CONCLUSION
Il est encore temps de remettre sur rail la SNCF et le système ferroviaire français. Les rapporteurs spéciaux en sont convaincus, les difficultés financières de la SNCF et le déséquilibre du modèle économique ferroviaire en France ne sont pas une fatalité. Toutefois, la SNCF et le secteur ferroviaire français se trouvent à la croisée des chemins. Il est temps d'apporter des réponses aux défis qui se dressent devant eux avec pour perspective un développement considérable de l'offre et de la demande ferroviaire pour répondre aux enjeux climatiques ambitieux et renouvelés par le green deal européen. Pour cela il faudrait mettre en place les mesures structurantes proposées par les rapporteurs.
Ils tiennent d'abord à souligner que, aussi importants soient-ils, les objectifs de retour à l'équilibre financier de la SNCF ne doivent pas être considérés comme l'alpha et l'oméga de la bonne santé du secteur ferroviaire national. Une SNCF financièrement équilibrée mais opérant sur un réseau vétuste et déclassé ne serait pas satisfaisant. Le premier des défis à relever est celui du renouvellement et de la modernisation de nos infrastructures vieillissantes. Sans un engagement financier beaucoup plus massif de l'État, le réseau français va irrémédiablement décrocher de ses homologues européens. Car les rapporteurs ne peuvent se résoudre à un tel scénario, ils recommandent donc de porter à 3,8 milliards d'euros annuels pendant dix ans l'effort de régénération du réseau et de financer un déploiement accéléré des programmes de modernisation du réseau.
De façon plus générale, il leur paraît impératif que l'État conçoive et applique enfin une véritable stratégie ferroviaire ambitieuse, se réengage financièrement, tienne ses promesses et donne de la visibilité au secteur. Cette exigence impose notamment que soit révisé le projet de contrat de performance de SNCF Réseau pour qu'il traduise une vraie vision à dix ans et des engagements pluriannuels réels et fiables de la part de l'État.
La SNCF doit faire sa part du chemin. Elle doit combler son déficit de compétitivité pour rééquilibrer sa situation financière. Pour se faire, elle devra amplifier sa trajectoire de réduction d'effectifs pour la porter à environ 2 % par an. La SNCF doit conduire une véritable révolution culturelle. Les gains d'efficience qu'elle doit réaliser passeront aussi par une optimisation de l'organisation du temps de travail, un développement de la polyvalence de ses personnels ou encore une promotion de l'externalisation.
Les gains de productivité les plus essentiels à la performance du secteur ferroviaire doivent être réalisés par SNCF Réseau qui doit enfin réaliser de vrais gains de productivité industriels. Ses modes de fonctionnement doivent être revus pour s'acculturer à la notion de performance et au pilotage par les résultats. Le suivi de l'exécution de ses objectifs de performance doit être plus rigoureux, plus fiable et plus systématique. Il est symptomatique que SNCF Réseau ne dispose toujours pas à ce jour de comptabilité analytique. Il est urgent qu'il remédie à cette lacune.
Les rapporteurs spéciaux sont convaincus que l'ouverture à la concurrence est une chance pour le secteur ferroviaire français et qu'elle constituera un aiguillon utile pour stimuler les gains de performance de la SNCF. Elle doit générer un cercle financier vertueux qui rendra le système ferroviaire économiquement plus viable. Pour la concrétiser, les rapporteurs spéciaux considèrent que SNCF Réseau doit être rendu réellement indépendant de l'opérateur de transport historique (SNCF Voyageurs) en le sortant du groupe SNCF, comme cela s'est fait dans le secteur de l'électricité.
Plus globalement, les rapporteurs spéciaux ont acquis la conviction que la logique même du modèle de financement du secteur en France n'est plus adaptée aux enjeux de développement de la mobilité ferroviaire en lien avec nos engagements climatiques. Un modèle qui fait dépendre la situation et les perspectives financières de SNCF Réseau ainsi que le renouvellement des infrastructures des bénéfices de SNCF Voyageurs et du TGV n'est ni sain, ni viable et les conséquences structurelles de la crise sur la rentabilité de la grande vitesse pourraient affecter cet équilibre bancal. En outre, ce modèle repose sur un coût disproportionné des péages par rapport à nos voisins, un frein majeur au développement du ferroviaire. Un maintien du statu quo conduirait à rationner l'offre et la demande ferroviaire, en contradiction évidente avec nos engagements environnementaux.
Aussi, constatant son caractère insoutenable, les rapporteurs spéciaux recommandent-ils la remise à plat de ce modèle. Ils proposent de s'inspirer des systèmes en vigueur chez nos voisins pour faire évoluer les équilibres financiers entre l'État, les régions et la SNCF dans la perspective de diminuer les péages et le prix des billets afin de rendre possible un essor décisif du secteur ferroviaire. De son côté, la SNCF doit affirmer avec plus de volontarisme une politique tarifaire fondée sur la transparence et l'accessibilité.
Les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi que la réforme du mode de financement du secteur, un engagement stratégique renouvelé de l'État en faveur des investissements dans la régénération et la modernisation du réseau, des gains de productivité significatifs et une réorientation tarifaire plus affirmée de la SNCF doivent se conjuguer pour contribuer à l'émergence d'un modèle économique viable et propice au développement massif de la mobilité ferroviaire.