .

Interrogé par la commission d'enquête, le ministre Olivier Véran a d'abord évoqué une « aide ponctuelle dans une période compliquée » , aide ponctuelle pourtant facturée 1,12 million d'euros par les cabinets de conseil . Le ministère a reconnu qu'il ne connaissait pas « tout le détail de cette prestation », avant de transmettre des compléments écrits à la commission 250 ( * ) .

La stratégie nationale de santé évaluée avec l'aide de McKinsey et Accenture

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques ( DREES ) a été désignée pour piloter l'évaluation de la stratégie nationale de santé. Cette évaluation consiste notamment à élaborer puis à suivre des indicateurs de résultats et d'impact et à remettre un rapport final en 2022 251 ( * ) .

Le ministère des solidarités et de la santé affirme que le recours à des consultants est acté depuis 2018, « dès lors que les ressources internes de la DREES ne permettaient pas une telle mobilisation en volume (très nombreux entretiens qualitatifs à conduire), et également du fait de la définition d'un besoin en compétences expertes » 252 ( * ) .

Le bon de commande est finalement signé le 14 octobre 2020, via l'accord-cadre de la DITP . Les cabinets McKinsey et Accenture sont désignés, ce dernier effectuant la majorité des prestations d'après le ministère.

Initialement fixé à 484 320 euros, le coût de cette mission atteint finalement 1,2 million d'euros .

Dans le cadre de cette commande, McKinsey et Accenture ont 253 ( * ) :

- établi un diagnostic sur la stratégie nationale et son impact sur les acteurs de santé ;

- réalisé une étude complémentaire sur l'utilisation et le partage des données de santé ;

- animé des groupes de travail pour élaborer des recommandations, en vue de la prochaine stratégie nationale de santé .

Le ministère précise que la DREES a assuré « le pilotage et le contrôle de toutes les étapes et restera entièrement responsable du rapport d'évaluation », rapport qui sera pourtant préparé à partir des informations transmises par les consultants.

De même, la commission d'enquête a été étonnée d'apprendre que les consultants du cabinet CMI avaient été missionnés en 2011 puis en 2018 pour examiner la mise en oeuvre des accords de Nouméa , pour des factures s'établissant respectivement à 270 566 euros et 163 560 euros.

Les cabinets de conseil peuvent enfin être appelés à la rescousse lorsque le Gouvernement est mis en difficulté sur un sujet , comme par exemple sur la distribution de la propagande électorale.

Le recours au cabinet Sémaphores pour sécuriser la distribution de la propagande électorale

Le Sénat a mis en lumière le « fiasco sans précédent » de la distribution de la propagande lors des élections départementales et régionales de juin 2021.

Au second tour des régionales, 40 % des électeurs n'ont pas reçu la profession de foi des candidats, cette proportion atteignant plus de 90 % dans plusieurs départements. Les manquements des prestataires extérieurs ont été nombreux, et notamment de la société de distribution Adrexo 254 ( * ) .

Le ministère de l'Intérieur s'est engagé à résoudre ces difficultés pour les prochains scrutins, et notamment pour l'élection présidentielle d'avril 2022.

En pratique, les préfectures ont été invitées à revoir l'ensemble de leurs procédures et à mobiliser, au besoin, leurs propres agents pour assurer la mise sous pli des professions de foi.

À la demande du cabinet du Premier ministre, Sémaphores a été missionné le 24 novembre 2021 pour accompagner les préfectures jusqu'au second tour des élections législatives de juin 2022.

Facturée 289 785 euros, cette prestation se décompose en trois phases :

- le cabinet a élaboré la cartographie des risques des procédures mises en oeuvre par les préfectures pour la gestion des professions de foi.

Ce livrable, qui a été rendu le 10 décembre 2021, identifie 46 risques , dont 32 majeurs et 12 mineurs (adaptation des locaux et du matériel des préfectures, mobilisation des agents pour assurer la mise sous pli, etc .) ;

- chaque préfecture a ensuite dû remplir un plan d'organisation, de contrôle et de secours pour la distribution de la propagande , qu'elle devait remettre avant le 20 février 2022.

Sémaphores a ensuite été chargé d'analyser ces plans « en termes de complétude et de conformité aux objectifs de mise sous pli et de sécurisation du processus », le cabinet pouvant proposer « des mesures de remédiation » aux préfectures. En cas de besoin, ces dernières bénéficieront d'un « accompagnement spécifique et approfondi » de la part du cabinet 255 ( * ) ;

- Sémaphores devra enfin évaluer la distribution des plis , assurée par l'opérateur postal. Cette prestation de reporting vise à mieux identifier les plis qui n'auront pas été distribués aux électeurs.

À l'issue de sa mission, le cabinet devra « proposer des mesures pour maximiser la distribution des plis de propagande ».

3. Proposer des scénarios « arbitrables »... mais le plus souvent orientés par les consultants

Si les consultants participent à la préparation de la décision publique, ils peuvent aussi l'orienter, en particulier dans le conseil en stratégie .

En pratique, la frontière reste floue entre un simple éclairage technique des cabinets de conseil et une intervention plus décisive dans la prise de décision.

Ce mélange des genres se trouve renforcé lorsque les consultants interviennent « en équipe intégrée » et qu'ils sont quasiment assimilés à des agents publics. Les livrables ne distinguent pas l'apport des consultants, d'une part, et le travail des fonctionnaires, d'autre part 256 ( * ) .

Il faut alors examiner les échanges de courriels pour mieux comprendre l'influence des consultants , comme la commission d'enquête a pu le faire sur une mission confiée à EY pour la création de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) du ministère de la culture.

Le rôle des consultants dans la décision publique : l'exemple de la création
d'une nouvelle délégation au ministère de la culture

En décembre 2019, le ministère de la culture et la DITP missionnent EY pour rationaliser l'organisation du ministère. Il s'agit de créer une nouvelle direction - qui s'appellera finalement « délégation » - pour coordonner les politiques d'éducation artistique et culturelle dans les territoires. Le montant de cette prestation s'élève à 279 450 euros .

EY doit accompagner un préfigurateur, nommé par le ministre de la culture en novembre 2019 .

Comme le souligne l'évaluation de la DITP, « l'équipe de consultants a été au coeur de la réflexion stratégique , via la préparation et l'animation d'ateliers de travail réguliers avec le préfigurateur, la structuration des analyses, la formalisation de supports d'animation adaptés, ou la mobilisation du senior manager ou associé sur des séances spécifiques de réflexion stratégiques ou avant des échéances importantes ».

La DITP salue également la réactivité des consultants : leur analyse des premiers scénarios de réforme est présentée au ministre Franck Riester « après 3 semaines » de travail 257 ( * ) , le 18 décembre 2019.

Au cours de la mission, les consultants sont chargés d'examiner le périmètre de la nouvelle direction du ministère de la culture, sa gouvernance, son budget prévisionnel et les personnels à mobiliser.

Ils rédigent même un projet d'arrêté . Transmis par EY le 3 mars 2020, il deviendra, après modifications par l'administration, l'arrêté du 31 décembre 2020 relatif aux missions et à l'organisation de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle.

La lecture des courriels entre la DITP et EY confirme le rôle central des consultants, qui deviennent les interlocuteurs privilégiés du préfigurateur .

Le 17 janvier 2020, une consultante d'EY informe la DITP que le préfigurateur organise une réunion avec la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) : il « souhaite être accompagné d'une seule personne et m'a demandé de l'accompagner » .

En marge de cette réunion du 21 janvier 2020, dont l'objectif est d'aborder la place de la politique du livre dans la nouvelle direction, la consultante participe à un échange informel avec un haut fonctionnaire du ministère, dont elle fait état à ses collègues : « il nous a dit lui-même que les bibliothèques c'est “l'accessoire qui a suivi le principal à la DGMIC” (l'économie du livre). En gros, il fallait bien mettre les bibliothèques quelque part, et c'est pour ça qu'elles sont là » (dans l'organisation administrative du ministère).

Pour assurer la cohésion de l'équipe de préfiguration, un jeu de rôle est organisé le 14 janvier 2020 : chaque membre de l'équipe doit s'identifier à l'un des personnages d'un bateau pirate. Cette même consultante d'EY se présente alors comme « le bonhomme en proue » : « il assure qu'on ne change pas de cap » 258 ( * ) . Cette image illustre pleinement le rôle central qu'elle joue tout au long du projet.

Si le préfigurateur est très actif pendant les travaux, les consultants peuvent se montrer relativement directifs . Le 20 janvier 2020, le préfigurateur reçoit le courriel suivant d'EY : « les syndicats demandent un [rendez-vous] au ministre. C'est une très bonne chose. Ce serait utile que tu y assistes avec la DGMIC . Toutefois, cela se prépare en amont et on pourrait utiliser cette échéance ministre pour accélérer les travaux sur ce chantier en sollicitant de la documentation côté DGMIC avant l'atelier prévu jeudi ».

Sur le plan organisationnel, l'un des consultants d'EY assiste à au moins une réunion en présence du ministre de la culture . Le 4 février 2020, il écrit ainsi à ses collègues et à la DITP : « la réunion avec F. Riester s'est bien passée, même si les arbitrages ne sont pas, encore, formellement rendus. À votre disposition pour débriefer de vive voix sur le contenu des échanges ».

L'accord-cadre de la DITP explicite le rôle des cabinets de conseil : leur intervention couvre « la phase de contribution à la prise de décision stratégique , permettant de définir le niveau d'ambition et le niveau d'effort requis pour sa réalisation » 259 ( * ) .

Les consultants doivent ainsi « contribuer » à la prise de décision, ce qui dépasse le simple appui technique.

Aux termes de l'accord-cadre, les cabinets de conseil sont susceptibles d'être associés aux quatre principales phases d'un projet :

- « analyse des enjeux (analyses ex ante ou ex post ) » ;

- « élaboration de scénarios » ;

- « préparation à la prise de décision » ;

- « préparation de l'exécution ».

Au quotidien, les cabinets de conseil établissent des documents stratégiques à destination des responsables publics . Parmi leurs livrables, l'accord-cadre de la DITP mentionne notamment : le « dossier de décision (cabinet ministériel, direction, préfet...) », la « définition de la vision cible », la « feuille de route stratégique », la « modélisation pour aide à la décision » ou encore les « tableaux de bord de pilotage de la performance ».

Dans leurs réponses à l'accord-cadre, les cabinets de conseil assument leur proximité avec la décision publique . Il en ressort d'ailleurs un certain contraste avec les propos tenus lors des auditions de la commission d'enquête.

La proximité des cabinets de conseil avec la prise de décision : extraits des offres pour l'accord-cadre de la DITP (fin 2017) 260 ( * )

- BCG et EY

L'accompagnement des cabinets de conseil doit « pallier la solitude des dirigeants, exacerbée dans le schéma institutionnel actuel où les cabinets ministériels sont légers et où les directeurs d'administration centrale ont un nouveau rôle à construire » (dans le contexte de la réduction des effectifs des cabinets ministériels à 10 conseillers, prévue par le décret du 18 mai 2017 261 ( * ) ).

« L'intervention de BCG dans la préparation de la loi ferroviaire, par exemple, a reposé sur notre capacité à structurer une discussion interministérielle : nous avons ainsi reconstruit un jeu partagé d'hypothèses financières et de paramètres d'impact . »

« Nous sommes capables de fournir aux décideurs des outils concrets d'aide à la décision, par exemple en :

. les alimentant en amont d'une prise de décision, en particulier sur des sujets où l'organisation a besoin de gagner en maturité ; [...]

. organisant et animant des séminaires stratégiques (y compris dans des formats innovants) ;

. préparant des notes ministres et des dossiers interministériels (grâce à la longue expérience cumulée de nos équipes en administration ou en cabinet ) ; [...]

. préparant des plans et supports de communication ;

. vérifiant l'acceptabilité politique des réformes via des enquêtes et des focus groups . »

- Roland Berger et Wavestone

« Les études stratégiques et évaluations de politiques publiques s'adressent principalement aux décideurs clés de la fonction publique : ministres et leurs cabinets, secrétaires généraux des ministères, directeurs d'administrations centrales ( etc ...), dans la perspective d'une prise de décision stratégique de haut niveau . »

« Nous savons alerter les décideurs de haut niveau lorsque nos analyses démontrent les limites d'un projet ou d'une politique . Lorsque nous établissons des recommandations à l'occasion d'évaluation de politiques publiques ou de projets stratégiques, nous prenons un grand soin à l'opérationnalité de celles-ci. Nous sommes habitués à interagir avec des décideurs de haut niveau pour exposer synthétiquement mais de manière argumentée nos convictions - y compris lorsque nos recommandations vont à l'encontre de projets préalablement établis. »

« Nous savons restituer ces analyses clairement sous forme de notes administratives , notes à destination des ministères, notes de synthèse, rapport d'inspection générale. »

Les cabinets de conseil sont missionnés pour proposer plusieurs scénarios et préciser, de manière factuelle, les avantages et les inconvénients de chacun d'entre eux .

Ce travail se traduit souvent par des « camemberts » , qui permettent de résumer l'analyse des cabinets de conseil : plus le camembert est rempli, plus la solution apparaît pertinente aux yeux des consultants.

L'analyse des différents scénarios : un exemple concret (création d'une nouvelle délégation au ministère de la culture, EY-DITP)

Source : document transmis par la DITP, voir supra pour plus de précisions sur cette mission

Comme l'a indiqué M. Matthieu Courtecuisse, président de l'organisation professionnelle Syntec Conseil, les consultants ont « un devoir de conseil, mais aussi un devoir de réserve » : « dans nos livrables, lorsque nous proposons de faire évoluer une organisation, nous soumettons plusieurs scénarios . Le choix du scénario relève du donneur d'ordre public. Nous ne sommes pas responsables de la décision qui est prise. » 262 ( * )

Les cabinets de conseil ont toutefois pour habitude de « prioriser » les scénarios proposés - avec l'accord, voire sur demande, de l'administration -, ce qui renforce leurs poids dans la décision publique .

Roland Berger et Wavestone l'expliquent clairement dans leur offre à l'accord-cadre de la DITP (fin de l'année 2017) : « sur la base de la modélisation des impacts espérés et des moyens à mettre en oeuvre », il leur revient de prioriser les « scénarios selon un prisme attractivité / accessibilité » . Ce travail se matérialise par l'élaboration d'une « matrice de priorisation » et la segmentation « scénarios et recommandations associées ».

Dans l'exemple du « bonus-malus » des cotisations de l'assurance chômage en 2019 , McKinsey est missionné pour définir, avec l'appui de la DITP, « un dossier d'arbitrage ».

Ce travail doit permettre de répondre à la question suivante : « quel serait le scénario cible » pour la répartition des tâches entre Pôle emploi, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la mutualité sociale agricole (MSA) ?

Si McKinsey présente 4 scénarios dans le livrable du 8 juillet 2019, sa conclusion est sans appel : « le choix de l'ACOSS / [MSA] en tant qu'opérateurs principaux avec support de Pôle emploi [...] semble être la meilleure solution » 263 ( * ) . Les autres solutions ne correspondent pas au « choix recommandé ».

Autre exemple, en lien avec la crise sanitaire : en octobre 2020, un consultant rédige une note de synthèse sur les gants médicaux , intitulée « demande d'arbitrage sur la constitution effective d'un stock national » 264 ( * ) .

Si la note soumet effectivement trois scénarios à l'arbitrage, elle conclut que les deux derniers présentent des inconvénients majeurs.

Le scénario à privilégier pour les stocks de gants
(note d'un consultant d'octobre 2020)

La note envisage 3 scénarios , qui peuvent être ainsi résumés :

1° L'arrêt de distribution de gants à partir du stock national, pour permettre la reconstitution de ce dernier ;

2° La poursuite d'une distribution du stock national aux établissements sanitaires et médico-sociaux ;

3° Le scénario 2, en ajoutant une distribution vers les pharmacies réalisant des tests covid-19.

La conclusion de la note est la suivante :

Les scénarios 2 et 3 « ne permettent pas d'envisager une reconstitution du stock stratégique [de gants] avant 2021 . [Ils] font perdurer un système où les acteurs bénéficient d'une distribution de sécurité de l'État sans que celle-ci soit de nature à les inciter à arrêter de s'approvisionner par eux-mêmes .

Votre arbitrage est sollicité sur le choix de l'option à privilégier . »

La marge de manoeuvre des responsables publics ne peut qu'être réduite face à cette pratique de « priorisation » des cabinets de conseil .


* 235 Audition de M. Frédéric Pierru du 2 décembre 2020.

* 236 Intervention de M. Éric Labaye, président de l'École polytechnique, lors de la table ronde des écoles du service public du 9 février 2022.

* 237 Intervention de M. Éric Fourel, président d'EY, lors de la table ronde des cabinets de conseil du 16 février 2022.

* 238 Lancé en octobre 2017, le programme Action Publique 2022 se fixait pour objectif de « réinventer » le service public « pour mieux servir ». Il s'est traduit par un rapport rendu en juin 2018 et comportant 22 propositions d'ordre général (« Refonder l'administration autour de la confiance et de la responsabilisation », « Bâtir un nouveau contrat social entre l'administration et ses collaborateurs », « Se loger mieux à moindre coût », etc .).

* 239 Table ronde des représentants des entreprises publiques du 16 février 2022.

* 240 Source : contribution écrite transmise à la commission d'enquête.

* 241 Audition des représentants de McKinsey du 18 janvier 2022.

* 242 Source : « Des mesures qui vous changent la vie. Les résultats de l'action publique », dossier de presse de mai 2021.

* 243 Sources : documents transmis par la DITP.

* 244 Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la fonction et de la transformation publiques, du 19 janvier 2022.

* 245 Audition de Mme Claire Landais du 5 janvier 2022.

* 246 « La circonstance qu'un prestataire privé a participé, sous la direction et le contrôle du Premier ministre, à la rédaction de son exposé des motifs et de son étude d'impact ne méconnaît pas l'article 39 de la Constitution ni aucune autre règle constitutionnelle ou organique » (Conseil constitutionnel, 20 décembre 2019, Loi d'orientation des mobilités , décision n° 2019-794).

* 247 Sources : audition de M. Marc Papinutti, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer et documents transmis par la DGITM.

* 248 Conseil d'État, 15 novembre 2018, Avis sur le projet d'orientation des mobilités , n° 395539.

* 249 Source : site Internet du ministère des solidarités et de la santé.

* 250 Audition de M. Olivier Véran du 2 février 2022.

* 251 Arrêté du 1 er février 2018 relatif au suivi et à l'évaluation de la stratégie nationale de santé 2018-2022.

* 252 Source : contribution écrite du ministère des solidarités et de la santé.

* 253 Sources : contributions écrites du ministère des solidarités et de la santé et de McKinsey.

* 254 Rapport d'information n° 785 (2020-2021) fait par le sénateur François-Noël Buffet, président de la commission des lois, sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021.

* 255 Source : contribution écrite du ministère de l'intérieur.

* 256 Voir le I.A de la première partie du rapport pour plus de précisions sur le travail des consultants en équipe intégrée.

* 257 Source : évaluation transmise par la DITP.

* 258 Jeu de rôle organisé lors du séminaire du 14 janvier 2020.

* 259 Source : cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de l'accord-cadre de la DITP.

* 260 Source : documents transmis par la DITP.

* 261 Décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels.

* 262 Audition de M. Matthieu Courtecuisse du 5 janvier 2022.

* 263 Source : livrable transmis par la DITP.

* 264 Source : document transmis par le ministère des solidarités et de la santé.

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