E. L'ÉTAT DOIT ASSUMER SES RESPONSABILITÉS : LE FINANCEMENT DE LA DESSERTE DES TERRITOIRES NE DOIT PAS PESER SUR LA SNCF
1. Petites lignes : des investissements insuffisants et un État désengagé
Les « petites lignes » ont longtemps été sacrifiées et les plus grandes victimes de la vétusté du réseau et du sous-investissement historique dans son renouvellement. Ces lignes de dessertes fines du territoire relèvent d'une mission de service public qui doit être assumée financièrement par l'État et les régions 116 ( * ) .
Le contrat de performance de SNCF Réseau avait prévu de limiter à 8,5 % la participation du gestionnaire d'infrastructure à la régénération des petites lignes et le rapport Spinetta de 2018 avait même préconisé de les placer entièrement sous la responsabilité des régions. Si le Gouvernement n'a pas repris à son compte cette proposition, force est de constater le désengagement progressif de l'État dans le financement de ces lignes, un désengagement qui avait notamment été matérialisé par le contrat de performance signé en 2017 avec SNCF Réseau. Ainsi, sur la période 2015-2020, plus des deux-tiers des investissements réalisés dans les lignes de dessertes fines du territoire étaient assumés par les régions , l'État en prenant à sa charge environ un quart 117 ( * ) . Dans sa note précitée de novembre 2021 sur le réseau ferroviaire 118 ( * ) , la Cour des comptes constate que l'engagement financier renforcé des régions a de fait « permis de compenser le désengagement progressif de SNCF Réseau dans les investissements de renouvellement pour les lignes les moins fréquentées, de niveau UIC 7 à 9 » .
Dans la gouvernance des petites lignes qui se structure autour d'une relation à trois trop souvent conflictuelle, entre l'État, les régions et SNCF Réseau, le premier ne doit pas s'en tenir à un rôle effacé tendant à consacrer son désengagement. Au nom de la cohésion nationale entre les territoires, l'État doit affirmer davantage sa place dans cette gouvernance tout en l'appuyant sur des moyens financiers renforcés.
Suite notamment aux recommandations du rapport Philizot 119 ( * ) de février 2020, la gouvernance des petites lignes doit évoluer à travers une répartition selon trois catégories .
Une première catégorie 120 ( * ) correspond aux lignes qui ont vocation à être reclassées au sein du réseau structurant. Le financement de leur renouvellement devra ainsi être assuré par SNCF Réseau au moyen de l'enveloppe de régénération.
Cette évolution se traduira ainsi par une augmentation, dès 2024 du périmètre de réseau à régénérer au moyen d'une enveloppe de régénération déjà insuffisante et que l'État ne prévoit pas de majorer à ce stade. Cette évolution participera ainsi à affaiblir un peu plus encore les capacités du gestionnaire d'infrastructure à régénérer le réseau structurant.
Une deuxième catégorie correspond aux petites lignes qui auront vocation à faire l'objet d'un cofinancent déséquilibré entre l'État et les régions, principalement à travers l'outil des contrats de plans État-régions (CPER).
Une troisième catégorie de voies aurait vocation à être intégralement prise en charge par les régions, en vertu des dispositions de l'article 172 de la loi d'orientation des mobilités (LOM).
L'État, les régions et la SNCF ont engagé un plan de remise à niveau des petites lignes qui doit notamment se décliner au moyen de plans d'actions et protocoles régionaux aussi baptisés « contrats petites lignes ». Répondant à l'une des recommandations du rapport Philizot, ces protocoles sont en voie de généralisation . Ils constituent une vraie avancée en termes de gouvernance en ce sens qu'ils participent à clarifier les conditions de financement et la position de SNCF Réseau qui auparavant était souvent délicate entre l'État et les régions. Néanmoins les CPER demeurent le cadre réellement structurant et engageant de ces investissements.
Le rapport Philizot a mis en exergue l'ancienneté du réseau des dessertes fines des territoires, de 40 ans en moyenne. Il dresse le constat que près de 40 % de ce réseau de proximité est menacé faute de régénération. Sur la base des évaluations de SNCF Réseau, il estime nécessaires des investissements de l'ordre de 7,6 milliards d'euros d'ici 2028 , dont 6,4 milliards d'euros restaient alors à engager . La trajectoire d'investissements actuelle est insuffisante .
Il faudrait consacrer plus de 700 millions d'euros par an aux petites lignes pour espérer tenir l'objectif du rapport Philizot.
Évolution des montants investis dans les petites lignes (2015-2021)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux
Certes les montants investis ont augmenté , d'une moyenne de 225 millions d'euros par an entre 2015 et 2018 à des montants supérieurs à 400 millions d'euros à partir de 2020. Ils restent toutefois loin du compte . D'après SNCF Réseau, cette insuffisance d'investissements se traduira nécessairement par un allongement du programme au-delà de 2028, voire au-delà même de 2030.
Au rythme d'investissements prévu actuellement par le projet de contrat de performance de SNCF Réseau, et alors même que les financements annoncés restent déclaratifs, il manquerait, à horizon 2028, environ 1,7 milliard d'euros par rapport à la trajectoire recommandée par le rapport Philizot.
Trajectoire d'investissements dans les petites lignes retenue par le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 121 ( * )
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030
Dans le cadre du plan de relance, l'État a prévu 250 millions d'euros destinés à financer la participation de SNCF Réseau au renouvellement des petites lignes. Cette somme doit être complétée par 70 millions d'euros de produits de cessions à venir du groupe SNCF. D'après SNCF Réseau, ces financements permettraient de couvrir les investissements en fonds propres qu'elle avait programmés sur les petites lignes jusqu'en 2024. Au-delà de 2024, aucun système de financement des investissements de SNCF Réseau dans les petites lignes n'est prévu à ce jour. Les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'une fois de plus regretter l'absence de visibilité dont souffre le gestionnaire d'infrastructure du fait du manque d'anticipation stratégique de l'État .
Toujours dans le cadre du plan de relance, 300 millions d'euros de crédits d'intervention du ministère des transports visent à financer la participation de l'État à des opérations de renouvellement de court terme.
Sur la période du quinquennat, le Gouvernement s'est engagé sur un programme de rénovation de 1 500 kilomètres de voies de lignes de dessertes fines du territoire. En novembre 2021, 73 % de l'objectif avait été atteint, soit 1 100 kilomètres, sur plus de 80 % de la période considérée. La DGITM considère que l'objectif de 1 500 kilomètres de voies rénovés en 2022 sera bien atteint grâce à une accélération forte du rythme du linéaire régénéré en 2022. Ce rythme doit plus que doubler entre 2017 (164 kilomètres) et 2022 (373 kilomètres). Les rapporteurs spéciaux se monteront vigilants quant à l'atteinte effective de cet objectif.
Parallèlement, SNCF Réseau doit améliorer sa performance en termes d'entretien, de maintenance et de régénération des petites lignes. Les programmes qu'il a initiés ces dernières années doivent être évalués et consolidés. Ils se sont traduits, à la demande de l'État, par le développement d'une nouvelle approche méthodologique initiée à compter de 2019 122 ( * ) . Elle a donné lieu à la production d' un guide méthodologique visant à optimiser les travaux de régénération .
La concrétisation des dispositions du guide méthodologique en gains de productivité effectifs reste cependant à démontrer du fait de la maturité hétérogène des solutions techniques qu'il prévoit. SNCF Réseau devra décliner de façon plus précise ce document et assurer une parfaite transparence des gains de productivité qu'il aura pu générer. Par ailleurs, des solutions innovantes restent à développer pour optimiser la surveillance du réseau des lignes de dessertes fines du territoire. En outre, d'après un rapport de 2019 123 ( * ) , un meilleur dimensionnement des référentiels de voies aux besoins des petites lignes serait susceptible de générer des gains de maintenance de 60 000 euros à 70 000 euros par kilomètre .
De façon générale, le pilotage des investissements réalisés dans les petites lignes doit être mieux assuré tandis que les coûts et les délais doivent être davantage maîtrisés . Au-delà même de ces questions, SNCF Réseau doit se montrer beaucoup plus transparent , notamment à l'égard des régions. À ce titre, les rapporteurs spéciaux soutiennent la recommandation formulée dans le rapport Philizot visant à ce que SNCF Réseau mette enfin en place les outils internes qui lui sont nécessaires pour présenter avec clarté et fiabilité la structure des coûts d'entretien et de gestion des petites lignes 124 ( * ) . La recommandation qu'ils formulent visant à ce que SNCF Réseau se dote enfin d'une comptabilité analytique , doit permettre de présenter ces coûts de façon plus transparente.
Les rapporteurs spéciaux regrettent qu'à ce stade, le projet de contrat de performance 2021-2030 de SNCF Réseau ne prévoit pas d'indicateur engageant s'agissant du coût de la régénération des petites lignes. Ils estiment qu' un tel indicateur doit nécessairement être ajouté au contrat et faire l'objet d'un suivi rigoureux.
Alors que la gestion de l'infrastructure de ces lignes est aujourd'hui déficitaire pour SNCF Réseau, leur transfert aux régions , permis par l'article 172 de la LOM et renforcé par le projet de loi dit « 3DS », pourrait être une opportunité d'en optimiser le coût 125 ( * ) . Après le transfert aux régions de l'infrastructure de ces lignes ainsi que de leurs gares, celles-ci pourraient en déléguer la gestion , l'entretien et la maintenance à un opérateur autre que SNCF Réseau . Outre les gains de productivité directs qui pourraient en résulter, cette situation constituera aussi un aiguillon pour SNCF Réseau en le mettant sous pression et en l'incitant à concrétiser des gains d'efficience réels dans la gestion des petites lignes. Dans le cadre de ces transferts, SNCF Réseau sera amené à verser une soulte , sous la forme d'une compensation financière versée sur une durée de vingt ans .
2. Le financement des trains d'équilibre du territoire de jour et de nuit : il est urgent que l'État passe des paroles aux actes
a) Le financement et le développement des lignes de TET dans l'attente de la concurrence, de la nouvelle convention avec SNCF Voyageurs et d'une stratégie claire de l'État
L'un des piliers de la politique d'aménagement ferroviaire du territoire , les lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) dites « intercités » ont, depuis 2011, l'État pour autorité organisatrice 126 ( * ) . Le détail des financements que l'État consacre aux services intercités est décrit en annexe 27. Son statut d'autorité organisatrice impose à l'État de financer le déficit d'exploitation des lignes ainsi que leur matériel roulant . La convention d'exploitation des « trains d'équilibre du territoire » 2016-2020 , signée le 27 février 2017, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 par un avenant signé le 30 août 2021. Cette convention devrait se solder par un déficit de 11,4 millions d'euros (18,9 millions d'euros à la fin de l'année 2020) pour SNCF Voyageurs .
Exécution de la convention TET 2016-2020
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux
Une nouvelle convention, destinée à s'appliquer à compter de 2022, est toujours en phase de négociation. Les rapporteurs spéciaux regrettent les retards accumulés dans sa finalisation .
Depuis 2019, et suite au transfert de lignes à six régions 127 ( * ) , la compensation d'exploitation annuelle versée par l'État à SNCF Voyageurs s'établit en moyenne à 230 millions d'euros pour les dessertes dont il reste l'autorité organisatrice. En tant qu'autorité organisatrice, l'État finance également le renouvellement du matériel roulant des TET. Plusieurs conventions, pour environ 3 milliards d'euros ont été signées à ce titre depuis 2013 (voir annexe 27).
Dans le cadre et selon les modalités spécifiques à chacun des accords, l'État contribue à soutenir financièrement le renouvellement du matériel roulant et prend en charge une partie du déficit d'exploitation (62 millions programmés en 2022) des lignes de TET transférées aux régions .
Les lignes de TET peuvent désormais être ouvertes à la concurrence . En 2020, l'État a lancé des appels d'offres sur les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon .
Les nouveaux entrants qui avaient manifesté leur intérêt ont retiré leurs offres dans la mesure où, selon eux, les appels d'offres ne répondaient pas à toutes les conditions d'une concurrence équitable , notamment en ce qui concerne l'accès à des ateliers de maintenance du matériel roulant.
Aussi, en décembre 2020, alors que seule SNCF Voyageurs restait en course, l'État a-t-il finalement décidé de classer sans suite l'appel d'offres .
Pour les rapporteurs spéciaux il est absolument impératif que les prochains appels d'offres réunissent toutes les conditions nécessaires à une concurrence équitable , tout particulièrement s'agissant de l'accès des nouveaux entrants aux ateliers de maintenance du matériel roulant. L'ouverture à la concurrence des autres lignes de TET devra ensuite être mise en oeuvre de manière progressive.
La finalisation de la nouvelle convention d'exploitation entre l'État et SNCF Voyageurs est sans cesse décalée dans le temps . Après avoir été annoncée pour 2020, puis 2021, elle n'est toujours signée alors qu'elle doit prendre effet au 1er janvier 2022. Une fois encore l'État n'est pas au rendez-vous de l'anticipation stratégique et place la SNCF dans une situation inconfortable, sans visibilité , en l'occurrence, même sur le très court terme puisque la future convention aura un effet rétroactif.
La nouvelle convention devra nécessairement prendre en compte les perspectives d'ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation du groupe SNCF et la création de la société anonyme SNCF Voyageurs mais aussi et surtout les premières perspectives de développement de l'offre de TET de jour comme de nuit. Sur ce dernier point malheureusement, l'État n'a toujours pas établi de vraie stratégie de long terme et ses déclarations d'intention ne semblent pas prêtes d'être concrétisées .
La nouvelle convention devra donc prévoir l'évolution du périmètre des lignes actuellement opérée par SNCF Voyageurs et assurer le bon déroulement des appels d'offres. Outre la trajectoire pluriannuelle des contributions d'exploitation, cette nouvelle convention devra mettre en place un système de bonus - malus réellement incitatif dans le but à la fois d'accroître la qualité de service et de réaliser d'importants gains de productivité 128 ( * ) . Il conviendra également de clairement distinguer les dimensions exploitation et investissement en intégrant un véritable programme industriel.
En application d'une disposition de la LOM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a réalisé , en décembre 2020, une « étude du développement de nouvelles lignes de TET » . En ce qui concerne les TET de jour , au sein desquels il convient de distinguer les lignes structurantes qui peuvent envisager de tendre vers l'équilibre financier et les lignes d'aménagement du territoire essentielles à la connectivité des territoires, la DGITM propose un ajustement et de potentielles extensions du réseau existant 129 ( * ) . Le rapport met en exergue les enjeux exacerbés relatifs à l'apport, au financement et au renouvellement du matériel roulant dont les modalités doivent être repensées dans un contexte d'ouverture à la concurrence . Si le ministère des transports affiche une ambition de développement des lignes de TET dans une perspective de densification de l'aménagement ferroviaire du territoire, le ministère de l'économie , des finances et de la relance, affiche plus que de la circonspection quant à ces projets craignent les déficits d'exploitation structurels que pourraient générer de nouvelles lignes et les investissements nécessaires qui pourraient se chiffrer à plusieurs milliards d'euros .
La stratégie de long terme de l'État s'agissant du développement des lignes de TET et de leur financement doit absolument être clarifiée. La politique d'aménagement ferroviaire du territoire tout comme la SNCF et les autres opérateurs ferroviaires ont désespérément besoin de visibilité.
b) L'État doit clarifier et concrétiser le modèle de financement du développement annoncé des trains de nuit
L'État avait laissé dépérir les lignes de trains de nuit au point qu'il n'en subsistait plus que deux, les lignes Paris - Briançon et Paris - Cerbère 130 ( * ) . Un programme de rénovation de 71 voitures de ces deux lignes est actuellement financé par l'État pour un montant de 44,3 millions d'euros 131 ( * ) . Aujourd'hui, des modèles européens , notamment en Autriche, tendent à démontrer qu'à certaines conditions, l'exploitation de trains de nuit peut atteindre des résultats économiques raisonnables 132 ( * ) .
Dans le prolongement de ce mouvement de rebond de l'activité en Europe, le Gouvernement a pris des engagements pour infléchir la trajectoire de disparition annoncée du réseau national. À court terme , il a décidé de rouvrir deux lignes : Paris-Nice 133 ( * ) , inaugurée en mai 2021 et Paris-Tarbes en décembre de la même année. D'ici 2030, le Gouvernement a pris l'engagement de rouvrir une dizaine de lignes 134 ( * ) .
L'atteinte de l'équilibre économique est illusoire pour les trains de nuit domestiques qui doivent nécessairement faire l'objet de subventions publiques . Aucun opérateur privé n'opérera des lignes domestiques de trains de nuit sur son risque propre. Aujourd'hui, et en attendant que l'ouverture à la concurrence soit effective, ces contributions doivent être prévues par la convention d'exploitation des TET entre l'État et SNCF Voyageurs. Aussi, la nouvelle convention d'exploitation , qui se fait toujours désespérément attendre, devra-t-elle intégrer l'ensemble des financements nécessaires aux nouvelles lignes de trains de nuit, qu'il s'agisse de leur matériel roulant ou de la compensation de leur déficit d'exploitation 135 ( * ) .
L'avenir des trains de nuit dépasse nos frontières et il se joue largement à l'échelle européenne. Les longs trajets desservant les grandes métropoles européennes constituent des perspectives prometteuses pour le développement des lignes ferroviaires nocturnes. Ainsi, un partenariat a-t-il été signé le 8 décembre 2020 entre la SNCF, les ÖBB, la Deutsche Bahn (DB) et les chemins de fer fédéraux suisses (CFF) pour lancer de nouvelles lignes européennes. Ce partenariat s'est traduit par la création de la ligne Paris-Vienne en décembre 2021 136 ( * ) . Cependant, l'État français ne prévoirait pas , à ce stade, dans le cadre de la future convention d'exploitation des TET, de financement dédié au nouveau train de nuit Paris-Vienne quand bien même l'État autrichien finance quant à lui le parcours autrichien de la ligne ainsi que les investissements dans le matériel roulant. Aujourd'hui, la ligne Paris-Vienne ne bénéficie d'aucun financement public en France . De ce fait, l'équilibre économique de cette desserte est loin d'être assuré à ce stade et, à défaut d'un engagement de l'État au-delà d'une simple cérémonie d'inauguration, la ligne ne pourra être pérennisée dans la durée .
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le développement des trains de nuit se réalise dans de bonnes conditions, au premier rang desquelles la qualité de service qui implique notamment des investissements très importants dans le renouvellement du matériel roulant. Aussi, l'investissement dans un matériel roulant de qualité constitue-t-il aujourd'hui le principal enjeu de la relance des trains de nuit en France. À ce jour, la quasi intégralité du parc existant est en phase de rénovation ou sur le point de l'être.
Actuellement, le renouvellement du matériel roulant consiste à réhabiliter des rames de type « Corail couchettes » datant des années 1970 et qui étaient destinées à être radiées.
Dans le cadre du plan de relance 137 ( * ) , l'État a prévu de consacrer 100 millions d'euros de crédits budgétaires à la rénovation du matériel roulant et aux installations de maintenance des trains de nuit 138 ( * ) .
Répartition de l'utilisation des 100 millions d'euros du plan de relance dédiés aux trains de nuit
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs spéciaux
Des financements conséquents sont nécessaires pour acquérir du matériel roulant neuf avec Siemens comme unique fournisseur. Alors que l'activité se développe dans plusieurs pays européens, le matériel roulant nécessaire au train de nuit se fait particulièrement rare . Aucune offre de location n'est disponible à court-terme. D'après la DGITM, des rames neuves de qualité ne seraient pas disponibles avant cinq ans . En décembre 2021, le Gouvernement , par la voie de son ministre des transports, s'est engagé à investir 800 millions d'euros dans le matériel roulant des trains de nuit ainsi que, à terme, la possibilité de recourir à des sociétés de location.
L'étude précitée réalisée en décembre 2020 par la DGITM au sujet du développement de nouvelles lignes de TET dresse aussi des perspectives quant au développement du réseau des trains de nuit . Le réseau envisagé par la DGITM se structure autour de 8 lignes intérieures et 7 lignes internationales 139 ( * ) . Elle estime par ailleurs les investissements requis à environ 1,5 milliard d'euros dont 1,2 milliard d'euros pour le seul matériel roulant 140 ( * ) , le développement de nouveaux dispositifs de maintenance étant estimé à 250 millions d'euros. Tous ces investissements doivent être portés par l'autorité organisatrice des trains de nuit, à savoir l'État.
À la lecture des conclusions de l'étude de la DGITM, il apparaît que les sommes envisagées par le Gouvernement à ce stade ne sont pas à la hauteur de l'enjeu financier considérable représenté par le développement pérenne d'un nouveau réseau de trains de nuit. Alors que les enjeux financiers de ces projets apparaissent comme très significatifs et que les difficultés techniques, notamment en matière de renouvellement du matériel roulant, ne le sont pas moins, les rapporteurs spéciaux restent dans l'expectative et s'interrogent sur la capacité de l'État à mener à bien l'ambition qu'il a annoncée. Ils attendent ainsi du Gouvernement qu'il précise concrètement les modalités de financement du réseau de trains de nuit qu'il s'est engagé à restaurer. Ces modalités de financement ne doivent en aucun cas porter préjudice aux priorités principales du système ferroviaire national, au premier rang desquelles la régénération du réseau.
* 116 Classées entre les catégories 7 et 9 au sens de l'union internationale des chemins de fer (l'UIC), ces lignes sont essentiellement concernées par la circulation des TER et des trains de fret. Elles représentent environ 40 % du réseau national exploité.
* 117 Les 8 % restants étaient financés par SNCF Réseau.
* 118 Le réseau ferroviaire français : des évolutions significatives mais des choix nécessaires à venir, Cour des comptes, novembre 2021.
* 119 Devenir des lignes de desserte fine des territoires, février 2020.
* 120 14 lignes pour environ 1 500 kilomètres de voies.
* 121 À partir de 2024, le projet de contrat de performance prévoit qu'une partie de l'enveloppe de régénération soit consacrée aux petites lignes dans la mesure où quatorze d'entre-elles doivent être transférées au réseau structurant.
* 122 Celle-ci passe notamment par la conception de fiches diagnostic de lignes ou de budgets prévisionnels plus rigoureux.
* 123 « De nouveaux référentiels pour les petites lignes ferroviaires », Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), décembre 2019.
* 124 Sur ce thème, le rapport Philizot appelait notamment SNCF Réseau à « sortir des approximations actuelles ».
* 125 La région Grand Est est la plus avancée sur le sujet à travers le lancement d'un appel d'offre portant à la fois sur la circulation et la gestion de l'infrastructure ferroviaire. Des gestionnaires d'infrastructure privés se sont déjà manifestés pour répondre à l'appel d'offre.
* 126 Ce dernier a ainsi la responsabilité de définir les plans de transport mis en oeuvre par SNCF Voyageurs, aujourd'hui seule entreprise ferroviaire à opérer les lignes intercités.
* 127 Les régions Normandie, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France, Grand-Est et Occitanie.
* 128 La convention 2016-2020 prévoyait la réalisation de 50 millions d'euros de gains de productivité de la part de SNCF Voyageurs.
* 129 En retenant cinq nouveaux corridors pour lesquelles elle a réalisé des estimations prévisionnelles de leur modèles économiques.
* 130 Trois lignes internationales fonctionnaient également : Paris - Venise, Paris - Moscou et Nice - Moscou.
* 131 À parité entre le plan de relance et le programme industriel de la convention d'exploitation des TET pour la période 2016-2020.
* 132 Une demande semble émerger, notamment parmi les jeunes générations sensibles aux questions environnementales. Le Royaume-Uni, la Suisse ou les pays scandinaves développent leur offre tandis que l'Union européenne souhaite revitaliser les trains de nuit transfrontaliers. Souvent cités comme référence en la matière, les chemins de fer fédéraux autrichiens (les ÖBB), ont ainsi prévu d'ajouter sept nouvelles lignes à leur 19 liaisons de nuit actuelles.
* 133 Les débuts de l'exploitation de la nouvelle ligne de Paris-Nice semblent plutôt prometteurs puisque, depuis son ouverture, d'après la DGITM, le taux d'occupation des rames atteint 90 %.
* 134 Le 12 décembre 2021, par la voie de son ministre des transports, il a encore réaffirmé cet engagement. Des appels à projet doivent être lancés en 2022 pour de nouvelles lignes européennes. En janvier 2022, le Premier ministre a annoncé la réouverture de la ligne de nuit Paris - Aurillac d'ici deux ans.
* 135 Ce dernier est estimé à plus de 20 millions d'euros pour les deux nouvelles lignes rouvertes en 2021.
* 136 L'ouverture de deux autres lignes est programmée en décembre 2023 entre Zürich et Barcelone et entre Paris et Berlin.
* 137 Via l'action 07 « Infrastructures et mobilité vertes » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » du budget général de l'État.
* 138 88 millions d'euros de ces crédits doivent être affectés à la réouverture des lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes, le reste étant dédié à la rénovation du matériel roulant des deux dernières lignes qui restaient en fonctionnement.
* 139 Si la DGITM considère que l'exploitation de nouvelles lignes de trains de nuit domestiques pourrait être rentable globalement à condition d'organiser un système de péréquation, elle insiste sur le caractère très fragile de cette hypothèse qui restera à confirmer.
* 140 Les équipements de 600 nouvelles voitures et de 60 locomotives pour respectivement 925 millions d'euros et 275 millions d'euros.